B - La responsabilité de l'État
La responsabilité de l'État a longtemps
été exclue338. Le droit de la responsabilité
publique prend une importance toujours accrue, comme le soulignait une
étude du conseil d'État : « Notre société
refuse la fatalité. Elle se caractérise par une exigence
croissante de sécurité. Cette exigence engendre la conviction que
tout risque doit être couvert, que la réparation de tout dommage
doit être rapide et intégrale et que la société
doit, à cet effet, pouvoir, non seulement à une indemnisation des
dommages qu'elle a elle-même provoqués, mais encore de ceux
qu'elle n'a pas été en mesure d'empêcher, ou dont
elle-même n'a pas su prévoir l'occurrence
»339.
La responsabilité de l'État n'a
réellement été admise qu'en 1873, avec l'arrêt du
tribunal de conflit340, aujourd'hui même sans faute la
responsabilité de l'administration est susceptible d'être mise en
jeu341.
Dans un contexte où « la notion émergente
de sécurité humaine a suscité de nouvelles exigences
concernant la manière dont les États traitent leur propre peuple
», il n'est plus convenable que l'État « dispose d'un pouvoir
illimité de faire ce qu'il veut à sa propre population ». Le
principe de responsabilité de protéger postule ainsi la
responsabilité primaire de l'État sur le fondement de sa
souveraineté : « la
337 Ibid., p. 86.
338 Cf. : « Le propre de la souveraineté est
de s'imposer à tous sans qu'on puisse réclamer d'elle aucune
compensation » (Édouard LAFERRIERE),
cité par Jacqueline MORAND-DEVILLER,
in Droit administratif, Paris, Montchrestien, 9ème
édition, 2011, p. 752.
339 Martine LOMBARD (dir), Droit
administratif, Paris, Dalloz, 11ème édition 2015,
p. 547.
340 Cf. Arrêt Blanco, TC, 8 février 1873.
341 Cf. Arrêt CAMES, CE, 21juin 1895.
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souveraineté des États implique une
responsabilité, et c'est à l'État lui-même
qu'incombe au premier chef, la responsabilité de protéger son
peuple ».
La souveraineté de l'État n'est pas sans limite,
mais implique au contraire des obligations irréductibles, comme celle de
garantir la sécurité humaine de sa population. Cette conception
de la responsabilité s'accorde ainsi avec l'exigence de « prendre
soin » (care giving) du care qui propose de répondre aux besoins de
la personne vulnérable en accomplissant un travail matériel,
impliquant la mise en oeuvre de compétence
spécifique342.
En espèces, l'État est responsable de la
protection de tous ses nationaux, et en cas de défaillance
résultant de ce dont il a la charge, sa condamnation peut être
établie343. A cet effet, il convient de préciser que
l'État est tenu d'une réparation et celle-ci implique
l'obligation de prendre en charge les personnes vulnérables victimes de
violations de leurs droits.
342 Marion BLONDEL, La personne
vulnérable en droit international, op. cit., p.
442.
343 Cf. Arrêt Dame Hadjidjatou Mani Koraou c.
République de Niger, Cour de Justice de la CEDEAO, Arrêt
ECW/CCJ/JUD/06, 27 octobre 2008 précité.
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