A. Entrepreunarialisme urbain et implication du secteur
privé
Avant d'étudier la gouvernance des projets urbains de
waterfront, il convient de revenir sur plusieurs acteurs de taille.
N'étant pas à l'origine des opérations de reconquête
des fronts de mer, les autorités portuaires et les acteurs privés
sont des acteurs primordiaux de ces projets urbains.
Acteurs incontournables lorsque l'on s'intéresse aux
territoires arriéro-portuaires, les autorités portuaires sont
évidemment des institutions qu'il a fallu rallier aux projets de
reconquête urbaine des fronts de mer. Avant de continuer il faut
préciser que dans tous les cas que nous étudions, hormis pour
Lisbonne, la gestion des ports est assurée par une société
publique sous contrôle d'État : les autorités portuaires
sont donc publiques. Par ailleurs ces sociétés possèdent
d'énormes réserves foncières en lien avec leurs
activités, et sont les moteurs économiques d'un territoire
dépassant leur simple emprise.
Ayant eu une importance considérable dans les
années d'après-guerre, la crise portuaire des villes
méditerranéennes a néanmoins réduit le poids et le
pouvoir des autorités portuaires. Celles-ci ont vu leur influence
diminuer alors que d'autres acteurs publics, comme les collectivités
territoriales, ont acquis plus de pouvoirs et plus de compétences.
Cependant dans le cadre des projets urbains « les
autorités portuaires se montrent toujours réticentes à
l'idée de se défaire définitivement d'une partie de leur
patrimoine foncier sous-utilisé » 17 . Cherchant à
maintenir leur influence dans des territoires, qui sont
considérés comme le leur, les autorités portuaires
cherchent aussi à préserver leur emprise dans le cas d'un regain
d'activités dans le futur.
Les interfaces entre ville et port deviennent alors peu
à peu des lieux symboliques de l'affrontement de deux logiques, celle du
port qui souhaite maintenir ses activités au nom de la
compétition internationale et de la création d'emplois, et celle
de la ville qui cherche à améliorer le cadre de vie de ses
habitants en réaménagent l'espace. Confrontant donc deux visions
et deux logiques différentes, les projets urbains de waterfront
ont dù trouver et créer des consensus entre les volonté
des villes et des autorités portuaires pour que les projets soient
acceptés et portés par tous.
Dans ce cadre là, Barcelone a montré l'exemple.
En 1988, l'autorité portuaire a pris l'initiative de rédiger un
plan d'aménagement du Port Vell. Validé par la ville et
la région ce plan montre qu'un compromis a pu être trouvé,
et constitue un temps fort des relations entre ville et port. Il
témoigne aussi des liens créés entre milieux politiques,
économiques et sociaux. Il est cependant déplorable que ce plan
d'aménagement ait prôné une mise en valeur commerciale
reléguant au second plan la mise en valeur du lieu et la
contextualisation de l'aménagement de l'espace.
17 R. Rodrigues-Malta, Une vitrine métropolitaine sur
les quais, p.3.
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En Italie, c'est une loi qui a obligé les
autorités portuaires et les communes à trouver un terrain
d'entente. La réforme de la législation portuaire de 1994 a en
effet obligé les ports de se doter d'un piano regolatore portuale,
imposant une concertation avec la ville. Gênes s'est dotée de
ce document en 2001, mais le consensus trouvé s'est appuyé sur
une expérience du travail en commun, rendu possible par la
création de l'Agence du plan à l'initiative du port.
Que cela soit à l'initiative de l'autorité du
port, ou à travers la législation, les différents projets
de reconquête du front de mer ont dù rallier les autorités
portuaires pour que ceux-ci soient pertinents et partagés par le plus
grand nombre d'acteurs.
Le deuxième type d'acteur qui occupe une place
importante dans les projets que nous étudions sont les acteurs
privés. Fortement marqués par les partenariats
public-privé les projets urbains de waterfront misent beaucoup
sur l'implication du secteur privé. Relevant généralement
d'une initiative publique, les projets de waterfront marquent
néanmoins un regain d'intérêt pour les partenariat
public-privé. Par ailleurs ces projets se distinguent les uns des autres
pour ce qui concerne l'implication du secteur privé.
Tenue à l'écart de toute décisions de
programmations, à Bilbao, l'implication du secteur privé prend
toutefois une forme différente. Le groupe Andersen Consulting a par
exemple beaucoup agit lors de la définition du « Plan
stratégique pour la revitalisation de l'aire métropolitaine de
Bilbao ». Ne s'impliquant pas directement dans le projet urbain, le
secteur privé a néanmoins participé à la
planification et à la définition de la stratégie, une des
tâches les plus importantes de la mise en place de la métropole.
L'implication du secteur privé ne se limite donc pas à la simple
acquisition foncière et à la construction immobilière mais
peut concerner la mise à disposition de compétences et
savoir-faire spécifiques.
La deuxième intervention du secteur privé, et
qui est aujourd'hui de plus en plus nécessaire, est la participation
financière notamment pour la construction des quartiers. Les acteurs
privés sont appelés à construire dans le quartier,
d'où l'importance de bien vendre son projet. Dans un contexte de baisse
des ressources publiques, l'adhésion financière de banques ou
groupes d'investissements est une condition nécessaire à la
réussite d'un projet. En effet un projet urbain, s'il veut
réussir doit parvenir à attirer les promoteurs, pour que ceux-ci
investissent et construisent sur son territoire. Les projets urbains de
reconquête des fronts de mer, confirment donc « l'abandon d'une
idéologie selon laquelle l'intervention du privé serait
inéluctablement menaçante pour l'intérêt
général » 1 8 .
Nécessaires donc, les acteurs privés sont de
plus en plus amenés à intervenir dans les projets urbains ;
néanmoins il convient de rester prudent concernant le recours au secteur
privé et de ne pas oublier la notion d'intérêt
général. Il est important que l'action publique ne soit pas
guidée par le profit et la rentabilité.
18 R. Rodrigues-Malta, Une vitrine métropolitaine sur
les quais, p.6.
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