III. Expérimentation et tentatives de
remédiation
1. Point d'arrivée - point de départ Des
parties précédentes, il est ressorti :
- que les mathématiques, notamment en France, ont
souvent été considérées comme n'étant pas
accessibles à tous, mais réservées à ceux qui
auraient reçu un don,
- qu'au sein des mathématiques, l'activité du
raisonnement apparaît comme étant la plus noble, et de ce fait
réservée à l'élite de l'élite,
- que cette activité de raisonnement qui consiste
à rechercher une Vérité préexistante, unique, peut,
dans nos représentations, être perçue comme une quête
du graal, aussi difficile à réaliser que l'ascension de
l'Everest, ce qui accentue encore l'image d'une discipline mathématique,
qui, non seulement, ne serait pas accessible à tous, mais serait
même inaccessible à la quasi-totalité des personnes,
- et que, le fait qu'il soit admis qu'à l'issue de
cette recherche de vérité, aride et mystérieuse, la
découverte de la Vérité procure à son auteur la
même joie qu'à celui qui, ayant creusé quarante jours dans
l'obscurité perçoit enfin la lumière, ne retire rien
à l'image élitiste du raisonnement mathématique,
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- que, de par mon histoire, mon cursus, j'adhère en grande
partie aux assertions précitées,
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- que cependant il s'avère que, lorsque l'on est
enseignant, on est confronté non pas à un imaginaire
élitiste mais à une tâche concrète visant,
conformément aux dispositions relatives au droit à
l'éducation figurant dans le code de l'éducation, à former
non pas une élite mais l'intégralité des
élèves qui vous sont confiés, et donc à leur ouvrir
à tous la porte du savoir mathématique,
- que le raisonnement occupant une place centrale dans les
mathématiques, il serait dès lors inconcevable de priver le
moindre élève, au motif d'un imaginaire élitiste, de
l'accès à cette compétence majeure,
- que d'ailleurs mon éthique personnelle,
celle-là même qui m'a donné envie de devenir professeur, me
conduit à ne laisser personne sur le bord du chemin, et à
apporter le meilleur à tous,
- que les meilleurs mathématiciens eux-mêmes
reconnaissent avoir éprouvé des difficultés en
mathématiques,
- et que tous dès lors affirment comme une
évidence, que, de même que pour relancer l'économie il
convient de desserrer l'étau monétaire, de même, pour
relancer l'inventivité humaine, il convient, temporairement, de se
délier du postulat selon lequel le déductif est supérieur
à l'inductif,
- qu'il est d'ailleurs patent que, toute activité
humaine réfléchie part, non pas d'un raisonnement
déductif, mais inductif, qu'il s'agit là du sens naturel de la
marche,
- que si l'inductif sans le déductif ne veut rien, il
est tout autant exact que le déductif dans l'inductif interdit toute
fécondité intellectuelle,
- que le cheminement inductif s'appuie sur des images, et
qu'il convient dès lors d'autoriser les élèves à
induire, à « intuiter », à tenter, à imager,
à griffonner, à gribouiller, à crayonner, à oser
l'erreur, et que c'est ainsi qu'ils chemineront et donc, in fine qu'ils feront
des mathématiques et qu'ainsi j'aurai rempli ma mission de
professeur.
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Tel est le corpus théorique qui a nourri mes travaux en
classe. Tout ceci étant posé, voici les travaux que j'ai conduits
en cette année 2019/20, certes raccourcie par le drame sanitaire que le
monde traverse, auprès d'une classe de cinquième.
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