(maladies chroniques)
Nous traitons dans cette partie de différentes
problématiques de santé conséquentes à
l'organisation urbaine moderne. Dans cette partie, en accord avec la
constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)55,
nous définissons donc la santé comme un état de complet
bien-être mental, physique et social, et non comme une absence de maladie
ou d'infirmité. Nous développerons cet aspect dans une partie
suivante, et nous concentrons sur les problématiques en respect avec la
définition de l'OMS.
La ville est une espèce d'écosystème en
perpétuel développement56. En 2050, 68 % de la
population mondiale habitera en milieu urbain. Aujourd'hui on en recense 55%.,
soit deux individus sur trois qui habiteront probablement en ville, selon de
nouvelles données des Nations Unies. Ce qui indique que près de
2,5 milliards d'individus pourraient éventuellement s'être
additionnés aux milieux urbains d'ici quelques décennies, du fait
des évolutions et de la croissance démographiques d'ordre
général, a précisé le Département des
affaires économiques et sociales de l'ONU (DESA).57
Ces prévisions de l'Organisation des Nations Unies
(ONU) montrent à quel point les villes sont sources d'attrait. La vie
urbaine apporte de nombreux bienfaits à l'homme : les services
sanitaires, éducatifs, sociaux et financiers sont plus faciles
d'accès qu'à la campagne. La vie communautaire peut être
épanouissante et enrichissante socio-économiquement.
L'environnement urbain est varié, stimulant et favorable aux nouvelles
opportunités.
54 Cette partie est tirée des travaux de : P.
Boino (IUL), OMS, Anthony J. McMichael, etc.
55 OMS, « La Constitution a été
adoptée par la Conférence internationale de la Santé,
tenue à New York du 19 juin au 22 juillet 1946, signée par les
représentants de 61 Etats le 22 juillet 1946 (Actes
off. Org. mond. Santé, 2, 100) et
est entrée en vigueur le 7 avril 1948. Les amendements adoptés
par la Vingt-Sixième, la Vingt-Neu_vième, la
Trente-Neuvième et la Cinquante et Unième Assemblée
mondiale de la Santé (résolutions WHA26.37, WHA29.38, WHA39.6 et
WHA51.23) sont entrés en vigueur le 3 février 1977, le 20 janvier
1984, le 11 juillet 1994 et le 15 septembre 2005 respectivement; ils sont
incorporés au présent texte ».
56 BOINO, Ville et santé: Portée et
limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1
Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut
d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages.
57 OMS, « 2,5 milliards de personnes de plus
habiteront dans les villes d'ici 2050 ». art. déjà
cité
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
1 9 | 1 4 8
En revanche, les villes sont souvent
dépersonnalisées, asservissantes, voire
inquiétantes.58 L'environnement urbain moderne combine
industrialisation, surpeuplement, production de déchets et
densité des systèmes de transport. Ces facteurs sont
aggravés par la pauvreté périurbaine et la pauvreté
des quartiers déshérités, la sédentarité et
une temporalité désavantageuse. La conception et l'organisation
du milieu urbain ont toujours été pensées à travers
une vision pragmatique axée sur le tout économique : transport
rapide pour acheminer la marchandise et la force du travail dans une
temporalité optimale, déforestation, urbanisation
incontrôlée, industrialisation des centres-villes, et construction
de l'outil de production à côté de l'habitat, etc. Cette
vision capitaliste de concevoir la ville a en effet créé, d'une
manière cyclique, certains dysfonctionnements, notamment en
matière de santé. En tant qu'écosystème,
l'environnement urbain provoque des pathologies appelées
écopathies59 liées au regroupement de populations.
Selon l'OMS, ces pathologies ou maladies chroniques, aussi
appelées maladies non transmissibles (MNT), émanent
généralement de nos comportements, de nos modes de vie et de
l'environnement notamment dans les milieux urbains. D'après l'article
« Maladies non-transmissibles » de l'OMS,
chaque année :
· « 41 millions de personnes en meurent,
soit 71% des décès dans le monde.
· 15 millions de personnes,
âgées entre 30 à 69 ans, en décèdent ; plus
de 85% de ces décès « prématurés »
surviennent dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire.
· Parmi les MNT, les maladies
cardio-vasculaires causent le plus de décès : 17,9 millions,
suivies des cancers (9 millions), des maladies respiratoires (3,9 millions) et
du diabète (1,6 million), ces 4 types de pathologies représentant
plus de 80% des décès prématurés.
»60
Elles peuvent être évitées en agissant
sur leurs facteurs de risques : le tabagisme, la sédentarité, la
pollution, la mauvaise nutrition, le stress, etc. Ces derniers dépendent
directement du mode de vie dans un milieu urbain, de la densité des
transports et du bâti,
58 Anthony J. McMichael, « La Santé En
Milieu Urbain : Conséquences de La Mondialisation Pour Les Pays En
Développement », Bulletin de l' Organisation Mondiale
de La Santé: La Revue Internationale de Santé Publique : Recueil
d' Articles 2001 ; 4 : 53-61, 2001,
https://apps.who.int/iris/handle/10665/74839.
59 BOINO, Ville et santé: Portée et
limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1
Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut
d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages.
60 OMS, « Maladies non transmissibles ».
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
2 0 | 1 4 8
d'une urbanisation incontrôlée, de la pollution,
des inégalités sociales de santé61 en ville
ainsi que de la conception et de l'organisation temporelle de celle-ci.
En effet, l'étalement urbain et la
périurbanisation que les territoires ont subi, ne va pas sans impact sur
l'environnement. Ils conditionnent l'usage d'un véhicule individuel
motorisé, aujourd'hui incriminé de générer une
pollution atmosphérique et sonore, la sédentarité des
individus et, de ce fait, d'accroître le risque
d'obésité. Nous considérons que
l'urbanisation sous le prisme économique et par conséquent la
mobilité qui résulte du temps que tout individu consacre pour
satisfaire ses besoins en se déplaçant. Ainsi la morphologie
urbaine dans sa conception tend à répondre à la
maximisation de l'interaction entre l'appareil productif et sa main d'oeuvre.
Cette tendance a pris de l'ampleur depuis les années 1970 avec la double
motorisation rendue abordable au plus grand nombre. Aujourd'hui, on compte
même, en moyenne, une triple motorisation. La forme urbaine de la
mobilité généralisée facilite également
l'expansion de ce phénomène.
III.1- La sédentarité62 dans un milieu
urbain : un phénomène
épidémiologique
La sédentarité fait partie des quatre
principales causes des maladies chroniques63. Elle est
classée responsable d'environ de 3,2 à 5 millions de
décès par an à l'échelle mondiale et de près
d'un million de décès en Europe.64 En plus
d'être associée fortement à l'obésité, la
sédentarité est un facteur de risque considérable pour le
niveau de la prévalence de nombreuses pathologies chroniques : 27 % des
cas de diabète, de 30 % des cas de cardiopathie ischémique et 21
% à 25 % des cas de cancer du sein et du côlon, le diabète,
l'ostéoporose, les maladies coronariennes65, etc.
61 Didier Fassin, « Un aveuglement face aux
inégalités sociales de santé », entretien avec Didier
Fassin, directeur d'études à l'EHESS", OBSERVATOIRE DES
INEGALITES, 8 février 2008,
https://www.inegalites.fr/Un-aveuglement-face-aux-inegalites-sociales-de-sante-entretien-avec-Didier.
62 Cette partie est tirée des travaux de : P.
Boino (cours IUL), J. Bazex et al, L. D. Frank et
al, OMS etc.
63 OMS, « Maladies non transmissibles ».
art. déjà cité.
64 Idem
65 BOINO, Ville et santé: Portée et
limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1
Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut
d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
2 1 | 1 4 8
De plus, selon des enquêtes, il a été
observé, depuis quelques décennies, que l'activité
physique a beaucoup baissé chez toutes les catégories
d'âge. En effet, nous évoluons dans un monde où
l'utilisation journalière de l'énergie du corps humain a beaucoup
baissé. Selon certaines études, beaucoup d'individus ne prennent
pas conscience de l'impact de l'inactivité physique. Cet état de
sédentarité grandissant s'explique par plusieurs facteurs.
L'organisation et la conception urbaine, selon les principes
fonctionnalistes, favorisent l'utilisation de l'automobile. En effet,
l'étalement urbain et la périurbanisation amènent certains
services à être à une distance nécessitant
l'utilisation de la voiture. Par exemple, nous utilisons nos voitures pour
aller aux centres commerciaux en périphérie. Nous
précisons qu'il s'agit d'un choix politique de mettre en avant l'usage
de l'automobile par rapport à l'utilisation des transports en commun ou
d'autres moyens de transport alternatifs. Par ailleurs, l'environnement
obésogène constitue généralement la
conséquence de certaines formes physico-spatiales typiques de
l'urbanisme moderne : faible densité d'occupation du sol, localisation
des activités professionnelles dans des zones à l'écart
des centres urbains, espaces verts et de loisirs actifs peu nombreux et peu
accessibles, des logements en périphérie, notamment les grands
ensembles etc. En effet, la conception de la ville avec les principes
fonctionnalistes, rend difficiles voire impossibles, selon les lieux, les modes
de vie physiquement actifs, en particulier dans un contexte
socio-économique d'accélération du temps et de la
conciliation travail /famille (école)/amis/loisirs. Ce qui rend l'usage
du véhicule individuel plus commode.
De plus, les différentes enquêtes en France
révèlent un désintéressement pour les
activités physiques et sportives et les multiples mesures et politiques
actuellement envisagées ne modifient pas le comportement des individus :
il s'agit souvent de mesures ponctuelles, négligeant le sport pour la
santé, promouvant trop souvent le sport spectacle, ne facilitant pas la
pratique sportive pour tous, n'encourageant pas les éventuels
pratiquants avec des installations adaptées, et par des politiques
visant à minimiser les innombrables difficultés y compris
financières66 , les pouvoirs publics, le corps
médical, la société se trouvent devant un enjeu majeur de
santé.
66 Jacques Bazex, Pierre Pène, et Daniel
Rivière, « Les activités physiques et sportives -- la
santé -- la société », Bulletin de
l'Académie Nationale de Médecine 196, no
7 (octobre 2012): 1429-42,
https://doi.org/10.1016/S0001-4079(19)31722-4.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
2 2 | 1 4 8
D'ailleurs, une heure de voiture quotidienne fait augmenter de
6 % le risque de développer de l'obésité67. Les
résidents des banlieues sont, par exemple, plus à risque de
surpoids en raison de l'usage généralisé de l'automobile.
Les habitants des grands ensembles, de par la typomorphologie de leurs
quartiers, n'échappent pas à l'éloignement des
centralités et la complexité des déplacements et par
conséquent la sédentarité devient une norme
socioculturelle. Une étude menée à Lausanne en Suisse,
démontre la problématique de la sédentarité dans
les quartiers défavorisés (Cf. figure n°3).
Figure n° 3: Cartographie de la
répartition spatiale de l'obésité à
Lausanne
Source :
https://www.letemps.ch/sciences/lausanne-obesite-une-question-quartier
Cette étude montre que ce phénomène est
relatif aux questions d'urbanisme et à l'influence des systèmes
sociaux et culturels du quartier.68
67 Lawrence D. Frank, Martin A. Andresen, et Thomas
L. Schmid, « Obesity Relationships with Community Design, Physical
Activity, and Time Spent in Cars », American Journal of
Preventive Medicine 27, no 2 (août 2004): 87-96,
https://doi.org/10.1016/j.amepre.2004.04.011.
68 « A Lausanne, l'obésité est une question
de quartier », Le Temps, 5 janvier 2016,
https://www.letemps.ch/sciences/lausanne-lobesite-une-question-quartier.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
2 3 | 1 4 8
Les quartiers concernés se situent à l'Ouest de
Lausanne (en rouge sur la carte), ce sont des quartiers populaires
constitués de grands ensembles, tandis que les quartiers à l'Est
de la ville échappent bel est bien à ce phénomène
en concentrant une population dont l'indice de masse corporel (IMC) est plus
bas que la moyenne. Évidemment, quand les gens rentrent chez eux (4eme
ou 5eme étage), ils n'ont plus envie de ressortir. La hauteur des
bâtiments rend donc difficile la mobilité active des habitants.
Concernant le reste de la ville l'étude n'a pas
observé de lien entre l'habitat et l'IMC. Selon le Docteur Idris
Guessoous, membre de l'équipe de recherche, les gens qui vivent dans un
territoire marqué par des coupures urbaines, notamment par des axes
routiers et ferroviaires, sont généralement exposés au
phénomène de la sédentarité et donc de
surpoids.69
Cependant, en France, nous pouvons généralement
observer ce phénomène sur des populations excentrées et
loin de tout équipement et service public. Elles se trouvent souvent
dans l'obligation de faire un usage trop excessif de l'automobile et moins de
mobilité active et d'activité physique. De plus, nous observons
l'impact du progrès technique qui a favorisé non seulement
l'avènement des transports motorisés, mais également la
domotique ou encore le développement des
télécommunications. Cela a engendré une réduction
de l'activité physique puisque les besoins peuvent être accomplis
immédiatement sans bouger ou en prenant la voiture.
En parallèle, la tertiarisation de l'économie a
amené une augmentation du nombre d'employés de bureau,
c'est-à-dire des métiers assis une grande partie de la
journée. Cela conduit également à un manque
d'activité physique. En moyenne, les Européens sont assis 7h26
par jour et pour ceux qui travaillent en bureau cette moyenne est beaucoup plus
élevée70. Par ailleurs, quelle que soit
l'activité, l'organisation urbaine amène à une gestion
particulière des temps sociaux conduisant à la
sédentarité. Selon une expression populaire, il s'agit du «
métro, boulot, dodo ».
Nous rappelons que la sédentarité dont les
causes sont traitées ci-dessus, est un facteur des maladies
cardio-vasculaires, d'accidents vasculaires cérébraux (AVC), de
ruptures d'anévrisme, de problèmes de pancréas, de
vaisseaux, et d'obésité, de cancers, de diabète type 2,
etc. En
69 Idem, art. déjà cité
70 BOINO, Ville et santé: Portée et
limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1
Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut
d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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France, en 20 ans le pourcentage d'obésité a
doublé (de 6 % en 1989 à 12 % en 2011), cependant, sur la
même période le pourcentage des individus en surpoids est
passé de 30 % à 38 %71.
Selon l'OMS, la prééminence de
l'obésité a pris une dimension « épidémique
» à l'échelle mondiale depuis ces dernières
décennies en doublant dans moins de 30 ans72. En effet, ce
phénomène préoccupant est observé à
l'échelle internationale notamment dans les pays
développés (Cf. figue n°4). Ainsi en 2016, plus de 1,9
milliards d'adultes soit 40% de la population adulte mondiale étaient en
embonpoint, sur ce total plus de 650 millions étaient obèses soit
13% de la population adulte mondiale.73
Selon L'OMS, cette épidémie peut s'expliquer
par de multiples causes, elle n'est pas seulement le fait des choix
individuels. Cependant, le développement d'un environnement «
obésogène » émane principalement de
l'évolution de la consommation excessive de nourriture trop riche en
calories (acides gras saturés, sel et sucre) et trop faible en
nutriments essentiels au bon fonctionnement du corps humain associée
à une carence en activité physique74. À cela
nous rajoutons que l'organisation de la ville et notamment la mobilité
en son sein peut être obésogène, si elle n'incite pas les
gens à l'usage de la force physique (la marche et le vélo). Ainsi
les villes se trouvent face un enjeu important liant la pratique de
l'activité physique à la mobilité active pour orienter
leur politique d'urbanisme vers une démarche préventionnelle pour
la santé.
71 Direction des Sports - Bureau de
l'économie du sport, « Activité physique et sportive,
santé et qualité des finances publiques », Note d'analyse
(Ministère des Sports, 31 janvier 2018).
72 « Obésité et surpoids »,
consulté le 8 octobre 2021,
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/obesity-and-overweight.
73 « Obésité et surpoids »,
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/obesity-and-overweight.
74 Direction des Sports - Bureau de
l'économie du sport, « Activité physique et sportive,
santé et qualité des finances publiques ».
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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Figure n°4 : Évolution et projection
de l'obésité dans les pays de l'OCDE
Source : Direction des Sports - Bureau de
l'économie du sport, « Activité physique et sportive,
santé et qualité des finances publiques », Note d'analyse
(Ministère des Sports, 31 janvier 2018).
Aujourd'hui, 28% des gens seulement connaissent les dangers
de l'excès de sédentarité. Elle est responsable de 4% des
décès prématurés par an : c'est 433 000
décès dans le monde et 21 000 décès en
France75. Cela dépasse les décès des accidents
de la route. Les risques varient en fonction du temps d'inactivité : 4h
d'inactivité par jour fait augmenter le risque de 2%, 8h
d'inactivité par jour de +8% et 10h d'inactivité par jour : +34%
de risques.76
À travers cet éclairage, nous observons donc
que l'inactivité physique serait la cause principale directe de ces
décès prématurés. En effet, il est prouvé
scientifiquement que la relation entre l'activité physique et
l'état de santé est incontestable (conSSENSUS) et ce depuis
l'antiquité. Selon les résultats de l'étude de
l'Eurobaromètre, réalisée en 2014 dans les 28 pays membres
de l'Union Européenne, 59 % des citoyens de l'UE signalent ne pas
pratiquer régulièrement une activité physique et sportive,
voire « jamais » pour 42 % d'entre eux 77(Cf. figure
n° 5). Cette étude érige un bilan assez alarmiste des
habitudes des citoyens européens en termes d'activité
physique.
75 BOINO, Ville et santé: Portée et
limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1
Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut
d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages.
76 BOINO. Doc. déjà cité
77 « Special Eurobarometer 412: Sport and physical activity
- Data Europa EU », consulté le 23 octobre 2021,
https://data.europa.eu/data/datasets/s1116_80_2_412?locale=en.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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Figure n°5 : La pratique de
l'activité physique au sein de l'union européenne
Source : Direction des Sports - Bureau de
l'économie du sport, « Activité physique et sportive,
santé et qualité des finances publiques », Note d'analyse
(Ministère des Sports, 31 janvier 2018).
La même étude révèle qu'en 2009 la
pratique du sport d'une manière régulière avait même
reculé dans l'ensemble (Cf. figure n°6) : la part des personnes
déclarant pratiquer une activité physique régulière
perd 5 points (13 % en 2009 contre 8 % en 2013) tandis que celle des personnes
affirmant ne jamais pratiquer une activité sportive prend 8 points (34 %
contre 42 %)78.
Figure n°6 : Évolution de la pratique de
l'activité physique en France
Source : Direction des Sports - Bureau de
l'économie du sport, « Activité physique et sportive,
santé et qualité des finances publiques », Note d'analyse
(Ministère des Sports, 31 janvier 2018).
78 Idem, art. déjà cité
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
2 7 | 1 4 8
En sus de son influence sur la santé, la
sédentarité impacte également l'économie de la
santé79 puisque les coûts sont passés à
67,5 Mds à l'échelle mondiale, soit plus que le produit
intérieur brut (PIB) d'un pays comme le Costa Rica, d'après une
étude publiée par la revue médicale britannique «
The Lancet »80. En France les
coûts sont estimés à plus de 17 Mds € en 2013 : dont
13,4 Mds € en coûts directs (dépenses en santé)
estimés sur la base de 25% du taux de pratique d'activité
physique (Cf. figure n°7).81 Dans une publication du
ministère des Sports, pour étudier les dépenses relatives
à la sédentarité, on se base sur trois types de
coûts 82 :
· « Les coûts directs constituent
l'ensemble des prestations de services de santé. Ils sont relatifs aux
hospitalisations, aux consultations médicales
(généralistes, spécialistes), à la consommation de
médicaments, aux dépenses d'imagerie, de biologie, de transport
médical ou encore de soins infirmiers ;
· Les coûts indirects sont relatifs au
recul de la productivité, lorsque les employés doivent s'absenter
pour des raisons de santé, de façon temporaire
(absentéisme) ou permanente (invalidité ou mortalité
prématurée). Ces coûts sont calculés sur la base de
la contribution que ces individus auraient pu faire à l'économie.
Parmi les coûts indirects, certaines conséquences
économiques ne sont en revanche que très rarement
comptabilisées (travail non salarié) ;
· Les coûts « intangibles »
correspondent à la souffrance physique (douleur) ou morale (peine) des
individus concernés et de leurs proches. Par définition
très difficiles à exprimer en termes monétaires, ils sont
généralement exclus des analyses »83
79 Direction des Sports - Bureau de
l'économie du sport, « Activité physique et sportive,
santé et qualité des finances publiques ».
80 « L'inactivité physique coûte au monde 67,5
milliards de dollars par an », Le Monde.fr, 28
juillet 2016,
https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/07/28/l-inactivite-physique-coute-au-monde-67-5-milliards-de-dollars-par-an_4975571_3244.html.
81 Direction des Sports - Bureau de
l'économie du sport, « Activité physique et sportive,
santé et qualité des finances publiques ».
82 Idem, art. déjà cité
83 Idem, art déjà cité
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
2 8 | 1 4 8
Figure n°7 : Estimation du coût de la
sédentarité en France par type de coût et par pathologie
Source : Direction des Sports - Bureau de
l'économie du sport, « Activité physique et sportive,
santé et qualité des finances publiques », Note d'analyse
(Ministère des Sports, 31 janvier 2018).
III.2- La densité
Les villes denses sont développées depuis
longtemps pour leurs avantages. Elles sont construites selon des modèles
d'urbanisation compacts qui visent à une meilleure accessibilité
des services et emplois locaux, à la réduction des distances
intra-urbaines et à la promotion des systèmes de transports
publics. Ces aspects contribuent positivement à l'efficacité et
à l'efficience des investissements en infrastructures de base, à
la maîtrise de la consommation d'énergie et à la
résilience face au changement climatique en réduisant les
émissions de gaz à effet de serre (GES), ainsi qu'à
l'accès à la connaissance et à la croissance
socio-économique. En effet, la densité peut présenter des
effets positifs pour l'environnement et la santé si elle est
accompagnée par une mixité de fonction, ainsi qu'une organisation
des déplacements actifs et en transport en commun au détriment du
véhicule individuel motorisé84. En effet, la
densité si elle n'est pas organisée et réfléchie
peut conduire aux désastres urbains et à l'apparition et à
la propagation des maladies.
De plus, le mode de vie urbain se fonde sur un système
complexe : la population et les commensaux, c'est-à-dire les animaux qui
vivent avec nous (puces, tiques, rats, souris etc.).
84 Aurélien BOUTAUD, Santé &
environnement Décryptage - Tendances - interviews - initiatives
Métropole de Lyon-Albert Lévy, Architecte urbaniste, chercheur
associé LAVUE UMR/CNRS 7218, membre du Réseau Environnement
Santé (interview du 15/07/2017, 2017.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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Ces derniers provoquent des maladies dites vectorielles. En
effet, le fait que l'on fasse cohabiter beaucoup d'habitants et d'animaux
engendre des problèmes de zoonoses (maladies transmises par les
animaux). Nous avons 65 maladies en commun avec les chiens, 26 maladies avec
les poules etc. La concentration liée à la densité fait
donc exploser les risques d'épidémies et de pandémies
(virales ou bactériennes)85.
Récemment, nous avons constaté la propagation
rapide de la Covid-19 dans les grandes villes, ce qui a rouvert le débat
sur la densité et les questions relatives à la santé
publique. En plus de la propagation facilitée, la concentration demande
une offre de soins importante. Par exemple, malgré une offre
d'hôpitaux très importante dans les grandes villes comme Lyon, la
ville a peiné à faciliter l'accès aux soins à un
grand nombre de malades (surcharge des urgences, manque de moyens, rupture de
certains produits sanitaires etc.). En effet, la densité est
développée pour corriger certains dysfonctionnements relatifs
à la circulation et aux flux, à la sédentarité et
ses pathologies, à la pollution atmosphérique et sonore etc. Mais
elle est questionnée encore une fois aujourd'hui par rapport à sa
contribution dans la propagation de la pandémie Covid-19.
La période récente de pandémie a
également révélé un autre phénomène,
celui de l'exode urbain. Les citadins ont cherché à retourner
à la campagne pour être en contact avec la nature, profiter
d'espaces moins denses afin d'éviter les contaminations.
Historiquement, les villes ont connu, en accusant la
densité, des problèmes similaires notamment avec le
choléra qui a fait un million de morts en Russie et la peste noire qui a
décimé 30% à 50% de la population mondiale86.
La Covid-19 a provoqué à ce jour plus de 4,7 millions de
décès à l'échelle mondiale87.
Outre les pandémies, au regard de sa morphologie
dense, la ville est source d'ilots de chaleur. En effet, en premier lieu, la
densité des bâtiments retient la chaleur de la journée. De
plus, la densité urbaine implique une végétalisation
très faible ainsi qu'une imperméabilisation des sols
empêchant l'infiltration des eaux, une utilisation de matériaux
à faible albédo, créant également ces ilots de
chaleur. Enfin, l'utilisation de la voiture dans un milieu dense crée
une
85 BOINO, Ville et santé: Portée et
limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1
Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut
d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages.
86 BOINO. Art. déjà cité
87 « Coronavirus : chiffres clés et évolution
de la COVID-19 en France et dans le Monde », consulté le 6 octobre
2021,
https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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congestion de la circulation régulière, amenant
de nouveau à une production de chaleur mais également à
une émission de gaz à effet de serre et une mauvaise dispersion
des polluants atmosphériques liée à la morphologie dense
des bâtiments et des trames viaires (rues, boulevard, chemin etc.)
provoquant des maladies chroniques (respiratoires, cancers etc.). La
concentration dans les zones urbaines amène souvent à une
surpopulation dans ces milieux. Celle-ci génère des nuisances
sonores, des comportements anxieux, des relations conflictuelles entre
citadins, ainsi qu'une inadaptation potentielle des services (gestion des
déchets, hôpitaux etc.) face au surnombre. La densité et
l'organisation économique autour de la ville augmentent d'autres
risques, entre autres, les risques industriels. Par exemple, il existe les
zones SEVESO qui préviennent ce genre de risques. Historiquement, nous
comptons plusieurs accidents qui ont décimé des villes et des
populations : Toulouse avec l'explosion d'AZF, Tchernobyl, et récemment
la double explosion du port de Beyrouth. Enfin, la concentration et la
densité créent un marché immobilier très tendu
apportant des inégalités d'accès au logement et aux
services.
III.3- La pollution88