évaluation de l'inclusivité de la croissance économique dans la zone CEEAC.par Randy KAMBANA MOISE Université Catholique du Congo - Licence en économie et développement 2019 |
II.2.3. Les explications du sous-développement en Afrique centraleL'histoire sous-régionale est caractérisée par une série d'évènements macabres (problèmes politiques, culturels et ethniques : coup d'Etat, pillages, instabilité institutionnelle, guerres civiles, etc.) qui se chevauchent, s'entremêlent et se combinent. Certains remontent aussi loin que les premières années de l'indépendance. En effet, plusieurs facteurs expliquent le sous-développement dans les pays d'Afrique centrale. Cependant, nous pouvons regrouper les causes qui entravent le processus de développement en deux catégories : ? les facteurs exogènes relatifs à la géographie physique et humaine ; ? les facteurs endogènes relatifs aux politiques économiques suivies depuis les indépendances. Accordons un court détail à chaque catégorie de facteurs pour en scruter la profondeur et l'influence. A. Facteurs exogènesLes facteurs exogènes sont les caractéristiques qui conditionnent directement ou indirectement la structure démographique, les déterminants de production et la qualité des institutions d'un pays ou d'un groupe des pays81. En effet, il serait étrange d'affirmer que des composantes comme le climat, la géographique, la culture et l'histoire n'aient jamais affecté le cours du développement économique. A ce titre, nous analysons dans les lignes qui suivent les effets de la taille des pays, de l'enclavement et de la fragmentation ethnique sur les économies de la sous-région. a) Taille (Superficie ou aire nationale) des pays : Il est observé que la plupart de pays africains enclavés ou semi-enclavés sont ceux qui connaissent ou qui ont connu depuis toujours de très mauvaises performances économiques au fil de l'histoire. A cet égard, le découpage de l'Afrique à l'issue de la conférence de Berlin tenue en 1885 en un nombre élevé de pays de petites tailles et à forte diversité ethnique explique en grande partie les nombreuses carences productives et situations conflictuelles dans la région. 59 Tableau no2.8 : Taux de croissance du PIB/habitant en ASS par catégorie géographique et par décennie
Source : D'après Collier (2007) cité par Lihamer (2009). Ainsi, l'on peut noter à cet effet que certains pays ont été des véritables poudrières dans le continent. Cela fut notamment le cas « du Tchad confronté à plusieurs rebellions depuis les années 1965 ; du Congo Brazzaville miné par une guerre civile qui remonte à 1993; de l'Angola entre 1975 et 2001, du Burundi entre 1988 et 2003 »82 mais également de la République Démocratique Congo (Ex-Zaïre) ainsi que de la République Centrafricaine qui connaissent encore jusqu'à ces jours des situations des crises. En conséquence, les conflits interrégionaux ont pour la plupart déstabilisé les économies africaines. Il est aujourd'hui prouvé, note cependant Doudjingao, que « les conflits civils et armés répétitifs que connait le continent africain constituent une des causes principales de son retard de développement »83. Certes, les grandes puissances n'avaient pas imaginé les coûts physiques, humains et socio-économiques d'un mauvais départage de l'Afrique si bien qu'elles pensaient vouloir la contrôler de façon pérenne. Ainsi, les conflits sont ipso facto une expression violente d'une opinion concernant un des aspects de la vie économique, politique ou sociale. 82 I. EHUENI MANZAN, « Les accords politiques dans la résolution des conflits armés internes en Afrique », Thèse de doctorat présentée à l'Université de La Rochelle, La Rochelle, 2011, p. 33, [En ligne], URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00808590/document (Consulté le 10 juillet 2020). 83 A. DOUDJIDINGAO, « Education et croissance en Afrique subsaharienne, une analyse comparative des trajectoires socioéconomiques de trois groupes de pays anglophones, francophones et maghrébins », Université de la Méditerranée - Aix-Marseille II, Marseille, 2009, p. 146. [En ligne], URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00414483/document (Consulté le 10 juillet 2020).
L'autochtonie et l'ethnicité sont au coeur de la grande majorité des mobilisations sociales et politiques qui ont secoué le continent africain au cours des dernières décennies. Selon le rapport de la Commission « Régions africaines en crises » de la Fondation Roi Baudouin et Médecins Sans Frontières, les pays tels que le Rwanda, la Somalie, le Libéria, l'Angola, le Burundi et le Zaïre (avant 1997) sont tombées dans le prisme des conflits ethniques faute de systèmes de participation et de protection adéquate entre les communautés.85 84 J-J. SANZE, « La vulnérabilité économique d'un pays riche et enclavé : Le cas de la République Centrafricaine », La Presse : Sangonet (Paris 13ème), 28 mai, 2013. [En ligne], URL : https://sangonet.com (Consulté le 12 juillet 2020). 85 A. MORO NGUI, « Conflits et guerres d'autochtonie et d'ethnicité en Afrique : éléments d'un modèle général d'analyse », Winter-Spring/Hiver-Printemps, Vol. 8, N°1, 2018, p. 1, [En ligne], URL : http://resmilitaris.net (Consulté le 30 juin 2020). 61 De ce fait, il s'avère que la plupart de sociétés des pays subsahariens sont les plus hétérogènes au monde. Par conséquent, l'utilisation de l'indice de fragmentation ethnolinguistique ELF604086 montre cependant que 32 pays d'Afrique Subsaharienne (sur un total de 39 décrits par l'indicateur ELF60), ont un indice de fragmentation ethnique supérieure à celui des Etats-Unis. C'est ce qu'indiquent les résultats regroupés dans le tableau no2.9 ci-dessous : Tableau no2.9 : Fragmentation ethnolinguistique dans les pays d'Afrique Subsaharienne Indice de Fragmentation Nombre de pays Pays d'Afrique Subsaharienne (avec Ethnolinguistique (ELF60) d'Afrique Subsaharienne certains pays référence)
Entre 0,1 et 0,5 Mauritanie; Royaume Unis; France; 3 (0,1 étant le niveau de la Grèce) Lesotho; Tunisie; Rwanda. Entre 0,01 et 0,1 3 Somalie ; Madagascar ; Burundi (0,01 étant le niveau du Japon) Source : Easterly et Levine (1997) cité dans N. Lahimer (2009). Note : Les pays sont classés par ordre décroissant de fragmentation ethnolinguistique. Le tableau inclut des pays n'appartenant pas à l'Afrique Subsaharienne. Ils sont inscrits en gras et notés à titre de niveau de fragmentation ethnolinguistique de référence. Comme on peut le constater, le tableau no2.9 reflète que sur un total de cinq sous-régions du continent africain, seule la région centrale dispose majoritairement des pays qui ont un indice de fragmentation ethnique supérieure. C'est le cas notamment de la RD Congo, du Cameroun, du Gabon, de la Centrafrique et du Burundi. 86 ELF60: est un indice de fragmentation ethnolinguistique qui a été construit par les chercheurs soviétiques au début des années 60 et publié dans l'Atlas Narodov Mia. Il calcule la probabilité que deux individus pris aléatoirement appartiennent à deux groupes différents. Ainsi, il varie de 0 à 1. Des valeurs élevées de cet indice désignent des sociétés à forte fragmentation ethnolinguistique. 62 |
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