CHAPITRE PREMIER :
REGIONALE
Réalisé et soutenu par
MarieBénédicte GABA
Dans ce chapitre, nous ferons dans une première
partie l'état des lieux de l'intégration régionale en
Afrique en mettant l'accent sur les différents problèmes que pose
de nos jours la multiplication des institutions d'intégration (Section
I). Dans une deuxième partie, nous parlerons des avantages et des
inconvénients de l'adhésion multiple des Etats africains dont le
Bénin aux différentes organisations (Section II).
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La prolifération des organisations
d'intégration régionale en Afrique:
complémentarité ou concurrence?
Section I : Etat de l'intégration
régionale
Cette partie sera l'occasion pour nous de décrire,
d'abord, dans toutes ses manifestations le processus d'intégration en
Afrique (paragraphe 1). Il sera abordé, par la suite, les
problèmes nés de ce processus peu ou mal contrôlé
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Une prolifération d'organisations
d'intégration régionale
Le constat fait est qu'il existe actuellement une
pléthore d'organisations ayant pour but la coopération ou
l'intégration dans tous les domaines de la vie socio-économique.
Comment se manifeste ce phénomène de prolifération dans la
réalité et qu'est-ce qui pourrait en être les causes ? (A).
Par ailleurs quels sont les problèmes majeurs que soulève une
telle situation ? (B).
A- Manifestations et fondements de la
prolifération
Depuis longtemps, les peuples africains ont reconnu que le
développement de leur continent ne pouvait passer que par une certaine
unité. Elle s'est traduite, au lendemain des indépendances, par
la création d'organisations de coopération et
d'intégration.
Ce sentiment d'unité semblait mieux reconnu à
l'échelle sous-régionale qu'à l'échelle
continentale. Ce qui n'a pas exclu « un sentiment de solidarité
africaine qui va se traduire dans le panafricanisme, l'Organisation de
l'Unité Africaine (OUA) et finalement la création d'une
communauté économique8 ».
Ainsi donc, de la Charte de l'OUA à l'Acte constitutif
de l'Union Africaine (UA), en passant par le Plan de Lagos, le traité
d'Abuja de 1991 et la Déclaration de Syrte, l'idée est claire :
l'intégration régionale constitue le pilier fondamental de
l'unité africaine.
8 Ahmed Mahiou, la Communauté Economique
Africaine, Annuaire Français de Droit International XXXIX- 1993-
Editions du CNRS, Paris ; p.798.
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La prolifération des organisations
d'intégration régionale en Afrique:
complémentarité ou concurrence?
Cependant, si les intentions des premières tentatives
d'intégration régionale ont sans doute été
sincères, les premiers regroupements régionaux ont eu un bilan
assez contrasté et très peu satisfaisant. Face aux nombreux
défis qu'offre la globalisation, les peuples africains ont pris
conscience de l'importance de créer des blocs économiques
régionaux beaucoup plus compétitifs. Et cet état de choses
s'est traduit par divers changements tels la prise de mesures importantes par
les dirigeants pour ouvrir et transformer leurs économies
centralisées, dynamiser le secteur privé et créer de
nouvelles institutions, socle d'un développement certain.
Aujourd'hui, face aux nombreux avantages que présente
l'intégration, de multiples communautés économiques sont
à l'oeuvre en Afrique de l'Ouest, en Afrique de l'Est, en Afrique du
Nord et en Afrique Centrale et Australe.
Si l'intégration régionale présente de
nombreux avantages, l'attention doit surtout et désormais être
portée sur les enjeux de ce processus dont l'un des plus importants est
celui de la consolidation des acquis des différents regroupements
régionaux. Car seule cette consolidation permettra un meilleur profit de
l'intégration et non une dispersion inutile des efforts consentis.
1- Manifestations de la prolifération des
organisations d'intégration en Afrique
Depuis la prise de conscience des Etats aux différents
avantages liés à l'intégration, le continent a connu une
prolifération « d'économies et d'accords
régionaux qui ne sont pas encore judicieusement
intégrés9». Cette situation entretient le
flou sur le processus et ne saurait permettre la réalisation de
progrès significatifs.
Actuellement, l'Union Africaine (UA), par une
Déclaration issue de la première Conférence des Ministres
Africains de l'Intégration Economique (CAME1), tenue les 30 et 31 mars
2006 à Ouagadougou, reconnaît officiellement
9 Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique,
Etat de l'intégration régionale en Afrique, Addis-Abeba,
2004. page X
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d'intégration régionale en
Afrique: complémentarité ou concurrence?
huit(8) Communautés Economiques Régionales
(CER)10 en Afrique. Ce sont : la Communauté Economique des
Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ; la Communauté Economique des
Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC) ; la Communauté de
Développement d'Afrique Australe (SADC) ; l'Union du Maghreb Arabe (UMA)
; le Marché Commun pour l'Afrique Australe et Orientale (COMESA) ;
l'Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD); la
Communauté des Etats Sahélo-sahariens (CEN-SAD) ; la
Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE). Cette reconnaissance est
entérinée par la Décision relative au moratoire sur la
reconnaissance des CER ; décision issue de la Conférence des
Chefs d'Etat et de gouvernements réunie à Banjul en juillet
2006.
Cependant en dehors de ces organisations, plusieurs autres
organisations intergouvernementales (OIG) 11 opèrent dans les
différentes régions d'Afrique. La liste n'est pas exhaustive mais
nous pouvons en retenir quelques unes.
Il s'agit en Afrique de l'Ouest de l'Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), de l'Organisation pour
la Mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), du Comité
Inter-Etats de lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS), de
l'Autorité du Liptako-Gourma (ALG), de l'Autorité du Bassin du
fleuve Niger (ABN), et de l'Union du Fleuve Mano (UFM).
En Afrique Centrale, il est question entre
autres de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique
Centrale (CEMAC), de la Communauté Economique des Pays des Grands lacs
(CEPGL), la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), et de l'Organisation du
Bassin de la rivière Kagera (OBK).
En Afrique de l'Est, l'on retiendra la
Commission de l'Océan Indien (COI) et en Afrique australe
l'Union douanière de l'Afrique australe (SACU).
10L'UA désigne les organisations
régionales officiellement sous le vocable de communautés
économiques régionales. En 1991, le traité d'Abuja en
avait repéré 5, mais dès 1999, l'UA va en reconnaitre
officiellement 7 puis en 2006 huit (8).
11Commission de l'Union africaine, Plan
stratégique de l'Union Africaine : visions et missions de l'Union
africaine, Vol.1 ; p. 25.
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La prolifération des organisations
d'intégration régionale en Afrique:
complémentarité ou concurrence?
Le Bénin, à l'instar d'autres pays, appartient
à plusieurs de ces regroupements tant au plan régional que
sous-régional. Ainsi, nous pouvons retenir, au plan régional
l'Union Africaine ; au plan subrégional la Communauté des Etats
sahélo-sahariens ; au plan sous-régional, la Communauté
Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest; l'Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine et d'autres organisations beaucoup plus
spécifiques comme l'Autorité du Bassin du fleuve Niger et la Zone
de l'Alliance et de Co-prospérité.
Mais qu'est-ce-qui explique une telle multiplicité
d'organisations et le désir des Etats d'être membres de plusieurs
de ces organisations à la fois ?
2- Causes et fondements de la prolifération des
organisations d'intégration en Afrique
Les raisons de la prolifération des organisations
d'intégration régionale (OIR) en Afrique sont d'abord et avant
tout à rechercher dans les fondements et la genèse même du
processus d'intégration en Afrique.
Les gouvernants africains ont, pour la plupart, la hantise de
l'unité nationale et défendent farouchement le principe de
souveraineté. Cependant, l'union faisant la force, les Etats ont
tôt compris que la création d'organisations communes s'imposait.
Déjà, pendant la période coloniale, les colonisateurs
avaient bien compris que pour des motifs d'ordre stratégique et
économique, il était nécessaire de créer des
services communs12.
Mais après les indépendances, l'idée
dominante est désormais celle du panafricanisme. Mais cette
théorie reste une notion assez ambigüe du fait que
différentes interprétations y sont attachées.
Ainsi, si l'idéal panafricain est d'abord
partagé par tous les mouvements de libération, puis par les Etats
naissants, il n'en reste pas moins que le contenu varie d'un Etat à un
autre ou d'une époque à une autre. Ainsi comme le souligne
12 C'est le cas par exemple de la création en Afrique
Orientale britannique d'une organisation d'Afrique orientale à laquelle
succèdera en 1967 la communauté d'Afrique orientale. Cfère
P-F Gonidec,; Relations internationales africaines, Paris, LGDJ, 1996,
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complémentarité ou concurrence?
justement Ahmed Mahiou, dans la Communauté
Economique Africaine13, ces variations deviennent des
désaccords lorsqu'il s'agit d'envisager les aspects juridiques,
c'est-à-dire les institutions et règles devant régir les
relations interafricaines. Dès lors, pour certains, le
panafricanisme est porteur d'une exigence d'unité politique
immédiate; pour d'autres, il est simplement porteur d'une
solidarité entre des Etats souverains ; enfin, pour d'autres encore, il
est porteur d'un projet d'unité à long terme et par
étapes. Ces différents points de vue vont s'affronter, en 1963,
au moment de la création de l'OUA.
Sur ce débat entre fédéralistes et
anti-fédéralistes s'est greffé un autre relatif aux
rapports entre l'organisation continentale et les organisations
sous-régionales. Pour les uns, les organisations sous-régionales
ne sont que la reproduction des divisions de l'Afrique, particulièrement
celles de la période coloniale et post-coloniale qui a balkanisé
le continent ; il faut non seulement s'abstenir de les créer, mais
encore faut-il remettre en cause et dissoudre les regroupements existants qui
constituent des obstacles à l'unité du continent. Pour les
autres, les organisations régionales sont le point de départ du
processus de coopération, puis d'intégration et il convient donc
d'encourager leur multiplication et leur consolidation, en privilégiant
les aspects économiques ou techniques et en tenant compte des
solidarités et spécificités de chaque ensemble.
Ce débat entre partisans et adversaires du
régionalisme s'est traduit pendant quelques temps, par une division du
continent en deux groupes opposés, le groupe de Brazzaville puis de
Monrovia représentant l'Afrique dite réformiste et le groupe de
Casablanca représentant l'Afrique dite révolutionnaire.
Faute de victoire des uns sur les autres et pour ne pas avoir
à trancher entre les deux tendances, la Charte de l'OUA, née de
toutes ces contradictions
13 Ahmed Mahiou, La Communauté Economique
Africaine, Annuaire Français de Droit International XXXIX- 1993-
Editions du CNRS, Paris ; page 798
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La prolifération des organisations
d'intégration régionale en
Afrique: complémentarité ou concurrence?
est restée muette sur la nature des rapports entre
l'organisation continentale et les communautés économiques
régionales14.
Ainsi donc, profitant du mutisme des textes de l'UA avant
1973, plusieurs organisations régionales vont
opérer15.
Par ailleurs, deux autres principales raisons peuvent
justifier l'état actuel de l'intégration en Afrique.
Premièrement, cette multiplicité
d'organisations peut se justifier par les nombreux avantages que
présente l'intégration pour les Etats. L'intégration
pourrait permettre, entre autres, aux Etats la création et
l'élargissement des réseaux d'échanges, l'accroissement
des investissements, la promotion de la coopération et la
réduction des risques de conflits.
En effet, les mécanismes d'intégration visent
en général l'abaissement des barrières, par exemple les
barrières tarifaires pour les échanges entre pays membres d'une
même institution. Les théories économiques prédisent
à cet effet que le libre-échange contribuera au bien-être
des populations en permettant aux citoyens de se procurer des biens et services
à partir de la source la moins coûteuse, ce qui conduira à
une redistribution des ressources fondée sur les avantages
comparatifs.
En outre, l'intégration peut également
accroître les investissements dans les Etats membres en réduisant
les distorsions, en élargissant les marchés et en
renforçant la crédibilité des réformes
économiques et politiques. Par exemple, les unions douanières
peuvent encourager les investisseurs étrangers à pratiquer le
contournement tarifaire, c'est-à-dire à investir dans un pays
membre pour commercer librement avec tous les autres membres, ce qui
accroît les
14 Avant 1973, certaines résolutions du Conseil des
ministres prises en Août 1963 entérinées par les chefs
d'Etats notamment au sommet d'Alger en septembre 1968 et d'Addis-Abeba en
Août 1970 ont tenté de poser les jalons d'une coopération
économique avec les organisations régionales. Mais le premier
texte important n'intervient qu'à l'occasion du dixième
anniversaire de l'organisation, avec l'adoption, le 25 mai 1973 de la
déclaration sur la coopération, le développement et
l'indépendance de l'Afrique qui esquisse la nouvelle stratégie
économique de coopération et d'intégration qui prend en
compte les aspects régionaux ou sous-régionaux.
15 Ce sont l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA)
créée le 12 mai 1962, l'Union douanière et
économique d'Afrique centrale (UDEAC) créée à
Brazzaville le 18 décembre 1964, l'Union monétaire d'Afrique
centrale le 22 novembre 1972 etc.
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d'intégration régionale en
Afrique: complémentarité ou concurrence?
investissements locaux et étrangers.
L'intégration permet aux Etats de renforcer leur pouvoir de
négociation économique sur la scène internationale. De
même, le processus d'intégration peut favoriser la
coopération en fournissant un cadre pour le partage des
différentes ressources (cours d'eau, routes et voies ferrées,
réseaux électriques) ou pour la résolution des
problèmes communs (pollution, sécheresse, crise alimentaire et
autres).
Enfin, l'intégration pourrait constituer un moyen de
réduction des risques de conflits. Elle permettrait non seulement la
mise en place de dispositifs de sécurité et de mécanismes
de résolution des conflits, mais aussi l'établissement de
contacts politiques réguliers entre membres. Ce qui entraînerait
l'instauration d'une certaine confiance et la facilitation de la
coopération, notamment sur les questions de sécurité.
Deuxièmement, l'appartenance des Etats à
plusieurs organisations s'explique fondamentalement par leur recherche de plus
d'efficacité et l'atteinte beaucoup plus rapide des objectifs. En effet,
les pays africains choisissent d'appartenir à au moins deux
organisations régionales pour rechercher l'intégration par
différentes voies. Certains membres d'un bloc important peuvent
progresser plus rapidement s'ils appartiennent à un groupe distinct
réduit. En effet, les groupes plus petits permettent de gérer
plus facilement la coordination et l'harmonisation des politiques et des
stratégies nationales, et d'avancer vers la convergence
sous-régionale, puis régionale.
Aujourd'hui, par exemple la place du Bénin au sein de
la CEDEAO lui permet la réalisation de nombreux projets que seule son
appartenance au Conseil de l'Entente ne lui aurait pas certainement permis
d'atteindre. En effet la situation de léthargie actuelle de cette
organisation la rend presque inefficace.
De même, le fait pour le Bénin d'être
membre d'une organisation ayant le bénéfice d'avoir une monnaie
commune présente des avantages à divers points de vue. En effet,
l'union monétaire entre les Etats de l'espace UEMOA favorise la
résolution beaucoup plus efficace des problèmes
économiques communs aux
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d'intégration régionale en
Afrique: complémentarité ou concurrence?
Etats d'une telle union. Aussi, certaines réalisations
ont facilement été possibles avec l'UEMOA tandis que l'on
piétine encore dans le cadre de la CEDEAO.
Par ailleurs, le fait d'appartenir à plusieurs
organisations peut maximiser les avantages de l'intégration et minimiser
les pertes grâce à une répartition des risques. Cela peut
s'avérer particulièrement important pour les pays dont les
économies sont faibles, car ils peuvent bénéficier des
gains découlant de toutes les organisations d'intégration
auxquelles ils appartiennent.
Si le nombre élevé d'organisations n'est pas en
lui-même mauvais, ce qui crée le flou est la similitude
observée aussi bien au niveau de leurs objectifs qu'au niveau de leurs
activités.
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