2. Observation du terrain
Au début de la période de stage (Octobre
à Novembre), j'ai remarqué que mes élèves de
cinquième éprouvaient des difficultés à
déployer un raisonnement, même simple, dans des activités
mathématiques élémentaires. Il m'a semblé que les
élèves n'étaient pas armés pour développer
des raisonnements mathématiques. Il est possible, mais ce n'est qu'une
hypothèse, que ces lacunes résultent de la nature de
l'enseignement mathématique qui leur a été dispensé
à l'école primaire. Ayant pris conscience de cette
problématique, j'ai mis en place une stratégie consistant
à prendre soin, lorsque je donne un exercice, comme lorsque je le
corrige, à faire ressortir les moments où le raisonnement logique
est présent, notamment les moments où l'on passe d'une phrase
à une autre par déduction.
Voici donc, en lien avec les éléments
théoriques précédents, quelques recherches que j'ai
conduites, à partir de productions d'élèves, dans le but
d'avancer des pistes relatives à ma problématique : «
Comment aider les élèves à raisonner, comment leur faire
prendre conscience qu'un raisonnement est en jeu ? », sachant que le
raisonnement constitue l'une des compétences majeures de
l'activité mathématique.
Dans cette perspective, j'ai commencé par poser
diverses questions à mes élèves durant la classe. Ayant
constaté leur difficulté à mettre en oeuvre un
raisonnement valide sans être guidé, j'ai alors mis en place des
stratégies leur permettant de surmonter cet obstacle et de parvenir
ainsi à venir à bout du problème qui leur était
donné. La période de confinement a quelque peu perturbé le
déroulement de cette expérience. J'ai pu toutefois commencer
à proposer des problèmes ouverts, et j'ai pu observer avec
satisfaction que de nombreux élèves parvenaient à
identifier là où un raisonnement était nécessaire,
puis à traiter cette activité de raisonnement de façon
efficace.
Ainsi que je l'ai évoqué
précédemment, lorsque j'étais élève, il me
semble que mes professeurs ne s'attachaient guère aux questions
méthodologiques. Ils délivraient de solides contenus (qui m'ont
fait aimer les maths). Ils n'apprenaient cependant pas à apprendre, ils
ne donnaient du
41
moins peut-être pas assez d'outils pour être
autonome dans une recherche, pour prendre des initiatives. Dès lors,
comme je l'ai relaté précédemment, pour moi,
résoudre un problème consistait à reproduire la
méthode qu'avait employée le professeur, à reproduire le
chemin qu'il avait suivi, quand bien même un autre chemin aurait
existé. Lorsque j'étais confronté à un
problème, lorsque je bloquais dans un raisonnement, j'étais en
attente de la solution apportée par le professeur, dont j'étais
certain qu'elle serait la meilleure, celle qui portait en elle le raisonnement
le plus efficace.
Etant devenu à mon tour enseignant, je comprends
à présent les difficultés de méthode que peuvent
éprouver les élèves. Ces difficultés sont souvent
en lien avec leur histoire, leur expérience antérieure.
Etablissant une comparaison entre mes élèves actuels et
l'élève que j'étais, entre le professeur que je suis, et
les professeurs que j'avais, je m'efforce de proposer des pistes, pour que mes
élèves puissent par eux-mêmes être en mesure de
produire un raisonnement efficace.
Je me suis alors penché en profondeur sur la question
de la méthodologie. J'ai pris conscience que le choix de la «
méthode » était en soi un enjeu central des apprentissages.
J'ai réalisé que la question de la méthode constitue la
base d'un raisonnement mathématique. Lancer un élève dans
un problème où des raisonnements sont nécessaires, sans
l'avoir préalablement outillé en termes de méthodes, est
aussi hasardeux que de lancer un individu dans le désert, sans lui
donner ni carte ni boussole. La méthode, c'est ce qui nous permet dans
un premier temps de savoir d'où nous partons et où nous allons.
La méthode donne ensuite le processus pour, utilisant les informations
préalablement validées, dérouler un chemin qui nous
permettra de parvenir au but et d'afficher le résultat, un peu à
la manière d'un algorithme. Les élèves sont d'ailleurs
souvent intéressés de savoir que le mot « algorithme »,
dont l'étymologie est aussi bien grecque qu'arabe se rapproche
précisément de la notion de méthode : l'algorithme de
fabrication de la pâte à crêpes n'étant rien d'autre
que la recette, c'est-à-dire la méthode, qui permet, avec
certitude, de réaliser une pâte à crêpes.
Poursuivant ma démarche, j'en suis venu à penser
que si je veillais à détailler davantage mes explications,
c'est-à-dire que si je prenais le parti de rendre explicite ce que mon
discours pouvait contenir d'implicite, cela aiderait les élèves
à mieux percevoir les rouages internes d'un raisonnement, à s'en
emparer et à être ensuite capables de produire par eux-mêmes
de tels raisonnements. La classe de cinquième m'ayant semblé
être un niveau où la compétence
42
« raisonner, démontrer » est très
sollicitée, c'est dans cette classe que j'ai mis en oeuvre mon travail
expérimental.
|