La fermeture des maternités en Basse-Normandie: état des lieux et causes des fermetures( Télécharger le fichier original )par Amélie Lamotte Université de Caen Normandie - Maîtrise de géographie 2017 |
Les fermetures de maternités en Basse-Normandie : État des lieux et causes des fermetures Localisation et évolution des maternités en Basse-Normandie depuis 1989 : Sous la codirection de Patrice CARO et David GAILLARD
1 2 Remerciements : Je souhaite avant tout remercier mes directeurs de mémoire, Monsieur Caro Patrice et Monsieur Gaillard David pour le temps qu'ils ont consacré tout au long de l'année à m'apporter les outils méthodologiques et l'aide nécessaire pour la réalisation de mes recherches. De plus, les enseignements reçus lors de cette première année de Master ART-ESO ont suscité en moi de nouvelles réflexions et m'ont apporté de nouvelles connaissances. Je tiens donc à remercier l'ensemble des enseignants-chercheurs de l'UFR SEGGAT et le personnel de la cartothèque. Je remercie en particulier Monsieur Maxime Marie pour son engagement et sa disponibilité envers les étudiants en général, et ses conseils en ce qui concerne notre orientation de recherche et nos méthodes d'expressions orales. Je remercie aussi les personnes qui ont consacré de leurs temps pour répondre à mes entretiens, particulièrement Monsieur Macé, le maire de Falaise, Monsieur Sabater, le maire de Vire, et les sages-femmes Madame Anfray et Madame Lefebvre. Enfin, un grand merci aux personnes qui ont accepté de relire mon mémoire, à mes parents, mon compagnon et mes amis. 3 SOMMAIRE Introduction 5 I. Les méthodes utilisées dans mes recherches 13
II. Etats des lieux de l'offre de soins périnatals et son évolution 19 1. En France 19
2. En Basse-Normandie 38
III. Les différentes causes de fermeture des maternités et conséquences 62 1. Des causes internes aux établissements de soins 62
2. Des causes externes aux établissements de soins 72
Conclusion 90 Bibliographie 93 Table des illustrations : 99 Annexes : 100 4 5 IntroductionCes dernières années, pas un mois ne passe sans que la presse, les élus locaux ou les représentants des personnels n'annoncent la fermeture d'un service, d'un hôpital ou d'une maternité de proximité1. La population reproche aux ARS (Agences Régionales de Santé) de faire prévaloir « les intérêts économiques et financiers avant la satisfaction des besoins en santé des populations ». La population craint que les fermetures aient comme conséquence de fragiliser le maillage territorial de santé, ce qui se traduirait par des risques accrus, notamment en ce qui concerne « la qualité de l'offre sanitaire et la santé des populations »2. En Basse-Normandie, ce sont dix-huit maternités qui ont fermé entre 1989 et 2017, dont quatre depuis 2013. Les conséquences de ces fermetures sont nombreuses, la plus notable en premier lieu, est l'accroissement des distances à parcourir pour les femmes enceintes, notamment pour le suivi (prénatal et post-natal) et pour l'accouchement. Pourtant, les prérogatives du Sénat3, demandent que les maternités répondent à deux objectifs afin d'être efficaces : « Assurer la sécurité des mères et des enfants » et de « permettre une prise en charge de proximité de qualité compatible avec les choix des futures mères et la diversité de nos territoires ». Un autre problème se pose alors : la question des inégalités d'accès à l'offre de soins. Sur cette thématique des inégalités d'accès aux soins, les travaux de Sébastien Fleuret (professeur de géographie à Angers), de Raymonde Séchet (professeure de géographie à Rennes) et d'Emmanuel Vigneron (professeur de géographie à Montpellier) 1Fermeture des hôpitaux et des maternités de proximité: mettre fin à l'hémorragie, l' Humanité.fr, le 2 mars 2013. 2 Idem 3 Rapport d'information du Sénat 2014-2015, La situation des maternités en France, 2015, Paris. 6 m'ont permis d'aborder les questions générales concernant mon sujet. Mon travail demandait également de l'analyse de revues universitaires et de journaux d'actualité principalement régionaux. Je situe mes recherches dans la géographie sociale des soins et des services, car celle-ci s'intéresse à la distribution spatiale de l'offre de soins et des ressources sanitaires, et, à leur utilisation suivant les systèmes de santé et des sociétés. Ce sur quoi je souhaite aborder le sujet des fermetures de maternités. Ma problématique principale est de savoir quelle est la répartition des maternités actuellement en Basse-Normandie et satisfait-elle les besoins de la population ? Je me questionne aussi sur les causes et les conséquences de ces fermetures, ainsi que la cohérence de ces décisions de restructuration prises par l'ARS. Ma zone d'étude est l'ancienne région Basse-Normandie. J'ai choisi cette région par commodité et par souhait. De plus, j'ai travaillé en tant qu'adjointe administrative hospitalière au centre hospitalier de Falaise au cours des mois de juin, juillet et août 2013 et 2014. La fermeture de la maternité de Falaise m'a surprise, la majorité de mes enregistrements concernaient des consultations de femmes enceintes pour le suivi de grossesse avec une sage-femme ou un gynécologue, mais également des consultations avec un anesthésiste et de la rééducation. De plus, quatre cent accouchements avaient encore lieu chaque année, le seuil d'activité minimale requis pour continuer l'activité de trois cent accouchements était franchi. Ces éléments m'ont confirmé l'envie de comprendre les causes de fermeture de cette maternité et des autres fermetures dans la région, et quelles conséquences peuvent-elles avoir. 7 Dans mon mémoire, je m'intéresse particulièrement à l'offre des maternités et son adéquation aux besoins de santé de la population bas-normande. Plusieurs termes de mon sujet sont à préciser. Tout d'abord, l'offre de soins peut se définir comme étant l'ensemble des professionnels de santé et des établissements de santé qui garantissent « des prestations de soins et de services en vue de répondre aux besoins de la population ». (Direction Général de l'Offre de Soins, DGOS). L'offre de soins se divise en trois niveaux : le niveau 1 comprend « les réseaux de soins de santé de base et les hôpitaux locaux ». Le niveau 2 : « les centres hospitaliers en nombre plus réduits, avec des spécialités de base (médecine et chirurgie) correspondant aux besoins de la population, ainsi que les services des Urgences ». Enfin, le niveau 3 comprend : « les pôles de haute technicité et spécialisé que sont les Centres Hospitaliers » (DGOS). Dans mes recherches, je définis la santé comme étant un système où l'ensemble des moyens et des activités ont pour but d'informer la population, la prévenir, l'accompagner et la soigner. Mais la santé est également un état de complet bien-être à la fois « physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité » tel que le précise l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé). La période périnatale est la période « qui se rapporte aux circonstances entourant la naissance » (selon la définition du dictionnaire Larousse). Plus précisément, selon l'OMS, « la période périnatale démarre le cent cinquante quatrième jour de la grossesse et se termine le septième jour après la naissance ». J'ai choisi ce terme car il prend en compte les soins de la femme et du futur enfant avant et après l'accouchement, et non l'acte d'accoucher seulement. Cette période s'inscrit dans le réseau de santé périnatal qui contient : les centres hospitaliers, les cliniques, les maternités, les centres de protection maternelle et infantile (PMI), les centres périnataux de proximité (CPP), les maisons de naissance, les médecins généralistes et spécialistes et enfin les sages-femmes salariées et 8 libérales. Dans mon mémoire, je me suis concentré sur les maternités, les CPP et les sages-femmes. Il convient de distinguer les notions d'accouchement et de naissance. En effet, un accouchement se définit, comme l'acte d'accoucher pour une femme, quel qu'en soit l'aboutissement. Un enfant mort-né est donc comptabilisé comme un accouchement, et une naissance multiple correspond à un accouchement unique. Je privilégie le nombre d'accouchements par établissement dans mes données et non pas le nombre de naissances. Plusieurs lois ont modifié les territoires de santé. En 2009, la loi HPST (Hôpital Patient Santé Territoire), dite « loi Bachelot » entre en vigueur. Elle se résume dans les grandes lignes à quatre fonctions : la première est la modernisation des établissements de santé ; la seconde vise à améliorer l'accès à des soins de qualité ; la troisième concerne la prévention de la santé publique, et la dernière, à l'organisation territoriale du système de santé. De plus, la loi HPST met en avant la notion d'accessibilité aux services et à la mobilité sur tout le territoire. Pour répondre à ces engagements, plusieurs organisations ont vu le jour et d'autres ont été regroupées. 9 Le rôle de ces différents acteurs se résume ainsi : Figure 1: les acteurs de la santé et de l'offre de soin en France, en 2016 Le ministre des Affaires sociales et de la Santé, est en charge de plusieurs fonctions. Ces dernières concernent la politique de la famille, l'enfance, les personnes âgées et des personnes handicapées. Mais aussi les questions de stratégie nationale de santé, de l'organisation de la prévention et des soins. Il gère les différents régimes (général, agricole, indépendant, SNCF...) et les organismes complémentaires (assurance vieillesse, mutuelles). Enfin, il est chargé, conjointement avec « le ministre des Finances et des comptes publics, de gérer le financement de la sécurité sociale ».4 Le ministre détient l'autorité des structures suivantes : - La direction générale de la santé (DGS) : une organisation qui prépare la politique de santé publique en France, participe à la qualité et à la sécurité du système de santé et son accès. 4 http://social-sante.gouv.fr/ 10 - La direction générale de l'offre de soins (DGOS) : chargée de penser et construire l'offre de soins d'aujourd'hui et de demain, en luttant contre les déserts médicaux. - La direction de la sécurité sociale (DSS) : elle assure la surveillance de l'ensemble des organismes de Sécurité sociale : (caisses du régime général, caisses du régime de base des professions indépendantes (RSI) autres qu'agricoles, ou les caisses des régimes spéciaux). Elle participe également à la surveillance des organismes de protection complémentaire et de la mutualité. Le ministre peut également demander des rapports à ces organismes de la santé : - Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) est mis en place en 2007. Il a pour mission de « participer à l'élaboration, au suivi et à l'évaluation de la stratégie nationale de santé (SNS) ». La SNS tente de combattre les inégalités de santé et d'accès aux soins. Le HCSP lui évalue pour les pouvoirs publics, la gestion des risques sanitaires et les questions du domaine de la santé publique5. - La Conférence nationale de santé (CNS) est un organisme consultatif du ministre de la santé. Elle permet aux acteurs du système de santé d'exprimer leurs points de vue sur les politiques de santé, et elle relaie les demandes et les besoins de la population. Elle favorise ainsi le dialogue entre les usagers, les professionnels, et les responsables politiques.6 Enfin, un acteur particulièrement important dans la restructuration des maternités, l'Agence Régionale de Santé (ARS) : elle est créée en 2010 et c'est une autorité unique au niveau régional. Elle est chargée du pilotage régional du système de santé, pour 5 http://www.hcsp.fr/ 6 http://social-sante.gouv.fr/ 11 mieux répondre aux besoins de la population et accroître l'efficience de notre système de santé 7 . L'ARS est générée par la loi Hôpital Patients Santé et Territoire (HPST), cette dernière stipule que « l'Agence Régionale de Santé doit définir des territoires de santé pertinents pour les activités de santé publique, de soins et d'équipement des établissements de santé, de prise en charge et d'accompagnement médico-social, ainsi que pour l'accès aux soins de premier recours » (Art. L.1434-16 du Code de la Santé publique). En résumé, l'ARS doit définir des territoires de santé pertinents afin d'éviter les inégalités territoriales, et cela, dans chaque région française. L'ARS consulte la Commission Spécialisée d'Organisation des Soins (CSOS) lorsque des fermetures de service ou d'établissement sont en cours, comme celle d'une maternité par exemple. Elle peut être consultée par l'ARS pour ce qui concerne les autorisations d'activité de soins, l'installation des professionnels de santé, la permanence des soins, la création d'établissements publics de santé et sur la recomposition de l'offre de soins. Le CSOS examine les structures de soins concernés et émet un avis favorable ou non à la continuité de l'exercice. L'ARS analyse ce rapport et émet son avis par la suite. Tel que le précise Madame Aïssani-Delaunay et ses confrères8, l'ARS a confié à l'Observatoire régional de santé (ORS) « la mission de piloter un groupe de travail chargé d'évaluer les différentes méthodes de construction de territoires de santé, en vue de proposer différentes options argumentées, pour nourrir le débat et la concertation ». L'Observatoire Régional de Santé (ORS) observe donc la population régionale et son état de santé. Elle conçoit des indicateurs de santé et diffuse l'information de la santé 7 https://www.ars.sante.fr/ 8 Aïssani-Delaunay M et al., Construction des territoires de santé en Basse Normandie, in Cent pour Cent, INSEE, n°210, décembre 2010. 12 (études, bulletins, lettres) auprès des professionnels de santé, des décideurs et de la population. Dans mes recherches, j'emploie une démarche hypothético-déductive. Plusieurs hypothèses découlent de mon sujet, et grâce à mes recherches je validerai ou non ces hypothèses. Après une première partie consacrée aux méthodes utilisées pour mon mémoire, j'étudie l'état des lieux de l'offre de soins périnatals et son évolution en France et Basse-Normandie. Enfin, je termine par les différentes causes de fermetures des maternités. I. Les méthodes utilisées dans mes recherches1. Calendrier et lectures13 Figure 2: Calendrier tenu pour mon mémoire Afin de mener à bien mon mémoire, j'ai tenu le calendrier ci-dessus. Mon premier semestre a été consacré à de la lecture et de l'élaboration de cartes de situation (population, équipements de santé, nombre de naissances). Ces cartes m'ont permis d'établir un cadre général de la Basse-Normandie en matière de démographie et de santé. Mon sujet de mémoire est un thème que l'on peut qualifier d'actualité, car de nombreux hôpitaux français sont concernés par la fermeture d'un service de maternité. J'ai suivi des 14 journaux plutôt nationaux tels que Le Monde, L'Express, L'Humanité et Le Parisien, ainsi que des journaux localisés sur le territoire Ouest français comme Ouest-France, et à plus grande échelle des journaux tels que La Manche Libre, La Voix le Bocage, Les Nouvelles de Falaise, Le Pays D'Auge et La Renaissance. Lors de mon second semestre, mon programme a consisté à rencontrer des acteurs clés. Je suis donc allé au siège de l'ARS début décembre, mais aucune réponse ne m'a été donnée, une adresse mail m'a été donné, mais je n'ai pas pu rencontrer d'acteurs. Mes professeurs ont donc écris une lettre afin que je puisse rencontrer une personne de l'ARS ou avoir des données, mais nous n'avons à ce jour aucune réponse. Après plusieurs tentatives par mail, une réponse m'a été donnée. J'ai obtenu un fichier avec les maternités fermées en Basse-Normandie depuis 1997 et non depuis 1968 comme je l'aurai souhaité. (Annexe : Figure 31: e-mails reçus de l'ARS) Ma demande d'entretien a été « refusée » et ma requête transférée à un médecin référent sur la thématique. Celui-ci étant « très occupé par les échéances auxquelles [il] doit répondre en cette année 2017 » ne m'a pas répondu. En effet, malgré mes relances, je n'ai pas eu de réponse et j'ai préféré obtenir des informations par d'autres organismes. Ainsi, je me suis dirigé vers l'ORS, cet organisme m'a confié quelques méthodes utilisées pour réaliser des cartes, et des données sous forme de plaquette d'information. J'ai ensuite rencontré plusieurs acteurs en rapport avec mon sujet : une cadre sage-femme d'un Centre Périnatal de Proximité (CPP), une sage-femme, le gynécologue de Vire, les maires des communes de Vire, Falaise et Cricqueboeuf (le maire de Coutances n'a pas désiré me recevoir, je n'ai pas insisté), la vice-présidente de la Coordination Nationale et présidente du collectif « Touche pas à mon hosto, à ma santé » de Vire, une journaliste Ouest-France de Valognes et un journaliste des Nouvelles de Falaise. Ces entretiens m'ont permis de comprendre plus précisément les fermetures des maternités et les 15 conséquences visibles de ces récentes fermetures. De plus, j'ai appelé les différents établissements pour lesquels je ne disposais pas la date de fermeture de leur maternité. Du côté cartographique, j'ai réalisé une carte de la Basse-Normandie localisant les différentes maternités présentes en 2017, et celles qui ont fermé depuis 1989. De plus, j'ai réalisé plusieurs cartes prenant compte le temps d'accès à une maternité. Plusieurs méthodes ont été nécessaires avant de parvenir à la carte finale. J'ai également tenu compte des maternités situées à proximité de la région Basse-Normandie (le seuil retenu est la distance de cinquante kilomètres maximum entre une commune limitrophe régionale et une maternité extra régionale, à vol d'oiseau). Ainsi, des maternités des départements de la Sarthe, la Mayenne, l'Eure, la Seine-Maritime, l'Ille et Vilaine, les Côtes d'Armor et l'Eure et Loire ont été retenus. |
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