A. Des événements déclencheurs
La grande majorité des projets que nous avons
étudiés jusqu'à maintenant s'appuie et se justifie par la
tenue et l'accueil de grands événements internationaux.
La ville qui a montré l'exemple est sans aucun doute
Barcelone. L'urbanisme barcelonais s'est toujours développé par
à coups en prenant appui sur de grands évènements. Que ce
soit lors des Expositions Universelles de 1888 et 1929, et beaucoup plus
récemment pour les Jeux Olympiques de 1992, Barcelone a profité
de l'accueil de grands événements pour se développer. Le
cas qui nous intéresse est celui de Jeux Olympiques.
Se basant sur trois critères (mise en place de la ville
utopique, limitation des voies rapides, homogénéisation du centre
et de la périphérie), l'architecte Oriol Bohigas, a revu en
profondeur l'urbanisme de la cité catalane dans la perspective des Jeux
Olympiques. La ville a par ailleurs profité de l'accueil de la
manifestation sportive pour réorganiser plusieurs territoires de son
aire urbaine.
« Ces critères permirent l'ouverture sur la
mer, par la destruction de l'ancienne zone industrielle
désaffectée de Poblenou, sa substitution par la ville olympique
et l'enfouissement de la voie ferrée qui séparait
l'agglomération de la Méditerranée ; la
réorientation de la croissance de Barcelone, par la création aux
quatre coins de la cité de centres d'installations olympiques (Villa
olympique, Valle Hebrón, Montjuïc et Diagonal) » 1
3.
Barcelone est la ville qui a lancé l'urbanisme
événementiel, car le succès de son projet urbain est
fortement lié et corrélé à l'accueil des Jeux
Olympiques qui a permis d'accueillir de nombreux touristes. La ville,
souhaitant continuer sur cette dynamique, a par ailleurs lancé et
créé son événement : le Forum Barcelona 2004,
rencontre mondiale pour le développement durable, la diversité
culturelle et la paix. De nouveau, Barcelone en profita pour
régénérer le tissu urbain. Le secteur où se tenait
le forum est l'une des trois pièces majeures du futur Distrito 22,
quartier imaginé pour concentrer les industries créatives. Les
deux autres pierres angulaires de cette Barcelone du XXI° siècle
seront la zone de loisirs de Glries, déjà balisée par la
tour Agbar, oeuvre de l'architecte français Jean Nouvel, et la zone de
Sagrera, noyau des communications, que symboliseront la nouvelle gare du train
à grande vitesse et un ensemble d'immeubles conçu par
l'architecte américain Frank Gehry. C'est dans ce triangle du Distrito
22 que se joue l'avenir du modèle barcelonais, et de la ville dans son
ensemble, et encore une fois le développement de cette zone s'est
appuyé sur un événement. La stratégie mise en place
par la ville de Barcelone est donc une stratégie
événementielle, qui s'appuie sur l'accueil de touristes.
13 L. Moix, Le modèle Barcelonais, Le monde
diplomatique janvier 2006.
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Il en va de même pour Gênes et l'opération
Porto Antico ; plusieurs grands événement ont
marqué et rythmé les avancées du projet urbain (voir
graphique complémentaire n°3 placé en annexe). En 1990,
plusieurs matchs de la Coupe du Monde de football se déroulèrent
à Gênes ; la ville s'est donc préparée à
l'arrivée de nombreux nouveaux visiteurs. Deux ans après, la
ville organisa les Columbiades, une exposition internationale
célébrant le cinq-centenaire de la découverte de
l'Amérique par Christophe Colomb. Le cadre territorial de cette
exposition fut celui du coeur ancien du port, sur lequel l'équipe de
Renzo Piano travaillait à la reconversion depuis 1987.
L'événement a donc été une manière de mettre
en lumière les avancées du projet urbain, car il a permis aux
habitants et aux touristes de venir dans ce nouveau morceau de ville.
Mais le succès de l'opération Porto Antico
s'inscrit dans un mouvement plus général, rythmé par
de nouvelles occasions de découverte du capital patrimonial et culturel
de la ville. L'année jubilaire de 2000 a été marquante
pour l'ensemble des villes italiennes, avec l'arrivée de milliers de
visiteurs en route pour Rome. En 2001, Gênes a accueilli le sommet du G8
et utilisé les fonds alloués par l'État pour un vaste
travail sur les espaces publics. En 2004, la ville était Capitale
Européenne de la Culture (avec Lille) : le calendrier des expositions a
été l'occasion de valoriser une série de bâtiments,
de constituer le «pôle des musées» et, en inaugurant le
Musée de la mer, d'attirer l'attention sur la zone de l'ancienne darse.
Dans le cas de Gênes les grands événements ont permis de
débloquer des financements et de faire avancer le projet urbain tout en
mettant en lumière les travaux déjà
réalisés. La stratégie mise en place est donc basée
là aussi sur l'événementiel.
Si l'on prend pour autre exemple Lisbonne, une ville non
méditerranéenne mais présentant des
caractéristiques communes aux villes étudiées, le
même schéma a été reproduit. Cependant il s'agit ici
d'un projet et d'un événement national et non porté par la
municipalité. L'Expo' 98 fut impulsée par l'État pour
montrer le renouveau du Portugal, et s'est matérialisée à
travers le parc des nations en bord du Tage. Localement, ce fut un pas de
Lisbonne vers son fleuve toujours barricadé derrière les zones
portuaires. Le Parc des Nations est né d'envies : celle d'exister, celle
de reconquérir un territoire pollué et abandonné. Mais
aussi d'un besoin de modernité, de nouveauté. Le Parc des nations
est un pari urbain du gouvernement portugais : placer Lisbonne parmi les
grandes capitales européennes en réaménagement 340 ha de
friches pétrolières et militaires en bord de Tage, dont 60 ha
pour l'Expo elle-même.
Comme pour les autres villes étudiées, le projet
urbain est porté par un événement marquant, qui permet
d'attirer les touristes et les entrainent à venir dans le nouveau
quartier de la ville.
Les différents projets urbains étudiés
sont la plupart du temps accompagnés de grands événements.
Venant encourager ou mettre en lumière un projet urbain, ces
événements sont accueillis par les territoires dans une
volonté de rayonner et d'attirer. Cherchant à attirer des
touristes, ces grands rassemblements sont devenus au fil des années des
incontournables du marketing territorial. Nous allons désormais voir
comment ces stratégies événementielles et touristiques se
mettent en place pour chaque ville et les répercussions de celle-ci sur
les habitants.
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