B. Une stratégie et une offre touristique
adaptées et revues en profondeur
Si l'augmentation du nombre de touristes est bien liée
à la CEC, l'accueil d'un tel nombre de touristes a été
possible grâce à une stratégie mise en place par les
pouvoirs publics depuis quelques années. Nous allons donc nous
intéresser à celle-ci et aux éléments sur lesquels
le territoire compte miser pour pérenniser les effets positifs de MP
2013.
Dans un premier temps il faut bien voir que Marseille s'est
dotée depuis plusieurs années d'infrastructures de transports
permettant une augmentation de l'afßuence touristique. L'arrivée
du TGV à St-Charles en 2002 a montré la voie. La desserte
ferroviaire de la ville phocéenne a en effet eu de nombreux effets sur
les connexions établies avec le reste de la France et de l'Europe. La
future connexion avec Londres semble poursuivre ce chemin et permettra à
Marseille d'être encore plus reliée au reste de l'Europe.
Cependant le réel changement et les avancées en
terme de desserte se sont opérés avec « l'ouverture d'un
terminal low-cost à Marignagne. Cela a permis de connecter Marseille au
reste de l'Europe » 75 . Lors de son ouverture en 2007, 1,5 millions
de passagers supplémentaires étaient recensés dans ce hub,
qui au fil des années est devenu de plus en plus important sans que pour
autant le trafic des compagnies régulières diminue. L'ouverture
de ce terminal low-cost est pour le directeur de l'Office du Tourisme, l'un des
éléments qui a permis de faire évoluer l'offre de la
ville. Facile d'accès, Marseille est devenue une ville touristique
favorable aux courts séjours.
Figure 28 : Passagers accueillis à l'aéroport
de Marseille Provence de 1998 à 2013
Source : Observatoire local du tourisme,
Chiffre-clés 2013
75 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
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Le troisième moyen de transport influent dans cette
ville portuaire est bien sûr le transport maritime. Depuis quelques
années le port de Marseille accueille de plus en plus de bateaux de
croisière, et celui-ci semble être bien positionné dans la
concurrence que se livrent les ports européens. Avec 1,4 millions de
croisiéristes en 2013, les activités de croisières ont pu
se développer ces dernières années notamment grâce
aux efforts réalisés par le port de Marseille. La capacité
d'accueil permettant à 9 bateaux de mouiller dans le port, les
profondeurs de ses eaux et le déplacement d'une partie des
activités industrielles vers Fos ont permis un développement des
activités de croisières. Ainsi, aujourd'hui 40 % des têtes
de lignes se feraient à Marseille pour les croisières sur la
Méditerranée. Maxime Tissot le confie, ceci est très
important pour le nombre de touristes accueillis, mais aussi pour les
dépenses de ces derniers dans la ville. Le départ de 311
croisières du port confirme cette tendance et l'ouverture de 17
nouvelles lignes en 2013 au départ de Marseille est le signe d'un regain
d'intérêt des compagnies pour ce lieu. Là encore une
stratégie a été mise en place pour permettre aux touristes
et aux croisiéristes de se rendre en nombre à Marseille.
Les infrastructures de transport et l'amélioration des
connexions avec le reste de la France et de l'Europe ont permis à la
ville d'augmenter sa fréquentation touristique. Cependant ce n'est pas
le seul facteur ; les investissements réalisés dans l'offre
hôtelière ont aussi rendu possible la hausse du nombre de
touristes. Moins liée à la CEC, l'évolution de l'offre
hôtelière semble plus motivée par la volonté de
rattraper le retard de la ville dans ce domaine. Cette évolution de
l'offre hôtelière a concerné tous les types d'offres,
allant du bas de gamme à l'hôtellerie de luxe, et a porté
le nombre de chambres à plus de 3 000 pour la ville de Marseille. En
2013 l'hôtellerie marseillaise avait achevé sa mutation avec la
quasi totalité de ses équipements réhabilitée. De
plus la ville s'est dotée à travers l'ouverture de l'hôtel
Intercontinental dans l'Hôtel-Dieu, d'une offre haut de gamme qui lui
manquait. Désormais Marseille est capable d'accueillir tout type de
touristes et en nombre important. Si cette offre nouvelle touche que peu les
habitants du territoire, elle est très influente pour les
entreprises.
Marseille est devenue une ville importante dans le tourisme
d'affaires. Profitant de l'effet comète de 2013, Marseille est devenue
en 2013 la deuxième ville d'accueil de congrès de France, devant
Lyon et derrière Paris. Bien que ceci soit fortement
corrélé à la CEC, « de nombreuses
sociétés ont choisi d'organiser leur séminaire annuel ou
événement à Marseille, profitant de l'opportunité
de la CEC » 76 ; ce changement résulte aussi d'une
stratégie enclenchée de longue date. « Certains
chantiers comme le palais du Pharo, ou le parc Chabot, ont permis de changer
l'image de la ville et de reprendre des parts de marché »
77. La rénovation ou la création
d'équipements destinés à accueillir ce type
d'activités, notamment dans le périmètre
d'Euroméditerranée, a permis à Marseille de se
démarquer des autres villes.
Il ressort donc après cette année 2013, un fort
dynamisme au niveau touristique. Ceci a été rendu possible
grâce à des efforts entrepris de longue date, mais a aussi
été influencé par la CEC.
L'année 2013 a par ailleurs eu des répercussions
sur la mise en réseau des professionnels du tourisme. Selon M.Tissot, la
mise en relation des offices du tourisme et la création d'une direction
de l'attractivité par la ville de Marseille, sont l'un des apports de
76 Euréval, MP 2013: L'évaluation,
p.65.
77 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
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l'année 2013. Souhaitant mieux réfléchir
à sa programmation événementielle, la ville de Marseille
s'est associée à l'OfÞce du Tourisme pour mettre en place
une réelle stratégie touristique, stratégie qui se base
principalement sur l'accueil de grands événements. La mise en
relation des acteurs du tourisme a d'ailleurs permis à Marseille de
changer d'image :
« La ville n'est désormais plus un point de
passage, mais un média permettant de communiquer et de vendre la
Provence déjà reconnue pour ses qualités touristique
» 78.
Désormais au centre de l'échiquier, Marseille se
doit de rassembler et de diffuser sur l'ensemble du territoire
métropolitain. Une des clés de la métropole est aussi dans
les mains des touristes et dans les demandes de ceux-ci. Les mobilités
touristiques en 2013 montrent que ces derniers ont bougé sur le
territoire de la Capitale Européenne de la Culture ; une adaptation des
moyens de transport au sein du territoire est donc à prévoir pour
satisfaire leurs attentes.
Figure 29 : Les mobilités touristiques en 2013
Source : Rapport d'évaluation de MP 2013
Au vu des résultats de l'année 2013, la ville
semble avoir opté pour une stratégie favorisant l'accueil de
grands événements : en 2016 l'Euro de Football, en 2017 la
Capitale du sport. La ville souhaite poursuivre sur ce phénomène
d'année capitale dans une volonté d'attirer toujours plus de
touristes. Cependant bien qu'une telle stratégie soit pertinente pour
accueillir des touristes, l'est-elle pour les habitants et la poursuite des
efforts réalisés dans la culture ?
78 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
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Le travail des acteurs culturels ne va-t-il pas s'effacer si
les moyens investis sont réduits ? C'est en tout cas la crainte de
nombreux acteurs culturels qui voient la stratégie mise en place par
Marseille d'un mauvais oeil.
« La volonté de miser sur d'autres grands
événements n'est pas optimale : elle résulte d'une
façon obsolète de comprendre la culture qui n'est pas un
événement marqué dans le temps, mais un projet à
poursuivre. Le risque de MP 2017 Capitale du sport est que les efforts faits en
faveur de la culture ne soient pas poursuivis, et que les décideurs
politiques laissent la culture de côté en estimant qu'il ont
déjà répondu à la question » 79.
Comment ne pas donner raison à ces discours, quand
l'adjointe au maire de Marseille pense la stratégie de la ville de cette
manière :
« La culture : on a eu le projecteur sur 2013, on
continue à surfer là dessus en 2014, mais cela va forcement
s'étioler ; il faut de nouveaux éléments
déclencheurs. » 80
Il faut donc s'intéresser aux réelles
motivations de la ville et du territoire à la sortie d'une année
capitale de la culture : sont-elles de porter la dimension patrimoniale et
culturelle comme fer de lance de l'attractivité du territoire ; ou
l'accueil de grands événements attirant un nombre important de
visiteurs sur le territoire est-il plus important ? La ville semble avoir fait
son choix, l'avenir dira si celui-ci est judicieux. La création d'une
Biennale des Arts du cirque montre cependant une forme de pérennisation
d'un élément fort de l'année Capitale. Il faudra tout de
même attendre de voir ci celle-ci reprend bien l'esprit de MP 2013 et si
elle touche l'ensemble du territoire.
Modifiant l'image du territoire, MP 2013 a été
suivi d'une augmentation de l'afßuence touristique. S'inscrivant
pleinement dans une stratégie touristique basée sur
l'événementiel, MP 2013 a permis de révéler le
potentiel et le capital culturel de la ville et de la métropole.
Ce genre de stratégie est pourtant risqué,
l'exemple de Valence semble le montrer. Ne dénigrant pas ce type de
politique, il ne faut pas pour autant que Marseille oublie ses habitants en
mettant en place des actions courtes uniquement basées sur l'accueil de
touristes et d'événements.
Dynamisant l'attractivité de la ville et favorisant son
rayonnement, voyons comment MP 2013 a été un
événement catalyseur qui a été suivi par le monde
économique et qui a rassemblé les acteurs publics.
79 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.
80 entretien avec L. Caradec, le 28 novembre 2014.
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