PREMIERE PARTIE : LE CADRE LEGAL DE L'APPLICATION DES
REGLES DE SANTE ET
DE SECURITE AU TRAVAIL
De par le passé et jusqu'à nos jours, les
différentes industries ont fait et continuent à faire des
merveilles dans nos sociétés.Cependant, force est de
reconnaître que ces merveilles ont été faites au prix de la
vie de milliers de personnes qui sontliées à ces industries par
un contrat de travail1. Certains de ces salariés ont
péri dans des carrières, mines, départs de feu dans les
installations,tandis qued'autres ont contracté des maladies
entraînant chez eux des incapacités de travail.
Les ressources humaines, reconnues comme les plus importantes
de toutes les autres ressources,ont fait,depuis un certain temps,l'objet de
plusieurs protections par l'organe régulateur international du droit du
travail qu'est l'organisation internationale du travail (OIT) et par plusieurs
textes au niveau interne.2
Le but recherché est d'avoir un monde de travail qui ne
fait pas de victime, ce qui semble quasiment impossible.C'est pourquoi il est
impératif d'assurer,dans la mesure du possible, la santé et la
sécurité des employés.
Il sera ainsi question d'analyser, dans le cadre de cette
partie de notre étude,les obligations de l'employeur et du
salarié(Chapitre 1), ainsi que de leurs
responsabilitésrespectivesen matière de santé et de
sécurité au travail (Chapitre 2).
3
1 Wikipédia,
catastrophe de Courrières qui a fait 1099 victimes.
2La constitution de Mars 2020
en ses articles 5, 8, et 21et le code du travail de 2014.
4
Chapitre 1 :Les obligations en matière de
santé et de sécurité au travail
Pour maîtriser les dangers en milieu de travail, la
culture de la santé et la sécurité doit être la
préoccupation majeure de tous les acteurs sociaux-professionnels. Pour
cela, ils doivent prendre les mesures adaptées et les mettre en
application telles qu'édictées par le législateur.
Il conviendraitainsi d'analyser en premier lieu les
obligations de l'employeur (Section 1)et,ensecond lieu,les
droits et obligations de sécurité du salarié
(Section 2).
Section 1 :Les obligations de l'employeur
En matière de santé et desécurité
au travail, plusieurs obligations pèsent sur l'employeur. Elles sont
diverses et très bien encadrées par le code du travail. Leur
inobservation entraîne généralement soit
l'incapacité momentanée du salarié,soit celle
définitive; dans le pire des cas,le non-respect des obligations chez
l'employeurpeut causer la mort du salarié.
Les obligations générales de l'employeur en
matière d'hygiène et de sécurité seront
examinées (Paragraphe 1), avant d'aborder son
obligationd'information et de formation à la sécurité
dusalarié(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les obligations générales de
l'employeur en matière d'hygiène et de sécurité
Tout d'abord, il est à noter que,contrairement à
l'ancien code du travail, celui en vigueur (code du travail de 2017)a
opéré un certain nombre de changementsauxobligations
pesant sur l'employeur, pour une meilleure protection des salariés en
matière de santé et de sécurité ; les obligations
de l'employeur se sont ainsidensifiées.
Aux termes de l'article 231-2 du code du travail
guinéen « Pour protéger la vie et la santé des
salariés, l'employeur est tenu de prendre toute les mesures utiles qui
sont adaptées aux conditions d'exploitation de l'entreprise. Il doit
notamment aménager les installations et régler la marche du
travail de manière à préserver le mieux possible les
salariés des accidents et des maladies.
Tous les établissements ou entreprises utilisant
régulièrement au moins 25 salariés doivent mettre en place
un comité de sécurité et santé. Ce comité a
pour mission d'étudier, d'élaborer et de veiller à la mise
en oeuvre des mesures de prévention et protection dans les domaines de
la sécurité et santé au travail.
5
Les chefs d'établissements, directeurs,
gérants ou préposés qui font exécuter des travaux
présentant des dangers particuliers pour la santé des
salariés sont tenus d'en mentionner la nature exacte dans une
déclaration qu'ils adressent à l'inspecteur du travail et au
médecin du travail. Ils sont responsables de l'application aux
salariés des mesures de protection prévues à cet effet
».
La lecture de cet article ne permet pas de cerner
concrètement ce que l'employeur doit faire. On se rend compte tout de
même après lecture du premier alinéa que le
législateur exige à l'employeur decréer les conditions
idéales d'exploitation de l'entreprise de manière à
préserver le mieux possible les salariés des accidents et des
maladies.Pour mieux comprendre la portée de ce texte, on peut se
référer à la jurisprudence française qui admet que
l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de
résultat ; pour cela, il doit prendre toutes les mesures indispensables
dans le but d'assurer la sécurité et de préserver la
santé physique et mentale de ses salariés. L'obligation de
sécurité de résultat est définiecomme le fait pour
« l'employeur de prévenir, de former, d'informer et de mettre
en place une organisation et des moyens adaptés. Le résultat dont
il est question dans la notion d'obligation de résultat n'est pas
l'absence d'atteinte à la santé physique et mentale, mais
l'ensemble des mesures prises effectivement par l'employeur dont la
rationalité, la pertinence et l'adéquation pourront être
analysées et appréciées par le juge
»3.
C'est au milieu d'une « salve de 30 arrêt »,
dans 7 décisions du 28 février 2002que la chambre sociale de la
Cour de cassation française rendit l'attendu de principe suivant:
« en vertu du contrat de travail le liant à son salarié,
l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de résultat ,
notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées
par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés
par l'entreprise ; le manquement à cette obligation a le
caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du code
de la sécurité sociale française , lorsque l'employeur
avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était
exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures
nécessaires pour l'en préserver »4. Cette
série d'arrêts nous édifie dans la compréhension de
l'article 231 du code de travail cité ci-haut puisqu'elle clarifie les
obligations de l'employeur vis-à-vis des salariés en montrant le
fondement de l'obligation de sécurité de résultat,
à savoir la protection effective de la santé et de la
sécurité des travailleurs. La conséquence réelle de
la qualification d'obligation de résultat est que la
responsabilité de l'employeur est engagée de
3P.-Y VERKINDT, « Santé
au travail, l'ère de la maturité » Jurisprudence sociale
Lamy, n° 239, 1er sept. 2008
4 Cass. Chambre sociale, 28 février
2002, n° 00-11793
6
plein droit du seul fait du défaut d'exécution
de son obligation de sécurité de sorte que la charge de la preuve
reposant sur le salarié se trouve allégée ; il incombe
à l'employeur de prouver qu'il a pris toutes les mesures possibles
à l'effectivité de l'obligation de résultat.
Concernant toujours l'article 231-2 et suivant du code du
travail guinéen, il yest mentionné que tous les
établissements ou entreprises utilisant régulièrement 25
salariés doivent mettre en place un comité de
sécurité et santé. En raison de l'importance de ce
comité, le code du travail guinéenaurait dûparler de sa
composition, mais il reste muet sur la question,et il est à signaler que
la majeure partie des entreprises guinéennes n'a pas encore
institué ce comité exception faite des grandes entreprises
minières5, quelques industries de vente de matériaux
de construction et agro-alimentaires6 ; toutechose qui peut
expliquer en partie le défaut d'application des obligations de
l'employeur. En France, c'est L.4613-1 du code du travail explique la
composition du comité d'hygiène, de sécurité et des
conditions de travail (CHSCT) appelé comité de
sécurité en Guinéeen ces termes :« Le
comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de
travail comprend l'employeur et une délégation du personnel dont
les membres sont désignés, pour une durée qui prend fin
avec celle du mandat des membres élus du comité d'entreprise les
ayant désignés par un collège constitué par les
membres élus du comité d'entreprise et ses
délégués du personnel.
L'employeur transmet à l'inspecteur du travail le
procès-verbal de la réunion de ce collège »
De manière générale, on peut retenir que
les réalités dans les entreprises en Guinéeconcernant les
obligations de l'employeur sont loin d'être fidèles à la
législation guinéenne, en ce sens que nombreuses sont les
entreprises qui ne disposent pas de service sanitaire (de médecine du
travail) ;elles ne font pasfaireaux salariés la traditionnelle visite
médicale après chaque année civile,de même
qu'à la reprise des postes après une durée plus ou moins
longue et aussi à l'embauche, lesfuturs salariés ne font pas de
visite médicale comme indiqué dans le code du travail7
et comme ça se fait en France .
S'agissantdu contrôle de conformité des machines,
le code du travail dispose que« Les établissements et locaux
visés à l'article 211-2 du présent code doivent être
aménagés de manière à garantir la
sécurité des travailleurs.Les machines, mécanismes,
appareils de transmission, outils et engins mécaniques ou manuels,
doivent être installés et tenus dans les meilleures conditions
possibles de sécurité.Les moteurs et parties mouvantes des
machines
5S.A.G
6 G.I & BONAGUI
7 Art. 232.1,C. trav.
guinéen
7
doivent être isolés par des cloisons ou
barrières de protection.L'employeur ou son représentant doit
organiser le contrôle permanent de l'état des machines afin
d'assurer la protection des salariés ... ».8En
réalité, dans plusieurs entreprises, ce contrôle de
conformité n'estpas réalisé ou il est fait de façon
très partielle d'où le nombre élevé de cas
d'accidents de travail dû aux engins et aux installations des
entreprises9.
D'après nos constats réalisés pendant nos
visites dans les entreprises, de toutes les obligations de l'employeur, celles
qui sont les plus respectées sont les articles 231-11 et 231-12 du code
du travail guinéen qui stipulent successivement que«Les
établissements visés à l'article 2112 du présent
code doivent être tenus dans un état de propreté permanent
et présenter des conditions d'hygiène et de salubrité
nécessaire à la santé du personnel» et
« Les employeurs doivent mettre à la disposition du personnel,
en quantité suffisante, de l'eau potable. Sur avis du médecin du
travail, ils doivent mettre à la disposition des travailleurs d'autres
boissons appropriées non alcoolisées ». Les locaux des
établissements que nous avons visités10
étaientpropres ; les employeurs ont embauché des salariés
uniquement pour faire ce travailde sorte que l'environnement semblait
permettreaux employés de se donner à fond dans leur travail
quotidien. Il faudrait signaler aussi quela quasi-totalité de ces
entreprises donnent de l'eau minérale à leurs employés et
que ce sont généralement les grandes entreprises minières
et celles spécialisées dans la fabrication de boissons non
alcoolisées qui offrent, comme le suggère le code du
travail,d'autres boissons non alcoolisées en de l'eau.
En plus des obligations générales de l'employeur
en matière de santé et de sécurité au travail, il
existe aussi, à la charge de l'employeur, l'obligationd'information et
de formation à la sécurité à l'attention de ses
employés(Paragraphe 2).
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