2.2.3.2.- Migration externe
Le mouvement migratoire haïtien vers l'extérieur
n'est pas récent. Dès la période
coloniale, on a assisté à une première vague
d'émigration des travailleurs haïtiens en République
dominicaine. Alors qu'il s'était établi à l'Ouest, dans la
partie française de l'île, une colonie d'exploitation qui tirait
ses profits de la culture de la canne à sucre, les Espagnols à
l'Est avaient constitué un régime moins bien sévère
axé sur l'élevage. Certains marrons qui fuyaient la rigueur du
système esclavagiste dans la partie occidentale allaient se
réfugier à l'Est. À la suite de l'accession d'Haïti
à l'indépendance, les luttes fratricides entre anciens et
nouveaux libres ont contribué encore au départ de beaucoup
d'Haïtiens en République
36
dominicaine29. Durant le 19e
siècle, l'émigration haïtienne a été
limitée. C'est surtout au début du 20e siècle,
plus particulièrement à partir de l'occupation américaine,
que l'émigration haïtienne a pris une forme massive. À
partir de cette époque, les Américains qui ont commencé
à investir massivement dans l'industrie sucrière ont
attiré dans leurs usines de Cuba et de la République Dominicaine
des milliers de travailleurs haïtiens30 .
Durant les années 50, l'exode de la population
haïtienne a débordé les frontières cubaines et
dominicaines. Il s'est orienté d'abord vers l'Amérique du Nord,
spécialement les États-Unis, le Canada. Vers 1965, le nombre
d'Haïtiens qui quittaient le pays en direction des États-Unis
connut une augmentation de l'ordre de 70 %31. Durant les
années 60, le Canada et l'Afrique ont accueilli leurs premières
vagues d'Haïtiens, composée en grande partie de professionnels
qualifiés. Vers les années 50, la migration en direction des
Bahamas avait déjà débuté. Déjà, vers
1963, 2899 immigrants haïtiens qui vivaient illégalement aux
Bahamas ont été rapatriés32. La migration
haïtienne vers les Antilles Françaises (Guadeloupe, Martinique,
Guyane...) est un peu plus récente et remonte à la fin des
années 60. La migration vers l'Europe, dans les pays tels que la France,
la Belgique, la Suisse, est encore plus récente et date de la fin des
années 1970.
Selon la International Catholic Migration Commission (ICMC),
l'exode des Haïtiens vers les pays étrangers continue de
manière intense. Pour l'année 2005 et le début de
l'année 2006, plus de 10 500 personnes ont laissé Haïti
à la recherche de meilleures conditions en Europe (4000 personnes) et en
Amérique du Nord33.
Sur une population de 8 400 000 habitants, 25 % vivent
actuellement en dehors d'Haïti34. Selon un rapport de «
World Migration » cité par l'ICMC, plus d'1 million d'Haïtiens
vivent aux États-Unis, 100 000 au Canada et 600 000 environ en
République Dominicaine.
Parmi les causes de la migration des Haïtiens à
l'étranger, on retient surtout des besoins matériels dont les
principaux sont les suivants:
29 OIM, Propositions pour une politique de gestion de la
migration de main-d'oeuvre en Haïti, Port-au-Prince, Septembre 2006, p.
36
30 Idem, p.37
31 Idem, p.43
32 Idem, p.30
33 International Catholic Migration Commission (ICMC), 54th
Council Meeting July 2006-RomeRegional Report: Caribbean Document no: CM/06/06,
l'état de la Migration en Haïti, aujourd'hui.6 pages.
34 Ibidem
1) 37
besoin monétaire
La recherche d'un emploi pouvant garantir l'accès
à un revenu adéquat pour vivre est l'un des principaux facteurs
susceptibles d'expliquer l'émigration massive des Haïtiens à
l'extérieur. La diaspora contribue à hauteur d'environ 1 milliard
de dollars à l'économie nationale, sous forme transferts
privés. La plupart des Haïtiens restés en Haïti sont
naturellement incités par l'idée de s'établir à
l'étranger aussi pour avoir droit à un meilleur revenu. Parfois,
et cela se répète souvent, ce sont les parents eux-mêmes
qui enclenchent le processus permettant à leurs enfant de résider
dans ces pays étrangers. L'ECVH-2001 de l'IHSI révèle que
30,5 % des ménages du pays ont au moins un parent émigré
établi à l'étranger. Cependant, ce document dénote
des contrastes importants selon les milieux de résidence : 44 % des
ménages de l'Aire métropolitaine ont un parent à
l'étranger contre 25,2 % des ménages ruraux.
Selon l'IHSI, le travail est la principale cause de
l'émigration haïtienne. Ce qui confirme l'hypothèse de
Gérald Chéry, selon laquelle, l'émigration constitue une
sorte de mobilisation de la force de travail haïtienne.
Par ailleurs, un tiers des ménages dont le chef est
une femme ont de la famille vivant à l'étranger. L'ECVH-2001
révèle aussi que la proportion de ménages pour lesquels il
existe un parent à l'étranger croit avec le niveau de revenu du
ménage.
2) Le besoin de promotion humaine
Un besoin, combien légitime, est celui de la promotion
humaine : besoin de fonder une famille, de s'instruire, de préparer
l'avenir de ses enfants. On observe chez les immigrants de cette
catégorie un refus de faire face à la situation de misère
mais en même temps un désir irrésistible de changement,
voire de promotion humaine dans sa triple dimension matérielle,
culturelle et spirituelle.
3) Le besoin de sécurité et de paix
Un troisième besoin qui explique la migration est celui
de la paix et de la sécurité. Face au climat de violence, de peur
et d'insécurité qui caractérise la vie en Haïti, les
gens ont besoin de sérénité et de paix pour
eux-mêmes et pour leurs enfants. Ils ont besoin de tranquillité et
de sécurité pour leur commerce, leur travail, l'éducation
de leurs enfants et l'épanouissement de leur vie personnelle, familiale
et sociale.
38
Lorsque la paix et la sérénité n'existent
pas, les gens se déplacent pour aller les chercher ailleurs. Ils
quittent leur lieu d'origine pour trouver une terre d'asile, un lieu de refuge
où ils peuvent vivre avec moins de souci pour leur vie.
Sur un autre plan, la migration externe haïtienne
revêt deux formes : la migration clandestine et la migration
légale. La migration clandestine est caractérisée surtout
par le phénomène de boat people. Bon nombre d'Haïtiens n'ont
pas hésité, au péril de leur vie, à s'embarquer sur
de simples petits voiliers pour échapper à des conditions
d'existence frôlant parfois les limites de la survie. Ce
phénomène a connu un regain d'intensité durant la
période du coup d'État militaire (1991-1994). Des
statistiques fournies par l'Ambassade Américaine et le bureau
du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, en ce
qui concerne l'émigration officielle, sont très
révélatrices. Elles montrent que le nombre d'Haïtiens qui
ont été admis temporairement aux États-Unis
d'Amérique entre novembre 1991 et janvier 1993, à titre de
réfugiés, s'élève à 11200 depuis Guantanamo
et 720 directement de Port-au-Prince35.
Sur un autre plan, il y a lieu de considérer la
migration légale, par laquelle beaucoup de cadres qualifiés
laissent régulièrement le pays pour s'établir à
l'étranger. Plusieurs raisons sont à l'origine de leur
départ et certaines d'entre elles ont été
évoquées plus haut.
Tableau # ...
Distribution en pourcentage (%) des parents
émigrés selon la principale raison de résidence à
l'étranger
Principale raison de résidence à
l'étranger
|
Pourcentage
|
Travail
|
72,6
|
Recherche d'emploi
|
15,8
|
Études
|
3,4
|
Regroupement familial
|
4,1
|
Autres
|
4,1
|
Total
|
100,0
|
Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en
Haïti (ECVH) - 2001
2.2.4.- Natalité et
fécondité
Les données qui seront présentées dans
cette section traitent des naissances vivantes survenues dans la population au
cours des douze (12) derniers mois précédent le
35 MSPP/OPS/OMS : Analyse de la Situation Sanitaire,
Port-au-Prince, Juin 1996, 164 pages
39
recensement de 2003. Ces naissances se mesurent à
travers deux indicateurs : la natalité et la fécondité. La
natalité est la venue au monde des enfants dans la population en
général, tandis que la fécondité est, par contre,
la venue au monde de ces mêmes enfants dans la population féminine
en âge de procréer.
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