III- LES CONSÉQUENCES DE CONFLITS FONCIERS
Ces conflits nombreux et variés qui surviennent
régulièrement pour l'accès à la terre dans le pays
massa, ont des conséquences sur le plan économique, social,
politique.
1- Sur le plan économique
Sur le plan économique, notons que les
conséquences en sont nombreuses. Base de toutes les activités, la
terre dans la société massa demeure le pilier de
l'économie. Étant en perpétuel conflit, certaines familles
se trouvent dépourvues de leurs terres. De cette situation il en
découle que ces familles se trouvent confrontées à des
difficultés économiques extrêmes. La moisson ne peut
suffire à tout le monde, du moment où des hectares sont
abandonnés sous peine d'être menacé73. En plus
du taux élevé de naissance dans certaines familles, ces
dernières sont souvent contraintes de contracter les crédits qui
malheureusement utilisés pour subvenir à leur besoin mais
qu'à la fin ils ne peuvent guère rembourser74. En
filigrane à cette situation, les crises ne font que s'aggraver.
Aussi, du conflit foncier en pays massa, il se solde souvent
par la destruction des champs, des cases de réserve de mil
brulées. L'exemple le plus patent est celui du conflit qui a
opposé en 2012 le village biliam-oursi I au village Biliam-oursi
II75. Plus de 10h d'un champ fut détruit. Le conflit violent
de 2015 entre ces deux villages, n'est
73 Entretien avec le responsable de l'ANADER Djonyang
Laurent, le lundi 07 août 2017 à Bongor. 74Ibid
75 Entretien avec Zakari à Nolay, le vendredi
le 23 juin 2017.
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pas sans conséquence. Car du côté du
village Biliam-oursi I, plusieurs cases furent brulées. Étant une
population qui vit essentiellement de l'agriculture, cette situation apparait
catastrophique. Il faut dire que les paysans du territoire massa n'ont pas
encore compris que l'arrangement à l'amiable de leurs différends
serait moins coûteux que la saisie d'une instance qui, du reste,
nécessite une démarche juridique qui parfois profite de
l'ignorance des justiciables pour les traire et les abandonner aux greffiers et
magistrats pour les sucer davantage. En outre les gens vendent leurs
chèvres et vaches à cause de la terre et automatiquement
lorsqu'ils finissent leurs biens ; ils deviennent pauvres. Enfin, nous verrons
les conséquences des conflits fonciers sur le plan social.
2- Conséquences sociales
La terre a une signification culturelle importante pour les
communautés rurales, pour lesquelles la survivance et l'identité
culturelle sont inextricablement liées aux relations qu'elles ont avec
les territoires ancestraux. Étant un des facteurs qui constituent une
nation, celle-ci revêt une importance capitale dans la vie de l'homme et
de la société tant qu'elle est source de développement
économique et social. Elle est donc le pouvoir dans la mesure où
elle tient l'agriculture, l'élevage, l'habitation, les ressources et
elle configure aussi l'étendue du pouvoir d'un État. La
quête de la terre non seulement des terres fertiles, est toujours un
problème social crucial.
L'analyse des conflits fonciers dans la société
massa montre que les conséquences sur le plan social sont
considérables parce qu'elles affectent toutes les couches sociales.
Cette situation d'incertitude généralisée favorise le
développement des conflits pour la maîtrise du sol, surtout quand
la survie d'un groupe familial tient à l'exploitation d'une parcelle. La
prolifération des conflits sur la terre nuit au climat social et au
maintien de l'ordre. Ce contexte d'insécurité
généralisée favorise le développement d'autres
conflits soit latents soit des antagonismes entre les différentes
familles. Il est à envisager que les conséquences sur le plan
social se répercutent dans l'économie de l'habitat. Les hommes
deviennent de plus en plus indigents pendant les périodes
conflictuelles. Le pillage est enregistré et met un recul en
matière d'investissement. Lors du déguerpissement forcé,
les acteurs en conflit perdent et les
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dégâts en sont immenses. Outre les habitations
détruites, nous enregistrons des pertes en vie humaine. Tel est le cas
d'un conflit qui oppose le clan rigaza au clan beiga en 2014, où l'on a
enregistré 14 morts, 8 du côté beiga et 4 du
côté rigaza76. Les conflits fonciers sont à la
base de déplacement d'une grande partie de la population rurale, surtout
les jeunes en direction d'autres localités. Ainsi, dans certains
villages l'on remarque un pourcentage élevé d'hommes
âgés que des jeunes. Ce qui fait qu'en cas de conflits, les
pillages et destructions des cases sont enregistrées. Cette situation
bloque le développement des sociétés.
De ce qui précède, il convient de relever que
les conflits dans la société massa ont comme conséquence
une difficile cohabitation entre les différentes tribus. De cette
situation, les femmes et les enfants en subissent les conséquences.
À cet effet, il ressort de notre analyse sur le terrain que, la
mortalité infantile est élevée et cela est due au fait que
les enfants sont mal nourris. Les conflits entraînent un état
psychosocial de violence permanente. La désorganisation sociale suscite
un climat d'impunité favorable aux actes de violence et au chaos. On
constate que les femmes sont les principales victimes de ces violences.
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