3.3.2.1 Approche théorique : théorie des
réseaux et du capital social
Les réseaux ou la focale sur les acteurs
intermédiaires de la migration est l'une des approches explicatives des
aspirations migratoires et de la migration effective (Touré, 2015).
Cette approche connaît son essor à partir des années 1980
et 1990 à travers les études pionnières de Boyd (1989) et
Massey (1990). Chacun de ces chercheurs a montré que les réseaux
sociaux et/ou communautaires sont des facteurs qui se situent à
mi-chemin entre les structures
56
migratoires et les décisions individuelles des migrants
(Piché, 2013). Il s'agit là de la théorie des
"réseaux et du capital social".
Cette théorie postule que l'individu confronté
à la décision de migrer est considéré comme
relié à une structure sociale constituée par la famille
proche et élargie, par les personnes originaires de la même
région, du même groupe culturel ou plus largement par des amis et
connaissances. Ces réseaux sont à la fois des sources
d'informations et des fournisseurs d'aides et d'appui pour le voyage et
l'installation dans un pays de destination (Piguet, 2016). La migration est
ainsi considérée comme relevant d'actions collectives et
familiales qui relient des migrants et des non-migrants dans un ensemble de
relations qui facilite la migration et réduit les coûts et les
incertitudes liés à l'hostilité des pays de destination
(Drechsler et Gagnon, 2008).
3.3.2.2 Résultats empiriques : Les
réseaux sociaux expliquent les aspirations migratoires
Les réseaux sociaux fonctionnent comme un facilitateur
des migrations secondaires et multiples. Les migrants, qualifiés ou non,
ont tendance à se déplacer vers des pays où les membres de
leur famille et / ou leurs amis sont déjà installés (Van
Liempt ,2011). Ainsi, avoir un parent ou un ami vivant dans une destination
donnée augmente l'attractivité de ce pays pour les migrants
potentiels (Bertoli et Ruyssen, 2016 ; Migali et Scipioni, 2018). A cet effet,
les réseaux jouent un grand rôle dans le transfert de fonds. Ces
fonds sont souvent utilisés soit pour supporter une partie des
coûts de la migration, soit pour signaler la possibilité d'obtenir
de bons salaires à l'étranger (Manchin et Orazbayev, 2016 ;
Migali et Scipioni, 2018). Cet état de choses est en grande partie
explicatif de la définition de nouvelles aspirations migratoires des
migrants.
De plus, outre l'explication des aspirations migratoires par
le contexte dans lequel vivent les migrants dans les pays d'accueil -ou de
première destination- et par l'existence des réseaux familiaux et
communautaires dans la prochaine destination envisagée par les migrants,
il y a lieu de noter que le choix de destination par les migrants est aussi en
partie lié aux politiques migratoires des pays de destination que ces
derniers envisagent. Ainsi, nombre de migrants pensent trouver mieux aux
Etats-Unis et au Canada. Cette opinion se justifie par un nombre important des
immigrants dans ces deux pays de l'Amérique du Nord (Nations Unies,
2017:6). De ce fait la dernière section de ce chapitre se consacre sur
l'historique des
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politiques migratoires des Etats-Unis et du Canada et de leurs
impacts sur la sélectivité des migrants et par conséquent
de leur ouverture, à ce jour, aux migrations secondaires.
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