3- Conséquences politiques
Les sociétés africaines sont bâties sur un
modèle selon lequel tout le monde se prend pour frère. Ainsi la
crise foncière qui frappe tout individu frappe toute la
société. C'est dans cette hypothèse que s'inscrivent les
indétrônables procès des conflits car, une victime du
procès entraîne toute une communauté derrière le
sort du verdict.
La terre nourrit la famille, procure du travail, est source de
revenu et enjeu de pouvoir, possède une valeur symbolique et
patrimoniale, met en jeu des stratégies de succession et d'alliance
entre familles. Ainsi en pays Massa, les conflits fonciers ont des
conséquences politiques. Celles-ci s'observent sur les chefs de villages
qui pour n'avoir pas eu le contrôle et la maitrise de leurs sujets sont
contraints par les autorités administratives de démissionner et
céder la place à une autre personne. L'exemple qui
76Entretien avec le commandant de brigade Paul Hawana,
le lundi 26 juin 2017 à Bongor.
peut élucider cette situation est le cas du chef de
canton de Koumi. Dans la société massa, les successions sont
patrilinéaire. Ce dernier héritier n'arrivant pas à
trancher les litiges fonciers inter-clans et considéré comme
n'assumant pas son rôle de chef de canton fut enlevé de son poste
en 2012 et reconduit dix ans après.
Aussi, les conséquences politiques peuvent s'observer
au niveau des relations qu'entretiennent les villages. Bien qu'au début,
ces derniers vivaient en harmonie, les relations se sont
dégénérées avec l'exacerbation des conflits. Ils
vivent dorénavant en conflit latent et les chefs sont devenus les
moteurs quelquefois et incitateurs puisqu'il est question de pouvoir.
Aujourd'hui dans le Canton Koumi par exemple, il n'existe presque plus des
relations diplomatiques entre certains villages77.
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77 Entretien avec le Sous-préfet de Rigaza
Moussa Kallibokori le vendredi 23 juin 2017 à Biliam-oursi.
82
En somme, la dégradation de l'environnement issue des
aléas climatiques plus les crises politiques parties de 1963
jusqu'à 1979, ont considérablement influencé sur la
physionomie de la région du Mayo-Kebbi d'une manière
générale. Elles ont conduit à un intense mouvement
migratoire dans la région. Ce mouvement plus le fort taux de
natalité interne crée une surpopulation avec comme
conséquence le manque d'espace. Ainsi l'accès à la terre
apparait comme un enjeu majeur dans la vie d'hommes, ce qui crée des
conflits. Les conflits opposent les agriculteurs entre eux et les agriculteurs
aux éleveurs.
83
CHAPITRE IV : MÉCANISMES TRADITIONNELS ET
MODERNES DE RÉSOLUTION DE CONFLIT.
S'il est une réalité qu'il n'existe en aucun cas
une société sans conflit au sens où Karl Marx dirait que
l'histoire de l'humanité est une histoire de lutte des classes, l'on
peut aussi convenir qu'il n'existe nulle part de litiges sans une quelconque
démarche de prévention, de gestion et de résolution de ce
conflit. Le propre de l'histoire est depuis toujours de permettre à une
société de forger un certain nombre de mécanismes de
cohésion sociale, pouvant permettre le bon fonctionnement de ladite
société. Au plan national, il n'existe pas de mécanisme de
résolution des conflits entre agriculteurs et éleveurs. La loi
n° 4 du 31/10/1959 qui réglemente la transhumance est largement
dépassée par les contraintes écologiques, par
l'évolution des mouvements des populations et des animaux. En cas de
conflit, les parties en conflit ont recours à divers modes de
règlement des litiges, comme le règlement par consensus entre les
deux parties, le règlement au niveau des chefs traditionnels (villages,
cantons), le règlement au niveau de la sous-préfecture ou de la
brigade de gendarmerie, le règlement au niveau de la justice. Dans la
société massa, les Hommes ont, du point de vue de leur coutume
établit des règle qui leur sont propre dans le cadre de la
gestion et régulation des conflits. Ainsi, dans ce dernier chapitre, il
s'agira pour nous de présenter les mécanismes traditionnels et
modernes de gestion de conflit dans la société massa tout en
mettant l'accent sur leur faiblesse.
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I- LES MÉCANISMES TRADITIONNELS DE
RÉSOLUTION DES CONFLITS
Dans la plupart des sociétés africaines, les
aspirations à la paix ont conduit à développer des
techniques de normalisation dont l'objectif est d'éviter ou tout au
moins de palier les violences locales. Cela a donné naissance à
une gamme variée de pratiques et/ou modes de prévention des
conflits au cas où la société ferait face à un
problème majeur. C'est ainsi que dans la société massa
pour ce qui est de résolution des litiges, les hommes ont établi
des règles. L'acceptation des médiations villageoises, bien qu'il
soit le représentant de l'autorité administratif, s'explique par
le fait que les vieillards et les chefs traditionnels sont d'abord des
aînés, des fils du village et détiennent des savoirs sur
les différents modes d'appropriation des ressources, leur utilisation et
surtout sont les dépositaires de l'histoire de la communauté.
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