1. Les accords Schengen : une surveillance
policière généralisée sur les territoires des
vingt-six Etats Schengen applicable aux filières de maintien de faux
documents d'identité
571. Intérêt. Derrière
l'application des accords Schengen réside l'idée d'une
surveillance policière généralisée (a) et une
surveillance policière générale d'urgence applicable au
sein des Etat Schengen sur les trafiquants de faux documents d'identité
participant à une filière de maintien (b).
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a) Une surveillance policière
généralisée sur tous les territoires des Etats Schengen
sur les trafiquants de faux documents d'identité participant à
une filière de maintien
572. Ame de Schengen. « L'Union
européenne a la nécessité de s'organiser contre la
criminalité notamment organisée, sinon par un juge unique, par
une police unique, au sein d'un organisme unificateur des pratiques et
convecteur de renseignements »572. Or, « [l']
âme de Schengen »573 réside dans la
suppression des contrôles aux frontières intérieures et
leur report aux frontières extérieures, et dans «
l'institution d'une coopération policière et d'une entraide
judiciaire internationale en vu de prévenir la délinquance et de
lutter contre la criminalité, l'harmonisation des législations et
réglementations des États Parties dans le même but, ainsi
que l'harmonisation des politiques en matière de migration
internationale »574.
573. CAAS établissant une coopération
policière sécuritaire. C'est la CAAS qui régit la
coopération policière sécuritaire des articles 39 à
47 entre les vingt-six Etats Schengen. Selon l'article 39.1 de la CAAS, les
Etats Schengen se doivent « assistance aux fins de la prévention et
de la recherche de faits punissables », et « lorsque les
autorités de police ne sont pas compétentes pour exécuter
une demande, elles la transmettent aux autorités compétentes
».
574. Application à une filière de
maintien. En l'espèce, les Etats Schengen doivent exercer une
assistance mutuelle pour prévenir et rechercher des infractions commises
au sein d'une filière de maintien experte dans la fraude documentaire
à l'identité, en sachant que si les autorités de police
d'un Etat Schengen A ont connaissance de renseignements sur les trafiquants de
faux documents d'identité se trouvant sur le territoire d'un Etat
Schengen B, elles se doivent de transmettre l'information à l'Etat
Schengen B, puisqu'elles ne peuvent pas intervenir sur le territoire de l'Etat
Schengen A575.
572 VISSOL (Th.), VAN HUFFEL (M.), STETTER (E.), JEANNENEY
(J.-N), MIGNARD (J.-P), « Vers l'unité du droit dans l'espace
européen », RMCUE, 2000, n° 289.
573 GAZIN (F.), « Accords Schengen », préc.,
n° 8.
574 Ibid.
575 Les dispositions de l'article 39 de la CAAS « ne font
pas obstacle aux accords bilatéraux plus complets présents et
futurs entre Parties Contractantes ayant une frontière commune. Les
Parties Contractantes s'informent mutuellement de ces accords », selon
l'article 39.4. Cette disposition sous-entend la création de Centres de
Coopération Policière et Douanière (CCPD) entre deux Etats
transfrontaliers, qui prévoient dans des accords bilatéraux
renforcés la mise en place de dispositifs policiers commun afin de
lutter
575.
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Respect du principe de la souveraineté
nationale des Etats. Effectivement, depuis l'arrêt Lotus
de la Cour Internationale de Justice rendu le 7 septembre 1927, en
matière d'entraide policière internationale, les Etats doivent
respecter en premier lieu la souveraineté de l'autre Etat, c'est
pourquoi les équipes de police de l'Etat Schengen A ne peuvent pas
utiliser la coercition sur le territoire de l'Etat Schengen B, car il est du
ressort de cet Etat de mettre en place les dispositifs policiers pour
interpeller un individu sur son territoire - par exemple dans le cadre d'un
mandat d'arrêt européen.
576. Tempéraments au principe de la
souveraineté nationale dans l'intérêt d'une surveillance
générale sur des trafiquants de faux documents d'identité.
Pourtant, ce principe du respect de la souveraineté nationale
n'empêche pas une surveillance policière formée par des
accords entre tous les Etats Schengen qui exercent une « surveillance
générale » sur les auteurs d'infractions pénales au
sein de l'Espace Schengen : cette idée de surveillance
générale englobe la poursuite transfrontalière sur
n'importe quel Etat Schengen à la suite d'un flagrant délit sur
le fondement de l'article 41 de la CAAS, et l'observation
transfrontalière permettant la filature d'individus sur le fondement de
l'article 40 de la CAAS : droit primordial dans la localisation des trafiquants
de faux documents d'identité mais cantonné au cas de
l'extradition.
577. Droit d'observation transfrontalière du
trafic d'êtres humains intégrant la filature des trafiquants de
faux documents d'identité. En ce sens, l'article 40.7 du CAAS
ne prévoit la mise en place d'un droit d'observation
transfrontalière que pour une liste d'infractions limitée telle
que la « fausse monnaie », ce qui représente un frein dans
l'applicabilité d'une surveillance policière
généralisée en matière de trafics de faux documents
d'identité. Mais la qualification que revêt « le trafic
d'êtres humains »au sein de l'article 40.7 semble plus large, c'est
pourquoi elle pourrait y intégrer la filature de trafiquants de faux
documents d'identité au sein de l'espace Schengen.
contre une infraction déterminée. Cela pourrait
être le cas pour lutter contre l'immigration illégale, et donc
indirectement pour lutter contre la fraude documentaire
transfrontalière.
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b) Une surveillance policière générale
d'urgence sur les trafiquants de faux documents d'identité participant
à une filière de maintien
578. Surveillance inter-policière en cas
d'urgence transfrontalière. En cas d'urgence, l'article 41.1 de
la CAAS dispose que les agents d'un Etat Schengen A qui, dans leur pays,
suivent une personne prise en flagrant délit de commission ou de
participation à une infraction, sont autorisés à continuer
la poursuite sans autorisation préalable sur le territoire d'un autre
Etat Schengen B lorsque les autorités compétentes de ce
même Etat n'ont pu être averties préalablement de leur
entrée sur ce territoire, en raison de l'urgence particulière,
par un des moyens de communication prévus à l'article 44 de la
CAAS, ou que ces autorités n'ont pu se rendre sur place à temps
pour reprendre la poursuite. Ainsi, une disposition de surveillance
inter-policière dans le cadre d'une poursuite transfrontalière
est prévue par la Convention Schengen « en cas d'urgence ».
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