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évaluation de l'inclusivité de la croissance économique dans la zone CEEAC.par Randy KAMBANA MOISE Université Catholique du Congo - Licence en économie et développement 2019 |
B. Sources de la croissance en Afrique CentraleLes profils de croissance analysés ci-haut montrent que la croissance de ces différents pays a été principalement soutenue par l'industrie minière et pétrolière. En effet, il appert que les cinq pays retenus dans le cadre de notre analyse sont tous dépendants de l'exploitation du pétrole et des ressources minières. C'est le cas notamment du Tchad. En effet, la croissance du produit intérieur brut (PIB) du Tchad a atteint 10,4 % en 2012, tirée doublement par le secteur pétrolier (découverte de nouveaux puits) et par le secteur non pétrolier (la mise en service de nouvelles unités de production d'électricité et de ciment ainsi que les investissements massifs dans les infrastructures). Elle a connu un net ralentissement en 2011 avec un taux de croissance de 2,8 % à cause principalement de la baisse des activités dans le secteur primaire67. Entre 2004 et 2005, l'exploitation du pétrole a entrainé un quasi doublement du PIB qui est passé de 1 732 Milliards FCFA en 2004 à 3 101 Milliards FCFA en 2005. Le PIB pétrolier représente sur la période 2005-2011 en moyenne 30% du PIB, contre 25% pour les secteurs de l'agriculture et de l'élevage, 15% pour le commerce et 30% pour l'ensemble des autres secteurs. 66 BAD, « République du Tchad », Perspectives économiques en Afrique, 2018, p. 2. [En ligne], URL : https://www.afdb.org/fileadmin/ (Consulté le 10 juillet 2020). 67 Ministère de l'économie, du plan et de la coopération internationale, institut national de la statistique, des études économiques et démographiques (INSEED), Profil de la pauvreté au Tchad en 2012, Troisième Enquête sur la Consommation et le Secteur informel au Tchad (ECOSIT3), Rapport Final, Juin 2013 46 En RDC, comme au Tchad, la part des recettes d'exportation minière dans la croissance économique n'est plus du tout à démontrer. En effet, les exportations en RDC sont dominées par la sortie des produits miniers. Le secteur minier demeure ainsi le principal moteur de la croissance avec une contribution moyenne de 38,66 % en 2006-2016. En 2010, la contribution à la croissance des industries extractives s'est située à 124,3% suivie de celle des Agriculture, pêche et élevage (10,3 %) et le reste ont contribué soit négativement ou proche de nul68. ? Les phases de la croissance : La croissance économique de la sous-région centrale du continent africain possède une longue histoire et a été principalement marquée et caractérisée par trois phases bien distinctes depuis la période postcoloniale, à savoir la phase de prospérité, la phase de décélération et d'ajustement structurel ; et, la phase de relance et d'accélération de la croissance. Le graphique suivant indique l'évolution de la croissance économique dans cette partie du continent africain depuis 1961 à 2018 avant de fournir un détail sur chacune des phases d'évolution de la croissance. Graphique 2-7 : Taux de croissance du PIB réel de l'Afrique centrale de 1961 à 2018 (% annuel) Taux de croissance annuelle du PIB (%J 25 20 15 10 -5 5 0 1961 1964 1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 0.87 6.80 1.84 2.19 1.94 2.942.96 3.07 6.056.20 4.16 2.50 4.61 10.26 6.196.01 1.50 -0.18 -0.78 1.55 7.45 5.22 4.50 5.02 6.93 0.53 -1.73 4.02 1.88 -1.38 1.03 2.91 -3.63 3.04 3.89 8.51 20.51 6.28 2.012.04 11.22 5.55 4.65 11.55 6.84 5.055.33 4.43 3.67 5.27 4.53 5.61 -0.24 4.96 1.89 0.54 -0.05 1.78 Source : Elaboré par nous-mêmes, à partir de la base de données des indicateurs de développement dans le monde de la Banque Mondiale, (World Developement Indicators, 2020) 68 V. K. LOFOMA, op. cit., p. 45. 47 (i) La phase de prospérité (1961-1985)69 : Cette phase indique les vingt-cinq années glorieuses de la sous-région de l'Afrique centrale. Elle couvre la période de 1961 à 1986. Au cours de cette période, l'Afrique centrale a connu une croissance moyenne avoisinant 4,3 % l'an. Ce premier épisode de performance économique coïncide historiquement avec celle de la découverte et le début d'exploitation du pétrole au Gabon et au Congo entre 1972 et 1975. En effet, entre les années 1961 et 1976, la croissance régionale tire principalement sa source des exportations des produits de rente, dont les capitaux étaient majoritairement détenus par des compagnies étrangères70. Néanmoins, le boom pétrolier de la période 1978-1986 ne réussit pas à améliorer la croissance de la zone. A ce titre, la croissance régionale passa d'un taux annuel moyen de 4,3 % durant le premier épisode pour se fixer à un taux annuel moyen de 3,2 % au second. Cette légère baisse du rythme de croissance se justifie par deux facteurs: d'une part, par la mauvaise gestion de la politique économique, et d'autre part, par les troubles sociales à répétition qui seraient à l'origine de la faible performance du Congo et du Gabon71. Contrairement à la situation précédente, le Cameroun a connu un bond spectaculaire de sa croissance s'élevant jusqu'à 7,6 %, avec des taux à deux chiffres, à 22 % et 17,1 % respectivement enregistrés en 1977 et en 1980. En effet, « le syndrome hollandais expérimenté par plusieurs nouveaux exportateurs de pétrole à cette époque, a été plus qu'atténué dans le cas du Cameroun grâce à la politique prudente du régime en place »72. Toutefois, les résultats patents de l'économie camerounaise ne se sont pas traduits directement sur le PIB régional, lequel va se décroitre brutalement à partir de 1987. 69 Nous avons établi notre analyse sur l'ensemble des pays de la sous-région de l'Afrique centrale. 70 I. NGOUHOUO, « Les investissements directs étrangers en Afrique centrale : attractivité et effets économiques », Thèse de doctorat présentée à l'Université du Sud Toulon Var, Toulon, 2008, p. 44, [En ligne], URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00274376/document (Consulté le 10 juillet 2020). 71 I. NGOUHOUO, op. cit., p. 43. [En ligne], URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00274376/document (Consulté le 10 juillet 2020). 72 N. AMAN NDIKEU NJOYA, op. cit., p.99. [En ligne], URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01622648 (Consulté le 10 juillet 2020). 48 (ii) La phase de décélération et d'ajustement structurel (1986-1994)73 : Pendant la deuxième phase, l'Afrique centrale s'est trouvée confrontée à l'une des plus sévères crises économiques marquée par des profondes récessions et des reprises inégales dans certains pays. La baisse concomitante des prix de principaux produits de rente (cacao, café et coton) et du pétrole au cours de la période 1985-1986 occasionna un frémissement sur la tendance de la croissance économique dans la région. Face à cette crise aiguë, les gouvernements des pays que compose la région ont été conviés d'appliquer strictement les mesures d'ajustements structurels des Institutions de Bretton Woods, afin de juguler les effets structurels de cette crise. Outre ces outils de restructuration et de stabilisation macroéconomiques, la dévaluation du franc CFA a été également opérée en 1994 dans le but de relancer la compétitivité des exportations. Dans les faits, on n'assiste pas immédiatement à un retour inédit de la croissance dans les différents secteurs économiques des pays touchés par la crise. Cependant, cette reprise a été inégale lorsqu'on analyse l'évolution individuelle de la croissance de chacun de ces pays. En effet, la République Démocratique du Congo, le Cameroun et la République Centrafricaine ont connu des balbutiements au niveau de leur croissance sur la période couvrant les années 1990 à 1994 ; tandis que le Congo, le Gabon, le Tchad et le Burundi ont réussi à passer cette crise sans ambages. Par ailleurs, certains partisans de l'ajustement ont cru à défaut que ces réformes pourraient avoir une incidence directe sur l'activité économique africaine plaçant cette dernière sur le sentier d'une nouvelle trajectoire de croissance plus qu'auparavant et comparable à celle du continent asiatique. Malheureusement, cela n'a pas été le cas dans maints pays. Néanmoins, ces mesures ont tant bien que mal, conduit à une reprise timide vers le milieu des années 1990. Il sied cependant de souligner que quelques succès remarquables ont été observés dans certains pays d'Afrique et d'Amérique latine ; mais en gros, le sursaut économique prédit et le recul de pauvreté n'ont pas été au rendez-vous durant cette période. 73 Nous avons établi notre analyse sur l'ensemble des pays de la sous-région de l'Afrique centrale. 49 (iii) La phase de relance et d'accélération de la croissance (1995-2012)74 : Cette dernière phase apparaît exceptionnelle pour les économies de la sous-région. En effet, contrairement aux autres régions du globe, en l'occurrence l'Amérique Latine et les Caraïbes, l'Asie orientale et le Pacifique qui ont enregistré un ralentissement du rythme net de leur croissance économique et des taux de croissance négatifs en 2009, l'Afrique centrale a été relativement épargnée par la crise des subprimes. Par ailleurs, la sous-région a connu une baisse tendancielle de l'évolution de sa croissance tout justement à partir de 2013. Ce déclin s'explique principalement par un retournement exotique du cours des matières premières, dont la chute en 2014-2015 a entraîné une récession. Cependant, cette vue globale de la croissance du PIB témoigne la forte vulnérabilité à l'égard des cours internationaux mais également la grande extraversion des économies dans la région, évoluant sans cesse dans une conjoncture internationale qui ne leur sont pas favorables (cours élevé du pétrole, flambée du dollar, hausse des taux d'intérêt, etc.). Cependant, il faut toutefois noter que contrairement aux épisodes de croissance précédents, cette dernière est caractérisée par une augmentation graduelle et séquentielle des IDE et des prix des matières premières. Ces deux éléments réunis ont poussé malheureusement la majorité des pays de la sous-région à l'exploitation des produits primaires tout en abandonnant les auteurs secteurs tels que l'agriculture susceptible de porter la croissance à long terme. Ainsi, en accord avec notre thématique, il conviendrait à présent de décrire la répartition sectorielle de la région, avant d'entamer plus loin une analyse approfondie sur l'évolution de la pauvreté et des inégalités. 74 Nous avons établi notre analyse sur l'ensemble des pays de la sous-région de l'Afrique centrale. 50 |
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