Do not disturb: étude observationnelle des interruptions de tàches dans la pratique des infirmiers anesthésistes au bloc opératoire.par Christopher Jean-Baptiste Institut Régional de formation des infirmiers anesthésistes diplômé d'Etat (IRIADE, La Réunion 974)) - Infirmier Anesthésiste 2019 |
3.3.1.3 Le concept du « multitâche »« Dans le secteur de la santé, infirmières, médecins, pharmaciens et autres cliniciens travaillent dans des environnements pilotés par les interruptions. Les infirmières sont plus susceptibles d'être interrompues en raison de la nature multitâche de leur travail (...) Les conséquences des interruptions ont été rapportées en termes de la satisfaction au travail exprimée par les infirmières72 et les médecins73 » raconte Juliana J. BRIXLEY dans son article sur le phénomène de l'interruption. C'est en tant que professionnels de santé « multitâches », que nous devons porter une attention particulière à cette aptitude. Plusieurs revues et études démontrent qu'être multitâche n'est pas forcément très bon pour la cognition. Encore faut-il être un expert en science de l'organisation et faire partie d'une élite « imperturbable ». 70 Sohlberg MM, Mateer CA. Theory and remediation of attention disorders. In: Solhberg MM, Mateer CA. Introduction to cognitive rehabilitation: theory and practice. New-York (NY): Guilford Press; 1989. P. 110-135 71 Huet E, Leroux T, Bussières JF. Perspectives sur l'attention, les interruptions et le bruit en pratique pharmaceutique. JCPH - Vol 64, N°4 - juillet 2011 72 Paxton F, Heaney DJ, Porter AM. A study of interruption rates for practice nurses and GP's. Nurs Stand. 1996;10(43):33-36 73 Peleg R, Froimovici M, Peleg A, et al. Interruption to the physician-patient encounter: an intervention program. Isr Med Assoc J. 2000;2(7):520-522 31 « Le multitâche (ou multitasking), est le concept de faire plusieurs tâches ou activités en même temps74 » explique Matthieu Desroches, consultant en productivité, membre de la National Association of Productivity & Organizing Professionnals. Dans son analyse, il dégage 3 principaux effets néfastes du multitâche : le multitâche fait perdre du temps, il créé une interruption journalière constante et il diminue l'attention et l'efficacité. Pour expliquer la perte de temps, il s'appuie sur une étude de 2001, menée par Joshua RUBENSTEIN, Jeffrey EVANS et David MEYER75 et cite : « En effet, leurs recherches montrent que la perte de temps est générée dans le processus de changement d'activité (switching). En d'autres mots, chaque fois que l'on passe d'une activité à une autre, notre cerveau a besoin d'un certain temps pour quitter la première activité et s'adapter à la nouvelle76 ». Il poursuit : « Ils décrivent ce processus de changement d'activité en deux étapes: 1) « Goal Shifting » : Vous décidez d'arrêter une tâche et de passer à une autre. Votre raisonnement est alors celui-ci : « Je pense que je vais arrêter de faire cette activité et faire celle-ci à la place ». 2) « Rule Activation » : Vous devez ensuite vous réorienter vers la nouvelle tâche. Vous devez alors clarifier : « En quoi consiste la tâche? Où en suis-je dans le processus? Que dois-je faire? ». Leur étude montre que ce processus de « switching » en deux étapes peut prendre plusieurs secondes à chaque changement d'activité ». En tant qu'IADE, il serait donc dangereux de vouloir réaliser plusieurs tâches en même temps sans les avoir planifiées de façon logique, priorisé et surtout de les achever, même si le système et l'environnement du bloc opératoire pousse parfois notre polyvalence dans ces limites. « Avec l'accès aux technologies, les occasions de faire plusieurs choses en même temps sont multipliées » cite Matthieu Desroches. De plus il mentionne que « Selon MEYER, la perte de temps causée par le changement constant entre plusieurs tâches peut faire perdre à quelqu'un jusqu'à 40% de son temps de travail effectif77 ». Inconcevable aujourd'hui, quand on sait que le monde de la santé dans les hôpitaux et surtout dans le secteur privé tendent vers plus de chirurgie ambulatoire. Une logique de productivité avec une culture de sécurité renforcée pour un délai d'intervention de plus en plus cours et surtout moins handicapant pour les patients opérés (réhabilitation précoce). 74 Matthieu Desroches - La vérité sur le multitasking: est ce bon ou mauvais pour la productivité? - matthieudesroches.com, mars 2018. 75 Rubenstein J, Evans J, Meyer D. Executive control of cognitive processes in task switching. Journal of Experimental Psychology: Human Perception and Performance 2001, vol 27, N°4, pp 763-797 76 Matthieu Desroches - La vérité sur le multitasking: est ce bon ou mauvais pour la productivité? - matthieudesroches.com, mars 2018. 77 Matthieu Desroches - La vérité sur le multitasking: est ce bon ou mauvais pour la productivité? - matthieudesroches.com, mars 2018. 32 D'après une étude menée par Gloria MARK78, Matthieu Desroches rapporte : « qu'il faut en moyenne 23 minutes et 15 secondes pour retourner (à un niveau de concentration optimal) à son activité initiale après avoir passé à une activité différente ». Enfin, pour expliquer que le multitâche réduirait l'attention et l'efficacité, Matthieu Desroches cite une étude menée par Renata MEUTER79. « Ce qui se produit lorsque l'on essaye de faire deux choses en même temps, c'est que le cerveau essaye de se concentrer sur les deux activités, ce qui réduit l'efficacité dans les deux tâches en question... (...) En d'autres mots, quand on essaye de faire deux choses en même temps, notre « brainpower » est dilué entre les deux activités, ce qui fait en sorte qu'on est médiocre dans les deux activités... ». Pas vraiment conseillé en anesthésie finalement. |
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