C. Une image changée et une attractivité
retrouvée
Nous allons désormais observer les impacts induits par
MP 2013 sur l'image de Marseille et sur son attractivité.
Dans un premier temps nous verrons comment s'est
opéré et traduit ce changement d'image pour les touristes ; puis
nous verrons quelles stratégies sont mises en place pour s'adapter
à cette nouvelle image.
Il convient tout d'abord de s'accorder sur le concept
d'attractivité, qui peut être défini ainsi : «
l'attractivité d'un territoire est sa capacité à attirer
à un moment donné des ressources spécifiques provenants de
l'extérieur » 68 . Ceci peut se traduire par l'implantation de
facteurs de production, d'habitants ou de touristes.
A. Changement de l'image de Marseille pour les
touristes
Le projet MP 2013 et l'année CEC ont eu plusieurs
impacts pour Marseille, l'impact sur le tourisme est sûrement l'un des
plus importants.
Bien que le territoire de MP 2013 soit déjà un
territoire à forte activité touristique, contrairement à
d'autres CEC comme Lille ou Liverpool, l'année 2013 a été
particulièrement bénéfique pour celui-ci et lui a
apporté une hausse de la fréquentation touristique : au total ce
sont près de 2 millions de touristes supplémentaires qui ont
été accueillis sur le territoire.
Cette hausse du nombre de touristes, Anna Kurta,
salariée et fondatrice de Cap Cult, entreprise spécialisée
dans le champ de la médiation culturelle et s'occupant de faire les
liens entre les CEC et les touristes étrangers, l'explique par deux
raisons :
« Marseille est une ville qui fascine par son
côté populaire et méditerranéen. La diversité
culturelle, bien que peu mise en avant par le projet, est un
élément culturel fort qui attire les touristes
(étrangers). Ce coté rebelle est l'un des atouts qui fait le
charme de Marseille ; il doit être préservé et être
mis en avantd» 69 .
Loin des problèmes sociaux que connait la ville,
Marseille serait désormais une ville à la mode où il
ferait bon venir en vacances pour trouver, ou retrouver, une
authenticité perdue. Les touristes Nord-Européens, ou simplement
venant du Nord de la France et plus particulièrement de Paris,
viendraient chercher dans la cité phocéenne ce côté
rebelle qu'ils ne trouvent plus dans leurs villes de plus en plus
aseptisées 70 .
Néanmoins la CEC a impliqué un changement dans la
démarche de séjour des touristes.
69 entretien avec A. Kurta, le 26 novembre 2014.
70 J. Viard, Marseille le réveil violent d'une ville
impossible.
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« Maintenant Marseille est reconnue pour son
patrimoine culturel et plus uniquement grâce à son patrimoine
naturel. Un vrai changement s'est opéré dans les séjours
touristiques, et ça c'est grâce à l'année Capitale
» 71 .
Les touristes ne viendraient désormais plus uniquement
pour le patrimoine naturel, mais aussi et surtout pour le patrimoine culturel
et architectural de la ville. La CEC a permis à Marseille de mettre en
avant son patrimoine urbain et de le valoriser. Un changement d'image s'est
produit en 2013. Si l'on s'intéresse aux motivations qui ont
guidé le séjour dans la cité phocéenne, en 2013 81
% 72 des sondés répondaient que la dimension culturelle et
architecturale était la motivation première, devançant le
patrimoine naturel, alors qu'en 2012 les motivations liées au cadre
naturel (79 %) étaient plus importantes que celles ayant attrait aux
caractéristiques culturelles et architecturales (69 %).
L'augmentation de la fréquentation touristique peut
donc être rattachée aux transformations qu'a connues Marseille,
à l'événement qui s'est déroulé en 2013,
mais aussi aux médias. Le rôle des médias et le travail de
marketing territorial a en effet eu son importance, pour l'image de la ville et
la perception qu'en ont les touristes.
Très critique sur les médias français,
qui sont « trop souvent parisiens » et vendent une image peu
flatteuse de Marseille, Maxime Tissot, directeur de l'Office du Tourisme de
Marseille, vante les médias étrangers qui font « un vrai
travail journalistique avec des articles de fond ». S'il est en effet
vrai que la presse française a trouvé ses dernières
années dans la ville de Marseille sa « tête de turc »,
il suffit de lire les dossiers récurrents des hebdomadaires sur les
problèmes que rencontre la ville pour se rendre compte du
Marseille-bashing. Les médias étrangers sont eux moins
virulents à l'égard de Marseille et vantent les mérites de
la ville. Le NewYork Times plaçait Marseille en deuxième position
dans les villes à visiter d'urgence en 2013 73 . Les
médias locaux et internationaux ont été très
positifs à l'égard de Marseille et de MP 2013, contrairement aux
médias français qui ont été plus réticents
à vanter les mérites de Marseille durant l'année 2013.
Toutefois l'attention donnée par l'association à ses relations
presse a porté ses fruits : de nombreux médias nationaux ont
changé d'avis sur Marseille et ont eu un traitement différent de
la ville à partir du printemps. L'ouverture du MuCEM et
l'événement « Entre flamme et flots » ont
marqué un tournant dans le traitement de ceux-ci.
Le traitement médiatique est, même si cela n'est
pas démontrable, influent sur les potentiels touristes et leur venue.
Les médias sont l'un des principaux relais d'information pour un
territoire ; Marseille a bien sur profité du traitement favorable des
médias, mais l'association MP 2013 l'a aussi influencé. En
multipliant le nombre d'accueil des journalistes, MP 2013 a profité de
plus de 10 500 retombées médias.
71 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.
72AGAM, Marseille Provence 2013 un effet de levier
pour le tourisme, p.1.
73 The New York Times, The 46 places to go in 2013, 11
Janvier 2013.
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Figure 25 : Les retombées médiatiques de MP
2013
Source : Rapport d'évaluation MP 2013
Lancée en avril, « Marseille, right now
», la campagne de promotion du territoire, qui a réuni la CCI
Marseille Provence, la Ville de Marseille le Consortium Fly Provence
(regroupant l'Office de Tourisme et des Congrès de Marseille, Marseille
Provence 2013, l'Aéroport Marseille Provence, Bouches-du-Rhône
Tourisme) a aussi joué un rôle. Cette campagne de promotion a
vendue le territoire aux internautes étrangers. Cela a
été, selon M. Tissot le réel départ de
l'année 2013, et a permis une mise en avant de Marseille par les
médias nationaux. Ces éléments peuvent expliquer la hausse
de la fréquentation à partir d'avril.
L'augmentation de la fréquentation touristique par
rapport à l'année 2012 s'est perçue dès le
début de l'année Capitale, s'est accrue à partir de mai,
s'est poursuivie jusqu'en octobre et jusqu'à la fin de l'année.
Ceci peut se percevoir à travers l'évolution des taux
d'occupation mensuels dans l'hôtellerie de chaine. Bien que ne
représentant pas tous les touristes, ce type d'information donne une
tendance générale sur la fréquentation touristique tout au
long de l'année et sur la hausse sensible du taux d'occupation entre
mars et octobre.
Figure 26 : Taux d'occupation mensuel dans
l'hôtellerie en 2012 et 2013 (en %)
Source : Observatoire local du tourisme,
Chiffre-clés 2013
88
Parmi les 1,9 millions de visiteurs supplémentaires qui
ont été accueillis en 2013, il faut noter que la moitié
étaient des excursionnistes (des habitants de départements
limitrophes ne dormant pas sur le territoire), mais que beaucoup venaient aussi
d'autres pays. La fréquentation touristique s'est illustrée par
une part importante de touristes étrangers : 30% des touristes de
l'année 2013 étaient étrangers.
La hausse est d'ailleurs notable pour ce type de touristes,
car ils étaient pour l'année 2013, 23% de plus qu'en 2012. Il
faut aussi relever, bien qu'ils ne représentent que 7% des touristes,
que cette augmentation est d'autant plus forte chez les touristes extra
européens : une augmentation de 35% est à relever pour les
touristes américains et de plus de 60% pour les touristes asiatiques.
Les touristes français restent les plus nombreux et leur nombre est en
augmentation par rapport à 2012, mais dans une moindre mesure car
l'évolution entre 2012 et 2013 n'est que de 4%.
Après avoir analysé les enquêtes et
études commandées par MP 2013 et BdR Tourisme, plusieurs faits
peuvent êtres ressortis. Un grand nombre de touristes venaient pour la
première fois sur le territoire, car 35% des touristes ne connaissaient
pas le territoire. Par ailleurs la quasi-totalité des touristes
étaient satisfaits de leur séjour ; l'analyse que l'Office de
Tourisme et des Congrès de Marseille a réalisée (via la
Ville) montre que plus de 95 % des visiteurs sont satisfaits de leur
séjour à Marseille et 96 % sont prêts à revenir et
à la recommander à leurs amis. Le fait que cette étude ait
été réalisée par la ville, invite à prendre
ces chiffres avec précaution ; néanmoins le résultat est
plus que satisfaisant pour la ville de Marseille
Enfin il faut aussi noter que les touristes étaient
certes plus nombreux, mais que ceux-ci restaient moins longtemps qu'auparavant.
Avec une durée moyenne de 5,6 jours entre mai et octobre, et de 4,6
jours pour le reste de l'année, 2013 semble confirmer la tendance sur
laquelle Marseille a su surfer, celle des « city trip ».
Apparu avec l'essor des moyens de transport, le tourisme urbain est
caractérisé par de courts séjours et se singularise par
des pratiques de consommations de produits urbains. Visites culturelles et
balades urbaines sont caractéristiques de ce type de tourisme.
Cette augmentation de touristes a entrainé des
retombées économiques pour le territoire de MP 2013. L'estimation
des rétombées liées aux touristes et excursionnistes
supplémentaires est d'environ 428 millions d'euros 74.
Figure 27 : Calcul de l'impact économique indirect de
MP 2013
Source : Bouches-du-Rhône Tourisme ; CCIMP
74 Euréval, MP 2013 : L'évaluation,
p.81.
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90
L'afßuence s'est dans un premier temps ressentie sur le
nombre de nuitées dans les hôtels du territoires. L'année
2013 a permis aux hôtels du territoire d'enregistrer une hausse de 9% du
nombre de nuitées, ce qui est exceptionnel surtout quand le reste de la
région accuse une baisse de 3%.
L'année 2013 aura donc été
déterminante pour l'image de Marseille. Le territoire a grâce au
titre de Capitale Européenne de la Culture été beaucoup
plus visité et plus en vue que les années
précédentes. Néanmoins si MP 2013 a été
l'élément déclencheur, la hausse de la
fréquentation touristique résulte d'une stratégie
touristique mise en place depuis plusieurs années sur ce territoire.
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