2.2. La base constitutionnelle du principe
d'indépendance de la Justice
La base constitutionnelle de l'indépendance du Pouvoir
judiciaire en RDC est consacrée à l'article 149 de la
constitution du 18 février 2006. Cette norme dispose que « le
Pouvoir judiciaire est indépendant du Pouvoir législatif et du
Pouvoir exécutif. » Elle précise que ce pouvoir « est
dévolu aux Cours et Tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la
Cour de cassation, le Conseil d'État, la Haute Cour militaire, les cours
et tribunaux civils et militaires ainsi que les parquets rattachés
à ces juridictions. » Et pour enfoncer le clou, la norme ajoute que
« la justice est rendue sur l'ensemble du territoire national au nom du
peuple. »
Cette disposition constitutionnelle est on ne peut plus
claire. Elle affirme sans équivoque l'indépendance du pouvoir
judiciaire vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif,
elle nomme les autorités chargées d'exercer ce pouvoir et le
souverain au nom de qui il est exercé. En conséquence, l'unique
instance au-dessus du pouvoir judiciaire est le peuple et non pas un membre
d'un autre pouvoir.
2.3. Le contenu de l'indépendance de la
Justice
De manière générale, le principe
d'indépendance signifie que l'institution (l'autorité
pouvoirs (2.4.1). Pour son effectivité en RDC, les
praticiens du droit ainsi que les juristes congolais doivent s'investir, en
mobilisant tous les moyens juridiques à disposition
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contenu est constitué notamment des
éléments suivants : un contrôle disciplinaire autonome
D'après l'article 20 de la loi organique n° 08/013
du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, celui-ci est la juridiction disciplinaire
des magistrats. L'article 21 de la même loi précise que le pouvoir
disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature est en fait
exercé par la Chambre nationale et les Chambres provinciales de
discipline. Les articles 22 et suivants définissent les
compétences de ces chambres.
L'article 47 dresse la liste non exhaustive des fautes
disciplinaires et l'article 48 énumère exhaustivement les peines
qui peuvent frapper un magistrat fautif : le blâme, la retenue d'un tiers
du traitement d'un mois ; la suspension de trois mois au maximum avec privation
de traitement et la révocation.
À noter que d'après l'article 49, le
blâme, la retenue du traitement et la suspension sont prononcés
par le Conseil supérieur de la magistrature et la révocation par
le Président de la République sur proposition du Conseil
supérieur de la magistrature.
Il faut néanmoins relever que les différentes
fautes ne sont pas assorties des peines correspondantes, laissant ainsi
à la chambre de discipline du Conseil supérieur de la
magistrature une grande discrétion dans l'appréciation des cas et
dans la détermination de la sanction à infliger au magistrat en
faute. Ce vaste pouvoir discrétionnaire est une porte ouverte à
l'arbitraire et à la corruption.
Dans l'état actuel de la Justice congolaise, les lois
à adopter doivent être les plus précises possibles pour
faire du magistrat la bouche de la loi et non son interprète. Le juge
n'aura pour mission que d'appliquer la loi et non de l'interpréter pour
lui faire dire ce qu'elle ne prévoit pas.
L'effectivité de l'indépendance du pouvoir
judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif est loin d'être
assurée en RDC. Elle reste une conquête. L'étape actuelle
doit être tenue pour passagère comme le montre le caractère
dynamique de l'indépendance du pouvoir judiciaire à travers son
histoire.
2.4. Le caractère dynamique de
l'indépendance du Pouvoir judiciaire L'indépendance du
Pouvoir judiciaire est une concrétisation du principe de la
séparation des
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2.4.1. De la séparation des pouvoirs à
l'indépendance de la Justice
Le siècle des lumières, à travers les
idées de locke et de montesquieu, a distillé l'idée de
séparation des pouvoirs dans les esprits. L'article 16, et initialement
prévu pour être le dernier, de la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que « toute
société dans laquelle la séparation des pouvoirs n'est pas
assurée, n'a point de constitution ».
C'est ainsi qu'en procédant à une
épuration de la magistrature monarchiste, la troisième
République française a contribué à
l'avènement d'une magistrature républicaine en France. Le passage
de la Justice retenue à la Justice déléguée en
matière administrative qui a rendu la section du contentieux du Conseil
d'État indépendante de l'administration a constitué
également une étape importante.
L'indépendance du Pouvoir judiciaire doit être
entendue comme conséquence de la séparation des pouvoirs. Ce
dernier principe veut que chaque pouvoir s'organise en son sein sans
interférence d'autres pouvoirs, sous réserve d'un contrôle
mutuel prévu par la constitution et non par une loi, fût-elle
formelle, qui n'est qu'un acte d'un pouvoir.
La séparation des pouvoirs contient, à notre
sens, l'idée de l'égalité des pouvoirs. Le seul organe qui
est au-dessus des trois c'est le souverain qui, en démocratie, est le
peuple.
Si la séparation des pouvoirs est garantie
constitutionnellement en RDC, la pratique donne l'impression d'un Congo
monarchique.
Quand bien même la Constitution le rattache au seul
Pouvoir exécutif, le Président de la République, fort de
son titre constitutionnel de « Chef de l'État », peut
être considéré aussi bien par lui-même que par les
membres des Pouvoirs législatif et judiciaire comme étant
au-dessus des trois pouvoirs traditionnels. Pour éviter ce risque, il
faudrait que les cours et tribunaux fassent respecter le principe de la
séparation des pouvoirs, en analysant à la loupe les actes
juridiques posés par l'exécutif pour annuler ceux qui le
violent.
L'indépendance de la Justice exige donc, en plus d'un
salaire décent pour les magistrats, qu'aucun autre pouvoir ne se
mêle ni dans la désignation des magistrats, ni dans leur
transfert, ni dans leur promotion, ni dans les mesures disciplinaires à
leur encontre, ni dans leur révocation. C'est à la lumière
de cette conception de l'indépendance de la Justice, garantie
constitutionnellement en droit congolais, qu'il faudrait apprécier la
validité de l'ordonnance présidentielle. Celle-ci accorde au
Ministre de la justice des attributions faisant
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de lui une autorité hiérarchique du pouvoir
judiciaire, subordonnant ainsi celui-ci au Pouvoir
exécutif56.
Cette ordonnance est sur ce point contraire à la
constitution et pourrait être attaquée devant le juge
constitutionnel. Comme on le voit, l'indépendance du pouvoir judiciaire
qui découle de la séparation des pouvoirs n'est pas encore
effective en RDC.57
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