Mirabeau cite à de nombreuses reprises la Bible
en latin, en allemand et en hébreux. Il serait étonnant
qu'il ait imprimé ces citations, ces passages dans sa mémoire et
qu'il soit capable de les rendre à la virgule près en
détention, dans un état de santé qui laisse d'ailleurs
à désirer1. Il devait donc avoir à sa
disposition différentes versions de la Bible qu'il nous faut
déterminer. Dans ce travail, la Congrégation nous aide par les
erreurs qu'elle rapporte de son analyse de l'Erotika Biblion. Vu le
rapport de la Congrégation, on peut observer qu'elles sont dues soit
à de l'inattention ou de l'ignorance, soit à une erreur
récurrente dans la ou les sources citées et utilisées dans
l'Erotika Biblion. Est relevé notamment dans le premier
chapitre « Anagogie », l'amalgame entre Philistins et les
Israélites infidèles à la loi de Moïse pour
désigner les hommes qui se faisaient des prépuces ; un miracle
dont Mirabeau appuie l'étrange incongruité par les
expériences des pères Conning et Coutu dans le chapitre «
Akropodie » [« Akropodie » ; page 113]. Nous avons
déjà présenté le texte lors de notre analyse sur
l'ironie, mais il est toutefois bon de le rappeler.
C'est un manuscrit mozarabique, composé dans ces temps
perdus où Philippe fut enlevé à côté de
l'eunuque de Candace ; où Habacuc, transporté par les cheveux,
portait à cinq cents lieues le dîner à Daniel, sans qu'il
se refroidît ; où les Philistins circoncis se faisaient des
prépuces ; où des anus d'or guérissaient les
hémorroïdes... [« Anagogie », pages 5 à
1 Peu avant l'écriture de l'Erotika
Biblion, il se plaint d'un état de santé allant s'empirant :
sa vue baisse, ses vêtements partent en lambeaux, il marche pied-nus
à même le sol ; on lui soupçonne même d'être
affecté d'une pneumonie.
Ressources bibliques - 59
8]
Notons que les personnages bibliques, Philippe, Candace,
Habacuc et Daniel renvoient à des repères précis de
l'Histoire biblique. En l'occurrence, la situation initiale couvrirait
chronologiquement un millénaire : entre Daniel au Xe
siècle avant notre ère et le diacre Philippe au Ier
siècle après J-C. Le manuscrit aurait été
trouvé dans cet énorme espace de temps, ce qui apparaît
ainsi comme une moquerie envers la vraisemblance des récits
trouvés selon la tradition des romans-mémoires fortement
établie au XVIIIe siècle. En réinvestissant le
topos du manuscrit trouvé, Mirabeau inscrit de facto ce
chapitre dans la fiction.
Au-delà de la charge comique, ce court passage
contextualisant le manuscrit de Shackerley concentre deux approximations, deux
éléments qui portent à croire que lors de la
rédaction du texte, Mirabeau avait sous les yeux une ou des sources
l'induisant en erreur au sujet des Philistins et au sujet des anus d'or
guérissant les hémorroïdes. Par exemple, sa note
développant les anus d'or renvoie au premier Livre des Rois :
« Rois, liv. I, chap. VI, v. 17 »1 [« Anagogie »
; page 8]. Or, l'anecdote se trouve en réalité dans le Livre
de Samuel, I, chap. VI, verset 17. Nous verrons qu'il ne s'agit pas
forcément d'erreur à proprement parler, et qu'il existe
plusieurs explications qui peuvent déterminer la bibliographie dont se
servait Mirabeau.