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La prolifération des organisations d'intégration régionale en Afrique. Complémentarité ou concurrence?


par Marie-Bénédicte GABA
Université d'Abomey-Calavi - Licence d'administration générale 2010
  

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CHAPITRE PREMIER :

REGIONALE

Réalisé et soutenu par MarieBénédicte GABA

Dans ce chapitre, nous ferons dans une première partie l'état des lieux de l'intégration régionale en Afrique en mettant l'accent sur les différents problèmes que pose de nos jours la multiplication des institutions d'intégration (Section I). Dans une deuxième partie, nous parlerons des avantages et des inconvénients de l'adhésion multiple des Etats africains dont le Bénin aux différentes organisations (Section II).

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La prolifération des organisations d'intégration régionale en Afrique: complémentarité ou concurrence?

Section I : Etat de l'intégration régionale

Cette partie sera l'occasion pour nous de décrire, d'abord, dans toutes ses manifestations le processus d'intégration en Afrique (paragraphe 1). Il sera abordé, par la suite, les problèmes nés de ce processus peu ou mal contrôlé (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une prolifération d'organisations d'intégration régionale

Le constat fait est qu'il existe actuellement une pléthore d'organisations ayant pour but la coopération ou l'intégration dans tous les domaines de la vie socio-économique. Comment se manifeste ce phénomène de prolifération dans la réalité et qu'est-ce qui pourrait en être les causes ? (A). Par ailleurs quels sont les problèmes majeurs que soulève une telle situation ? (B).

A- Manifestations et fondements de la prolifération

Depuis longtemps, les peuples africains ont reconnu que le développement de leur continent ne pouvait passer que par une certaine unité. Elle s'est traduite, au lendemain des indépendances, par la création d'organisations de coopération et d'intégration.

Ce sentiment d'unité semblait mieux reconnu à l'échelle sous-régionale qu'à l'échelle continentale. Ce qui n'a pas exclu « un sentiment de solidarité africaine qui va se traduire dans le panafricanisme, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et finalement la création d'une communauté économique8 ».

Ainsi donc, de la Charte de l'OUA à l'Acte constitutif de l'Union Africaine (UA), en passant par le Plan de Lagos, le traité d'Abuja de 1991 et la Déclaration de Syrte, l'idée est claire : l'intégration régionale constitue le pilier fondamental de l'unité africaine.

8 Ahmed Mahiou, la Communauté Economique Africaine, Annuaire Français de Droit International XXXIX- 1993- Editions du CNRS, Paris ; p.798.

 
 
 
 

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Cependant, si les intentions des premières tentatives d'intégration régionale ont sans doute été sincères, les premiers regroupements régionaux ont eu un bilan assez contrasté et très peu satisfaisant. Face aux nombreux défis qu'offre la globalisation, les peuples africains ont pris conscience de l'importance de créer des blocs économiques régionaux beaucoup plus compétitifs. Et cet état de choses s'est traduit par divers changements tels la prise de mesures importantes par les dirigeants pour ouvrir et transformer leurs économies centralisées, dynamiser le secteur privé et créer de nouvelles institutions, socle d'un développement certain.

Aujourd'hui, face aux nombreux avantages que présente l'intégration, de multiples communautés économiques sont à l'oeuvre en Afrique de l'Ouest, en Afrique de l'Est, en Afrique du Nord et en Afrique Centrale et Australe.

Si l'intégration régionale présente de nombreux avantages, l'attention doit surtout et désormais être portée sur les enjeux de ce processus dont l'un des plus importants est celui de la consolidation des acquis des différents regroupements régionaux. Car seule cette consolidation permettra un meilleur profit de l'intégration et non une dispersion inutile des efforts consentis.

1- Manifestations de la prolifération des organisations d'intégration en Afrique

Depuis la prise de conscience des Etats aux différents avantages liés à l'intégration, le continent a connu une prolifération « d'économies et d'accords régionaux qui ne sont pas encore judicieusement intégrés9». Cette situation entretient le flou sur le processus et ne saurait permettre la réalisation de progrès significatifs.

Actuellement, l'Union Africaine (UA), par une Déclaration issue de la première Conférence des Ministres Africains de l'Intégration Economique (CAME1), tenue les 30 et 31 mars 2006 à Ouagadougou, reconnaît officiellement

9 Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique, Etat de l'intégration régionale en Afrique, Addis-Abeba, 2004. page X

 
 
 
 

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huit(8) Communautés Economiques Régionales (CER)10 en Afrique. Ce sont : la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ; la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC) ; la Communauté de Développement d'Afrique Australe (SADC) ; l'Union du Maghreb Arabe (UMA) ; le Marché Commun pour l'Afrique Australe et Orientale (COMESA) ; l'Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD); la Communauté des Etats Sahélo-sahariens (CEN-SAD) ; la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE). Cette reconnaissance est entérinée par la Décision relative au moratoire sur la reconnaissance des CER ; décision issue de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernements réunie à Banjul en juillet 2006.

Cependant en dehors de ces organisations, plusieurs autres organisations intergouvernementales (OIG) 11 opèrent dans les différentes régions d'Afrique. La liste n'est pas exhaustive mais nous pouvons en retenir quelques unes.

Il s'agit en Afrique de l'Ouest de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), de l'Organisation pour la Mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), du Comité Inter-Etats de lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS), de l'Autorité du Liptako-Gourma (ALG), de l'Autorité du Bassin du fleuve Niger (ABN), et de l'Union du Fleuve Mano (UFM).

En Afrique Centrale, il est question entre autres de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), de la Communauté Economique des Pays des Grands lacs (CEPGL), la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), et de l'Organisation du Bassin de la rivière Kagera (OBK).

En Afrique de l'Est, l'on retiendra la Commission de l'Océan Indien (COI) et en Afrique australe l'Union douanière de l'Afrique australe (SACU).

10L'UA désigne les organisations régionales officiellement sous le vocable de communautés économiques régionales. En 1991, le traité d'Abuja en avait repéré 5, mais dès 1999, l'UA va en reconnaitre officiellement 7 puis en 2006 huit (8).

11Commission de l'Union africaine, Plan stratégique de l'Union Africaine : visions et missions de l'Union africaine, Vol.1 ; p. 25.

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Le Bénin, à l'instar d'autres pays, appartient à plusieurs de ces regroupements tant au plan régional que sous-régional. Ainsi, nous pouvons retenir, au plan régional l'Union Africaine ; au plan subrégional la Communauté des Etats sahélo-sahariens ; au plan sous-régional, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest; l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine et d'autres organisations beaucoup plus spécifiques comme l'Autorité du Bassin du fleuve Niger et la Zone de l'Alliance et de Co-prospérité.

Mais qu'est-ce-qui explique une telle multiplicité d'organisations et le désir des Etats d'être membres de plusieurs de ces organisations à la fois ?

2- Causes et fondements de la prolifération des organisations d'intégration en Afrique

Les raisons de la prolifération des organisations d'intégration régionale (OIR) en Afrique sont d'abord et avant tout à rechercher dans les fondements et la genèse même du processus d'intégration en Afrique.

Les gouvernants africains ont, pour la plupart, la hantise de l'unité nationale et défendent farouchement le principe de souveraineté. Cependant, l'union faisant la force, les Etats ont tôt compris que la création d'organisations communes s'imposait. Déjà, pendant la période coloniale, les colonisateurs avaient bien compris que pour des motifs d'ordre stratégique et économique, il était nécessaire de créer des services communs12.

Mais après les indépendances, l'idée dominante est désormais celle du panafricanisme. Mais cette théorie reste une notion assez ambigüe du fait que différentes interprétations y sont attachées.

Ainsi, si l'idéal panafricain est d'abord partagé par tous les mouvements de libération, puis par les Etats naissants, il n'en reste pas moins que le contenu varie d'un Etat à un autre ou d'une époque à une autre. Ainsi comme le souligne

12 C'est le cas par exemple de la création en Afrique Orientale britannique d'une organisation d'Afrique orientale à laquelle succèdera en 1967 la communauté d'Afrique orientale. Cfère P-F Gonidec,; Relations internationales africaines, Paris, LGDJ, 1996, page 23

 
 
 
 

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justement Ahmed Mahiou, dans la Communauté Economique Africaine13, ces variations deviennent des désaccords lorsqu'il s'agit d'envisager les aspects juridiques, c'est-à-dire les institutions et règles devant régir les relations interafricaines. Dès lors, pour certains, le panafricanisme est porteur d'une exigence d'unité politique immédiate; pour d'autres, il est simplement porteur d'une solidarité entre des Etats souverains ; enfin, pour d'autres encore, il est porteur d'un projet d'unité à long terme et par étapes. Ces différents points de vue vont s'affronter, en 1963, au moment de la création de l'OUA.

Sur ce débat entre fédéralistes et anti-fédéralistes s'est greffé un autre relatif aux rapports entre l'organisation continentale et les organisations sous-régionales. Pour les uns, les organisations sous-régionales ne sont que la reproduction des divisions de l'Afrique, particulièrement celles de la période coloniale et post-coloniale qui a balkanisé le continent ; il faut non seulement s'abstenir de les créer, mais encore faut-il remettre en cause et dissoudre les regroupements existants qui constituent des obstacles à l'unité du continent. Pour les autres, les organisations régionales sont le point de départ du processus de coopération, puis d'intégration et il convient donc d'encourager leur multiplication et leur consolidation, en privilégiant les aspects économiques ou techniques et en tenant compte des solidarités et spécificités de chaque ensemble.

Ce débat entre partisans et adversaires du régionalisme s'est traduit pendant quelques temps, par une division du continent en deux groupes opposés, le groupe de Brazzaville puis de Monrovia représentant l'Afrique dite réformiste et le groupe de Casablanca représentant l'Afrique dite révolutionnaire.

Faute de victoire des uns sur les autres et pour ne pas avoir à trancher entre les deux tendances, la Charte de l'OUA, née de toutes ces contradictions

13 Ahmed Mahiou, La Communauté Economique Africaine, Annuaire Français de Droit International XXXIX- 1993- Editions du CNRS, Paris ; page 798

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est restée muette sur la nature des rapports entre l'organisation continentale et les communautés économiques régionales14.

Ainsi donc, profitant du mutisme des textes de l'UA avant 1973, plusieurs organisations régionales vont opérer15.

Par ailleurs, deux autres principales raisons peuvent justifier l'état actuel de l'intégration en Afrique.

Premièrement, cette multiplicité d'organisations peut se justifier par les nombreux avantages que présente l'intégration pour les Etats. L'intégration pourrait permettre, entre autres, aux Etats la création et l'élargissement des réseaux d'échanges, l'accroissement des investissements, la promotion de la coopération et la réduction des risques de conflits.

En effet, les mécanismes d'intégration visent en général l'abaissement des barrières, par exemple les barrières tarifaires pour les échanges entre pays membres d'une même institution. Les théories économiques prédisent à cet effet que le libre-échange contribuera au bien-être des populations en permettant aux citoyens de se procurer des biens et services à partir de la source la moins coûteuse, ce qui conduira à une redistribution des ressources fondée sur les avantages comparatifs.

En outre, l'intégration peut également accroître les investissements dans les Etats membres en réduisant les distorsions, en élargissant les marchés et en renforçant la crédibilité des réformes économiques et politiques. Par exemple, les unions douanières peuvent encourager les investisseurs étrangers à pratiquer le contournement tarifaire, c'est-à-dire à investir dans un pays membre pour commercer librement avec tous les autres membres, ce qui accroît les

14 Avant 1973, certaines résolutions du Conseil des ministres prises en Août 1963 entérinées par les chefs d'Etats notamment au sommet d'Alger en septembre 1968 et d'Addis-Abeba en Août 1970 ont tenté de poser les jalons d'une coopération économique avec les organisations régionales. Mais le premier texte important n'intervient qu'à l'occasion du dixième anniversaire de l'organisation, avec l'adoption, le 25 mai 1973 de la déclaration sur la coopération, le développement et l'indépendance de l'Afrique qui esquisse la nouvelle stratégie économique de coopération et d'intégration qui prend en compte les aspects régionaux ou sous-régionaux.

15 Ce sont l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA) créée le 12 mai 1962, l'Union douanière et économique d'Afrique centrale (UDEAC) créée à Brazzaville le 18 décembre 1964, l'Union monétaire d'Afrique centrale le 22 novembre 1972 etc.

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investissements locaux et étrangers. L'intégration permet aux Etats de renforcer leur pouvoir de négociation économique sur la scène internationale. De même, le processus d'intégration peut favoriser la coopération en fournissant un cadre pour le partage des différentes ressources (cours d'eau, routes et voies ferrées, réseaux électriques) ou pour la résolution des problèmes communs (pollution, sécheresse, crise alimentaire et autres).

Enfin, l'intégration pourrait constituer un moyen de réduction des risques de conflits. Elle permettrait non seulement la mise en place de dispositifs de sécurité et de mécanismes de résolution des conflits, mais aussi l'établissement de contacts politiques réguliers entre membres. Ce qui entraînerait l'instauration d'une certaine confiance et la facilitation de la coopération, notamment sur les questions de sécurité.

Deuxièmement, l'appartenance des Etats à plusieurs organisations s'explique fondamentalement par leur recherche de plus d'efficacité et l'atteinte beaucoup plus rapide des objectifs. En effet, les pays africains choisissent d'appartenir à au moins deux organisations régionales pour rechercher l'intégration par différentes voies. Certains membres d'un bloc important peuvent progresser plus rapidement s'ils appartiennent à un groupe distinct réduit. En effet, les groupes plus petits permettent de gérer plus facilement la coordination et l'harmonisation des politiques et des stratégies nationales, et d'avancer vers la convergence sous-régionale, puis régionale.

Aujourd'hui, par exemple la place du Bénin au sein de la CEDEAO lui permet la réalisation de nombreux projets que seule son appartenance au Conseil de l'Entente ne lui aurait pas certainement permis d'atteindre. En effet la situation de léthargie actuelle de cette organisation la rend presque inefficace.

De même, le fait pour le Bénin d'être membre d'une organisation ayant le bénéfice d'avoir une monnaie commune présente des avantages à divers points de vue. En effet, l'union monétaire entre les Etats de l'espace UEMOA favorise la résolution beaucoup plus efficace des problèmes économiques communs aux

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Etats d'une telle union. Aussi, certaines réalisations ont facilement été possibles avec l'UEMOA tandis que l'on piétine encore dans le cadre de la CEDEAO.

Par ailleurs, le fait d'appartenir à plusieurs organisations peut maximiser les avantages de l'intégration et minimiser les pertes grâce à une répartition des risques. Cela peut s'avérer particulièrement important pour les pays dont les économies sont faibles, car ils peuvent bénéficier des gains découlant de toutes les organisations d'intégration auxquelles ils appartiennent.

Si le nombre élevé d'organisations n'est pas en lui-même mauvais, ce qui crée le flou est la similitude observée aussi bien au niveau de leurs objectifs qu'au niveau de leurs activités.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams