6.7 Discussion générale
De nombreux chercheurs de la filière blé
réalisent une évaluation variétale, pour différents
objectifs :
? Au niveau de la sélection, pour trier les
génotypes qui seront gardés à l'étape suivante du
processus de sélection;
? Au niveau de la multiplication, pour identifier, parmi les
variétés inscrites au catalogue, celles qui seront
intéressantes à développer;
? Au niveau de la production pour choisir les
variétés qui seront mises au culture dans chaque parcelle de
l'exploitation;
? Au niveau de l'utilisation pour repérer, à
travers la variété, les lots de blé qui, à priori,
répondront le mieux aux exigences du marché.
Cette évaluation variétale s'appuie sur
l'expérimentation pour acquérir une meilleure connaissance des
variétés, donc sur des essais variétaux (regroupant
plusieurs génotypes ou variétés), multi locaux,
généralement pluriannuels. En effet, l'analyse du comportement
des génotypes en fonction des caractéristiques du milieu est
depuis longtemps un sujet important.
De nombreux traits comme le rendement et les caractères
technologiques, sont variables d'un environnement à un autre pour un
génotype donné. Ces variations sont la résultante de trois
facteurs : le génotype, l'environnement au sens large, et l'interaction
génotype x environnement. Dans notre cas, l'étude du comportement
génotypique à travers les quatre milieux d'étude souligne
la diversité de comportement intra et inter sites chez les trente
génotypes évalués.
Ces génotypes manifestent différentes
réponses, traduisant les variations du niveau d'expression des
paramètres mesurés et de l'ordre de classement des
génotypes selon les environnements. En se basant sur les
caractéristiques des milieux expérimentaux qui permettent de
noter les conditions propices au développement et à la
constitution du rendement d'une part et la sensibilité
génotypique au changement de site d'autre part.
120
Les résultats montrent que les sites du Khroub et
Sétif sont les plus favorables à l'expression de haut rendement
en grains grâce aux potentialités naturelles offertes par le
milieu physique pour cette année d'étude, le
phénomène de compensation entre variables et la maîtrise
des facteurs agro-techniques qui jouent un rôle important dans
l'amélioration de la production et celle qui est la cause principale de
la faiblesse du rendement en zone sub-humide. Notamment les adventices et les
maladies fongiques, la rouille brune (Puccinia Triticina) en
particulier. D'après HAMADACHE et al., (2002) [58],
l'amélioration et la stabilité de la productivité du
blé dur au niveau de la zone sub-humide de l'Algérie du nord,
passe par l'introduction des légumineuses annuelles dans l'assolement,
la maîtrise des adventices annuelles et une protection
intégrée et efficace de la culture contre les maladies foliaires
(Tache auréolée, et septoriose surtout ainsi que la rouille
brune).
Contrairement au site semi aride de l'ouest où les
conditions de croissance ont été nettement défavorables,
notamment les basses températures pendant la phase
méiose-épiaison, affectent la fertilité de l'épi,
les conditions d'alimentation hydrique limitantes en Mai ainsi que la
tardivité du semis qui induit une maturité plus tardive exposant
certains génotypes aux effets de stress de fin de cycle.
Dans de telles conditions environnementales, la réponse
de la céréale risque d'être variable selon les conditions
de croissance de la plante, le choix de l'espèce et de la
variété n'est pas suffisant à lui seul pour
déterminer la production de blé dur, il faut aussi tenir compte
du cumul pluviométrique et de la demande climatique qui accompagnent le
choix variétal en question. C'est ainsi qu'une année pluvieuse ou
sèche mais douce n'autorise pas le même rendement qu'une
année pluvieuse ou sèche mais froide [183].
De même, la connaissance des changements qui ont
accompagné l'amélioration de la productivité est
essentielle pour pouvoir faire plus de progrès. Elle permet de
comprendre les facteurs limitants l'obtention de hauts rendements en grains et
de développer des stratégies appropriées. Dans ce
contexte, Nous nous sommes intéressés, en premier lieu, aux
variations du rendement associées aux variations des principaux
caractères identifiés comme ayant une influence
121
non négligeable sur cette variable. D'après
celui-ci nous pouvons constater l'avantage relatif des génotypes
précoces évalués au site sub-humide, cette
précocité a contribué à l'augmentation du rendement
et seul le PMG s'est manifesté de manière positive sur ce
dernier. Ceci suggère que la sélection précoce sur le PMG
engendre celle du rendement en grains. La stabilité du rendement est
donc dépendante, en partie, de celle du PMG. D'autre part, le nombre
d'épi et le nombre de grains par épi sont peu utiles dans la
prévision du rendement en grains.
Dans les plaines intérieures, le rendement est
tributaire du nombre d'épis par unité de surface, et ce dernier
dépend du nombre de talles par m2. Il ressort, donc, que la
sélection des épis produits par unité de surface est
capable d'identifier des génotypes performants. Pour les hauts plateaux
de l'est et de l'ouest, le caractère qui contribue à faire les
différences de rendement entre les génotypes est le nombre de
grains par épi. En effet, la faible valeur de ce caractère est
indicatrice de faible rendement.
Ces changements de liaisons des variables avec le rendement,
d'un lieu test à un autre, indiquent que ces dernières sont
irrégulières dans leur relation les uns avec les autres, à
cause des phénomènes de compensation et de sensibilité aux
changements de milieux. Le peu de liaison entre caractères, intra et
inter sites, et la variation de ces liaisons selon le milieu ont pour effet de
compliquer la sélection indirecte sur la base des variables autres que
le rendement en grains.
C'est pour cette raison, que nous avons,dans un
deuxième temps, envisagés les différentes méthodes
d'étude de l'interaction génotype x environnement
du rendement en grains qui est l'objectif principal de la
sélection. L'identification des génotypes performants indique
que les changements dans les conditions environnementales entraînent des
fluctuations du rendement pour chaque génotype.
La sélection faite sur la base des plus faibles somme
de classement qui sont indicatrices de l'adaptabilité de leurs
génotypes aux différents environnements. De même, nous
pouvons choisir l'adaptation spécifique sur la même base
122
(classement) où le gain de rendement est
supérieur à celui obtenu par l'adaptation générale,
comme proposé par MALHOTRA et al., (1991) [184] qui trouve que
la classification améliore la prévision des performances
génotypiques à l'intérieure des différents groupes
d'environnements, et conduit à une sélection pour l'adaptation
spécifique. Cependant, l'objectif de sélectionneur est, en effet,
de développer des génotypes stables qui répondent
favorablement à la variation des environnements.
L'analyse de la variance combinée, intégrant
tous les sites, indique que la culture de blé dur est doublement
affectée, par l'effet milieu et l'effet interaction génotype x
milieu. En effet, l'existence de l'interaction génotype x milieu
significative rend difficile la recommandation, d'un génotype
particulier dans un environnement donné, vu que chaque site à ses
meilleurs génotypes particuliers, et qu'il est rare de trouver un
génotype qui reste supérieur sur l'ensemble des lieux
testés. Dans de telles conditions, l'analyse de la variation des
rendements est approchée, par la technique de la régression
conjointe, qui permet de décrire les réponses génotypiques
selon la variation des environnements testés.
La variation des coefficients de régression obtenus,
met en évidence la sensibilité du rendement aux effets de
l'interaction génotype x environnement. Des valeurs de coefficients de
régression significativement supérieures à l'unité,
caractérisent deux génotypes qui répondent favorablement
à l'amélioration de l'environnement. Des valeurs de
l'ordonnée à l'origine positive, égale ou
supérieure à 0.3 t/ha caractérisent les génotypes
qui minimisent la baisse de rendement sous conditions de production
défavorables.
Les génotypes sélectionnés, sur la base
de la représentation linéaire des génotypes qui
contribuent plus à l'interaction, présentent une adaptation
spécifique aux deux types d'environnements, et se distinguent par des
coefficients de régression non significativement différents de
l'unité. Cependant, le modèle de l'analyse de la
régression conjointe n'arrive à expliquer que 10.1 pourcent de
l'interaction par rapport au modèle de l'analyse AMMI qui montre la
signification des deux premières composantes de l'interaction (IPCA), en
expliquant une importante proportion de l'interaction génotype x
environnement.
123
Nous avons, donc, choisi les techniques multivariées
comme celle des effets principaux additifs et l'interaction multiplicatives
(additive main effects and multiplicative interaction = AMMI) pour la partition
et l'interprétation de l'interaction génotype x environnement.
Selon GAUCH, (1992) [185] l'analyse AMMI est plus efficiente parce qu'elle
explique une grande proportion de la somme des carrés des écarts
de l'interaction. De plus cette analyse sépare les effets principaux de
l'interaction, permettant ainsi une meilleure interprétation des
données issues d'une expérimentation multi-site.
La représentation graphique de l'effet principal
génotype et de l'interaction génotype x environnement,
indiquée par le biplot AMMI1, montre les différences des effets
additifs, c'est-à-dire les différences de rendement entre
génotypes et entre environnements ainsi que les différences des
effets multiplicatifs, liés à l'IPCA1. Ce graphe permet de
prédire le rendement pour toute combinaison génotype x
environnement en utilisant le modèle. Le graphe bidimensionnel du
modèle AMMI1 montre que le score d'un génotype sur de la
1ère composante IPCA1 est un indicateur de la
stabilité des performances de ce génotypes dans les
différents sites.
Les génotypes à large adaptation,
présentent un faible score sur l'IPCA1 et contribuent, moins à
l'interaction. De même les sites qui présentent le même
domaine de recommandation, se caractérisent par un effet principal
élevé, se partageant les mêmes meilleurs génotypes.
D'autre part, quand les scores sur l'IPCA1 et l'effet moyen du biplot AMMI1
sont de même signe, leurs interactions sont positives, alors que si elles
sont des signes contraires, leurs interactions sont négatives. Il en
résulte que la similarité des signes des scores de l'interaction
et les effets principaux d'un couple génotype x environnement
dénote l'adaptation du génotype aux conditions agro-climatiques
de l'environnement en question. Par contre, si les signes sont opposés,
le génotype n'est pas adapté à l'environnement en
question.
Le biplot AMMI2 permet de ranger les génotypes selon
leurs zones d'adaptation, ses zones sont classées selon leur type
d'interaction. Le graphe bidimensionnel procure ainsi un moyen simple pour
déterminer les zones
124
d'adaptation des différents génotypes. Par
conséquent, les analyses du modèle AMMI sont des techniques
statistiques utiles pour l'interprétation des données d'essais
multilocaux, pour le groupement des génotypes et d'environnements selon
des caractéristiques appropriées, et pour l'identification des
zones d'adaptation des génotypes [186].
Une autre méthode a été pratiquée
dans notre étude pour déterminer l'adaptation à des
régions spécifiques identifiées par leurs scores sur la
1ère composante de l'interaction (LIPCA1). Elle est basée sur le
calcul du rendement nominal, Les résultats montrent que les
environnements sont classés selon les valeurs du score de la
1ère composante LIPCA1.De ce fait, chaque génotype a
un rendement nominal le plus élevé dans la plage des scores
LIPCA1 où se trouve l'un des quatre sites ou plus, ce génotype
est donc spécifiquement adapté à la région
représentée par ces sites.
De plus, la variation du rendement nominal entre les
différents sites peut être utilisée comme un indicateur de
la stabilité génotypique, de sorte que, plus la variation du
rendement nominal d'un génotype est faible, plus sa stabilité est
augmente. Bien qu'en générale, une bonne productivité soit
liée à une faible stabilité, PELTONEN-SAINIO et
al., (1993) [187] estiment qu'il est possible de sélectionner des
génotypes d'avoine à la fois productifs et stables, tandis que,
chez le blé tendre d'hivers, OZGEN, (1991) [188] mentionne que de
nouveaux génotypes à la fois productifs et adaptés
à une large gamme de milieux peuvent être créés.
Chez le blé dur, pour notre étude, nos
résultats montrent qu'il est, en effet, possible de cumuler ces
différentes caractéristiques en sélection pour deux
génotypes parmi les trente génotypes évalués. Cette
association entre productivité et adaptation est plus difficile à
réaliser dans les environnements variables, lorsque la sélection
est faite sur la seule base du rendement grain [189], [190].
D'autre part, nous nous sommes intéressés
à des caractères qualitatifs pour l'appréciation de la
qualité technologique. De ce fait, nous avons montré que le taux
de mitadinage est fortement influencé par le site de culture et
l'interaction
125
génotype x milieu que par le facteur
génétique, la diminution des valeurs moyennes de ce
paramètre est proportionnelle à la richesse du sol en azote, et
donc, une forte contribution du facteur environnement qui modifié
l'expression de ce paramètre. Cette idée peut compléter
celle de ABDELLAOUI et MARICHE, (2002) [168] qui notent que la qualité
du blé dur dépend essentiellement de l'accumulation des
protéines. Ces dernières sont largement tributaires de la
nutrition azotée durant le développement de la culture.
Le taux d'extraction, qui varie d'un génotype à
un autre pour le même site et d'un site à un autre pour le
même génotype qui abouti à une forte interaction
génotype × environnement, peut être expliqué par la
variation des conditions de culture d'une part, et la capacité
d'expression de ce paramètre liée à chaque génotype
d'autre part. Il est constaté que les variétés qui
présentent les meilleurs taux d'extraction sont celles qui sont
évaluées dans les milieux les plus favorables à
l'expression des hauts rendements en grains.
D'autre part, l'analyse du comportement viscoélastique
des protéines dans notre essai, montre que la teneur en gluten sec, est
d'autant plus basse que la teneur en gluten humide est plus faible. Ceci
explique les valeurs maximales et minimales qui sont données par les
mêmes génotypes. De même, les résultats obtenus
soulignent la différence d'expression des deux paramètres chez
les 30 génotypes évalués sur les trois sites, ces
génotypes manifestent différentes réponses, traduisant
leur capacité d'expression des deux teneurs en gluten sec et humide
d'une part et l'influence du milieu de culture pour le même
génotype d'autre part. ceux qui abouti à une forte interaction
génotype x milieu.
ABDELLAOUI et MARICHE, (2002) [168] à travers une
étude sur deux variétés de blé dur (waha et
vitron), indiquent que les apports d'azote exercent une action croissante sur
les teneurs en gluten sec des deux variétés. La maîtrise de
la nutrition azotée et la fertilisation du sol, en
générale, des variétés locales et introduites
pourraient contribuer à l'amélioration de la qualité du
blé dur en Algérie.
126
|