Section 3 : Des conventions internationales sur le
travail des enfants
§1- Analyse de la convention n°138 de l'OIT sur
l'âge minimum de travail de l'enfant
Depuis sa création, l'OIT a adopté plusieurs
conventions relatives spécifiquement au travail des enfants. Cette
organisation a principalement fixé un âge minimum d'admission
à l'emploi ou au travail, soit pour un secteur particulier de
l'économie soit pour l'ensemble des secteurs économiques, tout en
permettant certaines exceptions. Les instruments de l'OIT les plus
récents et les plus complets sur le travail des enfants sont la
convention n° 138,22 et la recommandation n°146 sur
l'âge minimum, datant de 1973. Cette convention se substitue à
tous les instruments antérieurs applicables à des secteurs
économiques limités. Elle fait obligation aux Etats parties de
spécifier un âge minimum d'admission à l'emploi et au
travail et de poursuivre une politique nationale visant à assurer
l'abolition effective du travail des enfants.23
20 Article 17 de l'Arrêté
ministériel N° 12/CAB.MIN/TPSI/045 /08 du 08 août 2008 fixant
les conditions de travail des enfants.
21 Ibidem, Article 18.
22 Convention n°138 sur l'âge minimum
d'admission à l'emploi, adoptée le 26.06.1973 ; date
d'entrée en vigueur le 19.06.1976.
23 Article 1 et 2 de la Convention n°138 sur
l'âge minimum d'admission à l'emploi.
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La recommandation n°146 qui l'accompagne fixe le cadre
d'action et les mesures essentielles à mettre en oeuvre pour
prévenir et éliminer le travail des enfants.
Cette convention et la recommandation qui l'accompagne
constituent d'importantes avancées dans le domaine des normes
internationales sur le travail des enfants. Elles sont en effet les
premières à avoir reconnu la nécessité
d'intégrer la législation fixant un âge minimum à
une politique nationale globale ayant pour but d'abolir totalement le travail
des enfants. Il est toutefois plus exact de parler d'âges minimums, au
pluriel, car l'âge fixé varie selon la nature de l'emploi ou du
travail.
La convention établit un principe fondamental selon
lequel, l'âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail ne
devrait pas être inférieur à celui auquel cesse la
scolarité obligatoire, ni en tout cas à 15 ans. Elle
prévoit également que l'âge minimum devrait être
progressivement élevé à un niveau permettant aux
adolescents d'atteindre le plus complet développement physique et
mental. Elle permet, toutefois, l'emploi des adolescents de 13 à 15 ans
à des travaux légers, c'est à dire à des travaux
qui ne risquent ni de porter préjudice à leur santé ou
à leur développement, ni de nuire à leur assiduité
scolaire, à leur participation à des programmes d'orientation ou
de formation professionnelle, à leur aptitude à
bénéficier de l'instruction reçue.
La convention prescrit de fixer cet âge à 18 ans
pour tout travail dangereux, c'est à dire, « tout type de travail
qui, par sa nature ou les conditions d'exercice, est susceptible de
compromettre la santé, la sécurité ou la moralité
des adolescents ».24 La convention dispose aussi que les types
d'emploi ou de travail visés seront déterminés par la
législation nationale ou l'autorité compétente, laissant
ainsi à chaque pays le soin de cette décision. La recommandation
accompagnant cette convention propose des critères de
détermination indiquant, qu'il convient de prendre en compte des normes
internationales du travail pertinentes, par exemple, celles concernant les
substances ou agents toxiques ou les procédés dangereux, le
transport de charges lourdes et les travaux souterrains. Elle dispose en outre
que la liste des types d'emploi ou de travail dont il s'agit devrait être
réexaminée périodiquement à la lumière
notamment des progrès de la science et de la technique, en consultation
avec les organisations d'employeurs et de travailleurs. L'âge minimum,
pour les types de travail visés, devrait être de 18 ans.
24 Article 3 alinéa 1 de la Convention
n°138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi.
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La recommandation renforce ce principe en indiquant que,
lorsque l'âge minimum est encore inférieur à 18 ans, des
mesures devraient être prises, sans délai, pour le porter à
ce niveau. Toutefois, la convention dispose, que cet âge peut être
abaissé à 16 ans à condition que la santé, la
sécurité et la moralité des enfants soient pleinement
garanties et qu'ils aient reçu dans la branche d'activité
correspondante, une instruction spécifique et adéquate ou une
formation professionnelle.
La Convention n°138 sur l'âge minimum faisait
espérer la fin du travail des enfants. Cependant, il n'en fut rien car
les pays en développement ne pouvant ou ne voulant pas intégrer
cette convention dans leurs législations nationales, ont eu recours aux
souplesses d'application contenues dans cette convention.
En effet, tout en fixant un âge minimum applicable en
principe à tous les secteurs d'activité, que des enfants y
travaillent ou non comme salariés, la convention n°138 contient des
dispositions qui lui donnent une certaine souplesse destinée à en
permettre l'application progressive. Ainsi, les pays dont l'économie et
les institutions scolaires ne sont pas suffisamment développées
peuvent spécifier, en première étape, un âge minimum
de 14 ans au lieu de 15,25 ce qui a pour effet d'abaisser
l'âge minimum pour les travaux légers de 13 à 12 ans.
Toutefois, il n'existe pas d'exception correspondante pour les activités
dangereuses, en application du principe selon lequel le niveau de
développement ne peut servir d'excuse pour permettre que des enfants
soient affectés à des tâches susceptibles de compromettre
leur santé, leur sécurité ou leur moralité.
La convention n°138 présente aussi une certaine
souplesse en ce qui concerne les secteurs ou activités visés
puisqu'elle autorise les Etats à exclure des catégories
limitées d'emploi ou de travail, lorsque son application à ses
catégories soulèverait des difficultés d'exécution
spéciales et importantes.26 Elle ne précise pas ces
catégories, mais il a été fait mention, au cours des
travaux préparatoires, de l'emploi dans les entreprises familiales, des
services domestiques chez les particuliers et de certains types de travaux
effectués en dehors du contrôle de l'employeur, par exemple le
travail à domicile. Ces exclusions tiennent essentiellement aux
difficultés pratiques que soulève l'application de la loi aux
catégories visées, et non bien sûr à l'absence de
risques d'exploitation ou d'abus.
25 Article 2 alinéa 4 de la Convention
n°138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi.
26 Idem, Article 4 alinéa 1.
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Par ailleurs, la convention donne aux pays en
développement la possibilité de limiter initialement son champ
d'application en précisant les branches d'activité
économique ou les types d'entreprises auxquelles elle s'applique :
l'article 5 stipule que « tout membre dont l'économie et les
services administratifs n'ont pas atteint un développement suffisant
pourra, après consultation des organisations d'employeurs et de
travailleurs intéressées, s'il en existe, limiter, en une
première étape, le champ d'application de la présente
convention ».
Cependant dans ce même article il est
précisé que le champ d'application de la convention devra au
moins comprendre les sept secteurs suivants : les industries extractives ; les
industries manufacturières ; le bâtiment et travaux publics ;
l'électricité, gaz et eau ;les services sanitaires ; les
transports, entrepôts et communications ; les plantations et autres
entreprises agricoles exploitées principalement à des fins
commerciales ( à l'exclusion des entreprises familiales ou de petite
dimension ).27 Différentes autres dispositions
prévoient des exceptions ou des dérogations, par exemple celle
qui exclut les travaux effectués dans le cadre de certains types
d'enseignement ou de formation ou celle qui permet d'autoriser la participation
des enfants à des spectacles artistiques ainsi que la possibilité
de fixer l'âge minimum de l'apprentissage à 14 ans. S'il s'agit
d'activités dangereuses, l'application de ces dispositions exige les
plus grandes précautions.
Ainsi, la participation à des spectacles artistiques
peut présenter de graves risques pour la santé ou la
moralité des jeunes. C'est pourquoi certains pays interdisent de les
faire travailler dans les établissements tels que boîtes des
nuits, cabarets et cirques, où il existe en outre un risque
d'exploitation sexuelle. D'autres pays au contraire, comme la Thaïlande,
permettent le travail des enfants dans les night-clubs et les bars à
partir de 15 ans.28 Quant à la formation, elle peut
être un subterfuge permettant aux employeurs d'imposer de façon
continue un travail pénible à des enfants n'ayant pas atteint
l'âge minimum. Il est donc essentiel de procéder à des
contrôles et à des inspections pour s'assurer que les jeunes
reçoivent une véritable formation dans des conditions convenables
et ne sont pas contraints à cette occasion d'effectuer des tâches
dangereuses. La convention fait obligation à l'autorité
compétente de prendre toutes les mesures nécessaires y compris
des sanctions appropriées, en vue d'assurer l'application effective de
ses dispositions. Les sanctions visées ici sont celles qui seront
prévues par la législation nationale pour les infractions aux
dispositions donnant effet à la convention.
27 Article 5 alinéa 4 de la Convention
n°138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi.
28 UNICEF, La situation des enfants dans le monde,
Rapport 1997, New York.
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La quasi-totalité des pays se sont aujourd'hui
dotés d'une législation visant à interdire l'emploi des
enfants n'ayant pas atteint un certain âge et à réglementer
les conditions de travail pour ceux qui ont atteint l'âge minimum. La
plupart ont fixé un âge plus élevé pour les travaux
dangereux, interdisant certaines activités aux jeunes de moins de 18
ans. Néanmoins, de nombreuses lacunes demeurent surtout en ce qui
concerne le champ d'application de ces lois et leur mise en application
concrète, parfois faute de ressources nécessaires pour en assurer
le contrôle et l'application, parfois faute de volonté politique,
mais souvent simplement parce que les autorités sont
désarmées face à un phénomène largement
invisible et qui prospère sur des fléaux sociaux aussi
profondément enracinés que la pauvreté, la discrimination
et les préjugés culturels.
L'examen des différentes législations des 155
Etats membres de l'OIT a permis de constater que, si la plupart des pays ont
adopté une législation prévoyant un âge minimum de
base pour l'admission des enfants à l'emploi ou au travail, nombre
d'entre eux ne se conforment pas à la convention n°138 qui prescrit
de fixer un âge minimum unique pour l'admission à tous les types
d'emploi : seuls 33 pays l'ont fait, et cela n'est pratique courante qu'en
Europe. La formule habituelle consiste à fixer un âge minimum qui
ne s'applique qu'à certains secteurs ou activités. Une autre
formule, pour laquelle un quart des pays membres a opté, consiste
à fixer des âges différents pour divers secteurs
économiques, tout en excluant totalement certains secteurs ou
activités. Environ 45 pays se conforment à l'esprit de la
convention puisqu'ils fixent l'âge minimum d'admission à l'emploi
à 15 ans et 37 pays le fixe à 14 ans. La limite de 15 ans a
surtout cours en Europe et celle de 14 ans dans le reste du monde.
L'âge minimum est de 16 ans dans 23 pays et de 15
à 16 ans dans quatre autres. Par conséquent, 122 pays au minimum
disposent d'une législation interdisant le travail des enfants de moins
de 14 ans, au moins dans certains secteurs. En revanche, dans 30 pays, les
enfants de moins de 14 ans ont le droit de travailler et dans 6 l'âge
minimum n'est que de 12 ans. C'est en Afrique et en Asie, les plus gros
fournisseurs de main d'oeuvre enfantine que la fourchette minimum est la plus
large : l'âge minimum y varie de 12 à 16 ans. De plus, du fait de
la relative souplesse de la convention n°138, l'agriculture est exclue de
son champ d'application dans 38 pays situés pour la plupart en Asie. Par
contre, les activités industrielles rentrent toujours dans le champ
d'application de la convention, et ce dans tous les pays. L'une des exclusions
les plus courantes, prévue par une soixantaine de pays, porte sur les
entreprises familiales, définies de manière plus ou moins large,
ainsi que les services domestiques.
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Environ la moitié des pays autorisent les enfants d'un
âge inférieur au minimum général à effectuer
certains types de travaux légers : 13 pays soustraient certains types de
travaux à toute restriction, mais la majorité fixe pour ces
travaux un âge minimum de 12,13 ou 14 ans.29
Ces exclusions mettent parfaitement en évidence les
graves lacunes juridiques ou tout au moins les importantes limites quant au
rôle que la législation est censée jouer dans la lutte
contre le travail des enfants. En effet, comme nous l'avons vu
précédemment ce sont dans ces secteurs d'activités exclus,
c'est-à-dire dans le secteur agricole et les services domestiques, ainsi
que dans les petits ateliers et les entreprises familiales opérant dans
le secteur non structuré, que l'on trouve la plupart des enfants qui
travaillent. Pour remédier à ces lacunes, la communauté
internationale a décidé d'adopter une grande convention reprenant
tous les principes devant régir les droits des enfants, par le biais de
l'Organisation des Nations Unies.
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