Il s'agira pour nous dans cette partie de présenter de
façon générale les problèmes rencontrés par
les Etats en général et par le Bénin en particulier du
fait de leurs adhésions multiples aux organisations d'intégration
régionale.
La plupart des Etats africains appartiennent à
plusieurs organisations d'intégration à la fois. Dans les faits,
cela se manifeste par le fait que sur les cinquante- trois (53) pays africains,
vingt-six (26) ont adhéré à deux, vingt (20) à
trois et un à quatre des quatorze (14) organisations
inter-gouvernementales (OIG)18.
En dehors de ces quatorze OIG, la majorité des Etats
africains appartiennent à au moins deux autres regroupements
sous-régionaux moins importants. Ainsi, en moyenne, 95% des membres
d'une communauté économique régionale appartiennent
à une autre communauté. De plus, les Etats ne se contentent plus
d'adhérer aux regroupements situés à l'intérieur de
leur sous-région. Avec la naissance de nouvelles communautés
transversales telles que la CEN-SAD, les Etats sortent du cadre
sous-régional. Le Bénin par exemple est membre, sur ces 14 OIG,
de trois à savoir la CEDEAO, l'UEMOA
18 Ces 14 OIG regroupent les 8 CER reconnues par l'UA et 6
autres communautés économiques sous-régionales qui
constituent les grands sous-ensembles de ces communautés. Il s'agit
notamment de la Communauté économique et monétaire
d'Afrique centrale (CEMAC), dont les six membres font tous partie de la CEEAC;
la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), dont
les trois membres font partie de la CEEAC; la Commission de l'océan
Indien (COI), qui comprend quatre membres du COMESA; l'Union du fleuve Mano
(MRU), composée de trois membres de la CEDEAO; l'Union douanière
d'Afrique australe (SACU), dont les cinq membres appartiennent à la
SADC; l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui
comprend huit membres de la CEDEAO.
Réalisé et soutenu par
MarieBénédicte GABA
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La prolifération des organisations
d'intégration régionale en
Afrique:
complémentarité ou concurrence?
et la CEN-SAD. Cette situation inconcevable en matière
d'intégration rationnelle est pourtant justifiée pour des raisons
d'ordre politique et stratégique.
Cependant, malgré les différents arguments
apportés pour justifier une telle situation, les avantages d'une telle
omniprésence des Etats dans les institutions d'intégration ne se
ressentent pas particulièrement. Surtout au regard des
différentes contraintes tant sur le plan financier, humain
qu'organisationnel qu'elle génère.
1- Au plan financier
Sur le plan financier, les Etats doivent respecter un certain
nombre d'engagements. Il s'agit fondamentalement de leurs cotisations
annuelles. Déjà, la satisfaction de cette exigence n'est pas
toujours aisée pour les Etats membres d'une seule communauté mais
elle devient encore plus difficile lorsque l'Etat contracte des engagements
envers plusieurs communautés. Tenant compte de ces problèmes, le
Rwanda a, par exemple, entrepris une étude sur les options de
l'intégration, leurs coûts et leurs avantages. Fort des
résultats de ladite étude, ce pays a pris la décision
audacieuse de se retirer de la Communauté Economique des Etats d'Afrique
Centrale (CEEAC) et de retirer sa demande d'adhésion à la
Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC). De ce
fait, il a alors exhorté tous les autres Etats qui sont
confrontés à des situations similaires de s'imprégner de
son exemple19.
De plus, il arrive que les Etats soient sollicités
financièrement à l'occasion d'évènement
spécial comme par exemple la tenue d'évènements culturels
et sportifs.
La participation des Chefs d'Etat, membres du gouvernement ou
experts aux différentes réunions suppose également une
incidence financière non négligeable. Pour s'en convaincre, il
suffit de se référer à la première mesure
proposée par le ministre des finances de la République du
Bénin dans le cadre de
19 Discours du ministre rwandais des Affaires
étrangères et de la coopération S.E. Dr Charles Murigande,
à l'occasion de la tenue à Kigali, au Rwanda de la
deuxième Conférence des Ministres de l'intégration en
2007.
53
La prolifération des organisations
d'intégration régionale en Afrique:
complémentarité ou concurrence?
la lutte contre la cherté de la vie. Il a en effet
préconisé la suppression des missions pour tous les ministres
à l'exception de celles revêtant un caractère
extrêmement important ou prises en charge par les
organisateurs20. Dans cette hypothèse, les ministres
voyageraient en classe économique. La multi-appartenance constitue donc
un facteur de dispersion des pauvres ressources des Etats africains.
En outre, le point des contributions du Bénin au titre
de l'année 2006 révèle une forte contribution de celui-ci
dans les organisations d'intégration avec, malgré tout, plus de
huit cent millions d'impayés. Ce bilan montre que le montant de la
contribution au profit de la CEN-SAD, s'élève à
115.657.500 de francs CFA pour l'année 2003-2004. Cette contribution, au
titre de l'année 2006, est de 25.000.000 pour l'Autorité du
Bassin du Niger et de 129.050.006 pour l'UA, pour ne prendre que ces exemples.
Aussi, le montant des impayés est-il de 575.000.000 au Conseil de
l'Entente et 125.750.000 à la CEDEAO.
2- Au plan humain et organisationnel
Sur le plan des ressources humaines, l'on constate comme un
débordement de la part des cadres en charge des questions
d'intégration, au plan national. En effet, ceux-ci sont excessivement
sollicités eu égard non seulement à la diversité et
la multitude des réunions et sommets auxquelles ils doivent
répondre, mais également à la proximité de ces
derniers. Par exemple en 2008, le sommet de la CEN-SAD, tenu à Cotonou
au Bénin a précédé ceux de la CEDEAO, puis celui de
l'Union Africaine, dans l'intervalle d'un mois.
Cette situation pourrait ainsi donc être à
l'origine de l'absentéisme des représentants parfois
constaté lors de ces rencontres.
Par ailleurs ces différentes appartenances posent des
difficultés quant à la mise en oeuvre des politiques, qui se
révèlent souvent conflictuelles.
20 Cf. Achode W ;la problématique d»un
modèle d'intégration pour l'Afrique, Mémoire de fin de
formation du 2ème cycle, Diplomatie et Relations
Internationales, ENAM-Bénin, Cotonou, 2008, p. 41
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La prolifération des organisations
d'intégration régionale en
Afrique:
complémentarité ou concurrence?
A titre illustratif, dans les domaines du commerce et de la
facilitation des échanges, deux CER couvrant une même
région peuvent élaborer des règles d'origine
différentes. De même, les agents de douane d'un pays appartenant
à deux CER et donc à deux unions douanières
différentes, peuvent éprouver des difficultés
considérables quant à l'application des régimes douaniers
établis par ces CER qui s'avèrent contradictoires.
Une étude réalisée par la Commission de
l'Union Africaine sur la base d'un questionnaire adressé aux CER a
montré que 58% des Etats interrogés estiment que la
multi-appartenance entraîne des contraintes budgétaires
énormes pendant que 67% déplorent la duplication des programmes
qui en résulte. 47% évoquent l'inefficacité et la mauvaise
coordination tandis que 11% évoquent d'autres inconvénients
liés à la multi appartenance.
Il est cependant important de faire remarquer que nos
entretiens avec les cadres de la Direction de l'Intégration Africaine et
de la Direction de l'Intégra-tion Régionale nous ont permis de
savoir que ces effets pervers des multiples appartenances sont plus ou moins
atténués au niveau des Etats de la sous-région
ouest-africaine. En effet, il a été mis sur point au niveau de la
CEDEAO et de l'UEMOA, des systèmes de prélèvements
communautaires. Ce qui entraîne une diminution plus ou moins sensible des
charges financières à imputer au budget national. Il demeure tout
de même les charges des autres organisations telles que l'UA, la CEN-SAD
et les sous-ensembles moins importants tels le Conseil de l'Entente ou encore
l'Autorité du Bassin du Niger.
La pluralité des organisations d'intégration,
la similarité de leurs objectifs, la duplication des programmes, et la
dispersion des ressources des pays membres compromettent l'efficacité de
ces regroupements. Il existe un flou quant à leur réel profit
pour les Etats. Cependant dans cet enchevêtrement, il existe certaines
qui font aujourd'hui l'effort d'harmoniser leurs politiques dans une
perspective de consolidation et non de déperdition des efforts et
ressources engagés dans le processus d'intégration. Malgré
cet effort, il n'en reste pas moins que l'état actuel
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La prolifération des organisations
d'intégration régionale en
Afrique:
complémentarité ou concurrence?
de l'intégration laisse entrevoir les
velléités concurrentielles à peine dévoilées
de certaines organisations ou plutôt de celles de leurs principaux
fondateurs.