CHAPITRE TROISIEME : CAUSES PRINCIPALES
ET RESOLUTION DE LA CRISE POLITIQUE
Comme déjà mentionner plus haut la
République Démocratique du Congo a fait face à une
diversité des constitutions qui ont variées selon les
différentes formes des républiques. La constitution du 18
février 2006 a déjà inscrit son nom dans le livre d'or des
constitutions congolaises. Car, contrairement à la plupart de ses
prédécesseurs, cette dernière a atteint le seuil de 5ans
d'existence sans qu'aucune révision soit portée à ses
dispositions. La toute première révision qu'elle vas connaitre
depuis sa promulgation en 2006, sera celle du 20 janvier 2011.
Notons tout de même que cette révision du 20
janvier 2011 a portée au total sur 8 articles de la constitution de 2006
dont :
L'article 71 le président de la
république est élu à la majorité simple des
suffrages ;
Article 110 institue le droit du député
national ou du sénateur de retrouver son mandat après l'exercice
d'une fonction politique incompatible ;
Article 126 prévoit l'ouverture des
crédits provisoires dans le cas du renvoi au parlement, par le
président de la république, pour une nouvelle
délibération du projet de lois des finances votés en temps
utile et transmis pour promulgation avant l'ouverture du nouvel exercice
budgétaire ;
Article 149 l'amendement consiste en la suppression
du parquet dans l'énumération des titulaires du pouvoir
judiciaire. Celui-ci est dévolu aux seuls cours et tribunaux. Il sied de
souligner que cet amendement met ainsi en contradiction l'article 149 avec les
articles 150 et 151 qui proclament l'indépendance du seul magistrat du
siège dans sa mission de dire le droit ainsi que son
inamovibilité ;
Articles 197 et 198 reconnaissent au président
de la république, sans restreindre les prérogatives des
provinces, en concertation avec les bureaux de l'assemblée nationale et
du sénat, le pouvoir de dissoudre une assemblée provinciale ou
relever de ses fonctions un gouverneur de province en cas de crise grave et
persistante menaçant le bon fonctionnement régulier des
institutions provinciales ;
Article 218 reconnait au président de la
république le pouvoir de convoquer le referendum prévu au dit
article pour l'approbation d'une révision constitutionnelle ;
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Article 226 transfère à la loi la
compétence de fixer les modalités d'installation de nouvelles
provinces citées à l'article 2 de la
constitution.50
Notre analyse autour de cette réforme des articles du
20 janvier 2011 sera beaucoup plus axée sur les causes
principales ayant fait que cette dernière soit suivie d'une crise
politique ainsi que la manière dont elle a été
résolue et cela dans le but de s'écarté de toute passion
également toute analyse profane.
SECTION I : CAUSES PRINCIPALES DE LA CRISE POLITIQUE EN
RDC
Partant d'une observation, la crise politique survenue
après la révision constitutionnelle de 2011 ne
résulte pas a priori sur les reformes des articles dans sa
globalité, mais essentiellement sur un nombre limité des articles
ayant fait sujet d'amendement à l'occurrence l'article 71, 197,198
et 218.
I.I : EXTENSION ET RENFORCEMENT DU POUVOIR DU CHEF DE
L'ETAT
De prime abord la constitution congolaise du 18
février 2006 accorde au président de la
république un bon nombre des prérogatives qui par moment
certaines lui sont encombrant suite à leur immensité ainsi
qu'à une multiplicité de préoccupation que rencontre un
président de la république, ceci conduisant à une sorte
d'hypertrophie de la fonction présidentielle. Était-il
important d'en ajouter davantage ? alors que cette
prééminence politique et fonctionnelle accordée au Chef de
l'Etat, remonte à la Constitution de Luluabourg du 1er août
1964.51 Mais il semble bien au contraire que cette
hypertrophie de la fonction présidentielle ne pas propre aux congolais,
mais, qu'il s'agit, par ailleurs, d'une tendance constitutionnelle dans la
majorité des Etats en Afrique sub-saharienne.52
En RDC, particulièrement comme si cela ne suffisait
pas, la loi de la révision constitutionnelle du 20 janvier
2011, dont l'article 1er modifie les articles 197, 198 et
218 de la Constitution du 18 février 2006,
augmente les prérogatives constitutionnelles du Chef de l'Etat,
alors que celles-ci étaient déjà très importantes :
commandant suprême des forces armées et président du
Conseil supérieur de la défense (article 83) ;
nomination du Premier ministre et des autres membres du gouvernement (article
78); investiture des gouverneurs et vice-gouverneurs de province
(article 80);
50 Hervé KIDIA KUBATAKANA, Op.cit. p. 26
51 BALINGENE KAHOMBO, «
L'expérience congolaise de l'Etat fédéral : la
Constitution de Luluabourg revisitée »,
http://www.la-constitution-en-afrique.org/,
24 mai 2010
52 A. MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, Le droit
constitutionnel, Louvain-la-Neuve, Academia-L 'Harmattan, 2013,
p.13.
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Président de la Conférence des gouverneurs de
provinces (article 200); nomination de tous les magistrats (article 82) ;
nomination à d'autres principales fonctions dans l'Etat : ambassadeurs,
officiers généraux et supérieurs de l'armée et de
la police, mandataires des entreprises publiques, hauts fonctionnaires de
l'administration publique, etc. (article 81) ; déclaration de guerre
(articles 86 et 143), de l'état d'urgence ou de siège (articles
85, 144 et 145), etc.
En 2011, le pouvoir constituant dérivé ou
institué qu'on définit comme étant « celui dont
l'organisation et le fonctionnement de la révision sont prévus
par la constitution en vigueur »53 augmente les
prérogatives au président de la république. Bien qu'avant,
cette tentative d'hypertrophie présidentielle avait
sévèrement fait sujet de critique, le 05 novembre 2007, lors du
dépôt de la proposition de la révision constitutionnelle
à l'initiative du député Tshibangu Kalala, 54
cette proposition échouera bien que soutenue par 310
députés de la mouvance présidentielle.55
Elle a été même rejetée par le chef
de l'Etat lors de son discours sur l'Etat de la nation en décembre 2007
en ces mots :
Je ne peux en finir avec les réformes juridiques
sans nous mettre tous en garde contre la tentation de vouloir régler
tout dysfonctionnement éventuel des institutions par une révision
constitutionnelle. En principe, la loi fondamentale d'un pays ne devrait
être modifiée qu'en cas d'extrême nécessité,
et uniquement dans l'intérêt supérieur de la
Nation.56
Toute en faisant allusion au discours du président sur
l'Etat de la nation en décembre 2007, qui estimait que la loi
fondamentale d'un pays ne devrait être modifiée qu'en cas
d'extrême nécessité, et uniquement dans
l'intérêt supérieur de la Nation. D'où il est
nécessaire pour nous de savoir, la révision constitutionnelle
de 2011 était-elle d'une extrême nécessité et
uniquement dans l'intérêt supérieur de la Nation ?
Comme on dit, le ridicule ne tue pas, surtout pas au Congo
où certains « responsables » s'en sont rendus
spécialistes, aboyant à la moindre occasion pour ne
débiter que des mensonges. Mais, dans la
53 M. LINGOTO, Op.cit., p. 38
54 A. MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, La Constitution :
la révision n'est pas une urgence, entretien avec le journal le Phare,
rapporté par S. BOLLE, « RD Congo. Faut-il déjà
réviser la Constitution de 2006 »,
http://www.la-constitution-en-afrique.org/,
27 novembre 2007.
55 M. WETSH'OKONDA KOSO et V. MAKIDI KOMBE, «
L'échec de l'initiative de révision constitutionnelle du 5
novembre 2007 »,
http://www.la-constitution-en-afrique.org,
17 juillet 2008.
56 Joseph KABILA, L'état de la nation :
2007-2008-2009, Kinshasa, Editions de la presse présidentielle, 2010,
p.47.
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présente situation, le mensonge cache, bien mal, la
panique qui s'empare du magma appelé « AMP » dans la
perspective de plus en plus vérifiée d'une défaite lors de
l'élection annoncée en 2011 tout amendement bien que soutenu par
l'AMP (alliance de la majorité présidentielle) n'était
qu'à leur avantage.
L'article 218 non amendé de la constitution 18
février 2006 stipule que : ce pouvoir constituant et soit le peuple,
soit le Parlement réuni en Congrès. L'ancien alinéa 3 du
même article de la Constitution était, sans aucune autre
précision, libellé comme suit : « la révision n'est
définitive que si le projet, la proposition ou la pétition est
approuvée par référendum ». Mais, la loi
constitutionnelle du 20 janvier 2011 l'a modifié en ajoutant au bout de
cette disposition que la révision constitutionnelle est approuvée
par référendum « sur convocation du Président de la
République ». Qu'elle a été les motivations ayant
poussé le constituant dérivé à attribuer au
président ce nouveau pouvoir constitutionnel ? Il faut souligner
que le pouvoir constituant dérivé n'a fourni aucune motivation a
cette attribution. Mais, deux hypothèses ont été
avancée par un auteur, lesquelles pour notre part nous estimons
étant les raisons valables pour renforcer le pouvoir du chef de
l'Etat.
D'abord, il peut arriver que le Chef de l'Etat n'ait pas le
contrôle du Congrès, en particulier en période
de cohabitation, ou qu'il ait des difficultés
à convaincre les parlementaires (congressistes) à pouvoir
approuver son initiative d`amendement constitutionnel à la
majorité qualifiée qu'exige la Constitution. Ensuite, la CENI
étant en principe indépendante, il n'est pas sûr qu'elle
puisse convoquer tel ou tel autre référendum constitutionnel,
même sur demande présidentielle expresse. Face à ces
inquiétudes de nature politicienne, la solution n'était plus
que celle d'accorder au Président de la République lui-même
le pouvoir de convoquer le peuple au référendum, avec tout
le risque de tripatouillage du vote comme c'est souvent le cas en Afrique. Au
surplus, il s'agit d'une compétence discrétionnaire : seul le
Chef de l'Etat décide de l'opportunité de convoquer le
référendum constitutionnel, tandis que la CENI est tenue, en
simple exécutant de la volonté présidentielle, de
procéder à son organisation matérielle. Cette confusion
des pouvoirs conduit à conclure à la présidentialisation
du constituant dérivé de la Constitution du 18 février
2006.
En revanche, en période de concordance
entre l'exécutif et la majorité parlementaire, ce
nouveau pouvoir présidentiel apparaît plutôt comme une
précaution politique en faveur du Chef de l'Etat. En pratique,
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la majorité qualifiée du Congrès qu'exige
la Constitution pour sa propre modification ne serait pas difficile à
atteindre, si bien que la consultation du souverain primaire devient presque
aléatoire. L'argent corrompt la politique et la majorité au
pouvoir obéit au mot d'ordre des chefs des partis ou «
autorités morales », selon une expression désormais
célèbre en RDC.57
Ceci étant le pouvoir constituant dérivé
a adopté une révision constitutionnelle cavalière à
des fins personnelles, étrangères à l'amélioration
de l'Etat de droit et de la démocratie. Le Chef de l'Etat en a
été le principal bénéficiaire.
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