3. MP 2013 : un événement culturel
rassemblant la métropole et rendant le territoire attractif
Après avoir vu dans quelle mesure le projet
Euroméditerranée est un projet d'envergure métropolitaine,
penchons nous sur un autre projet qu'a connu le territoire ces dernières
années : Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la
Culture.
Avant de nous intéresser au projet développement
par le territoire, revenons rapidement sur le titre de CEC. Créé
le 13 juin 1985 par le Conseil des Ministres de l'Union Européenne, sous
le nom de Ville Européenne de la Culture, ce titre est conçu pour
«contribuer au rapprochement des peuples européens »
et promouvoir la culture dans les pays et villes européens.
Renommé Capitale Européenne de la Culture en 1999, ce titre se
base sur les richesses patrimoniales et culturelles des villes. Jusqu'en 2004,
les Capitales Européennes de la Culture étaient
sélectionnées à l'unanimité par les états
membres. La Commission Européenne accordait chaque année une
subvention à la ville sélectionnée. Dorénavant, la
Capitale Européenne de la Culture est désignée chaque
année par le Conseil des Ministres de l'Union Européenne sur
recommandation de la Commission Européenne, laquelle tient compte de
l'avis du Parlement Européen et d'un jury composé de sept hautes
personnalités du secteur culturel.
Au départ simple festival pour des villes
possédant déjà un fort rayonnement culturel,
l'événement est progressivement devenu un levier de
développement économique, social et culturel pour des villes en
changement. Voyons donc comment Marseille a accueilli ce titre.
Toujours dans une perspective métropolitaine, nous
chercherons à savoir comment le projet MP 2013 a permis au territoire de
l'aire urbaine marseillaise de rentrer dans une dimension
métropolitaine.
Nous définirons dans un premier temps le projet ; nous
verrons ensuite comment cet événement public s'est inscrit dans
un cadre de vie rénové, comment le projet a permis de changer
l'image du territoire et quels sont les suites et les moyens de
pérennisation du projet.
A. Un projet culturel de territoire
Nous allons dans un premier temps nous pencher sur le projet
MP 2013 et les différents buts que celui-ci poursuit, puis nous verrons
dans quelle mesure le projet est un projet de territoire.
A. Grands objectifs et buts poursuivis par le
projet
Débuté en 2004, par le vote du Conseil Municipal
de Marseille en faveur de la candidature de la ville au titre de Capitale
Européenne de la Culture, le projet de MP 2013 répond à un
double volonté : « Faire de Marseille un pôle de
coopération artistique et culturel entre l'Europe et tous les pays de la
Méditerranée » et « Développer la vie
culturelle comme levier de la rénovation de la cité, de la
qualité de vie partagée et du mieux vivre ensemble »
50.
Les buts du projet peuvent donc se distinguer en deux
catégories complémentaires : ceux d'ordre culturel s'inscrivant
dans le processus de Barcelone (1995) et la Politique Européenne de
Voisinage ; et ceux s'inscrivant dans une stratégie
d'amélioration du cadre de vie et d'aménagement de la ville. Le
premier but cherche à « constituer à Marseille une
plateforme permanente et pérenne du dialogue interculturel
euro-méditerranéen » 51 . Le deuxième conjugue
quatre dimensions : « la qualité de l'espace public,
l'irrigation du territoire, la participation citoyenne, et
l'attractivité de la métropole. »52
Ces deux buts se déclinent, selon le rapport
d'évaluation de MP 2013, en divers objectifs qu'il convient de rappeler.
Dans un premier temps le projet devait soutenir la création et la
diffusion d'oeuvres ambitieuses en travaillant avec les artistes issus des pays
de la Méditerranée et de l'Europe ; ensuite MP 2013 devait
valoriser le potentiel culturel et artistique du territoire ; l'innovation en
matière d'intégration de la culture dans l'espace public et de
relations entre culture et société composait le troisième
objectif. Le quatrième objectif était d'impliquer les citoyens du
territoire de MP 2013 à travers une approche participative et par un
accès favorisé aux événements ; la création
d'un événement exemplaire en matière de gouvernance
collective, et l'augmentation de la fréquentation touristique du
territoire étaient aussi des objectifs du projet. Le dernier objectif
était de donner au territoire de la capitale une image internationale,
créative et innovante.
Tous ces objectifs se traduisent dans le concept des Ateliers
de l'EuroMéditerranée (AEM), qui est l'essence même du
projet. Les AEM aussi ont fortement marqué le dossier de candidature de
Marseille Provence 2013. Ils permettent aux différents objectifs de se
mettre en application à travers les différentes missions qu'ils
poursuivent : accueillir, transmettre, articuler transmission et
création, contribuer au renouveau de la cité, et conjuguer les
travaux artistiques et scientifiques. Entretenant des liens forts avec le
milieu économique, les Ateliers de l'EuroMéditerranée ont
aussi permis la réalisation de nombreuses oeuvres
présentées durant l'année 2013. Ils permettent donc de
remplir principalement les buts d'ordre culturel, bien que d'autres projets
complètent ce volet.
50 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.5.
51 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.78.
52 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.78.
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Au total se sont plus de 600 projets qui ont été
cofinancés par l'association MP 2013 et 400 labellisés sans
financement. Ce nombre de projets fait de Marseille l'une des plus grosse CEC
en terme de projets. Le nombre de candidatures (2 500) avait déjà
donné un aperçu de l'étendue de la CEC MP 2013. Le travail
de sélection des projets, qui s'est effectué jusqu'en 2010, a
constitué une part importante du travail de l'association. En accord
avec la stratégie développée par MP 2013 et avec les
objectifs que fixe l'Union Européenne, ce travail de sélection a
été suivi par une phase d'accompagnement des porteurs de projets.
Cette seconde phase a permis une adaptation des projets, et une implication de
l'association dans certains de ceux-ci mais elle a aussi été une
phase où il a fallu prioriser les projets. L'association a du
étudier les projets afin de voir lesquels étaient
intéressants et nécessaire à financer.
« La coopération a été de deux
ordres : financière bien sur pour les projets le nécessitant,
mais aussi de soutien technique à certains projets. Une équipe
technique d'une vingtaine de personnes était mobilisée et
répartie dans les différents projets devant être
accompagnés. » 53
Transhumance par exemple était un projet porté
par un petit théâtre ; très vite l'association a
perçu ce projet avec beaucoup de potentiel. L'association a donc mis
à disposition du personnel en charge du projet pour aider le
théâtre dans le développement et la réalisation de
son idée ; au final ce projet fut l'un des huit grands
événements de l'année ; de plus celui-ci s'est
déroulé sur l'ensemble du territoire métropolitain.
MP 2013 a bien sûr favorisé les projets culturels
au sein du territoire, mais l'année Capitale a aussi permis une
rénovation de la ville. Le projet s'est inscrit dès ses
débuts dans une stratégie de développement et
d'aménagement du territoire. Pensée comme un but à
atteindre dans l'élaboration de la candidature, « la
rénovation de la cité » 54 , a bien eu lieu sur le
territoire de MP 2013. Abordée et traitée par les AEM, ceux-ci
« seront
ouverts sur la ville. Ils aborderont les thèmes de
la requalification des espaces publics et de la place de l'art dans ces espaces
» 55 . La rénovation de la ville s'est aussi perçue
à travers l'avancement et la mise en chantier de certains projets.
S'étant opérée sous plusieurs formes
comme l'extension d'Euroméditerranée, la poursuite du GPV, la
poursuite des travaux du Plan de Déplacement Urbain, et à travers
d'autres chantiers d'équipements, d'infrastructures ou
d'aménagements, Marseille s'est métamorphosée en quelques
années. C'est dans le cadre de cette politique de rénovation
urbaine que prennent place les chantiers d'équipements culturels
nouveaux pour 2013. S'appuyant sur l'existant, le titre de CEC est vu comme un
moyen de faire évoluer la ville, de la doter d'équipements
culturels majeurs (MuCEM, Villa méditerranée, Silo, É),
mais aussi pour renforcer ses infrastructures de transports. Les
aménageurs publics, notamment l'EPAEM ont vu d'un très bon oeil
la candidature et l'obtention de la CEC, car celle-ci a permis de faire avancer
les choses. Pour certains projets l'EPAEM était le principal
maître d'oeuvre de MP 2013. La Cité de la
Méditerranée est par ailleurs un élément fort du
dossier de candidature. Ce nouvel espace fut un élément
prédominant lors de la phase de candidature ; il a donc fallu mettre
rapidement en oeuvre les différents projets.
53 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014
54 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.5.
55 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier
de candidature de 2007, p.5.
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Nous verrons par la suite plus en détails les
différents chantiers entrainés dans le giron de l'année
capitale. Néanmoins plusieurs choses peuvent être
affirmées. La CEC a permis une amélioration durable du cadre de
vie des habitants de Marseille et de l'aire urbaine ; elle a entrainé
une valorisation du patrimoine naturel avec notamment l'ouverture du parc des
Calanques et des projets comme le GR 2013. Et enfin l'année Capitale a
fait évoluer l'offre de transports du territoire, qui était
pourtant un problème majeur dans l'aire urbaine.
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