La multiplicité des organisations engendre de nombreux
problèmes. L'un des premiers grands reproches faits à ces
organisations est la similitude de leurs objectifs qui entraine de fait la
similarité de leurs projets intégrateurs. Selon un rapport de la
commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, la mise en
oeuvre de programmes similaires dans différentes communautés
économiques régionales constitue une des grandes contraintes qui
pèse sur les actions d'intégration dans le continent. Sur les
12 principaux programmes mis en oeuvre par les communautés
économiques régionales en Afrique de l'Ouest par exemple, au
moins 9 se retrouvent ailleurs. Les programmes d'intégration dans les
domaines du commerce, des marchés, de l'agriculture et de la
sécurité alimentaire sont menés par trois des quatre
communautés économiques régionales. Malgré les
différentes actions menées dans les domaines du commerce et des
marchés, les échanges au sein des communautés
économiques régionales de l'Afrique de l'Ouest sont très
limités. Les neuf programmes d'intégration en Afrique de
l'Ouest auraient probablement pu être envisagés de façon
harmonisée avec une
45
La prolifération des organisations
d'intégration régionale en Afrique :
complémentarité ou concurrence ?
seule communauté économique
régionale s'occupant d'une question donnée, tout en couvrant
l'ensemble de la région16.
Aussi la majorité des communautés
économiques régionales du continent reconnaissent-elles que le
double emploi pose problème, notamment pour les programmes
destinés à faciliter les échanges et les programmes
d'intégration du commerce et des marchés.
1- Des objectifs similaires
De l'organisation continentale aux regroupements
sous-régionaux, l'intégration prônée par les Etats
poursuit globalement des objectifs identiques. Ces objectifs se fondent sur les
différentes étapes du processus d'intégration. Ainsi, les
organisations visent une intégration économique totale par la
création d'une zone de libre échange ; d'une union
douanière ; d'un marché commun ; et enfin d'une union
économique. Ces différentes étapes appellent une
coopération dans tous les domaines de la vie socio-économique des
Etats.
Ces objectifs peuvent se résumer en les points suivants
:
· la promotion de la coopération et
l'intégration dans la perspective de la mise en oeuvre d'une union
économique globale en vue d'améliorer le niveau de vie des
populations ;
· l'accélération de la croissance
économique ;
· la contribution au progrès et au
développement du continent africain.
Plus spécifiquement, il s'agit de :
· l'harmonisation et la coordination des politiques
nationales et la promotion de projets notamment dans tous les domaines
(agriculture, énergie, commerce, finance, santé ...) en vue de la
création d'une union économique ;
· la création d'un marché commun à
travers la libéralisation des échanges (par l'élimination
entre les Etats, des droits de douane à
16 Commission des Nations Unies
pour l'Afrique, Etat de l'intégration régionale en Afrique II
: rationalisation des CER ,Addis-Abeba, Ethiopie, 2006; page
XVIII
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MarieBénédicte GABA
La prolifération des organisations
d'intégration régionale en
Afrique:
complémentarité ou concurrence?
l'importation et à l'exportation des marchandises et
la suppression des barrières non tarifaires en vue de la création
d'une zone de libre échange) ;
· l'établissement d'un Tarif Extérieur
Commun et d'une politique commerciale commune à l'égard des Etats
tiers ; la suppression des obstacles à la libre circulation des
personnes, des biens et capitaux, aux services, au droit de résidence et
d'établissement.
· la création d'une union monétaire ;
· la promotion d'entreprises communes par les
organisations du secteur privé.
Ces objectifs sont globalement ceux des organisations
d'intégration notamment celles dont le Bénin est membre, et se
retrouvent dans les actes et traités constitutifs desdites
organisations.
Ainsi, l'article 3 de l'Acte constitutif de l'UA
définit les objectifs de celle-ci. Il s'agit entre autres de la
promotion du développement durable aux plans économique, social
et culturel, ainsi que de l'intégration des économies
africaines.
Ces objectifs sont repris dans plusieurs traités des
organisations mais avec des dimensions sous-régionales. A titre
illustratif, nous retiendrons les traités de la CEDEAO, de l'UEMOA et de
la CEN-SAD.
En effet, aux termes de l'article 3(paragraphe 1) du
traité révisé de la CEDEAO « La communauté
vise à promouvoir la coopération et l'intégration dans la
perspective d'une Union économique de l'Afrique de l'Ouest en vue
d'élever le niveau de vie de ses peuples, de maintenir et
d'accroître la stabilité économique, de renforcer les
relations entre les Etats membres et de contribuer au progrès et au
développement du continent africain ». Le paragraphe 2 de
l'article décline cet objectif général en objectifs
spécifiques qui englobent la coopération dans tous les domaines
économique, social et culturel.
Ces mêmes objectifs sont réaffirmés dans
le traité modifié de l'UEMOA, à la seule différence
qu'ici l'on ne vise pas l'union monétaire qui est déjà
réalisée de
47
Réalisé et soutenu par
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La prolifération des organisations
d'intégration régionale en
Afrique:
complémentarité ou concurrence?
fait : « a) renforcer la compétitivité
des activités économiques et financières des Etats membres
dans la cadre d'un marché ouvert et concurrentiel et d'un environnement
juridique et rationalisé. b) assurer la convergence des performances et
des politiques économiques des Etats membres par l'institution d'une
procédure de surveillance multilatérale. c) créer entre
les Etats membres une marché commun basé sur la libre circulation
des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit
d'établissement des personnes exerçant une activité
indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur
commun et une politique commerciale commune .d) instituer une coordination des
politiques sectorielles nationales, par la mise en oeuvre d'actions communes et
éventuellement de politiques communes notamment dans les domaines
suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transports et
télécommunications, environnement, agriculture, énergie,
industrie et mines. e) harmoniser, dans la mesure nécessaire au bon
fonctionnement du marché commun, les législations des Etats
membres et particulièrement le régime de la fiscalité
».
La CEN-SAD reprend également ces objectifs à
son profit en affirmant en son article 1er : «
l'établissement d' une union économique globale basée
sur une stratégie à travers un plan de développement
complémentaire avec les plans nationaux de développement
englobant l'investissement dans les domaines agricole, industriel,
énergétique, social et culturel... »
Plusieurs autres organisations reprennent ces objectifs mais
beaucoup plus partiellement. C'est le cas du Conseil de l'Entente qui à
travers son Fonds de Garantie des emprunts s'intéresse beaucoup plus aux
questions financières ; ou encore l'Autorité du Bassin du
Niger(ABN) qui investit certes dans l'économie mais beaucoup plus
spécifiquement dans le domaine de l'agriculture et du
développement rural.
2- Du parallélisme des sentiers
intégrateurs
Ces objectifs communs sont à la base du
développement d'activités parallèles.
Ainsi par exemple, dans le domaine agricole, aujourd'hui
différents projets sont élaborés aussi bien dans le cadre
de la CEDEAO, de l'UEMOA que de la
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Réalisé et soutenu par
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La prolifération des organisations
d'intégration régionale en
Afrique:
complémentarité ou concurrence?
CEN-SAD. Il s'agit notamment de la Politique Agricole Commune
de le CEDEAO (PAC) ; de la Politique Agricole de l'UEMOA(PAU) et de la
politique régionale de la CEN-SAD en matière d'agriculture,
à travers le Programme Grande Muraille Verte de la CEN-SAD. Ces
programmes élaborés et mis en oeuvre dans le domaine de
l'agriculture et de la sécurité alimentaire n'ont pas permis au
continent de développer une politique d'auto-suffisance alimentaire et
surtout de faire face la crise alimentaire qu'il connaît depuis quelques
temps. Il y a manifestement une dispersion inutile d'efforts qui ralentit
l'intégration.
Plusieurs autres programmes sont développés de
manière simultanée par ces organisations dans tous les secteurs
de la vie socio-économique à savoir le commerce, le transport,
les télécommunications, l'énergie, les mines, la
santé, l'éducation, la culture, et pourtant leurs effets ne se
ressentent particulièrement pas dans l'évolution du processus
d'intégration économique du continent.
Dans un tableau réalisé à partir des
traités, acte et mémorandum de création des organisations
mais aussi d'ouvrages spécialisés, nous récapitulons les
grandes lignes du phénomène sus-décrit. (Voir annexe
n°1).
Le chevauchement et la duplication des projets
observés trouvent leur fondement dans l'insuffisance voire l'absence de
coordination entre les organisations. Mais comment expliquer ce défaut
de coordination ? Et comment est-ce-que les Etats en général et
le Bénin en particulier gèrent-ils leurs multiples appartenances
eu égard à tous les problèmes soulevés par cette
multiplicité d'organisations ?