Chapitre 2 : Un cadre institutionnel adapté
La responsabilité de la fourniture des services
relatifs à l'approvisionnement en eau a été confiée
à différentes entités dans les zones urbaines et rurales
du Bénin. La Société Nationale des Eaux du Bénin
(SONEB) est responsable de la zone périurbaine et urbaine de plus de 20
000 personnes. Selon les statistiques de sa Direction Générale,
elle est présente dans 69 communes sur les 77 avec 200 000 branchements
domestiques.
Quant aux milieux ruraux de moins de 20 000 personnes, la
Stratégie Nationale d'Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural
(SNAEPMR) prévoit un système d'adduction d'eau pour une
agglomération de 2 000 personnes. Une Borne Fontaine dessert 500
personnes. Un Poste d'Eau Autonome (PEA) est dimensionné pour couvrir 1
000 usagers. Le Forage équipé de Pompe à Motricité
humaine (FPM) dessert un petit village ou localité de 250 habitants.
Le bras technique du Ministère en charge de l'Eau est
la Direction Générale de l'Eau (DGEau). Elle propose la Politique
Nationale de l'Eau (PNE), le Plan d'Action Nationale de la Gestion
Intégrée des Ressources en Eau (PANGIRE), accompagne la mise en
place des comités de bassin et assure le suivi du secteur de l'eau. La
DGEau accompagne les collectivités locales à travers ses
structures déconcentrées qui sont les Services de l'Eau dans les
départements. Le secteur de l'eau étant multi-acteurs, d'autres
structures compétentes en la matière l'accompagnent. Le secteur
de la santé, le secteur de la décentralisation et de la
gouvernance locale, le secteur du cadre de vie et du développement
durable, le secteur de l'agriculture, de l'élevage et de la pèche
qui est un grand consommateur des ressources en eau, le secteur de
l'économie et des finances et le secteur du plan et du
développement, chacun en ce qui le concerne contribue et coordonne les
activités pour l'essor du secteur de l'eau, secteur vital pour les
autres secteurs. L'approche adoptée pour la gestion des ressources en
eau est basée sur la gestion participative
Section I : La gestion participative
La gestion participative est un mode de gestion qui consiste
à susciter l'engagement et la prise d'initiative de tous les acteurs, en
les responsabilisant et en les intégrant dans la vie quotidienne de
l'entreprise, et surtout lors de la prise des décisions. Ce mode de
management est essentiellement fondé sur une culture qui prône la
délégation du pouvoir, la communication et le respect mutuel. En
effet, toutes les décisions sont le fruit d'un consensus entre les
différentes parties prenantes. Cette approche qui évite les
tensions et les conflits liés à la ségrégation
50
hiérarchique. Dans la même logique, la gestion
participative des ressources en eau est basée sur l'implication et la
responsabilisation des parties prenantes à la base afin qu'elles se
sentent concernées et participent à la recherche de solutions
idoines aux difficultés de gestion de l'eau69. La gestion
participative conduit à (§) une simplicité certaine dans la
gestion du contrat et le suivi du partenaire. C'est un modèle de gestion
qui se base sur (§) l'intégration de la volonté des
usagers.
§ 1 Une simplicité certaine
La gestion participative a un avantage certain dans la mesure
où elle intègre tous les acteurs concernés. Cette vision
est partagée par Hounmenou70, qui pense que «
l'implication active des populations bénéficiaires dans la
gestion des équipements hydrauliques, constitue actuellement une
sérieuse option, visant à favoriser leur accès durable
à l'eau potable ». Ce principe peut s'appliquer à
diverses étapes : déjà (I) dans la gestion du contrat puis
(II) dans le suivi du partenaire.
A. Dans la gestion du contrat
La bonne gouvernance de la ressource en eau passe au
préalable par le développement et la mise en application d'un
cadre juridique adéquat et propice à la promotion de la
transparence et de la gestion participative. Au Bénin, l'arsenal
juridique disponible se rapportant à la protection et à la
sauvegarde des ressources naturelles y compris des ressources en eau est
important et diversifié. Ces instruments juridiques ont
été régulièrement renforcés par des
dispositions adaptées aux engagements internationaux pris par le pays et
à l'évolution du cadre socio-économique et culturel.
Ainsi, plusieurs lois et décrets ont été adoptés ou
sont en cours d'élaboration ou d'adoption.
Ces différents textes prennent en compte la gestion
participative. La gestion du contrat inclue tous les acteurs jusqu'aux usagers
qui sont représentés par l'Association des Consommateurs d'Eau
Potable (ACEP). Elle a sa place dans le suivi du partenaire.
B. Dans le suivi du partenaire
La personne publique fait le suivi de la prestation du
partenaire privé. Elle se dote des outils nécessaires pour
accomplir à bien la mission. Un système de suivi est
élaboré et mise en place. Conformément à la loi,
les structures déconcentrées de l'Etat, les collectivités
locales et les
69 COCKER F., Accessibilité à l'eau
potable en milieu lacustre au Bénin : Cas de la commune des
Aguégués, Mémoire de Master, Cotonou, Institut
International de Management, 2010, p. 12.
70 HOUNMENOU B. G., « Gouvernance de l'eau
potable et dynamiques locales en zone rurale au Bénin », op.
cit., p. 8.
51
représentants des usagers c'est-à-dire les ACEP
sont associées pour un suivi concerté et participatif du
partenaire.
Les structures déconcentrées de l'Etat sont
chargées d'assurer l'assistance-conseils nécessaire aux communes.
Elles continuent le suivi de la disponibilité de la ressource en eau
souterraine pour éviter que le service de l'eau ne soit interrompu par
défaut de la ressource. Les services de l'eau recentrent leurs
activités sur les fonctions de transfert de connaissances et de suivi.
Ils veillent à l'application de la législation, au respect des
normes de conception, de réalisation et d'exploitation des ouvrages. Ils
peuvent à la demande des communes leur apporter un appui conseil pour la
mise en oeuvre de leur programme d'alimentation en eau. Les Services de l'Eau
ainsi que le prévoit la loi de décentralisation, peuvent fournir
aux communes des prestations de maîtrise d'ouvrage
déléguée.
Les communes, en tant que structures administratives
territoriales déconcentrées, sont dotées de la
personnalité juridique et de l'autonomie financière et sont
administrées par un conseil communal dont les membres sont élus.
A partir de ce moment et selon les termes de la loi, elles acquièrent
toutes les compétences pour exercer pleinement la maîtrise
d'ouvrage dans le domaine de la fourniture et de la distribution de l'eau
potable sur leur territoire. Elles exercent cette compétence dans le
respect de la stratégie sectorielle, des réglementations et des
normes nationales en vigueur.
L'ACEP a essentiellement pour objet de regrouper les
consommateurs d'eau potable, d'assurer la défense de leurs
intérêts individuels et collectifs et la promotion de leurs droits
matériels et moraux dans tous les domaines de la gestion du service
public de l'eau. De façon plus spécifique, l'association a pour
objet d'assurer la représentation des usagers du service public de l'eau
de la commune auprès de l'administration communale et de ses
représentants, de défendre les intérêts des
consommateurs d'eau contre tout abus de la commune et toute dégradation
de la qualité des prestations du service public de l'eau fournies par
les gestionnaires des AEV, la SONEB ou tout autre distributeur, d'assurer la
veille citoyenne sur tout manquement lié la fourniture du service public
de l'eau et formuler en cas de besoin à l'autorité communale, des
propositions d'amélioration dudit service, de participer aux instances
paritaires de coordination, de concertation et de suivi relatives à la
fourniture du service public de l'eau au niveau communal et enfin de faciliter
la gestion des plaintes des usagers.
Puisque la gestion de l'eau vise à soulager les
usagers, il est souhaitable de tenir compte de leurs besoins dans l'esprit de
la gestion concertée.
52
§ 2 La prise en compte des usagers
Dans la gestion des infrastructures communautaires, les
usagers se retrouvent à un niveau (I) dans la sélection et (II)
dans l'exécution.
A. Dans la sélection
Déjà à l'étape de
sélection, les usagers sont pris en compte. Avant la
décentralisation, la gestion était communautaire. L'équipe
de gestion de l'AEV est mise en place de façon participative pour un
mandat périodique après une assemblée
générale où tous les usagers de l'eau sont invités.
En effet, les infrastructures d'approvisionnement en eau sont collectivement
gérées en zone rurale béninoise par les populations
bénéficiaires organisées en Association des Usagers de
l'Eau (AUE). Cette association volontaire regroupe l'ensemble des villageois
usagers de l'eau, résidant sur le territoire (un ou plusieurs villages),
desservi par un système d'adduction d'eau. Le processus est
supervisé par le Service de l'Eau du département concerné
qui veille à la participation de tous.
Après la décentralisation, la gestion est
passée de communautaire à communale. Selon la loi n° 97-029
du 15 janvier 1999, portant organisation des communes en République du
Bénin, les communes sont responsables des infrastructures publiques de
leur territoire de compétence. Mais la loi ne les autorise pas à
gérer directement les ouvrages. Elles font donc « du faire faire
». Ici également, à part quelques ratés, la gestion
solitaire est proscrite et le processus est conduit pour permettre aux usagers
ayant l'aptitude et remplissant les conditions de participer à la
sélection. Ainsi il y a eu des AUE qui se sont converties en structures
d'affermage, des entreprises locales qui participent et gagnent les appels
d'offres pour la mise en gestion déléguée des AEV.
Aujourd'hui, la sélection du partenaire privé
est également participative. Suite à la convention entre l'Etat
et les communes, c'est l'Etat qui conduit le processus à travers
l'Agence Nationale d'Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural
(ANAEPMR). L'appel d'offre est international et copie est envoyée aux
communes couvertes par le système d'AEV à mettre en gestion
professionnelle. Elles sont aussi autorisées à participer
à l'ouverture des plis.
B. Dans l'exécution
La participation s'observe de même dans
l'exécution de la gestion. Le Bénin a adopté en 1992 une
stratégie nationale d'alimentation en eau potable71. Cette
stratégie vise à impliquer les populations du monde rural dans
tout le processus d'appropriation de l'alimentation en eau
71 DIRECTION DE
L'HYDRAULIQUE, Stratégie nationale de l'alimentation en eau
potable, 1992, p. 19
53
potable. Les principes fondamentaux de cette stratégie
sont en particulier, la décentralisation du processus de prise de
décision, ainsi que la participation des communautés à
l'investissement et à la gestion des points d'eau.
La gestion communautaire est déjà par nature
participative. Le mode de gestion est classique. Après réception
des ouvrages, l'AUE fait une convention de cession et d'exploitation avec
l'Etat, maître d'ouvrage représenté par la Direction
Générale de l'Hydraulique en ce moment à travers le
Service Départemental de l'Hydraulique. Par cette convention, l'AUE
organise la gestion de l'ouvrage qui reste la propriété de
l'Etat. Chaque adduction d'eau villageoise a son Association des Usagers de
l'Eau (AUE) qui regroupe l'ensemble des villageois usagers du système
d'eau potable. Ils mettent en place un Comité Directeur par
élection qui compte un président, un secrétaire, un
trésorier, un représentant de l'Association de
Développement du milieu et une représentante des femmes.
Déjà cette configuration est le socle de la gestion
participative. Le comité de gestion signe un contrat avec un exploitant
qui est chargé de la production, de la distribution et de l'appui
à la collecte des recettes. Des contrats de vente de l'eau au niveau des
Bornes Fontaines sont signés avec des fontainiers qui sont payés
au prorata de la quantité vendue. L'AUE fait un contrat de maintenance
avec une structure privée spécialisée dans la maintenance
des AEV qui est agréée par la Direction de l'Hydraulique. La
participation des usagers à l'investissement initial est de 5% selon
l'approche par la demande. Les usagers sont impliqués dans la gestion
des équipements, l'approbation du budget prévisionnel, la
fixation du prix de l'eau, le renouvellement, l'extension des
équipements jusqu'à l'élection des membres de l'AUE.
Dans la stratégie 2005-2015, approche par la demande
est remplacée par la programmation communale. Les communautés
à la base depuis le niveau hameaux, localités, villages jusqu'aux
arrondissements remontent leur besoin à la commune à l'aide de
l'outil de Programmation Communale Eau (PCEau) avec l'assistance-conseils du
Service de l'Eau. La commune dans l'ordre de priorité déjà
retenu par chaque acteur, met en place les participations financières au
paravent mobilisées par les usagers eux-mêmes et soumet la
réalisation au financement disponible. L'esprit de gestion participative
se retrouve dans le processus de priorisation décrit conduit par les
communautés. Dans la gestion confiée par la commune à un
fermier, les usagers sont représentés par l'ACEP qui joue le
rôle de veille citoyenne et défend l'intérêt des
consommateurs. Périodiquement, en application de la loi sur la
décentralisation, le maire fait une reddition de compte publique sur
toutes activités de la commune. A cette occasion, le point
54
de la gestion des ouvrages d'approvisionnement en eau est
présenté et les administrés avec le conseil communal sont
invités à se prononcer.
La gestion des infrastructures d'AEP est aujourd'hui
confiée à une Agence Nationale qui est placée sous la
tutelle de la Présidence de la République. Les attributions
autrefois déconcentrées sont désormais recentrées.
La gestion confiée à l'Unité d'Exécution qui rend
compte au Conseil d'Administration (CA) de l'agence. Le fonctionnement de
l'agence est contenu dans le décret n° 2017 -039 du 25 janvier 2017
constatant approbation de la création de l'Agence Nationale
d'Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural. L'agence travaille en
symbiose avec les communes et s'appuie sur l'expertise des Structures
Déconcentrées de l'Etat en charge du secteur de l'Eau pour
réussir sa mission. Dans tous les cas, la gestion participative se
retrouve dans un aspect ou dans l'autre.
Le cadre institutionnel est généralement
adapté, la lourdeur administrative rend parfois inefficace les prises de
décision.
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