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Urbanisme et santé


par ERIC Omar MOUSTAQIL
Institut d'urbanisme de Lyon - Master 2 Urbanisme et aménagement 2020
  

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III.3.b- Pollution sonore

La pollution sonore est due aux transports (souvent dans les périphéries), aux nuisances humaines (centre-ville et concentrations dans les quartiers), à la logistique urbaine, aux activités industrielles. Ce qui provoque stress, manque de concentration, dérèglement du sommeil, modification des comportements, conséquences somatiques diverses, risque de surmortalité à cause de la fatigue ou du stress accumulés et le mal être urbain.

III.3.c- Pollution lumineuse

La pollution lumineuse est en général, due à l'éclairage public qui a été utilisé au XIXème siècle pour créer un sentiment de sécurité, puis surtout pour la circulation automobile. Il s'inscrit dans la démarche de prévention situationnelle. Depuis, l'éclairage a évolué vers d'autres usages, notamment, l'éclairage publicitaire et patrimonial, l'éclairage festif, l'éclairage domestique concentré, etc. Son usage ne va pas sans conséquences dramatiques sur l'écosystème. Il est source de stress et d'inconfort. Son impact sur l'air par opération photochimique des polluants a de fortes conséquences sur la flore et la faune (oiseaux, insectes etc.).

Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 3 3 | 1 4 8

97 « Notre planète a ses limites : L'alerte de la science | Site officiel de Netflix- Documentaire scientifique-2021 », s. d., https://www.netflix.com/fr/title/81336476.

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Selon une étude américaine, « plus de 600 millions d'oiseaux mourraient chaque année en percutant des gratte-ciels aux États-Unis. Un phénomène dramatique dont la pollution lumineuse nocturne serait l'un des principaux facteurs »98. En milieu urbain on ne voit plus le ciel nocturne, cela constitue l'une des causes de perturbation de l'écosystème et du sommeil. Il est la cause même de la désynchronisation hormonale augmentant le risque de cancer du sein. Il augmente également les troubles de la vision.

III.3.d- Conséquences multiples :99

Le modèle urbain fonctionnaliste a considérablement influencé l'environnement et la santé des habitants en milieux urbains. En effet, il a été démontré par des études scientifiques que la pollution de l'air par l'ozone et autres polluants constitue une source de plusieurs problèmes sanitaires, environnementaux, sociaux et économiques100 :

· La santé : les poumons, les fonctions vitales sont touchées par les pollutions atmosphériques. Dans le monde, 4.2 millions de morts prématurés sont dus à la pollution atmosphérique extérieure en 2016, 3.8 millions de morts pour la pollution intérieure des bâtiments, soit 8 millions de morts au total. 21% de maladies pulmonaires, 20% d'AVC, 34% de cardiopathies, 7% de cancers. Dans le monde, voici les pays les plus impactés : 2 Millions en Chine, 1 Million en Afrique. En France 9% de

98 EMELINE FERARD, « Aux Etats-Unis, plus de 600 millions d'oiseaux meurent chaque année à cause des gratte-ciels », GEO, 10 avril 2019, https://www.geo.fr/environnement/aux-etats-unis-plus-de-600-millions-doiseaux-meurent-chaque-annee-a-cause-des-gratte-ciels-195230.

99 Cette partie relative aux conséquences multiples est tirée des travaux de : E. Ferard, P. Boino (IUL) A. BOUTAUD (A. Levy) etc.

100 ADDIN ZOTERO_ITEM CSL_CITATION {"citationID":"MRW1iJmx","properties":{"formattedCitation":"PAUL BOINO, \\uc0\\u171{}\\uc0\\u160{}Ville et sant\\uc0\\u233{}: Port\\uc0\\u233{}e et limites d\\uc0\\u8217{}une construction objectiv\\uc0\\u233{}e des probl\\uc0\\u232{}mes publics-M1 Urbanisme et am\\uc0\\u233{}nagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut d\\uc0\\u8217{}Urbanisme de Lyon (IUL) Universit\\uc0\\u233{} Lyon 2- 75 pages\\uc0\\u160{}\\uc0\\u187{} (2020).","plainCitation":"PAUL BOINO, « Ville et santé: Portée et limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1 Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages » (2020).","noteIndex":100},"citationItems":[{"id":100,"uris":[" http://zotero.org/users/local/P1d2aBMC/items/UI 6A8LNM"],"uri":[" http://zotero.org/users/local/P1d2aBMC/items/UI6A8LNM"],"itemData":{"id":100,"type":"bi ll","abstract":"M1 Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020","event-place":"Institut d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2","page":"75 pages","publisher-place":"Institut d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2","title":"Ville et santé: Portée et limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1 Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages","author":[{"family":"BOINO","given":"PAUL"}],"issued":{"date-parts":[["2020"]]}}}],"schema":" https://github.com/citation-style-language/schema/raw/master/csl-citation.json"} PAUL BOINO, « Ville et santé: Portée et limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1 Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages » (2020).

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la mortalité est liée à la pollution atmosphérique. Du fait de la concentration moyenne des particules fines dans les zones urbaines de plus de 100.000 habitants, 15 mois d'espérance de vie à 30 ans sont perdus à cause des PM 2.5 et dans les zones rurales, c'est 9 mois d'espérance de vie perdus.

· Conséquence sur l'environnement bâti : perte de masse des façades des constructions: elles perdent leur couleur, s'écroulent, problèmes de transparence du verre, pour les vitraux anciens. La pollution rend des quartiers invivables, notamment ceux à proximité des axes routiers. Le coût global pour la pollution atmosphérique est de 3.4 milliards d'euros en 2000.

· Économie : en 1 an, la pollution atmosphérique engendre 101.3 milliards d'euros de coûts directs et indirects, majoritairement des coûts sanitaires (selon le rapport du Sénat en 2015). Mais la pollution ne reste pas cantonnée aux seules villes. En effet, les zones rurales sont également impactées et voient la santé des cultures et des élevages se dégrader. Il a été scientifiquement prouvé que la pollution atmosphérique par l'ozone est dangereuse pour nos écosystèmes. En effet, elle provoque des perturbations de la photosynthèse et une baisse de production des cultures. Les rendements peuvent ainsi diminuer de 5 à 20%.

· Les écosystèmes : certains polluants contaminent les sols et les eaux, acidifient les océans, attaquent les arbres avec les pluies acides, diminuent la biodiversité, modifient la zonation des espèces en flore et faune. Nous observons également des proliférations d'algues vertes sur les plages bretonnes, la flore des rivières disparait, etc.

· Climat : La pollution provoque une tendance au réchauffement climatique. Nous observons les effets sur les glaciers, sur l'augmentation du niveau de la mer, sur la météorologie. Cela perturbe les mouvements classiques de transferts atmosphériques qui sont à la base de nos saisons. Nous assistons donc à un dérèglement climatique qui impacte la vie urbaine.

L'environnement a toujours été l'élément considérable et primordial dans la santé des individus. Avec la crise sanitaire, la situation actuelle nous incite à nous interroger sur les liens entre environnement, santé et urbanisme. Les pandémies et les maladies que le monde a connues autrefois avaient eu un fort impact sur les villes et sur leur évolution. « Avec la Covid-19, nous subissons aujourd'hui une double épidémie : en fragilisant le système immunitaire,

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notamment des personnes âgées, les maladies chroniques rendent plus vulnérables aux maladies infectieuses »101 (Alerte Albert Levy). L'épidémie nous a permis de prendre plus conscience que notre époque est marquée par la déflagration des maladies chroniques. Albert Lévy souligne que « Nous vivons actuellement une véritable transition épidémiologique, marquée par une explosion des maladies chroniques (...) ce sont les tendances contemporaines de l'urbanisme qui sont interrogées : la métropolisation ou croissance illimitée des métropoles, l'étalement urbain et l'artificialisation des sols, la périurbanisation excessive, la congestion des centres sur-densifiés, mais aussi le développement urbain hors-sol, c'est à dire la déterritorialisation, l'indifférence au lieu... Toutes ces tendances, qui affectent nos lieux de vie, sont des causes probables du développement des maladies chroniques »102

Les maladies chroniques sont qualifiées d'épidémie mondiale par l'OMS : les maladies cardiaques, les maladies cardio-vasculaires, le cancer, les problèmes respiratoires chroniques, le diabète, les problèmes de vue ou d'ouïe sont responsables de plus de 17 millions de décès par an. Elles sont classées première cause de décès à l'échelle mondiale103. C'est le cas des décès prématurés des moins de 65 ans. Ces maladies chroniques sont liées à l'environnement économique et social des individus. La grande majorité des décès (plus de 80%) sont recensés dans des foyers à revenus faibles104. Selon l'OMS, le taux de ces maladies ne cessera d'augmenter sans que des actions globales et intégrées, à même de sauver des vies, ne soient menées.

III.4- Les inégalités sociales de santé105 (ISS)

Du fait des nombreux risques de santé existants, les villes souffrent d'une image peu engageante d'un point de vue de la santé 106 . En plus des maladies liées à la pollution, s'ajoutent également d'autres phénomènes relevant de la psychologie et de la psychiatrie : le surmenage, les divorces, les précarités, l'isolement social, l'éloignement des équipements, etc.

101 « Que peut l'urbanisme contre les épidémies? », Demain La Ville - Bouygues Immobilier (blog), 26 mars 2020, https://www.demainlaville.com/que-peut-lurbanisme-contre-les-epidemies/.

102 BOUTAUD, Santé & environnement Décryptage - Tendances - interviews - initiatives Métropole de Lyon-Albert Lévy, Architecte urbaniste, chercheur associé LAVUE UMR/CNRS 7218, membre du Réseau Environnement Santé (interview du 15/07/2017.

103 « https://www.who.int/fr/director-general/speeches/detail/launch-of-the-report-on-women-and-health-today-s-evidence-tomorrow-s-agenda », s. d.

104 Idem, art. déjà cité.

105 Cette partie est tirée des travaux de : D. Fassin, P. Boino, L. Bourdeau-Lepage, L. Potvin et al

106 Gérard Salem et Alain Vaguet, « Éditorial », Espace populations sociétés, no 2006/2-3 (1 décembre 2006): 221-26, https://doi.org/10.4000/eps.1421.

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Les situations socioprofessionnelles, familiales et culturelles sont considérées comme des éléments majeurs d'augmentation des risques sanitaires. En effet, certains citadins sont plus exposés à ces facteurs, ce qui favorise l'augmentation des inégalités sociales de santé entre eux107. Elles sont corrélées à une myriade d'indicateurs de santé englobant ceux relatifs aux risques et aux résultats des soins. Ce qui produit l'existence de ces inégalités, entre les groupes sociaux, notamment dans le domaine sanitaire.

En effet, lorsque l'on observe l'évolution urbaine des villes, on constate que l'approche fonctionnaliste prime sur l'aspect social, sur l'occupation des espaces par les citadins et sur l'aménagement des espaces108. Les typologies de discrimination engendrent la relégation de certaines populations à l'extérieur de la ville. Dans tous les domaines de la vie socio-urbaine, la discrimination intègre la société entière, la désunit et la décompose. Les individus sont dispersés ou relégués selon leur appartenance sociale, leur ethnie, leur âge, ainsi nait le phénomène de la ghettoïsation.109 De ce fait, d'autres phénomènes sociaux se créent : communautarisme, paupérisation et repli sur soi. En outre, dans d'autres lieux urbains de la même ville, nous observons des quartiers résidentiels avec tous les paramètres du bien-être. Cela reflète le dysfonctionnement urbain du fonctionnalisme qui pèse encore dans la typo-morphologie de nos villes : les populations ouvrières sont reléguées loin des centres historiques des villes, dans des grands ensembles éloignés des équipements et des services, généralement implantés dans les banlieues et les périphéries110. À cet effet, « l'appropriation de la ville leur a été ôtée, le temps leur échappe ».111 L'industrialisation, comme nous l'avons exprimée auparavant, a engendré « un éclatement de la ville traditionnelle, lui imposant une logique de rentabilité et de productivité qui détruit toute forme de créativité, de spontanéité et d'échange jusque dans la vie quotidienne, désormais aliénée et marquée par une désagrégation de la vie mentale et sociale».112 D'où la définition des inégalités sociales de santé selon Anne Guichard : «[...] toute relation entre la santé et l'appartenance à une catégorie

107 Lise Bourdeau-Lepage & Virginie Chasles, « Ville et santé », Métropolitiques, 4 juin 2014, https://metropolitiques.eu/Ville-et-sante.html.

108 Laurence Costes, « Le Droit à la ville de Henri Lefebvre : quel héritage politique et scientifique ? », Espaces et sociétés 140-141, no 1 (2010): 177, https://doi.org/10.3917/esp.140.0177.

109 Costes. Art. déjà cité.

110 Laurence Costes, « Le Droit à la ville de Henri Lefebvre : quel héritage politique et scientifique ? », Espaces et sociétés 140-141, no 1 (2010): 177, https://doi.org/10.3917/esp.140.0177.

111 Costes.

112 Idem

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sociale »113 à partir de cela, on en déduit que toute organisation socio-spatiale séparative, associée à un modèle économique ultralibéral favorisent l'installation des Inégalités Sociales de Santé en ville.

Les facteurs de ces inégalités de vies ont fait l'objet d'une myriade de recherches. En effet, celles-ci ont été réalisées sur les conditions de travail, les conditions et les modes de vie, les catégories socio-professionnelles, les comportements à risques, l'âge de la retraite, la politique de l'habitat, les relations sociales, les politiques distributives à travers la fiscalité et les aides financières directes. D'autres études ont plus porté sur les comportements de chaque individu par rapport à la santé qui sont étroitement liés avec les facteurs sociaux114. À ces facteurs, on peut bien évidemment rajouter l'accès aux soins primaires et également les transports facilitant l`accès aux différents services urbains, aux lieux de travail, aux lieux d'enseignement et aux espaces de loisirs. Malheureusement, on constate qu'une grande partie des habitants sont limités en termes de transports et ne peuvent pas ou peu accéder à tous ces sites. Les causes de cette limite de transports sont multiples : économique (prix du transport), géographique (selon la situation de la résidence et la distance des arrêts de bus, par exemple) ou physique (une personne à mobilité réduite, âgée, etc.). Toutes ces causes découragent certains habitants à se déplacer de façon active et en particulier les personnes âgées, les étudiants, les personnes à mobilité réduite ou ayant un autre handicap, les populations les plus pauvres et les plus défavorisées. De plus, les difficultés de transport constituent également des obstacles à l'emploi, ce qui contribue à installer les personnes les plus démunies dans une situation précaire durable. Il en découle que le fait de ne pas pouvoir accéder aux transports est une cause de la pauvreté et de l'exclusion sociale et pas seulement une conséquence115.

Ces inégalités sociales de santé (ISS) sont généralement marquées par des écarts socio-économiques. Elles sont bien évidemment évitables et/ou modifiables. Elles existent à toutes les échelles : entre les femmes et les hommes mais également selon les catégories socioprofessionnelles et les territoires. Les ISS ont une incidence forte sur la santé des

113 Louise Potvin, Marie-José Moquet, et Catherine Marie Jones, Réduire les inégalités sociales en santé, Dossiers santé en action (Saint-Denis: INPES, 2010).

114 Fassin, De l'inégalité des vies.

115 François Desbiens, « Mémoire sur la mobilité durable et la santé -Centre universitaire intégré de santé et de service sociaux- de la Capitale-Nationale- Quebec 2017- », s. d.

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populations116. En France, les ISS sont considérées comme étant les plus importantes d'Europe de l'Ouest. Paradoxalement, son système de soins est évalué parmi les meilleurs du monde : selon l'OMS, il est au premier rang de son classement117.

Selon des études faites pour le compte de l'INSEE, ce progrès sanitaire ne profite pas à tous de manière équitable. Nous observons que ce progrès a été profitable pour une minorité de la population, notamment la plus favorisée. Si l'on compare à aujourd'hui l'espérance de vie d'un cadre avec celle d'un ouvrier : l'espérance de vie d'un ouvrier de 35 ans est de 7 ans de moins que celle d'un cadre ou d'un professionnel libéral - pour les femmes, la différence est de 3 ans118. On peut déduire que l'état de santé et du bien-être d'un individu est fortement lié à sa position socio-économique et culturelle. Cependant, ces inégalités suivent une classification sociale parmi les individus : une catégorie sociale correspond à un niveau de morbidité ou de mortalité plus élevé que la catégorie sociale supérieure119. Par exemple, un habitant à proximité immédiate du boulevard Bonnevay à Lyon est plus exposé à des risques relatifs à la pollution qu'un habitant du boulevard des Belges.

Un autre phénomène émerge de ces inégalités sociales de santé : du fait de leurs faibles revenus ou parce qu'elles ne connaissent pas très bien le fonctionnement du système de santé, de trop nombreuses personnes se voient dans l'obligation de renoncer aux soins dont elles ont besoin120. En France, des enquêtes ont démontré qu'« En 2014, une personne sur quatre déclare avoir renoncé à au moins un soin dans l'année pour des raisons financières. C'est notamment le cas pour les soins dentaires, les équipements d'optique médicale et les audioprothèses. En 2014, 17 % des personnes déclarent avoir renoncé à des soins dentaires pour des raisons financières, et 5 % à des soins médicaux. Les dépassements sur les prothèses dentaires ont augmenté de 66 % en 10 ans, et le taux de dépassement moyen des médecins de secteur 2 s'élève encore en 2016 à plus de 33 % des honoraires malgré les mesures

116 « Léa-Roback centre de recherche sur les inégalités sociales de santé de Montréal : LES INÉGALITÉS SOCIALES DE SANTÉ: QU'EST-CE QUE C'EST?. », consulté le 17 novembre 2021, http://centrelearoback.org/coup_d_oeil/.

117 Didier Fassin, « Un aveuglement face aux inégalités sociales de santé », entretien avec Didier Fassin, directeur d'études à l'EHESS", OBSERVATOIRE DES INEGALITES, 8 février 2008, https://www.inegalites.fr/Un-aveuglement-face-aux-inegalites-sociales-de-sante-entretien-avec-Didier.

118 Marie-José Moquet, « la santé de l'homme », no 397 (2008), http://www.inpes.sante.fr/.

119 Idem, art. déjà cité

120 « adsp n° 102 - Reste à charge et santé », consulté le 7 octobre 2021, https://www.hcsp.fr/explore.cgi/Adsp?clef=159.

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d'encadrement mises en place depuis 2011 ».121

À travers l'éclairage apporté par les différentes études et enquêtes, nous constatons que les inégalités sociales de santé se sont catégoriquement aggravées en France depuis les années 1970.122 Elles sont le résultat de différentes politiques de rigueur menées en France et qui ont engendré une régression des politiques sociales : baisse des dépenses publiques, notamment en matière de santé, augmentation des emplois précaires et baisse du pouvoir d'achat123 , etc.

Nous constatons donc que les politiques publiques sont généralement responsables de l'aggravation des inégalités sociales de santé, ainsi D. Fassin explique, dans une interview : «on constate en France une tendance structurelle des politiques : d'un côté, on produit davantage d'inégalités sociales, notamment par les politiques fiscales mais aussi de l'éducation et de l'emploi, et de l'autre, on s'attaque à la pauvreté extrême : on se souci moins de la justice sociale, mais on développe les programmes d'assistance- ce décalage est caractéristique de toutes politiques libérales dont on constate qu'elles finissent par se retourner contre les pauvres, accusés de contribuer à leur propre misère»124

De plus, dans son rapport de 2010, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) soulignait qu'en France nous enregistrons les inégalités sociales de santé les plus élevées des pays d'Europe. Par ailleurs, elles ne cessent de s'aggraver au cours de ces dernières décennies. Nous constatons également d'autres formes d'inégalités : celles qui concernent les territoires et les régions. Il existe une variation de l'espérance de vie entre les habitants du Nord et du Sud. En effet, un homme vivant en Ile de France a une espérance de vie de 77 ans contrairement à un homme vivant dans le Pas de Calais dont l'espérance est de seulement 73 ans. Pour les femmes : 84 ans en Ile de France et 81 ans dans le Pas de Calais125.

Cela réside forcément dans la temporalité et dans la complexité de la composition socioéconomique de chaque territoire et régions, par rapport à d'autres, et se traduit par des politiques de santé publiques plus au moins favorables au droit à la santé des populations, ainsi Paul Boino explique dans une interview que « Les territoires budgétairement riches

121 « adsp n° 102 - Reste à charge et santé », consulté le 7 octobre 2021, https://www.hcsp.fr/explore.cgi/Adsp?clef=159.

122 Fassin, De l'inégalité des vies.

123 Idem, art. déjà cité

124 Fassin, « Un aveuglement face aux inégalités sociales de santé », entretien avec Didier Fassin, directeur d'études à l'EHESS".

125 Marie-José Moquet, « Inégalités sociales de santé : des déterminants multiples -LA SANTÉ DE L'HOMME - N° 397 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2008 -département Qualité des pratiques et formation, Ddeset, INPES », s. d.

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étaient aussi les territoires socialement pauvres. Industriels et ouvriers, ils disposaient de ressources plus importantes mais devaient supporter des charges plus fortes du fait des besoins en services publics et en services sociaux de leurs administrés. À l'inverse, d'autres territoires plus résidentiels étaient sans doute riches socialement mais ils étaient pauvres budgétairement, car ils n'accueillaient pas beaucoup d'entreprises. Là aussi, il n'y avait pas de problème en soi : les inégalités territoriales généraient de la justice sociale ; les moyens se situaient là où étaient les besoins. La situation actuelle est sensiblement différente. Certains territoires se retrouvent tout à la fois socialement et budgétairement pauvres tandis que d'autres sont simultanément riches de leur population et de leurs entreprises »126. En effet, certains territoires pauvres se voient vidés, progressivement, de leur population et par conséquent de leur richesse socio-économique.

III.5- La temporalité de la ville : synchronisation des temps sociaux

L'histoire et l'organisation de nos sociétés occidentales sont marquées par une approche économique de l'espace et du temps. Plus précisément, l'organisation sociale du temps est structurée par la gestion de l'espace en imposant un rythme aux individus dans une logique d'accumulation de profits qui ne cesse de progresser depuis la première révolution industrielle127. Concrètement, au XIXème siècle notamment, la conception urbaine a été pensée pour faciliter l'accès aux usines dans une temporalité optimale.

126 PAUL BOINO, LES ENJEUX DE SOLIDARITÉ POUR LE GRAND LYON., https://www.millenaire3.com, 18 décembre 2012, https://www.millenaire3.com/Interview/2013/les-enjeux-de-solidarite-pour-le-grand-lyon.

127 François Ascher, « Du vivre en juste à temps au chrono-urbanisme », Les Annales de la recherche urbaine 77, no 1 (1997): 112-22, https://doi.org/10.3406/aru.1997.2145.

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Le temps n'est pas une notion unique.128 En effet, il correspond à plusieurs réalités sociales comme personnelles. Ainsi, le temps est différencié par rapport à des caractéristiques fonctionnelles ou sociales. Il existe donc quatre temps principaux rythmant le quotidien. Le premier temps est physiologique, à savoir les rythmes de repas, de sommeil, de bain etc. Le deuxième temps relève de la vie professionnelle et estudiantine et est donc structuré par les horaires de travail et de cours. Le troisième est consacré aux travaux domestiques et comprend également le temps consacré à l'éducation des enfants. Enfin, le dernier temps est celui des loisirs privés (lecture chez soi par exemple) comme à l'extérieur (aller au cinéma, au théâtre, au sport etc.). Les quatre temps présentés ne peuvent être réalisés en dehors d'un cadre social. L'ensemble de ces activités sont donc elles-mêmes des produits sociaux. En cela, nous pouvons déjà penser ces temps comme des temps sociaux en tant que partie prenante des activités de la société. Nous ne nous limitons à cette définition. Plus que partie prenante, nous définissons le temps social comme produit de la diversité des activités sociales qu'il organise et qu'il rythme129. Cette notion n'est pas nouvelle, elle est empruntée aux travaux de Durkheim130 (Durkheim,1912). Nous l'adoptons car nous adhérons au point de vue que la société constitue une unité qui structure les vies des individus. En revanche, nous adoptons le point de vue de temps sociaux multiples. En effet, toute pratique sociale amène à la production d'un temps social. Par exemple, aller au marché, à l'école, au travail, constitue un certain temps d'activité quotidienne pour un individu. Ces temps se coordonnent et s'organisent entre eux. Par exemple, un certain temps passé au marché sera au sacrifice d'une autre activité, aller à la bibliothèque. De même, le temps passé dans les transports indique les activités possiblement réalisables131.

Par la suite, nous faisons l'hypothèse que les temps sociaux sont majoritairement structurés en ville. Ceci est une assomption raisonnable car comme nous l'avons montré le mouvement historique est celui d'un exode rural vers la ville et aujourd'hui plus d'un individu sur deux vit en ville dans le monde 132. Nous pouvons donc négliger l'étude des campagnes concernant les

128 Joseph Moreau, « Le Temps selon Aristote (à suivre) », Revue Philosophique de Louvain 46, no 9 (1948): 57-84, https://doi.org/10.3406/phlou.1948.4129.

129 Roger Sue, « La sociologie des temps sociaux : une voie de recherche en éducation », Revue française de pédagogie 104, no 1 (1993): 61-72, https://doi.org/10.3406/rfp.1993.1289.

130 Igor Martinache, « Emile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse », Lectures, 20 février 2009, https://doi.org/10.4000/lectures.726.

131 Sue, « La sociologie des temps sociaux ».art. déjà cité

132 Jacques Véron, « La moitié de la population mondiale vit en ville », Population & Sociétés 435, no 6 (2007):

1-4.

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temps sociaux133. Les différents temps sociaux en ville se matérialisent dans des espaces (les bâtiments d'administration, les entreprises, les écoles, les parcs, les centres commerciaux etc.). De fait, les emplois des espaces urbains sont liés aux emplois du temps. Ce principe s'appelle « chronotopie »134. L'approche par ce principe permet de définir les chronotopes comme «lieux de confluence de la dimension spatiale et de la dimension temporelle» 135.

La ville concrétise donc des rythmes coexistant et interagissant entre eux. Il s'agit alors de s'intéresser concrètement à cette polyrythmie afin de comprendre les problématiques et enjeux qu'elle engendre. Cette polyrythmie est prise en compte à partir de trois formes principales, à savoir, les temps sociaux multiples, l'utilisation multiple simultanée (polychronie) des lieux ou l'utilisation différée (polyvalence séquentielle) des espaces. L'absence de vision globale intégrant ces trois problématiques empêche l'avènement d'un urbanisme pensé par le rythme. Ainsi, la vision urbanistique majoritaire aujourd'hui ne prend pas suffisamment en compte l'articulation des temps urbains. La majorité des temps sont standardisés en fonction des horaires de travail. L'organisation de la ville a concentré les espaces relatifs à certaines activités entre eux (Zone industrielle, Zone d'activité, Zone résidentielle etc.) et a calé les transports en fonction de leurs horaires. Ce manque d'articulation entraîne une synchronisation trop importante des temps sociaux, ce qui engendre des congestions sur les routes aux heures de pointe, de la pollution, de l'anxiété etc.

Depuis une trentaine d'années, nous constatons une accélération des changements dans notre organisation des temps journaliers. En effet, plusieurs facteurs conduisent à ces transformations. Premièrement, nous observons une évolution dans l'organisation du travail. En France, les temps de travail ont évolué avec les changements de contrat de travail. Les 35h hebdomadaires ont engendré du temps libre. Les emplois intérimaires, l'ubérisation du travail, les contrats de mission, les CDD courts, les temps partiels ainsi que l'augmentation du chômage conduisent également à du temps libre et à une transformation des horaires et jours de travail. À cela, il s'ajoute le développement technologique qui crée une connexion quasi-permanente à des activités sociales induisant des temps artificiels. Cela perturbe également les rapports entre individus qui peuvent se contacter en temps réel. De fait, la temporalité

133 Nous négligeons l'étude des campagnes sans pour autant dire que cette étude ne mérite pas une attention.

134 Sandra Mallet, « Aménager les rythmes : politiques temporelles et urbanisme. », EspacesTemps.net Revue électronique des sciences humaines et sociales., 2013, https://www.espacestemps.net/articles/amenager-les-rythmes-politiques-temporelles-et-urbanisme/#.

135 Luc Gwiazdzinski, « Chronotopies - L'événementiel et l'éphémère dans la ville des 24 heures (Chronotopia - The happening and the ephemeral in the 24 hour city) », Bulletin de l'Association de géographes français 86, no 3 (2009): 345-57, https://doi.org/10.3406/bagf.2009.2679.

entre les moments de travail et de non-travail est poreuse. De plus, les transports permettent aujourd'hui une accessibilité plus rapide des lieux. Ainsi, les rythmes sociaux s'accélèrent, et les activités se concentrent sur des temps de plus en plus courts. Cela a pour conséquence de créer des sentiments d'urgence, une certaine pression temporelle, du stress, ainsi qu'une peur de ne plus suivre le rythme136. L'ensemble de ces évolutions engendre plusieurs problèmes. Premièrement, des inégalités sociales naissent du fait qu'en fonction de notre niveau social, l'usage et la maîtrise du temps diffèrent car l'accessibilité aux chronotopes n'est pas égale. Ainsi, certaines classes sociales peuvent suivre l'accélération des rythmes et des besoins engendrés quand d'autres ne le peuvent pas. Deuxièmement, la pression temporelle augmente les conflits à divers moments. Enfin, l'accélération des temps sociaux implique des perturbations des rythmes biologiques. En effet, notre repos et notre sommeil sont perturbés, nos temps de repas également, ainsi que notre niveau de bien-être avec l'augmentation du stress. De ce fait, l'organisation du temps représente un enjeu d'aménagement urbain capital depuis ces dernières décennies137. En France, s'inspirant du modèle italien, les politiques temporelles naissent à la fin des années 1990. Elles cherchent à influencer des temps journaliers, des chronotopes et sur l'accessibilité à ces derniers afin que les divers temps des individus puissent être coordonnés. Cette volonté a amené à la création en 2001 des Bureaux des Temps, aussi appelés Espaces des Temps, Maison du Temps, Mission Temps de la ville138, etc.

Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 4 4 | 1 4 8

136 Elodie Wahl, « Hartmut Rosa, Accélération. Une critique sociale du temps », Lectures, 16 avril 2010, https://doi.org/10.4000/lectures.990.

137 Mallet, « Aménager les rythmes : politiques temporelles et urbanisme. » art. déjà cité.

138 Idem, art. déjà cité

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