3.4.4.- Population et habitat
En 1986-1987, Haïti totalisait 5,6 millions d'habitants,
et le nombre de logements ou de ménages était
évalué à 1,2 million d'unités74. Le taux
d'occupation calculé à partir de ces statistiques correspond
à 4,7 habitants/logement. En 1995, la population était
estimée à 7,18 millions d'habitants avec une densité
moyenne de 259 habitants/km2. Soixante treize pour cent (73 %) de
cette population vivait en milieu rural et 22 % en milieu urbain. Pour cette
même année, le déficit du logement est passé
à près de 340 425 unités75.
Le nombre d'unités d'habitation est insuffisant pour
répondre à la demande en logement. Du stock existant, un nombre
élevé de ces logements est en-dessous des standards
74 Idem, p. 21
75 Ibidem
80
de confort et de salubrité. Plus 60 % des logements
sont estimés inadéquats, déficients ou en dessous des
standards minima suivant les analyses de la Institute for Housing and
Development, d'après une étude publiée par
l'Université Quisqueya76.
L'analyse de la situation de l'habitat en Haïti à
travers les deux dernières décennies passées nous permet
de constater la situation alarmante qui prévaut non seulement en ce que
a trait aux types de maisons (ajoupas, taudis et maisons basses, etc) mais
également en ce qui a trait aux types de matériaux
utilisés pour leur construction. Jusqu'en 2003, plus de 40 % des maisons
ont été construites avec des matériaux de
récupération (Bois, tôle carton, clisse etc) (IHSI, RGPH
2003).
Il est difficile de parler d'amélioration dans le
secteur du logement durant ces vingt dernières années. Le constat
fait plus haut porte plutôt à parler de la persistance des
problèmes épineux auxquels est confronté le secteur du
logement. Si en milieu rural, il faut reconnaître qu'il y a des efforts
individuels pour avoir accès à un logement décent, on
constate aussi une extension des habitats précaires dans les
bidonvilles.
3.5.- Alimentation
Le besoin de se nourrir se classe parmi les besoins
fondamentaux indispensables à l'existence de l'être humain. Ainsi,
l'accès à une alimentation en quantité et en
qualité suffisantes est fondamental pour l'homme.
Les spécialistes qui ont abordé la question de
l'alimentation ont introduit des concepts permettant de mieux saisir la
dimension de la problématique et facilitant une meilleure
compréhension de ses interpénétrations. En particulier,
ils mettent l'accent sur deux concepts qui permettent de dégager une
compréhension globale de la problématique de l'alimentation,
à savoir : la sécurité alimentaire et l'autosuffisance
alimentaire.
La sécurité alimentaire est définie comme
« accès physique et économique de tous, à tout
moment, à une nourriture suffisante, salubre et nutritive, leur
permettant de satisfaire leurs besoins nutritionnels et leurs
préférences alimentaires pour mener une vie saine et active
» (Référence). La sécurité alimentaire, ainsi
définie, comporte trois dimensions principales: la disponibilité
des aliments, l'accès aux aliments et l'utilisation des aliments.
76 Ibidem
81
L'autosuffisance alimentaire, pour sa part, se définit,
comme l'aptitude d'une population à satisfaire ses besoins alimentaires
par sa propre production. La globalisation croissante des économies
à l'échelle mondiale réduit un peu la
nécessité pour un pays de produire tout ce qu'il consomme. En
raison de certains calculs économiques, en termes d'avantage comparatif
notamment, les échanges commerciaux permettent aux pays de trouver sans
difficultés un ensemble de biens qu'ils ne produisent pas. Ainsi, dans
le cadre de ce travail, nous allons mettre l'accent surtout sur les
problèmes d'insécurité alimentaire et d'insuffisance
alimentaire en Haïti.
Haïti est un pays fortement affecté par
l'insécurité et l'insuffisance alimentaires. Le cas haïtien
se caractérise par une disponibilité alimentaire insuffisante, un
niveau d'accès inadéquat, et un environnement sanitaire qui ne
favorise pas une utilisation biologique optimale des aliments.
Selon un rapport publié par la Plate-forme Nationale de
la Sécurité Alimentaire (PNFSA) en 2005, il existe un
déficit de 15,4 % au niveau de l'offre alimentaire en Haïti. Ce
rapport fait état de trois composantes à propos de l'offre
alimentaire : la production locale, les importations et l'aide alimentaire. En
raison du déclin de l'agriculture haïtienne, l'offre locale affiche
une tendance à la baisse. La production nationale a
représenté en moyenne 49,24 % de l'offre alimentaire, contre
28,58 % pour les importations et 6,78 % pour l'aide alimentaire, entre 1999 et
2003, soit une couverture des besoins alimentaires nationaux à hauteur
de 84,6%. Un déficit de plus de 15 % reste à combler. D'où
une situation d'insuffisance alimentaire en Haïti.
Le rapport entre les importations alimentaires et le total des
exportations est fréquemment utilisé comme mesure du degré
de sécurité alimentaire d'un pays (Huddleston, 1984). Il ne
devrait pas dépasser 15 %. Depuis 1986, les aliments importés
occupent une place de plus en plus importante dans la disponibilité
alimentaire haïtienne, passant de 252 000 tonnes en 1982 à 527 000
tonnes en 1990 et 594 000 tonnes en 1995. Le volume d'aide alimentaire à
Haïti a oscillé entre un minimum de 68 000 tonnes en 1991 et un
maximum de 159 000 tonnes en 1994 (Référence). Haïti
connaît une détérioration progressive des capacités
de son niveau d'exportation à financer les importations. De 70 % en
1970, cette capacité est passée à 54 % en 1991, à
35 % en 1996 et à 47 % en 1998. En 1998, le total des importations
était de US $ 640 millions (US $ 234 millions en produits alimentaires)
et des exportations US $ 299 millions (BRH, Rapport Annuel 1999). Les
importations de produits
82
alimentaires monopoliseraient donc 78 % des devises
générées par les exportations. Entre 1999 et 2003, elles
représentaient environ 25 % des importations totales du pays.
Tableau #... Livraison d'aide
alimentaire en Haïti par année de 1988 à 1997 (en
tonnes)
Année
|
1988
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
TOTAL
|
124,340
|
126,890
|
105,154
|
68,117
|
99,993
|
105,250
|
159,200
|
139,060
|
129,030
|
122,230
|
114,670
|
Source: Système International d'Information sur l'Aide
Alimentaire, PAM, Juin 1998, CNSA, 1999
D'autre part, il prévaut dans le pays une situation
d'insécurité alimentaire qui se manifeste sous plusieurs formes.
Une première forme d'insécurité alimentaire est la
dépendance du pays vis-à-vis des ressources externes. Les
importations de produits alimentaires sont financées dans une large
proportion par des capitaux étrangers, provenant de l'aide
internationale et des transferts de fonds des ressortissants haïtiens
vivant à l'étranger. Or, le pays ne maîtrise pas le
mouvement de ces capitaux. À n'importe quel moment, une rareté de
devises peut être créée. Par conséquent, les
difficultés à financer les importations peuvent conduire à
une hausse des prix sur le marché local. Les ménages en seraient
fortement affectés dans leur possibilité de se procurer une
ration alimentaire suffisante.
La PNFSA avance d'autres facteurs conduisant à
l'insécurité alimentaire, comme par exemple: l'instabilité
politique, la mauvaise gouvernance économique, la faible structuration
de la société civile, les inondations et les sécheresses,
et un manque de vision en matière des politiques alimentaires.
Les données disponibles montrent que
l'insécurité alimentaire est massive et largement étendue
en Haïti. Selon un rapport publié par la Coordination Nationale de
la Sécurité Alimentaire (CNSA) en 2002, près de la
moitié de la population haïtienne, soit environ 4 millions de
personnes, sont concernées par l'insécurité alimentaire et
la pauvreté. Les 2,4 millions d'Haïtiens, vivant en situation
d'extrême pauvreté (avec moins d'un dollar américain par
jour), sont incapables de satisfaire leurs besoins alimentaires et leurs
besoins de base non alimentaires (habillement, santé, éducation,
logement). D'une manière générale, ces pauvres consacrent
une part importante de leurs revenus à l'alimentation. D'après le
rapport
83
de la CNSA, ils sont estimés à 55 % pour
l'ensemble du pays, 43 % des habitants de l'Aire Métropolitaine, 50 %
dans les villes secondaires et 64 % en milieu rural.
L'insécurité alimentaire se traduit
également par des taux de malnutrition élevés, notamment
chez les enfants de moins de cinq (5) ans : 23 % de ces enfants souffrent de
malnutrition chronique, 5 % de malnutrition aiguë et 17 % d'insuffisance
pondérale. L'insécurité alimentaire contribue aussi
à un fort taux de mortalité infantile (12 %)77.
Près de 10 % des besoins alimentaires de la population, exprimés
en calories, ne sont couverts, ni par la production nationale, ni par les
importations commerciales qui ont fortement progressé ces
dernières années78. Ces besoins représentent
aujourd'hui, avec l'aide alimentaire, plus du tiers des besoins de
consommation. Ces données vont dans le même sens que celles
avancées par la PNFSA au sujet de l'insuffisance alimentaire, lesquelles
font état d'un déficit à combler de l'ordre de 15,4 %.
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