B. Un espace public pacifié et
aseptisé
Les projets urbains des villes étudiées
contiennent donc une programmation sensiblement similaire, mais peuvent aussi
se retrouver autour du traitement de l'espace public. Chaque projet urbain a
permis de réinventer les relations ville-port, et ceci se fait
principalement à travers la mise en lumière et l'implantation
d'espaces publics sur des anciennes emprises portuaires / industrielles.
Car il ne faut pas oublier que la spécialisation des
espaces portuaires à partir de la seconde moitié du XX°
siècle, ont conduit et entrainé la construction d'une
frontière entre la ville et le port. S'il est donc important de
réintroduire des fonctions urbaines sur d'anciennes emprises portuaires,
la volonté de réinventer et de travailler l'interface entre la
ville et le port est une autre motivation des projets urbains de waterfront. Le
réaménagement de la voirie et le travail sur l'espace public est
l'un des meilleurs moyens de travailler cette interface. Intéressons
nous donc au traitement de l'espace public dans les diverses projets de
waterfront.
Si l'on s'attarde sur l'exemple de Bilbao, le travail
d'aménagement urbain a été exceptionnel. Bien que
très fortement marqués par d'anciennes emprises portuaires,
plusieurs sites ont été entièrement modifiés ces
dernières années et ont permis l'accueil de fonctions urbaines et
d'équipements de grandes ampleur comme le musée Guggenheim.
Passant d'un espace de stockage à vocation industrielle le site
d'Abandoibarra, situé le long de la Ria de Bilbao, est devenu
un vaste espace de détente et de loisirs. Comptabilisant 35 hectares et
étant situé entre l'oeuvre de Frank Gehry et le palais des
congrès, le projet a introduit de nombreux espaces verts et
modifié les espaces de circulation. Aujourd'hui sont désormais
mélangés circulations douces, tramway et voitures. Cet espace est
désormais tourné vers la ville, ce qui n'était pas le cas
avant. Néanmoins le cas de Bilbao est particulier car l'ancien port
était situé sur les berges de la Ria de Bilbao, le
projet s'apparente donc plus aux reconquêtes des berges d'un fleuve
qu'à la reconquête d'un front de mer.
25
Figure 5 : L'aménagement du site
d'Abandoibarra
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1992 2004
Source : Bilbao Ria 2000, site ofÞciel
Pour Barcelone, l'espace public constitue un
élément essentiel des projets urbains, avec notamment
l'aménagement de 200 hectares de nouveaux parcs et jardins entre 1982 et
1992, ainsi que nombre de promenades, particulièrement près du
vieux-port. Ce renouveau s'est perçu dans l'opération de
réaménagement du port à travers l'ouverture de la ville
sur ce dernier. Au milieu des années 1980, quand l'opération de
réaménagement débute, il est décidé de
retourner la ville sur elle-même en la tournant vers la mer.
Marqué par des ruptures urbaines, démarquant fortement la ville
et le port, le projet urbain va chercher à réduire très
fortement ces barrières permettant une nouvelle relation entre la ville
et son port.
Dans les faits le projet urbain va détourner le
faisceau de voies ferrées qui conduisait de Barcelone à la
frontière française et coupait la cité catalane de son
littoral. Le projet va aussi restructurer complètement le port Vell
afin de le rendre accessible, et repenser, en terme de circulation, le
fonctionnement des artères historique de la ville.
Ce réaménagement de l'espace public se traduit
généralement par une volonté des villes de « nettoyer
» leur front de mer en pacifiant l'espace public. Remplaçant les
ruptures et les coupures qu'induisaient les infrastructures de transport et les
activités industrielles liées au port, les nouveaux espaces
publics proposent une interface composée d'espaces verts, d'espaces de
promenades. Jouant un rôle direct dans la promotion du nouveau quartier
ces espaces sont néanmoins de plus en plus similaires et ne
présentent que peu d'originalité.
« Au nom du respect de l'environnement et de la
qualité de vie urbaine, les transformations urbaines s'accompagnent d'un
triple mouvement d'aplanissement, d'esthétisation et d'aseptisation des
espaces publics. » 12
Reproduisant très souvent le même modèle
et traduisant une volonté de se raccrocher à la modernité
et aux manières de faire l'urbanisme dans les villes
Nord-Européennes, la création d'espaces publics dans les villes
méditerranéennes ne fait preuve d'aucune originalité et
traduit une volonté de « faire propre ». Élément
nécessaire de la promotion touristique et de la requaliÞcation
urbaine basée sur le tourisme, les villes méditerranéennes
pourraient néanmoins mettre en avant un autre type d'espaces publics, ce
qui conférerait une véritable identité aux projets
urbains.
Nous avons pu voir tout au long de cette partie, dans quelle
mesure les projets urbains des villes méditerranéennes se
ressemblent et comportent des points communs. Que cela soit pour la
programmation ou pour la création d'espaces publics, ces
différents projets sont en effet fortement corrélés.
12 R. Thomas, L'aseptisation des ambiances piétonnes
au XXI° siècle, p. 13.
26
C. Des stratégies de rayonnement et
d'attractivité
Une autre similitude des projets urbains
méditerranéens est sans doute le but qu'ils poursuivent et les
moyens par lesquels ils y parviennent. Cherchant à répondre
à des stratégies d'attractivité et de rayonnement
territorial, nous verrons dans un premier temps comment les projets de
Waterfront s'appuient pour la plupart sur des événements
déclencheurs. Puis nous verrons ensuite les autres moyens mis en place
pour répondre à ces stratégies et nous verrons quelles
sont leurs dérives.
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