B. Gouvernance et coopération entre pouvoirs
publics
Penchons nous désormais sur les structures en charge de
ces projets urbains et sur le rôle des pouvoirs publics.
« 25 villes européennes étaient
dotées en 2004 d'une structure de coordination, avec pour mission de
piloter l'opération de reconversion sur un périmètre
déterminé. Ces structures de coordination peuvent aussi
être de nature consortiale regroupant les acteurs concernés soit,
le plus souvent, les collectivités locales et les propriétaires
fonciers - port, compagnies de chemin de fer, industries, etcÉ - sous la
forme de SEM, sociétés de type économie mixte comme
à Gênes » 1 9.
Ayant pour mission d'assurer la maîtrise d'ouvrage, mais
aussi et surtout en charge de la coordination des acteurs publics,
privés et des différentes échelles institutionnelles, on
retrouve généralement des organismes spécifiques aux
commandes des projets urbains de waterfront. De nature consortiale, ces
structures tendent à réunir le plus grand nombre d'acteurs et
permettent d'avoir un discours cohérent sur le projet urbain.
Impulsées par l'État où par les
collectivités locales, ces structures endossent un rôle de
médiateur ou d'animateur. Elles permettent aussi de montrer une
unité et assurent une certaine stabilité pour les
investisseurs.
A Bilbao, la société Ria 2000, de droit
privé, est en charge de « coordonner le processus de
revitalisation à l'échelle de la métropole
»20 . Impulsée par l'État et le
ministère des Travaux Publics, cette société doit
planifier les opérations, aménager les terrains et ensuite
revendre ceux-ci. Réunissant au sein du conseil décisionnel des
représentants du pouvoir exécutif, et constituant une
équipe réduite, Ria 2000 montre son efficacité en agissant
vite et en étant détachée des limites administratives que
peuvent présenter les collectivités. Il suffit de se pencher sur
les travaux réalisés en 15 ans et sur la transformation de la
métropole, pour se rendre compte de l'efficacité de la formule
décisionnelle mise en place par la structure. Reposant d'avantage sur
des règles élaborées en collaboration, le modèle
tend à se développer car d'autres villes espagnoles comme Madrid
ou Valence ont adopté des organisation similaires.
A Gênes, la structure en charge du
réaménagement du port historique est une société
d'économie mixte dénommée Porto Storico. En charge de la
gestion du site des Colombiane et de la poursuite de de la reconversion du
port, cette société est composée de différents
acteurs. Regroupant la ville de Gênes, la Chambre de Commerce et le port,
Porto Storico est donc une structure qui prône le consensus entre les
différents acteurs, mais qui favorise aussi la prise de décisions
: la limitation à 5 membres du conseil d'administration en est la
preuve.
De forme différentes les diverses structures en charge
des projets urbains que nous étudions ont pour caractéristique
commune d'avoir toutes adopté une démarche de projet urbain.
Favorisant un entreprenuaralisme urbain, les projets ont pour
caractéristique de ne pas être figés dans le temps, mais de
toujours évoluer, cela en réunissant le maximum d'acteurs.
19 IRSIT, Les villes portuaires en Europe Analyse
comparative, p.103.
20 Ria 2000, Site officiel.
Barcelone est caractéristique de ce changement. Se
basant sur 10 projets de nouvelles centralité métropolitaines, la
démarche s'est basée sur les opportunités se
présentant et sur le volontarisme des pouvoirs publics. Le projet du
village Olympique illustre bien ceci :
« Il témoigne également d'une approche
typiquement barcelonaise, qui privilégie les projets partiels dans
l'aménagement de la ville, au plan global d'urbanisme. Ce raisonnement
est poussé à l'extrême : il arrive fréquemment que
des concours d'architecture formalisent des projets préalablement
à la rédaction des normes d'aménagement » 2 1
.
Le modèle barcelonais s'est peu à peu
appliqué aux divers projets urbains européens ; il
révèle une nouvelle manière de faire l'urbanisme
basée sur le projet et les opportunités se présentant,
reléguant au second plan la planification. Les différentes
structures s'occupant des projets urbains de reconquête urbaine sont donc
des organisations spécifiques, regroupant différents acteurs et
cherchant à montrer une unité autour d'un projet commun.
Ces structures se retrouvent aussi sur la thématique de
la participation citoyenne. Très opaque, elles n'intègrent que
très peu les habitants alors que leurs décisions impactent
directement le quotidien des populations locales. De nouveaux modes de
concertation doivent être inventés pour rallier stratégie
de rayonnement et intérêt citoyen.
Nous avons donc pu voir quels sont les différents
acteurs des projets urbains et comment la gouvernance s'établit entre
ceux-ci. S'il n'est pas possible de dégager un modèle type, nous
pouvons toutefois affirmer que la méthode dite de « projet urbain
» et le consensus entre les divers acteurs concernés sont les
lignes directrices de ces organisations, et prévalent dans les projets
urbains de reconquête des fronts de mer.
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21 F. Mancebo, Stratégies barcelonaises :
reconÞgurer la ville entre projets urbains partiels et urbanisme de
grands événements, p.5.
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Ces dernières années ont fait émerger en
Europe une nouvelle génération de projets urbains. Prenant place
dans les villes méditerranéennes ces projets que l'on peut
qualifier de reconquête urbaine cherchent à réinventer les
relations entre ville et port, en introduisant des fonctions urbaines dans des
espaces anciennement portuaires ou étant jusqu'alors tournés vers
le port. En régénérant des territoires en crise, ces
projets modifient considérablement la base économique des
territoires dans lesquels ils s'implantent. Modifiant aussi urbanistiquement
les territoires sur lesquels ils s'implantent, ces opérations
entraînent de nombreux aménagements d'espaces publics et
permettent de créer une réelle interface entre la ville et le
port.
Répondant à des stratégies de rayonnement
et d'attractivité du territoire, les projets urbains de
waterfront s'appuient sur plusieurs outils, notamment l'architecture
iconique et le recours aux architectes de renommée internationale.
Favorisant la culture comme locomotive, ces projets urbains s'intègrent
parfaitement aux politiques touristiques que prônent et favorisent les
villes en ce début de XXI° siècle.
Gérés par des structures spécifiques, ces
projets présentent aussi une nouvelle manière de faire la ville.
Basées sur le consensus et la réunion du plus grand nombre
d'acteurs, les organisations en charge des projets urbains sont
généralement de nature publique et permettent de dégager
une unité autour d'un projet commun. Animant les débats avec les
autorités portuaires et les acteurs privés, ces structures se
présentent comme des organisations incontournables du
réaménagement des villes et des métropoles.
Les opérations de waterfront sont donc
sensiblement les mêmes car elles s'implantent dans le même type de
territoire, poursuivent les mêmes buts et usent des mêmes
stratégies. Bien que contextualisées ses opérations
tendent à reproduire le même modèle. Penchons nous
désormais sur le cas de Marseille et voyons comment le projet urbain de
reconquête urbaine du front de mer s'inscrit dans le même
modèle de ceux que nous venons d'étudier.
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