D. Les conséquences sur l'offre crédit
aux entreprises
Le durcissement des contraintes pesant sur les banques a eu un
impact sur leur organisation, sur les relations avec les entreprises et, in
fine, sur les volumes et le coût des financements accordés. Ces
conséquences sont mises en évidence ci-après.
1. Conséquences sur l'organisation des réseaux et
l'étude des dossiers
Le durcissement de la réglementation bancaire a
profondément modifié l'organisation des services bancaires en
interne :
? La séparation des fonctions analyse des risques du
réseau commercial, dans un premier temps pour l'activité de
Retail ; les banques ont été contraintes de créer des
cellules régionales « risques » indépendantes
hiérarchiquement et géographiquement, où sont prises les
décisions de financements à partir d'un certain montant.
? Les pouvoirs d'engagement des réseaux ont donc
été limités. Je présenterai en partie II cette
nouvelle organisation au sein de BNP Paribas.
? Le réseau doit collecter et mettre à jour des
informations sur les clients en vue d'appliquer les systèmes de notation
interne choisis par la banque.
2. Conséquences sur les relations Banques /
Entreprises
Les banques représentent la source majeure de
financement externe des PME. En Europe, le crédit bancaire
représentait 73% du total de l'endettement des entreprises
non-financières en 2008. Les relations qu'une PME entretient avec sa ou
ses banques s'avèrent alors essentielles ou même incontournables.
Et pourtant, la séparation des fonctions « risques » et «
commerce » a entraîné pour le client un alourdissement et un
allongement significatif de la procédure d'octroi des financements qui
ont dégradé la qualité de la relation avec les
chargés d'affaires :
? Les documents demandés sont beaucoup plus nombreux et
sont analysés par la cellule risques de façon approfondie ; les
analystes doivent échanger (par mail ou par téléphone)
avec le réseau pour obtenir des précisions ou des pièces
complémentaires ; le réseau doit parfois revenir vers le client
pour
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 25
récupérer les éléments
demandés... et les retransmettre à la cellule risques. Il ne peut
jamais y avoir d'échanges directs entre la cellule risques et le
client... cette asymétrie de l'information impacte lourdement les
délais d'étude des dossiers !
? Le client a souvent l'impression d'être incompris ou
perçu que comme un risque, finançable ou pas, avec un niveau de
compréhension parfois dégradé.
? Ces caractéristiques ne sont sans doute pas
étrangères au phénomène de multi-bancarisation
observé ces dernières années ; l'entreprise augmente ainsi
ses chances de pouvoir être suivie dans les bonnes comme dans les
mauvaises périodes.
3. Les conséquences sur la distribution de crédit
aux
entreprises
a) En termes de volumes distribués
Les économistes des banques avaient estimé que
le durcissement des ratios de fonds propres aurait comme conséquence la
limitation de l'offre crédit au PME, afin de respecter les 8% de ratio
de fonds propres.
L'impact potentiellement négatif sur la croissance
européenne a entraîné des ajustements de règles pour
les PME et les ETI. En effet, ces catégories de clients sont parmi les
plus risqués et donc les plus consommatrices de fonds propres et de
liquidités pour les banques.
Cependant et afin de ne pas impacter le crédit aux PME,
le régulateur a, dans la réglementation CRR IV, mis en place une
réforme afin de recalculer l'exigence des fonds propres aux PME en
appliquant un multiplicateur de 0,7619. Celui-ci s'applique à toutes les
PME, qu'elles soient classées dans la catégorie des clients de
détail ou Corporate.
De plus, afin de limiter ces conséquences, cinq grandes
banques françaises (BNP Paribas, Société
Générale, BPCE, Crédit agricole, HSBC France) ont
créé une société de titrisation de créance
aux PME (Euro Secured Notes Issuer - ESNI), accompagnée par la
Banque de France, permettant de soutenir le crédit aux PME en
externalisant le risque via l'émission de titres adossés à
des créances bien notées par la BDF.
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Malgré ces aménagements, une étude de
l'agence de notation Fitch portant sur la période 2010 - 2012 a
montré une contraction de 9% des engagements en faveur des entreprises
(440 milliards de moins), au profit des dettes souveraines moins
risquées qui ont augmenté de 26% (+550 milliards d'euros).
Par ailleurs, d'après une étude de la Commission
européenne, l'application du nouveau dispositif en matière de
fonds propres devrait réduire l'ensemble des prêts d'environ 1,8%
seulement d'ici 2020-2030.
b) En termes de taux de crédit
Le durcissement de la réglementation aurait aussi pu
faire craindre une augmentation des taux d'intérêt, de
manière à couvrir les risques et maintenir la rentabilité
des banques.
Une étude du FMI de septembre 2012 («
Estimating the Costs of Financial Regulation ») contredit cette
crainte en montrant que les réformes de Bâle II et Bâle III
ont eu finalement un impact limité sur les taux d'intérêts
des prêts bancaires aux États-Unis, en Europe et au Japon qui ont
seulement augmenté en moyenne de respectivement 0,28, 0,17 et 0,08
points de base.
Selon l'association « FINANCE WATCH » (étude
sur les impacts de Bâle III publiée en mai 2012), l'impact sur les
taux d'intérêt des prêts bancaires sera probablement
très limité (0,15%). De plus, d'après le FMI, la hausse
des coûts opérationnels entraînée par les nouvelles
normes réglementaires sera compensée par des réductions de
charges des banques, passant notamment par une réorganisation des
réseaux et des réductions d'effectifs.
Par ailleurs, la plus grande sélection des emprunteurs,
qui limite les risques et les exigences de fonds propres, a également
permis de compenser la baisse des marges opérationnelles et de ne pas
augmenter significativement les taux d'intérêts.
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En conclusion, la réglementation Bâle II et
Bâle III a dans un premier temps réduit l'offre de crédit
aux PME, mais sans en renchérir sensiblement le coût.
Les institutions bancaires ont obtenu cependant des mesures
spécifiques pour cette typologie de clients, qui permettront de relancer
l'offre de crédit dans une perspective de soutien de la croissance
économique.
Cependant, toutes les règles de Bâle III ne sont pas
encore appliquées. Les banques de réseau seront à nouveau
concernées par les prochaines contraintes de liquidité
mesurées par les ratios LCR et NSFR.
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