CHAPITRE II : LES PERSPECTIVES D'UNE MEILLEURE
PROTECTION
59
Section I : Vers une protection juridique fortifiée
59
Section II : La recherche de sanction efficace 65
CONCLUSION 72
Bibliographie indicative 74
Table des matières 82
INTRODUCTION
1
« A vulnérabilité variable,
protection variable »1. La
vulnérabilité s'est imposée dans le discours juridique et
les pratiques associatives, en décrivant tantôt une
propriété (elle fait référence à la
fragilité), tantôt a une situation (elle traduit l'exposition aux
risques)2. En ce sens, la vulnérabilité
caractérise tous les êtres vivants qui ne peuvent pas
échapper à leur condition. Cette fragilité est d'une
grande influence sur les êtres vivants en général et sur
les personnes en particulier. D'où la pertinence de mener une
étude sur « La protection juridique des personnes
vulnérables au Niger3». Pour bien cerner le
sujet de réflexion, il est impérieux de définir les
concepts essentiels qui le constituent.
Préalable à tout exercice scientifique, la
clarification des concepts contenus dans le sujet serait d'une importance
capitale pour mieux se situer. Il s'agit respectivement des termes «
protection », « juridique », « des personnes » et la
notion « de vulnérabilité ».
D'abord, on entend par la protection, selon
Jean SALMON, l'« action de prendre soin des intérêts
d'une personne ou d'une institution »4. Elle doit couvrir
les droits violés par l'État d'où avec Kéba MBAYE,
la protection est « tout système comportant, à
l'occasion d'une allégation ou d'une ou de plusieurs
1 Jean-Pascal
CHAZAL, « Vulnérabilité et droit de la consommation
», in F. COHET-CORDEY
(dir), Vulnérabilité et droit : le
développement de la vulnérabilité et ses enjeux
en droit, Colloque organisé par le Centre de droit fondamental
à Grenoble le 23 mars 2000, Presses Universitaires de Grenoble 2000, p.
8.
2 Cathy POMART, Chantal
JOUVENOT (dir), Acte du colloque «
vulnérabilité et droits fondamentaux »,
Faculté de Droit et d'Economie de l'Université de la
Réunion, avril 2018, p.39.
3 Pays sahélien enclavé par
excellence de l'Afrique de l'Ouest dont la superficie est de 1.267.000
Km2. Le Niger est entouré par le Mali, le Burkina, le
Bénin, le Nigeria, le Tchad, la Libye et l'Algérie. Les deux
tiers du territoire sont situés en zone sahélienne et sont donc
désertiques. Les hommes représentent 49, 9% contre 50,1% pour les
femmes. Plus de la moitié de la population (52,09%) à moins de 15
ans, tandis que la population âgée de plus de 65 ans ne
représente que 2,56%. La majorité des nigériens (80,2%)
vit dans les zones rurales où elle pratique l'agriculture,
l'élevage avec des techniques traditionnelles sans beaucoup
d'encadrement et de subit aussi des risques climatiques considérables
compromettant ses maigres moyens de subsistance. Au Niger coexistent plusieurs
groupes socioculturels liés par des liens séculaires et des
traditions de solidarité et d'entraide dont certaines survivent encore,
malgré les mutations socio-économiques subies au fil du temps
.Cf. Rapport de l'Institut National de la Statistique au Niger, 2015, p. 11.
4 Jean SALMON, Dictionnaire de
droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 899. Une autre
définition y voit la protection comme « une prise en charge de
la défense d'une personne », Cf. Gérard
CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF,
10ème éd, 2015, p. 822.
2
violation d'un principe ou d'une règle relative aux
droits de l'homme et édicté en faveur d'une personne ou d'un
groupe de personnes, la possibilité pour tout intéressé de
soumettre une réclamation et éventuellement de provoquer une
mesure tendant à faire cesser la ou les violations ou à assurer
aux victimes une réparation jugée équitable
»5. Ainsi entendue, la protection est assortie d'une
double exigence qui, selon le Professeur Paul-Gérard POUGOUE, «
(.....) suppose en amont que la législation trouve son inspiration
dans le discours sur les droits de l'Homme -ce qui est une garantie
éthique ; et en aval que la mise en oeuvre de cette garantie soit
efficace-ce qui est une garantie pratique »6. Aussi, elle
est un objectif qui exige le respect intégral et dans des conditions
d'égalité des droits de tous les individus, sans discrimination,
comme le prévoit le droit interne qu'international. En outre, la
protection ne se limite pas à la survie et à la
sécurité physique, mais couvre un éventail complet de
droits7. De plus, la protection peut être envisagée
sous l'angle d'une activité. Dans ce cas, des mesures seront prises pour
que les personnes puissent jouir de leurs droits. A ce niveau, trois types
d'activités de protection peuvent être menés
simultanément8.
Ensuite, au sens générique, le mot juridique est
ce qui «a trait au droit, ensemble des moyens spécifiques qui
président à l'agencement, et à la réalisation du
Droit ; compartiment des instruments de précision de la pensée
juridique dans la science fondamentale du Droit »9. Quant
à la personne, elle désigne, l' « Être qui jouit
de la personnalité juridique. Personne dont la substance est
assurée spontanément ou en vertu d'une obligation, par une autre.
Être humain tel qu'il est considéré par le Droit
»10.
5 Kéba MBAYE, Les droits
de l'homme en Afrique, Paris, Pédon, 1ére
édition, 1992, P.76.
6 Paul-Gérard POUGOUE,
« la problématique des droits de l'homme », in presse
et droit de l'Homme en Afrique Centrale, Cahiers Africains des DH n°5,
octobre 2000, p.198.
7 Selon la ligne directrice sur la protection
COOPI, l'interrelation des différents aspects de la protection,
adoptée en 2016, p. 6.
8 Il s'agit de l'action réactive pour
prévenir ou arrêter les violations des droits, de l'action
corrective pour assurer un recours face aux violations, y compris
l'accès par la justice et à des réparations et de l'action
constructive pour promouvoir le respect des droits et l'État de
droit.
9 Gérard CORNU (dir.),
Vocabulaire juridique, op cit., p.589.
10 Ibid., p. 759.
3
4
5
Enfin, dans la littérature française, le terme
de « vulnérabilité » apparait en 1836 sous la plume
d'Honoré de Balzac11. Elle est définie par le
Littré comme « le caractère de ce qui est
vulnérable ». Il faut donc se référer à
la définition de l'adjectif vulnérable pour approcher la
compréhension de ce terme. Celui-ci vient de l'adjectif latin
Vulnerabilis (issu du verbe latin vulnerarae : blesser, et de
vulnus : plaie, blessure), adjectif polysémique qui signifie
d'une part, « qui peut être blessé », mais aussi «
qui blesse »12. La langue française a
précisé le caractère passif ou actif de la blessure, en
distinguant l'adjectif « vulnérant » de «
vulnérable ». Au sens commun, la vulnérabilité
désigne la prédisposition à la blessure. La personne
vulnérable renvoie, ainsi, à un individu « exposé
à des blessures, aux coups, et par extension à la douleur
physique, à la maladie »13, mais aussi au sens
figuré, à une souffrance morale. Qu'en est-il d'une personne
très sensible qui donne prise aux attaques morales, aux agressions
extérieures et qui les ressent douloureusement ? »14. En
matière juridique, la vulnérabilité est « la
situation d'une personne en état de faiblesse, en raison de son
âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience
physique ou psychique ou encore d'un état de grossesse
»15. Alors que faut-il retenir de la personne
vulnérable ?
Qualifiée de concept « vague », «
complexe » ou « ambigu »16, la
vulnérabilité n'est généralement pas définie
par les acteurs qui l'emploient. Les termes « vulnérabilité
de la personne » et « personne vulnérable » sont
notamment utilisés de matière équivalente. Si ces deux
éléments sont intimement liés, ils se distinguent par leur
nature. « Vulnérabilité de la personne » et «
personne vulnérable » renvoient à la même
réalité. C'est l'angle de vue qui diffère : d'une part, on
s'intéresse essentiellement à l'état de la personne,
à sa condition d' « être de besoin » et d'autre
11 Marion BLONDEL, La personne
vulnérable en droit international, Thèse de doctorat,
Université de Bordeaux, 2015, p. 21.
12Idem.
13 Marion BLONDEL, La personne
vulnérable en droit international, op.cit., p. 23.
14 Ibid., p. 22.
15 Gérard CORNU,
Vocabulaire juridique, op. cit., p. 1086. Voir également en ce
sens la loi n°2018-22 du 27 avril 2018 portant protection sociale au Niger
qui avait donné de la vulnérabilité la définition
suivante : « La vulnérabilité est un risque lié
au manque de protection légale, risque que les individus encourent de
tomber dans la pauvreté, de faire face à
l'insécurité alimentaire, ou de devenir gravement malade »,
p. 14.
16 L. PERSONI, A.
TIMMI, « Vulnerable groups :The promise of an emerging concept in
European Human Rigths Convention law, International journal of constutional
law, vol.11, n°4, Oxfort University Press and New York University
School of law, 2003, p. 1058. Cité par Marion BLONDEL,
La personne vulnérable en droit international, op.cit., p.
20.
part, on considère la personne dans sa situation
particulière, qui prend en droit, la forme d'une catégorie. Les
deux éléments sont intimement liés et doivent être
pensés ensemble. Cependant, cette distinction sémantique
revêt une importance dans la matière juridique, dans la mesure
où l'on cherche à faire de la vulnérabilité un
instrument opérationnel. Il semble que la «
vulnérabilité de la personne » puisse être
considérée comme un concept, là où la «
personne vulnérable » renvoie à une notion17.
La notion de la vulnérabilité appliquée
à l'animal va de soi, car ici, il est considéré pour ce
qu'il est en fait un être vivant, et non pour ce qu'il est en droit.
« L'animal n'est « être» que sous l'angle de la
sensibilité »18. Mais, si le terme blessure est pris
dans son sens moral, la vulnérabilité ne concerne, parmi ces
êtres vivants, que les hommes et exclut les animaux19.
Même si le droit semble s'intéresser à la personne morale
sous l'angle de la vulnérabilité, cette entité est exclue
de cette étude. La situation des personnes vulnérables est
étudiée aussi en droit public qu'en droit privé. Ce sont
les mêmes personnes, rien ne les distingue si ce n'est le droit auquel
elles sont soumises. Leur vulnérabilité est donc identique et
pourrait être prise en compte par ces deux droits comme elle l'est par le
droit supranational qui tend irrémédiablement à une
unification des droits de la personne en droit public et en droit privé,
à travers notamment la promotion des droits de l'Homme. Cette
vulnérabilité peut être perçue sous l'angle du droit
de la famille. Ainsi la vulnérabilité qui fera l'objet de ce
travail est celle de certaines personnes physiques qui forment un groupe
cohérent20. L'orientation de cet exercice procèdera de
la problématique qui sera dégagée.
« La vulnérabilité a envahi le paysage
contemporain »21. Elle renvoie de façon fulgurante
à la perception du risque et ne relève pas nécessairement
d'une réalité tangible. Au-delà de la plastification du
concept qui véhicule des représentations
17 Marion BLONDEL, La personne
vulnérable en droit international, op. cit., p. 24.
18 Lydie DUTHEIL WARONLIN, La
notion de vulnérabilité de la personne physique en droit
privé, Thèse, Université de Limoges, 2004, p. 7.
19 Idem.
20 Jl s'agit précisément de l'enfant
mineur, les jeunes filles, les femmes, les personnes en situation de handicap,
les personnes âgées, les personnes déplacées
à l'interne, les victimes de la traite des êtres humains, les
migrants, apatrides et refugiés.
21 Marion BLONDEL, La personne
vulnérable en droit international, op.cit., p. 19.
unificatrices tout en considérant des situations
très différentes, sa référence s'inscrit dans un
contexte particulier. Ainsi, la vulnérabilité reflète les
préoccupations contemporaines dans un monde en crise22. Si la
vulnérabilité est consubstantielle à l'ordre social, elle
fait l'objet d'une mise en lumière éclatante depuis le dernier
siècle23. La vulnérabilité de la personne est
souvent examinée par le juge a posteriori de la
réalisation de risque, c'est-à-dire au moment où la
personne devient victime. Ce qui n'exclut pas qu'elle soit vulnérable
à d'autres risques, et éventuellement nés de la
réalisation du premier. Cette considération de la
vulnérabilité de la personne a posteriori de la
réalisation du risque ne supprime pas le caractère
préventif de la protection recherchée par la notion puisse
qu'elle sert notamment la dissuasion de l'atteinte. Par exemple, dans le
domaine des droits de l'Homme, constater la vulnérabilité de
l'individu permet au juge de mettre à la charge de l'État une
obligation positive visant à protéger pour l'avenir des personnes
présentant la même vulnérabilité et donc
empêcher qu'elle devienne victime24. Dans la matière
juridique, la menace est, quant à elle, constituée par la
violation d'un droit. Elle se confond dans le langage courant avec la notion de
risque, lequel désigne « aussi bien l'éventualité
d'un évènement, dommage dont la survenance est incertaine en
général que l'évènement spécifié dont
la survenance est envisagée». On peut distinguer le risque de
l'atteinte, dont elle est la conséquence. A cet égard, la
vulnérabilité a une fonction particulière dans la mesure
où sa considération participe à la qualification juridique
d'une atteinte. Ainsi, en droit pénal, la protection consiste à
constater la vulnérabilité de la victime et à prononcer
une circonstance aggravante25.
Au plan international, la protection s'observe à
travers la ratification des textes à caractère contraignant par
certains États. Cela démontre leur préoccupation et leur
engagement à améliorer le quotidien des personnes
vulnérables. En ce sens, ils sont tenus de mettre en oeuvre
concrètement les conventions. En effet, il s'agit de mettre les
législations nationales en conformité avec les textes du droit
international, mais
22 Il s'agit de crise économique, identitaire
climatique etc.
23 C'est le cas de la libéralisation des
échanges, la multiplication des risques renouvelés et de grandes
ampleurs, catastrophe technologique, écologique, économique,
terrorisme diffusent massivement l'idée corollaire nécessaire de
la vulnérabilité.
24 Marion BLONDEL, La personne
vulnérable en droit international, op.cit., p. 28.
25 Idem.
6
surtout d'aménager des mécanismes d'application
efficace pour assurer la protection des personnes vulnérables.
Au plan régional, l'Organisation de l'Union Africaine,
actuelle Union Africaine a adopté plusieurs instruments26, et
particulièrement, la Commission africaine a adopté une
résolution sur le droit à un procès équitable et
l'assistance judiciaire en 1999 puis en 2001, les Directives et principes sur
le droit à un procès équitable et à l'assistance
judiciaire en Afrique. A ces textes de la Commission, il convient d'ajouter la
déclaration de Lilongwe intervenue à l'issue de la
Conférence panafricaine sur l'assistance judiciaire dans le
système pénal ; elle appelle les gouvernements «
à adopter des mesures et à allouer des fonds suffisants pour
assurer que les plus pauvres et les plus vulnérables, en particulier les
femmes et les enfants, bénéficient de façon transparente
et efficace d'une assistance judiciaire qui garantisse ainsi leur accès
à la justice »27.
Au plan national, l'État nigérien soucieux de
répondre aux exigences internationales et d'assurer aux personnes
vulnérables une protection satisfaisante, est partie à la plupart
des conventions régionales et internationales des droits de
l'homme28. Bien que la constitution du 25 novembre 2010 et certains
textes
26 En ce sens, Cf. La Charte africaine des droits
de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 ; la Charte africaine
des droits de l'homme et du bien-être de l'enfant, adoptée en
juillet 1990 ; la convention de l'OUA régissant les aspects propres aux
problèmes des refugiés en Afrique, adoptée en septembre
1969.
27 Éric
MONTCHO-AGBASSA, « L'assistance juridique aux
mineurs délinquants dans les pays de l'Afrique francophone : L'exemple
du Bénin », in Stephanie LAGOUTTE
et Nina SVANEBERG (éd), Les droits
fondamentaux de la femme et de l'enfant. Réflexions africaine,
Paris, Khartala, 2011, p.366.
28 La convention sur l'élimination de toutes
les formes de discrimination raciale, adoptée le 21 décembre
1965, ratifiée par le Niger le 27 avril 1967 ; le pacte international
sur les droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966,
le Niger a adhéré le 7 mars 1986 ; le pacte international sur les
droits économique sociaux et culturels, adopté le 16
décembre 1966, le Niger a adhéré le 7 mars 1986 ; la
convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains
ou dégradants, adoptée le 20 décembre 1984, le Niger l'a
ratifié le 5 octobre 1989 ; la convention sur les droits de l'enfant,
adoptée en novembre 1989, le Niger l'a ratifié le 30 septembre ;
la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979,
le Niger a adhéré Le 8 octobre 1989 ; la convention sur la
protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur
famille, adoptée en décembre 1990, le Niger l'a ratifié le
18 mars 19 mars 2009 ; la convention sur la protection des droits des personnes
handicapées, le Niger l'a ratifié le 3 juin 2008 ; la convention
pour la répression de la traite des êtres humains et de
l'exploitation de la prostitution d' autrui, adoptée en décembre
1949, elle a été ratifiée par le Niger le 10 juin 1977 ;
la convention relative à l'esclavage, adoptée à
Genève en septembre 1926 ; succession du Niger le 25 aout 1961 ; la
convention supplémentaire relative à l'absolution de l'esclavage,
de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogue à
l'esclavage, adopté en avril 1956, elle a été
ratifiée le 22 juillet 1963 ; la convention sur les droits politiques de
la femme, adoptée en mars 1953, successions du Niger le 7
décembre 1964 ; la convention n°29 de l'OIT sur le travail
forcé, adoptée le 28juin 1930, elle a été
ratifié le 27 février 1961 ; la convention n ° 105 de
7
législatifs29 réaffirment le principe
d'égalité de tous les citoyens en droit et en
devoir30, de nombreuses discriminations existent
encore31, des violations permanentes des règles juridiques
supposées protéger ces personnes vulnérables. Ainsi, tous
les malaises évoqués s'articulent autour d'une question
fondamentale qui est celle de savoir : les personnes vulnérables
bénéficient-elles d'une protection suffisante au Niger
?
Le choix de ce sujet n'est pas anodin, car il présente
un intérêt à la fois théorique et pratique.
Théoriquement cette étude essaiera de contribuer
à la réflexion juridique quant à la protection des sujets
vulnérables, car les théories de la vulnérabilité
ont ce mérite de replacer la personne concrète au centre des
débats. Elles exigent une approche particulière du consentement,
une approche qui tienne compte de toutes les dimensions et causes de la
vulnérabilité, mais elles permettent de mettre l'accent sur les
obligations de protection32. Issue des réflexions
sociologiques renouvelant le débat sur la précarité, la
fragilité et l'exclusion dans les années 1990, employée
dans les institutions économiques internationales et s'affirmant dans le
domaine du développement humain, « l'essor de la métaphore
de la vulnérabilité a été fulgurant
»33, la vulnérabilité infiltre progressivement la
médecine, l'économie, et
l'OIT sous l'abolition du travail forcé, adoptée
en 1957 et ratifié le 23 mars 1962 ; la déclaration sur les
droits de l'homme des personnes qui ne possèdent pas la
nationalité du pays dans lequel elles vivent, adoptée en
décembre 1985, elle a été ratifiée le 27 janvier
2009; la convention concernant la lutte contre la discrimination dans le
domaine de l'enseignement, adoptée le 14 décembre 1960, le Niger
a adhéré le 16 juillet 1968 ; la convention de 1954 relative au
statut des apatrides, ratifié le 7 novembre 2014. Selon la Coordination
du Système des Nations Unies au Niger « Rapport de l'Equipe du
Système des Nations Unies au Niger pour le second cycle de l'Examen
Périodique Universel », juin 2017, p. 5-6
29 La loi n°61-27 du 15 juillet 1961, portant
institution du code pénal, journal Officiel n°7 du 15 novembre
1961, avec la refonte reforme de toutes les modifications intervenues
ultérieurement jusqu'en janvier 2018 ; la loi n°61-33 du 14 aout
1961 portant institution du code de procédure pénale, Journal
Officiel n°10 du 28 décembre 1961, avec la refonte reforme de toute
les modification intervenue ultérieurement jusqu'en janvier 2018 ; la
loi n°2018-37 du 18 juin 2018 fixant l'organisation et la
compétence des juridictions en République du Niger.
30 Selon la Coordination du Système des
Nations Unies au Niger « Rapport de l'Equipe du Système des Nations
Unies au Niger pour le second cycle de l'Examen Périodique Universel
», op. cit., p. 6.
31 Boubacar HASSANE, (dir), Projet
de recherche sur la rupture du lien matrimonial en Afrique de l'Ouest, Institut
Danois des droits de l'Homme, Etude sur le Niger, p. 30.
32 https : www.unamur.be/ , consulté le
15/04/2019 à 10H.
33 Marion BLONDEL, La personne
vulnérable en droit international, op.cit., p. 15.
8
l'écologie, ou encore de nos jours, la politique
internationale34. La recherche scientifique relative à la
vulnérabilité est si soudaine et si foisonnante qu'on pourrait y
voir un effet de mode intellectuel. A cet effet, dans cette dernière
branche, lorsqu'une personne est vulnérable, plusieurs garanties lui
sont offertes. Elles sont ainsi consacrées respectivement par le droit
positif. Dans ce cas, l'on peut citer le code de l'enfant en République
du Bénin35, et le code des personnes et de la
famille36, du même État. Le juge international a
aujourd'hui également largement recours à la
vulnérabilité de la personne afin de construire une protection
adaptée aux besoins particuliers de la personne37. Ainsi,
devant le juge européen des droits de l'Homme, on dénombre entre
octobre 1981, date de sa première utilisation, et décembre 2012,
326 arrêts mentionnent le vocabulaire de la
vulnérabilité38. Ainsi cette étude ne vise pas
qu'un intérêt théorique, elle revêt aussi un
intérêt pratique.
Pratiquement, cette étude menée sur la
protection juridique des personnes vulnérables au Niger est
intéressante à l'égard des justiciables, les organisations
non gouvernementales intervenant dans le domaine des droits de l'homme. Cette
étude est un outil pour les défenseurs des droits de l'Homme afin
de fortifier leur connaissance pour mieux protéger les personnes
confrontées à cette vulnérabilité, car la
protection des droits fondamentaux des personnes vulnérables n'est pas
seulement un droit à l'égard des États, elle est surtout
un droit dont dispose les personnes vulnérables à l'égard
de la société tout entière.
L'étude des méthodes et techniques de la
recherche scientifique s'insère dans la discipline scientifique qu'est
le droit. En effet, la démarche méthodologique constitue un
cheminement. Elle est conçue comme un enchainement raisonné de
moyen de vue d'une fin, plus précisément comme la voie à
suivre pour parvenir à un résultat39. Dans le cadre de
cette étude, il sera adopté la méthode analytique. La
méthode analytique consiste à apporter des éclairages sur
la protection juridique des personnes vulnérables
34 Idem.
35 Loi n°2015-08 du 8 décembre 2015,
portant Code de l'enfant en République du Bénin.
36 Loi n° 2002- 07 portant Code des personnes et
de la famille en République du Bénin.
37 Marion BLONDEL, op.cit.,
p. 17.
38 Idem.
39 Jean Louis BERGEL,
Méthodologie juridique, Paris, PUF, 2001, P. 17.
9
au Niger. Ce qui justifie le choix de cette méthode
d'analyse40. Cette démarche permettra d'aborder le sujet
suivant des analyses scientifiques. La protection dont il est question est
affirmée, mais perfectible dans sa mise en oeuvre. Ce qui conduit
à examiner d'une part, une protection affirmée
(Première partie) même si l'on observe d'autre
part, que cette protection est perfectible (Seconde
partie).
40 Selon le Pr Noël GBAGUIDI
l'analyse est « la décomposition d'un tout en ces
divers éléments afin de le comprendre, de l'expliquer et de se
faire une opinion », Noël GBAGUIDI, Cours
de méthodologie scientifique de la recherche scientifique, Chaire
UNESCO des Droits de la Personne et de la Démocratie, Université
d'Abomey-Calavi, 2016-2017, p. 16.
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