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Urbanisme et santé


par ERIC Omar MOUSTAQIL
Institut d'urbanisme de Lyon - Master 2 Urbanisme et aménagement 2020
  

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II.6- Urbanisme et santé : la rupture relationnelle43

L'histoire de nos villes témoigne du lien ontologique étroit et varié que nourrissent l'urbanisme et la santé. L'urbanisme est donc le traitement idéal contre les différentes épidémies rencontrées au cours du XIXème siècle (peste, choléra) et au début du XXème siècle (la tuberculose). Ce lien s'est délité progressivement depuis 1920 et l'articulation entre la médecine et l'urbanisme ne fonctionne plus. Nous observons deux phénomènes concomitants qui vont provoquer une rupture entre la santé et l'urbanisme.44

40 Par Richard_admin, « Urbanisme et médecine, une brève histoire des rapports », Réseau Environnement Santé (blog), 7 janvier 2016, https://www.reseau-environnement-sante.fr/urbanisme-et-medecine-une-breve-histoire-des-rapports/.

41 Maurice Blanc, « Albert Lévy (coord.), Ville, urbanisme et santé. Les trois révolutions », Revue des sciences sociales, no 52 (16 mars 2015): 159-60, https://doi.org/10.4000/revss.3306.

42 Albert Lévy, « Sortir de l'impasse du débat moderne/post-moderne. Pour la recherche d'un nouveau rapport théorie/pratique en urbanisme », Villes en parallèle 17, no 1 (1991): 314-23, https://doi.org/10.3406/vilpa.1991.1150.

43 Cette partie est tirée des travaux de : M. Blanc, P.Boino (IUL), A. Levy, M.- J. Imbault-Huart , W.Dab, S. Fleuret etc.

44 PAUL BOINO, « Ville et santé: Portée et limites d'une construction objectivée des problèmes publics-M1 Urbanisme et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut d'Urbanisme de Lyon (IUL) Université Lyon 2- 75 pages » (2020).

Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 6 | 1 4 8

Premièrement, les politiques de santé se sectorisent. Dans cette logique, le Ministère de la Santé a vu le jour en 1920. Une rationalité médicale s'installe. La santé est donc abordée et confortée dans une approche biomédicale, elle n'aborde que les problématiques des maladies que seul le corps médical peut traiter, grâce à la médication bien sûr.

En effet, Durant les 30 Glorieuses, l'essor économique a permis à la médecine de faire un progrès spectaculaire en matière de recherche biomédicale et biotechnologique. En effet, cet essor de la connaissance médicale n'a pu être ajusté « qu'au prix d'une hyperspécialisation qui conduit le médecin, d'une part à chercher toujours plus de certitudes dans la seule technologie, d'autre part, à se désintéresser de l'évolution de la société dans laquelle il vit et à négliger le poids de l'environnement, des mentalités et de l'héritage culturel dans l'apparition de la maladie et de son vécu ».45 Cette idée du progrès scientifique et cette tendance à faire appel à la technologie pour tout diagnostic et thérapie, sont renforcées par le fait que le médecin perd la maîtrise du progrès médical.46

En effet, la recherche scientifique, notamment celle relative aux laboratoires pharmaceutiques, associée à celle de l'industrie évolue principalement sans la participation des médecins, ce qui est aux antipodes de ce qui se pratiquait au XIXe siècle. Le corps médical, confronté à une crise importante, doit gérer une forte transformation qu'il lui est impossible d'appréhender sereinement de par sa formation très technique. 47

Progrès médical et croissance économique interagissent continuellement pour permettre aux budgets de santé d'augmenter. Tous (l'Etat et la société) s'accordent à considérer la santé comme étant précieuse et inestimable et que si l'on donne une place importante à la médecine, la santé n'en sera que meilleure. Aujourd'hui, la santé n'est pas seulement le fait de vaincre les maladies par des traitements, c'est aussi le bien-être dans son ensemble. Mais la médecine actuelle prône la santé par la médication, la technologie, le biomédical, etc. Elle en oublie la prévention, essentielle pour éviter certaines maladies et ne laisse que peu de place à la santé environnementale, très compliquée à mettre en oeuvre de par les différents

45 Marie-José Imbault-Huart, « Où va l'histoire de la médecine? », in Pour l'histoire de la médecine: autour de l'oeuvre de Jacques Léonard: actes de la journée d'études, Presses universitaires de Rennes, 1994.

46 idem

47 idem

facteurs dont elle dépend : génétique, psychologique, socio-économique,

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environnementaux48

L'évolution technologique et l'industrialisation de la médicalisation, associée à la spécialisation croissante de la médecine, au cours du XXème siècle, vont peu à peu écarter les médecins et les « encelluler » dans des cabinets. Ces deux éléments vont également inciter à la « rupture de l'union sacrée entre santé et urbanisme »49

La médecine scientifique continue de progresser à grands pas et durant une grande partie du XXème siècle, elle éclipsera assez largement l'idée de prévention collective contenue dans l'hygiénisme.50 Le modèle biomédical centré sur le soin du corps va s'imposer et peu à peu va se construire «un paradoxe entre le rôle réel de l'environnement comme facteur de santé et l'importance relative qui lui est accordée aujourd'hui dans le champ sanitaire » 51

Deuxièmement, de son côté, l'urbanisme se sectorise avec la création du ministère de l'équipement. Il suit son propre chemin, en laissant de côté la question de la santé qui ne fait plus partie de ses attributions. L'urbanisme va plutôt se consacrer aux problématiques de fonctionnement de la ville, aux flux et à la mobilité, à l'esthétique, à la gestion du foncier, produisant de nouveaux modèles urbains52. En effet nous observons actuellement un fonctionnement fermé et en silo des professionnels de la médecine, de l'environnement et de l'urbanisme. Ils sont réfractaires à une réflexion intersectorielle et transdisciplinaire ainsi qu'à l'adoption d'une approche systémique de la santé nécessaire à la promotion d'un urbanisme53 préventionnel et favorable à la santé.

48 Marie-José Imbault-Huart, « Histoire de la médecine. Luxe ou nécessité à la fin du XXe siècle », Histoire, économie et société 3, no 4 (1984): 629-40, https://doi.org/10.3406/hes.1984.1382.

49 Fleuret, S-L 'évolution de la santé et la place de la médecine dans la société- Janvier 2012- ESO Angers- Espace et société-UMR 6590 CNRS - université d'Angers

50 idem

51 William Dab, Santé et environnement, 4e éd. mise à jour, Que sais-je?, n° 3771 (Paris: Presses universitaires de France, 2012).

52 « Urbanisme et santé : de l'hygiénisme à l'écologisme - ContreTemps la revue », consulté le 16 novembre 2021, http://lesdossiers-contretemps.org/2020/03/14/urbanisme-et-sante-de-lhygieniste-a-lecologisme/.

53 Anne Roué Le Gall, « «Agir pour un urbanisme favorable à la santé, concepts & outils » ; Guide EHESP/DGS, ROUÉ-LE GALL Anne, LE GALL Judith, POTELON Jean-Luc et CUZIN Ysaline, 2014. », Guide (EHESP, 2014).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand