Paragraphe 1 : Le non-respect des textes par les
Etats
Le Traité de l'UEMOA a repris in extenso les
expressions utilisées par les textes fondamentaux des Etats membres. Ce
repère normatif est une source de motivation pour les Etats afin qu'ils
puissent mettre en exécution les textes édités par les
organes de l'Union. Mais force est de constater que les normes sont de moins en
moins appliquées par les Etats. Quelle peut être la cause d'une
telle méfiance des Etats membres à l'égard des normes
alors que le Traité prévoit des sanctions à un tel
manquement ? Il faut reconnaître que la manière dont les organes
communautaires utilisent leurs pouvoirs contribue aussi à diversifier la
nature du rôle des Etats membres233. Par conséquent, en
premier lieu, il est important de situer les responsabilités des
organes, surtout celle de la Commission (A). En
second lieu, il n'est pas moins pertinent de remarquer que la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement est confinée dans une inertie
préjudiciable à l'efficacité de l'Union
(B).
233 RIDEAU (Joël), « le rôle des Etats membres
dans l'application du droit communautaire », Annuaire français
de droit international, vol. 18, 1972, p. 873.
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L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
A- La responsabilité de la Commission
De nombreuses études ont été
consacrées à la question de l'intégration régionale
en Afrique et plus précisément à l'évaluation des
progrès réalisés234. Les résultats n'ont
pas été élogieux. Le plus souvent, les Etats membres
facilitent vaguement la tâche aux organes et l'appréhension de la
nature du rôle des Etats dans l'application du droit communautaire est
malaisée car la diversité des situations juridiques exclut la
possibilité d'une unité235. Mais l'arsenal juridique
dont dispose l'UEMOA est plus ou moins fourni pour permettre à la
Commission d'activer ce progrès et surtout le processus d'harmonisation
dans les domaines de la formation et de l'emploi. La compétence de la
Commission à coordonner les activités pour des résultats
tangibles au profit des populations et d'amener par tous les moyens les Etats
à respecter leurs engagements est de son entière
responsabilité.
Le Traité modifié de l'UEMOA accorde à la
Commission une place prépondérante parmi ses organes de
direction. Elle est l'organe d'exécution de l'Organisation. Elle est
constituée d'un collège de Commissaires ressortissants des Etats
membres nommés par la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement qui assument les fonctions à lui confiées par le
Conseil des Ministres236. Elle exerce dans l'intérêt
général de l'Union les pouvoirs propres que lui confèrent
les textes en vue du bon fonctionnement globale de la
Communauté237 et surtout dans le domaine social en
l'occurrence les secteurs de la formation et de l'emploi.
En qualité d'organe exécutif, la Commission a
une grande responsabilité énorme dans le suivi et la mise en
oeuvre des politiques sectorielles de l'Union. Pour mieux accomplir leur
mission, les membres de la Commission exercent leurs fonctions en toute
indépendance. En effet, ils ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions
de la part d'aucun gouvernement ni d'aucun organisme car les Etats membres sont
tenus de respecter leur
234 GBAGUIDI (Ochozias A), « Cinquante ans
d'intégration régionale en Afrique : Un bilan global »,
Techniques financières et développement, 2013,
2N°111, p. 48.
235 RIDEAU (Joël), op. cit., p. 866.
236 SAWADOGO (Fatoumata), De la CEAO à l'UEMOA, Ou
la genèse d'une intégration sous-régionale
réussie, Paris, L'Harmattan, 2015, p. 66.
237 Cf. Art. 26 du Traité modifié.
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L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
indépendance238. La substance qui se
dégage de ce constat de Fatoumata SAWADOGO est que la Commission a les
coudés franches de rappeler aux Etats de l'Union sans parti pris, leurs
manquements qui pourraient bloquer le fonctionnement de l'Organisation. A
partir du moment où la Commission est libre de poser des actes audacieux
dans l'intérêt de l'Union, elle est donc à l'abri de toutes
ingérences politiques qui fragiliseraient ses décisions. De
facto, le non-respect des textes, que ce soit le traité
lui-même ou que ce soit les autres prescriptions239
éditées par les organes de l'Union, est imputable à la
Commission. Les lenteurs dans l'harmonisation de certaines normes et les
errements dans l'unification de pratiques observées au niveau des Etats
doivent être relevés et signalés aux organes de
contrôle juridictionnel240. Entre autres pouvoirs
conférés à la Commission, en vertu du protocole
additionnel II, celle-ci assure la mise en oeuvre des politiques sectorielles
communes aux Etats241.
La Commission joue essentiellement un rôle de
coordination, d'animation et de proposition. Cette mission qui lui est reconnue
lui permet de disposer également d'un pouvoir de sanction242.
Il s'en suit qu'elle doit donc impulser aux Etats membres la force et
l'énergie nécessaires en vue de créer aux citoyens un
environnement favorable afin d'avoir une formation de qualité à
la hauteur des besoins du marché du travail. En outre, elle doit
créer un cadre de travail stimulant qui valorise l'expertise et la
compétence des ressources humaines243.
L'accès à l'emploi par les citoyens de la
sous-région ne devrait pas poser de problèmes si nous
considérons la richesse de l'espace en matières
premières244. Mais, les faiblesses de l'Union
constatées et énumérées par la
238 SAWADOGO (Fatoumata), op. cit., p. 66.
239 L'article 48 du Traité révisé
énumère les textes au sein de l'Union : les règlements
ont une portée générale, ils sont obligatoires dans
leurs éléments et sont directement applicables dans tout Etat
membre ; les directives lient tout Etat membre quant aux
résultats à atteindre ; les décisions sont
obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires
qu'elles désignent ; les recommandations et les avis n'ont pas
force exécutoire.
240 Les organes de contrôles de l'UEMOA sont la Cour de
Justice et la Cour des Comptes. Cf. Art. 38 du Traité
modifié et le protocole additionnel n° I relatif aux organes de
contrôle de l'UEMOA.
241 UEMOA, « Plan Stratégique de la commission de
l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine 20112020», op.
cit., p. 5.
242 L'UEMOA en 2020, op. cit., p. 15.
243 UEMOA, « Plan Stratégique de la commission de
l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine 20112020»,
ibidem., p. 17.
244 L'UEMOA est une zone riche en pétrole, minerais et en
produits agricoles. Cf. ibidem, p. 4.
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L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
Commission elle-même exposent l'Organisation à
des aléas. En effet, la faible capacité de l'institution à
appliquer les réformes communautaires dans les Etats, le manque de
coordination dans le suivi sont autant de rôles que la Commission
n'arrive pas à bien assumer en tant que structure de
veille245. Son inaptitude à faire face aux
responsabilités que lui confèrent les textes influence largement
les décisions de la Conférence des Chefs d'Etat de l'UEMOA. Car,
on constate que cette dernière se complaise malgré elle, dans une
inertie qui l'empêche d'acter la dynamisation des sous-secteurs de la
formation et de l'emploi. Nous n'avons pas forcément tous les
éléments pour apprécier si la Commission accomplit
à juste valeur sa mission ou non, toutefois la remarque est
évidente que les Etats sont nonchalants dans la prise des
décisions audacieuses et l'Union ralentit depuis un quart de
siècle.
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