I. Le comportement des trafiquants de faux documents
d'identité : typologie de procédés de falsification des
supports d'identité liée à une vente secrète
109. Prospective sur le comportement infractionnel
des trafiquants. Le comportement infractionnel des trafiquants
réunit la présence de procédés de falsification des
documents d'identité avec la réalisation de la vente
secrète du faux document d'identité. Ce sont des
éléments interdépendants et cumulatifs de l'infraction,
indispensables pour extraire les preuves matérielles se trouvant dans ce
trafic particulier.
41
199 DUPUY (P.-M), « Infraction en droit international public
», préc., n° 10.
42
A) La typologie des procédés de falsification
sur les supports avant la réalisation de la vente secrète
110. Rappels doctrinaux. La doctrine
opère traditionnellement une distinction entre le faux matériel
et le faux intellectuel afin de faciliter la compréhension de
l'infraction de faux200. Au sens strict, le faux matériel
correspond à la modification physique visible et grossière du
document201. C'est en ce sens que cette définition sera
appliquée à la falsification matérielle des documents
d'identité. Au sens strict, le faux intellectuel résulte d'un
défaut de véracité du document202, laissant le
support intact dans son aspect matériel203. Les
falsificateurs introduisent des informations mensongères pour
établir de fausses déclarations, afin notamment d'obtenir un vrai
document.
111. Critique. Or, cette définition
sera complétée par la nécessaire présence d'un
tiers dans la réalisation intellectuelle du faux document
d'identité. Pour plus de clarté et de lisibilité, il
convient de procéder à une typologie des procédés
de falsification matérielle des documents d'identité (1), et une
autre consacrée à la falsification intellectuelle de ces
mêmes documents (2).
1. La typologie des procédés de falsification
matérielle des documents d'identité
112. Une classification simplifiée.
Les procédés de falsification matérielle du
support des documents d'identité sont difficilement classifiables en
doctrine, mais une classification semble s'opérer naturellement
concernant les documents d'identité.
113. Classification théorique. En
théorie, il existe deux catégories de faux matériels : le
faux matériel par altération d'un document authentique et le faux
matériel par l'apparence d'authenticité donnée à un
document204.
200 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit pénal des
affaires, op.cit., 95, p. 97.
201 Ibid., 96, p. 98.
202 AMBROISE-CASTEROT (C.), Droit pénal spécial
et des affaires, op. cit., 433 p. 317.
203 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit pénal des
affaires, op. cit., 97, p. 99.
204 MALABAT (V.), « Faux », Encyclopédie
juridique Dalloz, préc., p. 8.
114.
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Faux matériel par altération d'un
document authentique. Le faux matériel par altération
d'un document authentique consiste à altérer des actes,
écritures ou signatures d'un document authentique205; cette
catégorie de faux matériel englobe l'altération en
supprimant ou en modifiant les écritures inscrites sur le document ou en
ajoutant d'autres écritures sur le document existant. Pour ce type de
faux, le faussaire utilise le grattage ou un produit206 pour ensuite
les substituer par d'autres inscriptions.
115. Faux matériel par l'apparence
d'authenticité donnée à un document. Cela
concerne l'altération du document, et l'apparence de
l'authenticité du document207. Ce deuxième type de
faux matériel peut « naître de la fabrication du document
lui-même, de l'imitation d'une signature, de l'apposition d'une fausse
signature »208. Par exemple, constitue un faux en
écriture publique ou authentique sur le fondement de l'article 4414 du
CP « le fait de signer un extrait des actes de l'état civil d'une
fausse signature imitée de celle d'un fonctionnaire municipal, et d'y
apposer le sceau contrefait d'une mairie »209. Entre aussi dans
cette catégorie, une modification apportée au support
préexistant par l'effet d'un collage, par un agrafage, par un ajout de
lignes de texte ou encore par l'effacement et le remplacement d'une
mention210.
116. La technique de la plastification est aussi à
prendre en compte en matière de faux documents d'identité,
même si la jurisprudence n'a rendu qu'une décision en
matière de faux privé concernant un ticket de bus211.
Les juges de cassation, le 5 décembre 1994, ont considéré
aussi que la fabrication d'un faux document peut naître à partir
de photocopies d'un autre acte212.
117. Classification pratique. En pratique,
une classification de faux matériels en matière de documents
d'identité peut être opérée à partir du
rapport de l'Institut national des hautes études de la
sécurité et de la justice (INHESJ) et de l'Observatoire
205 Ibid., 31, p. 8.
206 Ibid.
207 Ibid., 32, p. 8.
208 Ibid.
209 Cass. Crim., 7 nov.1974: bull. n° 319; RSC
1975.689, Obs. A. Vitu.
210 SEGONDS (M.), « Faux », préc., n°
33.
211 Cass. Crim., 19 déc.1974, bull. n° 378 ;
Gaz. Pal., 1975., 1., 202 ; RSC 1975.690, Obs. A. Vitu.
212 Cass. Crim., 5 déc.1994, N° 94-81262, Gaz.
Pal., 1995., 1., Somm.181.
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national de la délinquance et des réponses
pénales (ONDRP) établi sur la fraude documentaire et à
l'identité en 2015213.
118. Parmi les différents types de fraudes, trois
procédés rentrent dans le faux matériel : la
contrefaçon, la falsification, l'utilisation de documents volés
vierges.
119. Contrefaçon du document
d'identité. La contrefaçon est définie comme une
« production intégrale par imitation d'un document
d'identité »214. En ce sens, elle correspond à la
fabrication entière du document par le faussaire grâce aux
techniques de l'imprimerie et de la plastification par exemple.
120. Falsification du document d'identité.
La falsification correspond à une « modification d'un ou
plusieurs éléments d'un document authentique. La falsification
peut porter sur la date de validité, sur les mentions d'identité
ou encore sur la photographie »215. En pratique, les faussaires
manient des « techniques de grattage du papier, de lavage, de
découpage, de collage, l'astuce de la tâche d'encre pour masquer
quelque chose, l'imitation en écriture »216, qui
correspondent à la falsification du document.
121. Utilisation de documents volés vierges.
Les documents volés vierges sont des « documents
authentiques ayant été dérobés avant leur
personnalisation et qui seront ensuite complétés par le voleur,
le receleur ou le faussaire »217 par de l'inscription de
fausses informations.
122. Cumul d'infractions. La
personnalisation du document dérobé regroupe toutes les
techniques de la falsification, en sachant que ce type de document provient
d'un délit de vol et/ou de recel, cumulant ainsi l'infraction de vol ou
de recel avec celle de l'infraction de faux documents d'identité
puisqu'elles transgressent des valeurs sociales protégés
différentes : d'un côté une atteinte aux biens et de
l'autre une atteinte à la confiance publique.
213 LANGLADE (A.), Rapport annuel 2015 de l'ONDRP,
« La criminalité en France, les éléments de
connaissances sur la fraude documentaire et à l'identité en
France en 2014 », 2014, p. 6.
214 Ibid.
215 Ibid.
216 AMBROISE-CASTEROT (C.), Droit pénal spécial
et des affaires, op.cit., 432, p. 316-317.
217 LANGLADE (A.), Rapport annuel 2015 de l'ONDRP,
« La criminalité en France, les éléments de
connaissances sur la fraude documentaire et à l'identité en
France en 2014 », 2014, p. 6.
123.
45
Utilisation en majorité de la
contrefaçon à partir de divers documents. L'arrêt
rendu par la Chambre criminelle le 5 décembre 1994 concernant la
fabrication d'un faux document à partir de photocopies d'un autre acte
ou d'un autre document prend tout son sens pour comprendre la méthode de
travail des trafiquants faussaires experts en documents d'identité. En
effet, en pratique les faussaires utilisent en majorité la
contrefaçon à partir de « divers documents
»218. Sur 2258 documents contrefaits interceptés par la
police aux frontières françaises en 2015, 1630 ont pu être
réalisés avec des divers documents219, soit l'emploi
de 72,18% de divers documents pour fabriquer un document d'identité.
124. Exemples des différents divers documents
utilisés par les faussaires. Par exemple, la fabrication des
faux documents d'identité peut se réaliser à l'aide de
photocopies de divers documents. Entrent dans la catégorie des divers
documents
« [l'] attestation d'accueil, l'attestation d'assurance,
le certificat d'immatriculation, le certificat médical, le justificatif
de domicile, etc. »220.
125. Eléments relevant de l'identité
civile sur les divers documents. Sur ces documents, il y a la
présence de quelques éléments de l'identité civile
de l'individu, comme le domicile, le sexe, le nom, le prénom, la date de
naissance. Ce sont des éléments qui sont très
intéressants pour les trafiquants faussaires, et ce sont des
éléments récupérables pour la réalisation de
faux documents d'identité comme une CNI, un permis de conduire, ou
encore un passeport.
126. Au-delà de l'existence d'une typologie des
procédés de falsification matérielle des documents
d'identité, il se crée aussi une typologie de falsification
intellectuelle.
218 LARCHET (K.), Rapport annuel 2016 de l'ONDRP,
« La criminalité en France, les éléments de
connaissances sur la fraude documentaire et à l'identité en
France », 2016, p. 10.
219 Ibid.
220 Ibid.
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