Conclusion partielle
Au fur et à mesure que nous nous sommes penchés
à rendre compte de la dynamique de croissance, des
inégalités, de la pauvreté et du développement
économique, nous avons constaté qu'à l'issue de ce
chapitre, l'ethnicité, l'enclavement, la taille des pays, le niveau
d'endettement, la dépendance liée à l'exploitation des
ressources naturelles et le tâtonnement dans le choix des politiques
économiques sont d'autant d'éléments qui justifient
l'absence et l'engagement réel du processus du développement au
sein de la sous-région centrale du continent africain nonobstant
l'accroissement substantielle de la production durant les seize
premières de notre siècle.
67
CHAPITRE III : CONSTRUCTION (ELABORATION) DE
L'INDICE COMPOSITE DE CROISSANCE INCLUSIVE POUR LES PAYS DE LA CEAAC
: ANGOLA, CONGO, CENTRAFRIQUE, TCHAD, ET RDC
Rappelons que les deux premiers chapitres de notre
étude avaient pour objectifs respectifs de présenter les
généralités conceptuelles et l'état des lieux de la
dynamique de pauvreté, des inégalités, de croissance et du
développement économique en Afrique Centrale. Le troisième
et dernier chapitre se propose d'élaborer l'indice composite de
croissance inclusive pour les pays de la CEAAC.
Ce chapitre se compose des points suivants :
l'appréciation des indices antérieurs de mesure de croissance, la
présentation des indices préludes à l'élaboration
des indices composites de croissance, les étapes de construction des
indices composites et enfin la construction et la présentation des
indices composite de croissance inclusive.
SECTION 1 : APPRECIATION DES INDICES ANTERIEURES
Cette section du chapitre vise, dans un premier temps, une
description succincte et critique des indices synthétiques
antérieurs proposés au sein de la littérature sur la
croissance inclusive (A. Sen, 1990 ; Mlachila et al., 2014). Il s'agit
de ceux qui n'ayant pas trouvé leur légitimité dans la
communauté scientifique. Dans un deuxième temps, ce point
présente celles qui ont fait l'objet de prélude dans notre
étude en vue de dégager une démarche méthodologique
centrée sur des fins de conception et de formulation de notre indicateur
synthétique dénommé « Indice de Croissance Inclusive
» (ICI, en sigle).
III.1.1. Intérêts et limites des indicateurs
synthétiques classiques
Le débat portant sur la nécessité de
disposer d'un ou de plusieurs indicateurs fiables et pertinents capables de
supplanter le PIB en vue de mesurer efficacement les effets redistributifs de
la croissance sur le long terme, n'est pas récente. Elle ne date pas
d'hier, mais elle est plutôt une conséquence d'une série
des réflexions initiées par d'innombrables chercheurs autour de
la question d'inclusivité de la croissance.
Rappelons, en effet, que les premières tentatives de
création des mesures agrégées sont celles qui ont
été créées pour évaluer le niveau du
bien-être et du développement humain. Ensuite naquirent celles
faisant référence à la notion de durabilité de
développement.
? R est l'indice de richesse monétaire,
basé sur le produit intérieur brut (PIB) par habitant ;
? S l'indice de santé (basé sur
l'espérance de vie) ;
68
C'est pourquoi, depuis les années 90 jusqu'à nos
jours, trois indicateurs synthétiques ont été
réellement couronnés de succès dont nous nous sommes
inspiré pour fonder notre démarche : il s'agit principalement de
l'Indice de Développement Humain (IDH) proposé par le PNUD ; de
l'Indice de Développement Humain ajusté aux
Inégalités (IDHI) ainsi que de l'Indice de la Qualité de
la Croissance proposé par Mlachila et al. (2014). A ce titre,
nous décrivons dans les lignes qui suivent les définitions
mathématiques et méthodologiques de chaque indice en vue d'en
dégager les limites.
A. Indice de Développement Humain (IDH)
L'IDH est un indicateur du bien-être le plus
utilisé et le plus connu. Il permet d'évaluer et de mesurer le
niveau du bien-être atteint par un pays. A travers ce point du chapitre,
nous présentons d'abord la définition ou l'expression
mathématique de cet outil de mesure avant d'en présenter les
limites.
a) Définition :
L'IDH est un indice statistique composite du Programme des
Nations Unies pour le Développement (PNUD). Inspirée des travaux
d'Amartya Sen, sa valeur est comprise entre 0 (exécrable) et 1
(excellent).
En effet, il est calculé en établissant la
moyenne arithmétique de trois indices quantifiant respectivement :
? la longévité et/ou la santé
sur base de l'espérance de vie à la naissance ;
? le savoir et/ou l'instruction
mesuré(e) sur base du taux d'alphabétisation des adultes
combiné au taux de fréquentation scolaire des jeunes ;
? la possibilité d'accéder à un
niveau de vie décent sur base du revenu brut par
habitant en parité de pouvoir d'achat.
L'expression mathématique suivante favorise le calcul de
cet outil de mesure :
??+??+??
?????? = (3.1)
??
où :
69
? E l'indice d'éducation. L'indice E
est lui-même la moyenne pondérée d'un indice de
scolarisation des jeunes et d'un indice d'alphabétisme des adultes (le
premier ayant deux fois plus de poids que le second).
Exprimées chacune dans son unité, ces variables
doivent d'abord être normalisées ou redimensionnées afin
que les niveaux des indices R, S et E soient compris entre 0 et 1. Plus
l'indice est proche de 1, plus le pays est considéré comme
développé sur le plan humain. Cette normalisation
nécessite que soient définies des valeurs minimales et maximales
(possibles ou acceptables) pour chacune des variables (voir tableau 1). Cette
normalisation nécessite que soient définies des valeurs minimales
et maximales (possibles ou acceptables) pour chacune des variables (voir
tableau 1).
La formule de normalisation est alors de la forme suivante :
(valeur observée de la
variable-minimum)
Valeur de l'indice =
(3.2)
(maximum-minimum)
Le tableau no3.1 suivant résume des valeurs
maximales et minimales des sous-indices :
Tableau no3.1 : Minima et maxima des
variables dans les formules de normalisation
Elément Minimum Maximum
PIB par habitant ($ PPA) 100 USD 40000 USD
Espérance de vie (années) 25 ans 85 ans
Alphabétisme (%) 0 % 100 %
Scolarisation (%) 0 % 100 %
Source : D'après G. Omar et G. Abdallah
(2019).
70
b) Limites de l'IDH :
Parmi les critiques les plus acerbes contre l'IDH et sa
construction, celles évoquées conjointement par Guerid Omar,
Ghalem Abdallah90 et Michaël Goujon sont les plus
évoquées91. Ces derniers ont pu résumer les
limites contenues dans la construction de l'IDH en trois points. Leurs
critiques concernent d'abord la fiabilité des informations statistiques
communiquées par chaque pays, l'absence d'une relation entre la
croissance économique et le développement humain, ensuite ; et,
enfin, la partialité du cadre conceptuel de l'IDH.
Un détail et un développement accordés
à chaque point de critique pourrait nous élever à la
hauteur de nos recherches.
? La fiabilité des informations
statistiques communiquées par les différents pays :
En effet, selon Guerid Omar et Ghalem Abdallah, les
renseignements périodiquement fournis par la plupart des pays sur les
différentes composantes de l'IDH ne sont pas dans leur ensemble
calculés selon des critères fiables et bien
déterminés. Dans cette optique, certains spécialistes
optent plutôt pour les données que communiquent certaines
institutions internationales dont la crédibilité est souvent
prouvée. À titre d'exemple, l'auteur cite l'UNICEF et l'Unesco
pour ce qui est le cas des indicateurs concernant la scolarisation, de la
santé et des conditions de vie des enfants ainsi que le FMI en ce qui
concerne les données portant sur la croissance du PIB92.
? La croissance économique et le
développement humain ne vont pas souvent de pair :
Le rapport du PNUD sur le développement humain
publié en 2010 démontre explicitement qu'il existe une
corrélation extrêmement faible, entre la croissance du revenu par
tête (indicateur exclusivement monétaire) et les autres
indicateurs d'ordre qualitatif.
Pour corriger l'impact des effets du revenu sur les deux
autres dimensions du développement humain, PNUD a récemment
proposé le passage d'une moyenne arithmétique à une
moyenne géométrique (qui mesure la valeur typique d'un ensemble
de nombres)93. De telle sorte qu'une
90 G. OMAR et al., « Le
développement humain : les dimensions d'un concept », dans
Revue des Economies Financières Bancaires et de Management, Vol. 5,
No1, 2019, pp. 238-251 [En ligne], URL :
http://revues.univ-biskra.dz/index.php/lfbm/
(Consulté le 8 août 2020).
91 M. GOUJON, « L'indice de
développement humain : une évaluation rétrospective pour
La Réunion (19852005)», dans Etudes et Documents,
No5, CERDI, 2011, p. 5, [En ligne], URL :
https://ideas.repec.org/p/cdi/wpaper/1044.html
(Consulté le 8 août 2020).
92
93 M. BENDAOUD, « Des travaux d'Amartya
Sen à l'indice du développement humain », dans Centre
d'études sur l'intégration et la mondialisation (CEIM), 2011, p.
18, [En ligne], URL :
https://www.ieim.uqam.ca/spip.php?page=article-ceim&id_article=6605
(Consulté le 8 août 2020).
71
performance médiocre « dans une dimension
quelconque est maintenant directement réfléchie dans l'IDH, et il
n'y a plus de substituabilité parfaite à travers les dimensions
»94.
A cet égard, l'expression couramment utilisée en
termes de moyenne arithmétique pour mesurer l'IDH, a été
moins préférée que la moyenne géométrique de
trois sous composantes de l'IDH donnée par la relation suivante :
IDH = v?????????????????? *
???????????????????????????? ?????? * ????????????????????????
?? (3.3)
? Le cadre conceptuel de l'IDH :
Michaël Goujon95 note à son tour que le
concept de développement est bien sûr plus complexe que ce que
permet de mesurer l'IDH avec seulement trois dimensions et quatre variables.
Certains aspects importants du développement ou du bien-être
manquent probablement (sécurité, culture, environnement...). Une
autre limite, toute aussi importante que les précédentes,
souligne l'auteur ci-dessus, est celle qui présente l'IDH comme un
indicateur de niveau moyen de développement pour une population. Il ne
tient pas compte explicitement des inégalités de revenus ou
sociales dans les pays. Par exemple, deux pays peuvent présenter des
niveaux d'IDH identiques, mais la part de la population pauvre dans l'un des
deux pays peut être plus élevée si ce pays est plus
inégalitaire que l'autre.
C'est pourquoi, en tenant compte de cette dernière
critique contre l'IDH, la mise en place de l'Indice de Développement
Humain corrigé des Inégalités devenait un correctif
nécessaire, en dépit de ses propres limites qui constituent sa
faiblesse.
94 PNUD, « Rapport sur le
développement humain 2010 », Communications Development
Incorporated, 2010, p. 17.
95 M. GOUJON, op. cit., p. 5, [En ligne], URL :
https://ideas.repec.org/p/cdi/wpaper/1044.html
(Consulté le 8 août 2020).
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