2- Enjeux politiques
Nous savons qu'avec l'arrivée de la colonisation au
Tchad, les législations sur le foncier et les ressources naturelles ont
été des instruments de dépossession des communautés
locales, à travers l'immatriculation. Légitimé par la
rationalité technique et par l'intégration nationale, le
contrôle étatique des ressources fait partie intégrante de
la trajectoire d'État et a souvent été mis au service de
la classe politico-administrative. De ce point de vue, la
caractéristique principale des États aujourd'hui, est aussi cette
capacité à disposer d'un grand espace. Car, tout système
de propriété est fondé sur un système
d'autorité. Le contrôle de la terre et de ses ressources apparait
dès lors comme un enjeu de pouvoir.
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C'est ainsi que les conflits entre différents acteurs
surtout agriculteurs sont dorénavant des oppositions sous-tendus par une
volonté de domination. Les chefs traditionnels voulant subvenir et ou,
assurer la survie de leurs populations, sont animés par le désir
d'affirmer leur souveraineté. Ainsi, la conquête d'espace par
force semble être la solution aux futures crises qui pourraient s'abattre
sur leur village. Ce qui fait que les facteurs qui influencent les
comportements d'acteurs en conflits c'est non seulement le soutien des
élus locaux mais, aussi celui venant de la part des hauts cadres de la
région. Parce que détenteurs des grands espaces, cadeau venant de
la part de certains chefs tel comme c'est le cas avec les chefs de cantons
Moulkou, Bongor, ceux-ci en cas de conflits, prennent position derrière
ceux qui leur sont redevable.
Aussi, les enjeux politiques liés à la terre en
pays massa se manifestent par le recours aux notions d'autochtonie et
d'allochtonie. Elles ont souvent été un tremplin pour atteindre
nombre revendications identitaires. L'exemple patent élucidant ce cas,
est le conflit qui oppose les Rigaza aux biliam I dans le canton Koumi.
Autrefois vivant dans l'harmonie, la forte natalité dans ce canton
créa donc un sérieux problème quand à
l'accès à la terre. Confronté à ce problème
qui découle du rétrécissement d'espace, le groupe le plus
nombreux, en voulant écarter l'autre groupe évoque donc la notion
d'autochtonie en clamant la rigazatitude71. Qui n'est pas
rigaza n'est pas autochtone, autrement dit, tout le peuple qui, plusieurs
années avant s'était installé dans le canton doit quitter
le territoire. Or, il faut signaler que la présence de la plupart de ce
peuple dans la localité date de très longtemps et actuellement la
majorité de la population de cette zone est issue de la
troisième, quatrième génération. Aujourd'hui, le
conflit le violent et meurtrier en pays massa est celui qui oppose les deux
groupes mentionnés ci-haut et dont la gestion demeure très
difficile.
De ce constat, faut-il ajouter les enjeux électoraux
liés aux fonciers dans la société massa. Les hommes
politiques issus de la région en voulant avoir le plus de voix ou la
faveur de l'électorat sont souvent tentés de soutenir le groupe
le plus influent ou le groupe dont il est la progéniture72.
Cette situation est plus fréquente dans
71 Entretien avec le sous-préfet de Rigaza
Moussa Kallibokri le vendredi 23 juin 2017 à Biliam-Oursi I.
72 Entretien avec le responsable de l'ANADER Djonyang
Laurent, le lundi 07 août 2017 à Bongor.
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le canton Bongor où en 2016, une altercation entre deux
acteurs d'usage différent a fini en justice. Dans ce contexte, le
soutient d'hommes politiques a comme contrepartie la voix de ceux qui lui sont
redevables. En aidant les groupes majoritaires, ces acteurs politiques pensent
acquérir le plus de voix que leurs rivaux politiques de la région
d'où l'intérêt manifeste de ceux-ci à vouloir
souvent inciter les populations à s'approprier d'espaces d'autres
personnes.
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