1- La médiation des ainés
La diplomatie dans l'Afrique précoloniale joua un
rôle important dans les relations intercommunautaires. Les entités
sociopolitiques de l'Afrique précoloniale, selon Daniel Abwa, ont
toujours pratiqué la diplomatie dans leur rapport intercommunautaire
(Abwa, 1989 cité par Sambo, 2012:203). Il faut comprendre que cette
diplomatie entre les autorités traditionnelles avait d'abord pour
objectif la sauvegarde des relations de bon voisinage (Sambo, 2012:203).
C'est ainsi que dans le souci de normalisation et de
résolution des conflits en pays massa, les hommes ont accordé une
importance capitale aux procédures de négociation. L'objectif de
la négociation est de parvenir à un accord entre les parties
antagonistes. Ce qui suppose l'existence, au sein des parties
concernées, d'une réelle motivation à parvenir à un
accord et d'éviter une escalade de la violence qui conduit des
situations non négociables. Nous savons que les négociations
requièrent des connaissances techniques fondées sur la culture du
groupe, sur une bonne maîtrise de l'histoire communautaire et aussi sur
une longue pratique qui procure des stratagèmes imparables. Ainsi, le
rôle des vieillards est très important, car l'on suppose qu'ils
maîtrisent bien l'histoire du pays et qu'au-dessus de tout, le respect
leur revient. Il
85
convient de rappeler que la tradition massa n'autorise
guère de porter la main sur les hommes âgés bien que
ceux-ci font quelquefois objet de bastonnade en cas de conflit78.
Tout cela parce qu'il faut en effet que, pendant un conflit il reste quelque
confiance en la disposition de l'ennemi, sans quoi l'on ne pourrait d'ailleurs
conclure aucune paix et les hostilités
dégénéreraient en une batail d'extermination.
La gestion des conflits directement entre les parties
concernées ou tout au moins au niveau du village semble être la
méthode la plus efficace, car elle se fait sans des perturbations
majeures dans les relations sociales et surtout elle n'engage pas beaucoup de
moyens financiers. Ainsi, les agriculteurs, les éleveurs et pasteurs
qui, sont plus impliqués sont les principaux responsables de
l'élaboration d'un système efficace de gestion des conflits
liés à l'accès à la terre.
Dans les conflits inter-claniques du canton Koumi par exemple,
les vieillards jouent un rôle important. En effet lors de la
résolution des conflits entre les deux camps antagonistes, notamment les
biliam I et les rigaza, l'on fait appel aux hommes âgés afin de
jouer la médiation. Ce sont eux qui, devant la Brigade soit la justice
tracent le mieux l'historique des conflits parce que l'on suppose qu'ils sont
sages. Ici, les chefs de villages ou blama n'ont pas de rôle à
jouer en ce qui concerne la médiation ou résolution. Ils sont
dépourvus de toutes responsabilités y compris les
Moulla79 ou chefs de Canton, représentant de
l'État. Les protagonistes pensent qu'en tranchant l'affaire
auprès de ces derniers, ils seraient tentés de prendre position
derrière un camp.
Dans ce contexte donc, les compromis sont trouvés par
la médiation de ces vieillards. En 2015, par exemple, tous les
vieillards dans le canton Koumi, qu'ils soient de Biliam-oursi I ou de Rigaza,
ont fait l'objet d'emprisonnement de 6 mois environ dans le pénitencier
de koro-toro, prison située à près de 2000 km de la
capitale tchadienne, dans le désert80. Le gouvernement
tchadien pense que ces derniers seraient
78 Entretien avec Dom Djaldi le jeudi 23 juin 2017
à biliam-oursi I.
79 Le Moulla est le nom des chefs des cantons en
langue massa. Le Moulla est respecté par les massa et joue un rôle
important dans la société massa.
80 Entretien avec Malamsou le vendredi 24 juin 2017
à Biliam-oursi I.
86
des « complices » et qu'ils auraient joué le
rôle « d'instigateur » dans le conflit meurtrier opposant les
biliam aux rigaza, en 201581.
Il convient aussi de signaler que dans le cadre des conflits
latents, la présence des vieillards n'est pas ignorée. Dans le
cadre de leur régulation, les blama sont tentés quelquefois de
faire appel à eux82. Étant des jeunes pour la plupart,
les blama accordent de l'importance à ces derniers au regard de leur
ancienneté et de la maîtrise de certaines questions sociales.
Généralement pour ce qui est de la
négociation, ces vieillards essayent de retracer l'histoire du peuple en
clarifiant la dynamique entre les différents groupes avant
l'arrivée des blancs jusqu'à l'ère actuelle. Cette
méthode qui consiste à remonter le temps revient à faire
comprendre aux jeunes générations qu'elles sont issues d'un seul
ancêtre et que, dans le passé, il n'y avait pas des conflits
à l'intérieur de la communauté83. Les conflits
sont selon les sages des phénomènes récents, avec comme
cause, l'égoïsme de certains qui ont des ambitions
démesurées. En écoutant donc les paroles des vieillards,
les protagonistes sont souvent apaisés.
Pour ce qui est de l'opposition agriculteurs-éleveurs
les deux parties ont chacune un représentant. Du côté des
éleveurs, c'est généralement le Sark sano qui
vient pour l'arrangement auprès du représentant des villageois
agriculteurs, le chef du village.
2- Le rôle des Chefs traditionnels dans la
résolution des conflits
Dans le cadre de la résolution des conflits dans la
société massa, il est important de souligner que les conflits
sont tranchés devant les autorités en fonction de leur
gravité et des enjeux. Certains conflits se limitent au niveau des
blamana et d'autres, du point de vue de leurs complexités sont
tranchés chez les mallah/chefs de canton.
81 Entretien avec malamsou le vendredi 24 juin 2017
à Biliam-oursi I.
82 Entretien avec le chef de canton de Bongor,
SammaTordina le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
83 Entretien avec Issa Kampété, blama de
Baiga kouhlou, le vendredi 23 juin 2017 à Baiga.
87
a- Les blamana ou chefs de village dans la
résolution des conflits
Traditionnellement les conflits liés à
l'accès ou à l'utilisation de la terre sont tranchés par
les chefs de village. Ces différends sont tranchés selon la
tradition et la coutume locale bien qu'ils soient nommés par le pouvoir
moderne84. Compte tenu du fait que les blamana sont les
représentants des chefs de canton auprès des villages, ils sont
respectés quand il s'agit d'une gestion de conflits.
Dans les cas de dommages faits aux cultures par exemple, les
animaux ayant causé les dégâts sont quelquefois saisis par
les propriétaires du champ dévasté et les
propriétaires des animaux en sont informés. De cette situation,
s'il n'y a pas de compromis entre les deux camps, l'affaire est portée
dans un premier temps devant les chefs de village . Dans ce cas, le chef de
village convoque les deux parties et leur donne la parole tour à tour
afin d'établir les faits. Généralement, les
éleveurs peulh sont représentés par le
Sark-nano85. Les jugements sont tranchés
généralement à l'entrée de la concession du chef,
toute la population peut assister et donner sa version de fait. Après
explication venant des deux parties, la cour du chef donne son avis sur la
question. Si le propriétaire des animaux reconnaît les faits, il
est demandé à l'agriculteur de fixer la compensation et sa nature
qui est couramment en argent. Dans certains villages, pour ce qui est
d'évaluation, c'est l'ANADER86 qui s'en occupe. Quand
l'agriculteur fixe le montant; il est demandé à l'éleveur
son avis. Si ce dernier juge la compensation trop élevée par
rapport aux dégâts, il propose un prix à son tour où
il peut demander l'évaluation des dommages par une tierce personne, en
général un des conseillers du chef. Après
l'évaluation un prix est fixé et l'éleveur est
sommé de s'exécuter et un délai lui est accordé.
S'il refuse encore d'obtempérer après épuisement du
délai, le chef de village peut transférer le jugement chef
à la brigade de gendarmerie soit chez le chef de canton. Aussi,
l'éleveur a le libre choix de demander que l'affaire soit
transférée à la justice parce qu'il juge
incompétente la décision prise par les chefs
84Entretien avec Issa Kampété, blama de
Baiga kouhlou, le vendredi 23 juin 2017 à Baiga 85 Le nom
donné au représentant des peuls éleveurs. Ils sont les
porte-paroles du groupe. 86L'ANADER est l'agence nationale de
développement rural installé dans presque toutes les
régions du Tchad. Elle axe ses activités dans le domaine de
l'agriculture.
88
traditionnels. Il faut cependant signaler qu'après
jugement, les deux parties sont appelées à verser une somme au
chef conformément aux règles établies et en fonction du
jugement.
À Bongor par exemple nombre de conflits qui opposent
les agriculteurs aux éleveurs sont tranchés soit à la
justice, soit à la brigade de recherche de Bongor. Comme nous l'avons
signalé dans les chapitres précédents, avec la nouvelle
forme d' »élevage des hauts cadres », les bouviers
préfèrent, dans une situation conflictuelle régler leurs
différends à la brigade. Les chefs traditionnels sont quelquefois
négligés et mal vus.
Dans le cas des litiges fonciers sur des terres agricoles
entre deux individus du même village, les deux parties sont
convoquées par le chef de village. Elles se font aussi
accompagnées de leurs témoins. Le jour de l'audience les deux
parties prennent tour à tour la parole. Après les avoir entendus
le chef et son conseil interrogent tour à tour les témoins des
deux parties. Le témoignage n'est valable que si le témoin a
assisté à un fait ou si les faits lui ont été
rapportés par un proche parent (frère, père). Les
témoins de retour dans leurs familles respectives informent leurs
proches du témoignage qu'ils ont fait pour que ceux-ci à leur
tour puissent continuer le témoignage s'il leur arrive un accident.
Après avoir écouté toutes les versions, le chef de village
tranche le litige en fonction des traditions locales. Dans ce contexte, si
l'une des parties s'estime lésée par le verdict rendu par le chef
et les sages, il peut recourir à la justice sinon demander que l'affaire
soit transférée chez le moullah.
b- Les chefs de canton dans la gestion des
conflits
Chez les massa, les moullah sont les chefs
suprêmes. Ils sont très craints et respectés par la
population87 surtout qu'ils sont nommés par le pouvoir
moderne. Dans l'histoire des massa, il faut, noter que les moullah en
tant que chef de canton n'ont pas toujours existé. Avant la
colonisation, les hommes ne parlaient pas d'eux parce qu'il n'y avait pas le
système cantonal. Toutefois, il est important de préciser que le
mot en
87Entretien avec Voundina Pièrre, le samedi 23
septembre 2017 à N'djaména.
89
lui-même existait parce que l'on considérait les
chefs des familles comme les seuls chefs et donc moullah. C'est une
création occidentale issue de la colonisation. À leur
arrivée, les blancs ont « trouvé » que les massa
vivaient d'une manière désorganisée et ont jugé
utile d'instaurer la chefferie. C'est dans ce contexte que va naître le
premier canton dans la zone de koumi.
De ce qui sont des litiges fonciers, les différends
sont aussi tranchés chez les chefs de canton lorsque que deux, trois
familles issues de différents villages entrent en conflit. Ici, le
problème n'est pas de la compétence des chefs de village. Ce sont
les chefs de canton qui s'en occupent. La partie lésée saisie le
chef de canton. Le jugement se fait généralement à
l'entrée de la concession du chef. Assisté de ses notables
appelés goumiéna88 en massa, le moullah
donne la porale en premier à ses notables qui sont d'avance
informés sur la question. Après compte rendu, les parties
antagonistes peuvent prendre la parole. Il convient de préciser que le
jugement se fait en public et la population peut donner son point de vue sur la
situation.
De même, les conflits qui opposent le chef de village
à la population sont tranchés chez les chefs de canton. L'exemple
d'une résolution de conflit à Nollaye chez le chef de canton a
retenu notre attention. Un différend entre le chef de village et une
famille suite à une parcelle de terre fut tranché chez le chef de
canton avec presque toute la population qui y était présente. La
parcelle faisant l'objet de dispute ou de revendication par le chef est en
effet un terrain de près deux hectares et était exploité
pendant des décennies par une famille dudit village. Sans doute en
raison de sa fertilité, le chef de village a convoité cette
parcelle arguant qu'elle appartenait à son grand-père. L'affaire
fut portée devant le chef de canton à Nollaye, village
résidentiel situé vers le nord, à peu près à
40km de Bongor. De nombreuses personnes, y compris nous, assistèrent
à l'audience. Au terme des délibérations, après que
les participants aient donné leurs avis, il est apparu que la parcelle
avait été « prêtée » à la famille
et qu'elle pouvait en jouir, sans pour autant pouvoir la vendre. Étant
usufruitière, elle n'en serait dépossédée qu'une
fois qu'elle quitterait le village. Le verdict a été rendu
88Goumiéna en massa veut dire notable. Les
notables des chefs sont appelés ainsi dans la société
massa.
en accord avec la coutume locale qui stipule que le
bénéficiaire d'une cession de terre peut l'exploiter à sa
guise, mais pas la vendre. Le véritable propriétaire, en
l'occurrence le chef de village, ne peut récupérer sa parcelle
que si les usufruitiers quittent le village.
C'est en effet le principe établi dans le cadre de la
propriété ancestrale. Elle est la première quand il est
question de régime foncier traditionnel et la plus ancienne forme de
propriété. Elle est fondée sur des droits de premiers
occupants ou ancêtres auxquels les nouveaux venus demandent des terres
à exploiter. Ces terres cédées n'étaient pas
achetées et ne font l'objet d'aucune compensation. Des permis
d'occupation individuelle ou collective sont encore requis auprès des
propriétaires ancestraux, bien que le droit foncier traditionnel ne soit
pas reconnu d'une manière légale par le gouvernement tchadien.
Les villages massa sont reconnus comme les tenants de cette forme de
propriété des terres depuis fort longtemps89.
Toutefois, il est important de signaler que le prêt ou la vente existe et
cette forme de pratique est bien différente de
l'ancienne90.
90
89 Entretien avec le chef de canton de Bongor, Samma
Tordina le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
90 Ibid..
91
Photo 9 : Jugement d'une querelle domaniale entre le
blama et une famille
Cliché : Kampété Dieudonné
Kingue à Noloy, le vendredi 23 juin 2017.
Ci-haut sur cette photo, c'est le cas du jugement d'un conflit
qui oppose le chef de village à une famille dont l'affaire fut
transférée chez le chef de Canton à Noloy91.
Après le verdict, le chef de village s'est estimé
lésé et a recouru à la justice. Ici, la parcelle faisant
objet de litige est mise en défens jusqu'à ce que la justice soit
rendue. À la fin, les antagonistes doivent chacun verser une somme au
chef de canton pour le jugement rendu. Cette somme est obligatoire sauf pour
les cas de conflits ouverts et violents.
91 Village dans lequel se trouve la résidence
du chef de canton, situé à près de 40 km de Bongor.
92
Pour le cas des conflits qui opposent les éleveurs aux
agriculteurs, dans le canton Bongor et Moulkou, c'est une situation qui semble
complexe et révèle que les chefs de canton sont confrontés
à un problème de leadership. Ils ne sont pas capables de
gérer les litiges sur leur territoire92. Dans le
précédent chapitre, nous avons fait mention qu'au cours des deux
dernières décennies, la région du Mayo-kebbi, a vu
émerger une nouvelle forme d'élevage. Un élevage qui
influença progressivement sur les sociétés massa parce
qu'il est l'exclusive activité des commerçants, des
généraux et colonels, en complicité avec les chefs de
canton.
Le chef de canton en charge d'une zone concernée par un
conflit de type agriculteur-éleveur, ayant peur de subir des
représailles, cherche à régler le problème à
l'amiable. De cette résolution, souvent les agriculteurs ne sont pas
satisfaits parce que le chef de canton résout le problème en
faveur de l'éleveur dont il est parfois l'obligé93.
Cette situation se justifie par le fait que souvent les chefs de canton sont
détenteur d'un troupeau dont la gestion est confiée quelquefois
aux éleveurs.
Le Vendredi 13 octobre 2017 à Witchiwitchi, village
situé dans la sous-préfecture de Nguelendeng, un troupeau de
boeuf, conduit par deux enfants94 massa, dévaste un champ de
haricot appartenant à un certain Chanzoumka Laaba. Il semble que le
troupeau appartient au chef du village qui, lui aussi est frère d'un
chef de canton95. Ici, le propriétaire du champ sachant
d'avance que l'affaire ne sera tranchée avec équité, a
préféré donner un avertissement au proches du chef afin
qu'ils sachent que la prochaine fois il saisira la justice.
92Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de
l'ANADER de Bongor, le lundi 07 août 2017 à Bongor. 93
Ibid.
94C'est enfants sont de la localité, un
répond au nom de Yaya âgé de 14 et Abdoulay 12 ans.
95 Entretien avec Chanzoumka Laaba, le fils du
propriétaire du champ dévasté à Witchiwitchi le
vendredi 13 octobre 2017.
93
Leur pouvoir est partial à cause des
intérêts96. Le problème vient du fait que ces
chefs de cantons ont, eux aussi, des troupeaux qu'ils confient aux
éleveurs mais surtout leur collusion avec les généraux et
commerçant de la région97.
3- Les associations locales de résolution des
conflits.
Dans la société massa, il n'existe quasiment pas
d'associations en charge de régulation des conflits98.
Toutefois, il est à noter que les tensions violentes dans le canton
koumi, ont suscité la volonté des uns à vouloir
créer une association au nom de tous les massa. C'est ainsi qu'en 2015,
lors du dernier conflit meurtrier qui a opposé le village biliam-oursi I
au village biliam-oursi II, qu'une association sera mise sur pied par, les
massa vivant à N'djaména issu de différents
villages99. C'est une association qui vise la paix et le
développement local mis sur papier mais jusqu'à présent
pas officielle parce que le ministère de l'intérieur n'a pas
jusque-là, donné l'ordre de fonctionnement100. Selon
le membre101 de ladite association, le rôle principal de ce
groupement est de parvenir à instaurer la paix entre les deux grandes
familles, c'est-à-dire, Biliam-Oursi I et Biliam-Oursi II. De ce
constant, il ressort que l'association se limite dans le canton Koumi.
Dans les autres cantons, il n'existe pas d'association et pour
ce qui est de régulation des conflits, celle-ci est soit tranchée
par le chef de village, soit à la brigade. Dans les zones où l'on
enregistre le plus des conflits opposants les éleveurs aux agriculteurs,
il n'y a quasiment pas de groupement du côté massa. Lors du
jugement par exemple, les éleveurs sont représentés par un
membre de leur association appelé en arabe local moulamma,
Sark-sano102. C'est lui qui, lors d'une résolution,
défend leur communauté.
96 Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de
l'ANADER de Bongor, le lundi 07 août 2017 à Bongor.
97 Ibid..
98Entretien avec le chef de canton de Bongor, Samma
Tordina le lundi 26 juin 2017.
99Entretien avec Voundina Pièrre, membre de
ladite association le samedi 23 septembre 2017 à N'djaména.
100 Ibid.
101 Ibid.
102Entretien avec Oumarou, éleveur nomade le
mardi 27 juin à Djarabou.
94
II- LES DISPOSITIFS MODERNES DE RÉGULATION DES
CONFLITS
Aux côtés de ces modes de résolution
endogènes des conflits liés à la gestion ou à
l'exploitation des terres, il existe un cadre législatif et
institutionnel constitué de lois portant sur le code domanial, foncier
et la charte pastorale. La gestion administrative des conflits liés
à l'accès à la terre date de la période coloniale
et de l'introduction de l'état moderne.
Le recours aux autorités administratives locales
intervient dans la plupart des cas quand les tentatives de gestion des conflits
au niveau du village échouent surtout dans les cas de conflit violent
entre les acteurs des terres. Les structures administratives impliquées
sont les préfectures, les brigades et la justice de Bongor, chef-lieu de
la région de Mayo-kebbi Est. Cette implication des autorités
administratives se fait suite à une plainte introduite par une des
parties en litige ou par le chef de village/canton.
1- Les forces de l'ordre dans la résolution des
conflits et la justice
Pour ce qui est des conflits ouverts et souvent violents au
pays massa, les forces de l'ordre sont les premiers à effectuer une
descente sur le terrain afin de mettre de l'ordre puis viendra le
jugement103. Ces forces de dissuasion ont chacune un local de
fonctionnement dans chaque sous-préfecture. Elles établissent
leur autorité sur les cantons sous leur commandement, avec des effectifs
plus ou moins médiocres, souvent confrontés à des
sérieux problèmes quant à la gestion d'un conflit.
103 Entretien avec le commandant de brigade da la
sous-préfecture de Rigaza, Perssou Dalbé, vendredi 23 juin 2017
à Biliam-oursi I.
95
Photo 11 : Bâtiment de la Brigade de recherche de
Bongor
Cliché : Kampété Dieudonné
Kinguéle lundi 26 juin 2017 à Bongor.
Les brigades installées dans la région jouent,
un rôle important au pays massa. Sans elles, l'on pourrait enregistrer
dans certaines localités un nombre pléthorique de morts suite aux
violents conflits qui survient presque chaque année104. Pour
le cas des conflits violent dans le canton Koumi par exemple, les premiers
à intervenir sont les forces de l'ordre. Arrivées sur le terrain,
quelques balles sont tirées en l'air afin d'effrayer les parties en
conflit105. Les protagonistes sont saisis et conduit à la
brigade de Bongor parce qu'il est non seulement le chef-lieu de la
région du Mayo-kebbi Est, mais surtout la ville la mieux dotée en
arsenal militaire et aussi le siège des autorités
104 Entretien avec le commandant de brigade de Bongor, Paul
Hawana, le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
105 Entretien avec le commandant de brigade da la
sous-préfecture de Rigaza, Perssou Dalbé, vendredi 23 juin
2017.
96
compétentes pour le jugement106. Si un
compromis n'est pas trouvé, l'affaire est transférée
devant la justice.
Les jugements ont lieu après non-satisfaction à
la justice107. Les brigades sont en relation avec la justice. En cas
de complication, la justice avec pour base Bongor, se saisi de l'affaire. Elle
peut dans une situation litigieuse lancer une enquête si besoin est
nécessaire afin de trancher le jugement avec
équité108. Cette implication de la justice se fait
souvent suite à une plainte introduite par une des parties en litige ou
par le chef de village.
Les deux parties comparaissent devant le juge, chacun
produisant ces témoins. Les autorités villageoises sont
convoquées et leurs versions des faits sont recueillies. La parcelle
litigieuse est toujours mise en défens. C'est après l'instruction
du dossier qu'une date est fixée pour le jugement. Le jugement est rendu
en présence des deux parties en conflit ou présence de leurs
représentants. Après le verdict un huissier est chargé de
la délimitation de la parcelle109. La partie qui s'estime
lésée peut interjeter appel auprès de la cour d'appel
voire la cour suprême qui est le dernier recours.
Dans les cas de dommages sur des cultures dans le canton
Koumi, Moulkou, les parties concernées entrent en conflit ouvert et
souvent violent. Dès lors, les forces de l'ordre sont habilitées
à instaurer le calme. L'affaire est soit réglée à
l'amiable soit transférée à la justice. Dans ce contexte,
les agents de l'ANADER, ex-ONDR110 sont chargés de faire le
constat, afin d'évaluer les dégâts causés par les
animaux. Cette structure fut créée par l'ordonnance n° 26 du
23 juillet 1965111. C'est un établissement public doté
d'une personnalité civile jouissant de l'autonomie de gestion
foncière. Il est l'instrument du gouvernement dans son action de
développement rural. Son
106 Entretien avec le commandant de brigade de Bongor, Paul
Hawana, le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
107 Ibid.
108 Ibid.
109 Entretien avec Jean Pabangou, huissier à la justice de
Bongor, le mardi 27 juin 2017 à Bongor.
110 L'ONDR est l'office de développement rural
installé au Tchad et axe ses actions dans les zones rurales. Il
s'intéresse beaucoup plus à l'agriculture.
111 Entretien avec Mounouna Soudi, ingénieur agronome le
jeudi 12 octobre 2017 à N'djaména.
97
fonctionnement est régi par le décret n°
129/PR du 23 juillet 1965. Il a pour mandat d'apporter des acquis aux
producteurs ruraux en vue d'améliorer leur situation matérielle
et morale.
C'est ainsi que dans le cadre du développement rural,
la région du Mayo-kebbi a bénéficié d'un
siège, installé à Bongor. Il joue un rôle important
en ce qui concerne la gestion des conflits dans la région du Mayo-kebbi
en général. Il intervient beaucoup quand il s'agit d'un conflit
de type agriculteur-éleveur. Les conflits qui opposent les acteurs de
même usage semble l'écarter parce qu'il n'a pas de rôle
à jouer. L'ANADER a pour tâche l'évaluation des
dégâts causés par les animaux et il prodigue des conseils
aux protagonistes.
Photo 12 : Bâtiment de l'ANADER, ex ONDR (office
national de développement rural) de Bongor.
Cliché :Kampété Dieudonné
Kingué le lundi 07 août 2017.
Un agent de l'agriculture et des agents des forces de l'ordre
plus un agent de L'ANADER sont mobilisés pour se rendre sur les lieux et
constater les dommages. Après constat, ses agents fournissent à
l'autorité administrative mandataire un procès-verbal de constat.
C'est sur la base de ces constats que le commandant de brigades se
98
fonde pour fixer les amendes et les sanctions qui s'imposent.
Dans la majorité des cas les dépenses engagées par la
procédure sont aux frais de la partie plaignante et ce jusqu'à ce
qu'un jugement soit rendu. Après le jugement le coupable est
condamné.
En pays massa, la sous-préfecture joue aussi un
rôle non négligeable dans la résolution des conflits. Lors
d'une résolution d'un conflit à la brigade par exemple, si le
commandant de brigades estime qu'il est incompétent, il transfère
le jugement chez le sous-préfet.
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