2. L'importance des entretiens dans mes recherches
Dans ce mémoire, je veux mettre en avant les
défis auxquels doivent répondre les personnels de santé et
les élus dans la restructuration de l'offre de soins bas-normande. Comme
l'évoque l'Observatoire de la Régionalisation en 2012 : «
Faire mieux avec moins, tel est le défi auquel doivent répondre
les professionnels de santé bas normands». L'une de mes
premières questions dans mon questionnaire (Annexe: Figure 32:
Questionnaire pour les entretiens avec les maires) était « Que
pensez-vous de la fermeture des maternités ces dernières
années en France, et dans notre région ? ». Pour certains
acteurs, ces fermetures étaient inévitables, pour d'autres elles
étaient nécessaires, et pour d'autres encore, elles sont
incompréhensibles. Le problème de la démographie
médicale semble être la cause des fermetures successives lorsque
l'on lit les articles de presse. À travers mes entretiens j'ai vu que
les causes étaient multiples. J'ai posé la même question
à chaque
16
acteur rencontré : « Selon vous, quel a
été l'élément déclencheur de la fermeture ?
». En effet, les petites maternités n'arrivent pas à
recruter du personnel qualifié (majoritairement des
gynécologues-obstétriciens et des anesthésistes) mais
selon l'observatoire de la Régionalisation, « à titre
d'exemple, il y a quatre maternités dans l'Orne où il n'en
faudrait que deux. Faute de fermeture, c'est aujourd'hui le centre hospitalier
d'Alençon qui se trouve en difficulté 9». Ainsi,
grâce à mes entretiens j'ai voulu comprendre si les
maternités des villes concernées ont fermé car elles
étaient sujettes à une désertification médicale, ou
bien est-ce la cause d'un déclin de population et/ou de causes
financières ? J'analyserais les différentes causes dans la
dernière partie de mon mémoire.
En outre, d'après la DREES, les femmes auraient
tendance à accoucher à la maternité la plus proche de leur
domicile. Selon cette dernière, l'accès aux maternités
n'est pas seulement une question de temps de trajet ou de
préférences, mais il découle de nombreux paramètres
comme l'offre proposée, la demande « potentielle », mais aussi
les comportements des parturientes. Ainsi, la baisse du nombre de
maternités expliquerait ces « modifications comportementales
», et amènerait les futurs parents à aller à la
maternité la plus proche, cependant mes entretiens démontrent que
cette tendance est à nuancer. Plusieurs éléments font que
les femmes n'accouchent pas systématiquement dans la maternité la
plus proche. Le niveau de risque associé au type de grossesse, les
conseils du gynécologue ou du médecin généraliste,
sont des éléments à évaluer dans le choix d'une
maternité. La réputation des maternités faite par le
réseau familial ou les réseaux sociaux n'est pas à
négliger. À travers mes entretiens, bien que je n'aie pas
9 Observatoire de la régionalisation, Fil
d'Or N°6, Basse-Normandie, Une région au coeur des
problématiques de démographie médicale. 2012
17
rencontré de femmes enceintes pour m'entretenir sur ces
questions de choix de maternité, les professionnels de santé et
les élus rencontrés ont pu m'apporter de nombreux
éléments de réponses.
Dans une ville de taille moyenne comme Coutances, Falaise,
Cricqueboeuf ou Vire, la fermeture d'une maternité ne se fait pas sans
heurts. La sensibilité de l'opinion publique à la fermeture de
ses établissements est forte. « La maternité n'est pas un
élément neutre dans le système de soins ou
l'équipement urbain, c'est aussi un symbole qui témoigne de
l'aspect moderne et dynamique d'une ville. Dans ce contexte, la fermeture de
lits est interprétée comme une régression, qui d'ailleurs
s'ajoute à des suppressions locales d'emplois. La population comprend
que la fermeture des « petites » maternités est aussi le signe
d'un déclin démographique10 ». À travers
mes entretiens et mes lectures d'articles de presse, les populations des villes
concernées ont eu différentes attitudes. C'est-à-dire que
dans une ville telle que Vire entre 2010 et 2013, la mobilisation du personnel,
des syndicats et de la population était forte alors que pour la
fermeture de la maternité de Coutances, peu de bruit et de mobilisation
sont à indiquer.
Je souhaitais comprendre ce qu'étaient devenues les
anciennes maternités ou ce qu'elles vont devenir. Dans mon
questionnaire, la question correspondante à ce sujet était :
« Que sont devenus les locaux de la maternité ? ». Cette
question n'a pas toujours obtenu les mêmes réponses pour le
même établissement. J'ai donc effectué des
vérifications.
Enfin, la dernière question que je posais dans mes
entretiens était : « Selon vous, la fermeture de la
maternité a-t-elle eu des conséquences dans la dynamique votre
ville et
10 Fleuret S., « Spécialisations
hospitalières et centralité », in Données urbaines,
vol 4., 2003, Anthropos, Cnrs, Insee, p. 367-375
18
pour son avenir ? ». Cette question était
particulièrement difficile pour certains acteurs questionnés,
parfois, je n'obtenais pas de réponse concrète.
Lors de mes entretiens avec les personnes clés, je note
que l'Agence Régionale de Santé est fréquemment
critiquée lorsque la décision de fermer une maternité est
évoquée. Cependant, la cause officielle donnée aux
populations afin de justifier la fermeture d'une maternité est
différente de la réalité pour certains
enquêtés. D'autres n'ont pas apprécié l'attitude de
l'organisme chargé d'opérer la fermeture (l'ARS).
19
|