Conclusion générale.
INTRODUCTION
1. Citation. « Le regard criminologique
se déplace de l'étude de la délinquance individuelle vers
l'observation et l'analyse de nouvelles formes de criminalité, que sont
le crime organisé, le terrorisme, les trafics divers, ainsi que des
menaces qu'elles constituent pour la sécurité des personnes, des
biens et de la vie sociale en général »1.
2. Enjeux. Le trafic international de faux
documents d'identité est mis entre parenthèse par la
matière juridique puisqu'il n'existe, à l'heure actuelle, aucune
convention internationale réprimant ce phénomène criminel.
Ce trafic permet d'alimenter des organisations criminelles d'envergure, comme
le trafic illicite de migrants et la filière de la prostitution. L'achat
et l'emploi de faux documents d'identité entre les mains des trafiquants
de filières internationales permettent aux victimes - les migrants ou
les prostituées - d'entrer sur un territoire, de se maintenir sur ce
dernier, de transiter vers un autre lieu. La vente de faux documents
d'identité serait un moyen très lucratif servant aux
organisations criminelles internationales.
3. Historique. L'Etat français a
pourtant lutté contre la fraude documentaire en mettant en place une
surveillance accrue de l'identité des personnes séjournant sur le
territoire de la République. L'ère postrévolutionnaire a
été marquée par l'inscription des premiers
éléments d'identité sur les documents de circulation pour
faciliter les contrôles policiers2.
4. D'ailleurs, deux décrets de février 1792 ont
exigé la délivrance de passeport intérieur par les
officiers municipaux : document utilisable pour passer les frontières
françaises et pour circuler à l'intérieur du territoire
français3. Sous le règne de Napoléon
1er, le passeport intérieur est resté une
nécessité pour la sûreté de l'Empire et de la
sécurité intérieure4. Ce n'est qu'à la
fin du XIXe siècle qu'apparait la carte d'identité nationale
(CNI), en Algérie, avant d'être officialisée par les
décrets du 22 et 26 septembre 1955. Ainsi, de nombreux documents
administratifs ont été mis en
1 GASSIN (R.), « Criminologie et « savoir
» sur la sécurité intérieure »,
Rev.pén.,2010, p. 485 et s.
2 THIREAU (J.-L), « L'identité des personnes :
perspectives historiques », L'institution, PUF, publ.
curapp-revues, 1981, p. 158.
3 BONNAFOUX (P.), Des passeports. Etude historique et
critique, Thèse Droit, Toulouse, 1927, p. 32-36.
4 ROUGIER (R.), « Des faux commis en matière de
pièces d'identité », Mélanges, Revue de droit
international et de législation comparée, 1906, p. 5.
1
2
circulation sur le territoire français prouvant le
contrôle de l'administration et de la police sur l'identité des
individus.
5. Institution d'une police civile sur l'individu.
Selon Planiol, « une institution de police civile
»5 s'exerça uniquement sur le nom de chaque citoyen au
cours de l'histoire française pour des nécessités
sécuritaires, notamment pour assurer une plus grande surveillance de
l'Etat sur la fraude à l'identité et pour mieux contrôler
l'accès aux frontières au moyen de la délivrance de
passeports intérieurs6. Or, la délivrance du passeport
intérieur et de la CNI ne dépend pas du domaine de la loi,
prévu à l'article 34 de la Constitution. En effet, ces deux
documents proviennent d'un acte exécutoire pris par le pouvoir
exécutif : le décret. Ce sont les autorités
départementales qui disposent de ce pouvoir réglementaire,
notamment les préfectures, pour imposer des éléments
d'identification des individus, qui sont apposés sur les documents
d'identité. En utilisant la voie décrétale et non pas la
voie législative, l'Etat de droit s'est transformé en un Etat
policier en prétextant la défense de la sûreté
publique afin de mieux surveiller l'identité civile des individus.
6. Définition polysémique de
l'identité. Selon Lévi-Strauss, « le terme de
l'identité se situe non pas seulement à un carrefour, mais
à plusieurs »7, notamment au sein du droit. Le droit ne
s'intéresse pas à l'être humain dans son état de
nature mais dans son état de culture, en lui imposant des règles.
Gérard Cornu affirme que l'identité permet de reconnaitre et de
distinguer les individus les uns des autres8. Le droit impose aux
individus une « identité stable »9 pour faciliter
la reconnaissance et la distinction de chaque individu. Or, l'identité
stable se trouve dans l'état de la personne. L'état de la
personne peut se définir comme « l'ensemble des caractères
biologiques et sociaux permettant d'individualiser une personne dans la
société dans laquelle elle vit »10. Or, la mesure
des caractères biologiques et sociaux varie en fonction des pays. Par
exemple, en Allemagne, la religion fait partie des renseignements que
l'individu doit fournir à l'administration fiscale ; aux Etats-Unis,
l'origine ethnique se trouve mentionnée dans
5 Ibid.
6 Ibid., p. 8.
7 BAUDRYDU (R.), JUCHS (J.-Ph), « Définir
l'identité », Hypothèses travaux de l'école
doctorale d'histoire, Sorbonne, 2007.
8 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, «
Identité », PUF, 2014.
9 ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé,
Thémis droit, PUF, 2013, n° 15, p. 38.
10 ZENATI-CASTAING (F.), REVET (T.), Manuel de droit des
personnes, PUF, 2006, n° 33, p. 48.
3
l'état civil des individus, ce qui n'est pas le cas en
France11. Le droit civil français appréhende les
critères biologiques et sociaux de l'état des personnes dans
l'état civil. En effet, le code civil (CC) accorde aux personnes une
identité légale car il régit les « actes de
l'état civil »12.
7. Identité juridique. C'est
l'article 34 du CC qui impose les éléments d'identification
légaux de chaque personne : le nom, la profession, le domicile, les
dates et lieu de naissance. Le sexe de l'individu n'est mentionné que
plus loin, à l'article 57 alinéa 1er du CC, dans le
chapitre consacré « aux actes de naissances ». Les actes de
l'état civil représentent des écrits au sein desquels
l'autorité publique constate, de manière authentique, les
principaux événements de la vie d'un individu : l'acte de
naissance, l'acte de mariage, et l'acte de décès13.
Tous ces actes d'état civil sont conservés par une institution
municipale - la mairie - par l'intermédiaire de l'officier d'état
civil14. Or, le législateur a placé la
nationalité de l'individu en dehors des actes de l'état civil,
puisqu'elle se trouve dans le Titre 1 Bis « De la nationalité
française ».
8. Vision publiciste de l'identité.
De ce constat formel découle une autre idée : la vision
civiliste de l'identité de la personne doit être confrontée
à une vision publiciste de cette dernière fondée sur une
« police civile »15 mettant en place des normes strictes
d'identification. C'est l'idée que le législateur a
développé un ordre public civil s'imposant sur l'individu, sans
lui laisser la moindre autonomie de la volonté.
9. Par exemple, l'état de nature a imposé
à l'individu un sexe, élément d'identité qui est vu
comme un caractère immuable par l'Etat16. Par ce raisonnement
il est ainsi possible d'expliquer pourquoi le sexe de l'individu,
codifié à l'article 57 alinéa 1er du CC, se
trouve séparé des actes de l'état civil inscrivant les
modifications de la vie de l'individu. De plus, la police civile
s'intéresse plus particulièrement aux vagabonds et aux
clandestins17. Ces individus n'ont aucun statut juridique reconnu
par l'Etat du fait de l'absence de la remise d'une copie de l'état civil
à leur égard, d'autant plus qu'ils n'ont
11 ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé,
op.cit., n° 15, p. 38.
12 Livre premier, Titre II, « Des actes d'état civil
».
13 CARBONNIER (J.), Droit civil, Introduction : les
personnes, la famille, l'enfant, le couple., PUF, Vol. 1,1996, p. 471.
14Ibid.
15 Selon LEMOYEUR (A.-M), les critères de
l'identification relèvent de la « police civile », ou plus
exactement de l'ordre public (V. ROCHFELD (J.), Les grandes notions du
droit privé, op.cit., n° 17, p. 40).
16 ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé,
op.cit., n° 18, p. 41.
17 Ibid.
4
pas la permission de rester sur le territoire. Or, la police
civile se fonde sur le critère de la nationalité de l'individu
pour décider de donner la permission ou non de rester sur le territoire.
Ainsi, le refus administratif d'obtenir une permission de l'Etat vient du
principe de l'indisponibilité. En conséquence, deux
impératifs publics principaux pèsent sur l'autonomie de la
volonté de chacun des individus : l'immutabilité et
l'indisponibilité18. Partant, il existe une imbrication entre
l'ordre public de la police civile et les actes de l'état civil qui
forment l'identité légale de l'individu.
10. Apparition de nouvelles formes
d'identités. Toutefois, l'essor d'une société
moderne individualiste a causé l'apparition de nouvelles formes
d'identités qui réduisent ou enflent le noyau dur de
l'identité légale de l'individu, exigée et construite par
l'Etat. En réponse à cela, le droit civil est venu
protéger l'identité numérique, identité
conçue de toute pièce par l'individu sur Internet,
s'émancipant de son identité légale19.
11. La Convention européenne des droits de l'homme a
été la première à protéger « des
personnes à l'égard des traitements automatisées de
données à caractère personnel »20 en
complément de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique,
aux fichiers et aux libertés, dite « informatiques et
libertés ». La loi de 1978 a créé la Commission
Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL), autorité
administrative indépendante jouant un rôle primordial sur le
contrôle de la liberté informatique des individus. Face au
développement des nouvelles technologies, les politiques publiques
surveillent une autre identité apposée à celle de
l'identité légale, celle d'une identité biologique,
fondée sur la biométrie dans le but de « renforcer la
sécurité de l'Etat face à la mondialisation
»21.
18 Ibid.
19 Ibid., n° 33, p. 67.
20 La Convention européenne des droits de l'homme pour
la protection à l'égard des traitements automatisées de
données à caractère personnel du 28 janvier 1981,
entrée en vigueur en France en 1985. Plusieurs directives ont suivi
cette protection : les directives 95/46/CE du 24 octobre 1995, 2002/58/CE du 12
juillet 2002 et 2009/136/CE du 25 novembre 2009. La protection de
l'identité numérique est inscrite aussi dans la Charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne à l'article 8.
21
http://www.larousse.fr/encyclopédie/divers/biom%C3%A9trie/27110
: Le domaine de la biométrie est celui de l'anthropométrie, qui
vient du grec antropos, et métron « mesure
». La biométrie serait donc littéralement la mesure de la
vie de l'homme.
12.
5
Présence de l'identité légale et
de l'identité biométrique sur les documents des individus.
L'identité légale de l'individu est concurrencée
par un besoin de retour à une sécurité publique
fondée sur les éléments biologiques des individus. Par
exemple, la taille d'une personne mentionnée sur la CNI relève du
pouvoir de la mairie, qui impose à cette dernière de la
mentionner lors d'une demande de délivrance ou de renouvellement de la
CNI. De plus, le passeport biométrique établit l'identité
légale de l'individu en reprenant les éléments
traditionnels de l'état des personnes, et ce document est
complété par des données biologiques comme la couleur des
yeux et l'empreinte digitale de l'intéressé,
insérées dans une puce électronique installée dans
le support. Le noyau de la pression de l'Etat sur l'individu s'accroit par le
passeport biométrique car il réduit l'individu à son
simple patrimoine génétique et biologique. Or, la Commission
nationale consultative des droits de l'homme, le 1er juin 2006, a
contrecarré cette politique publique sécuritaire en rendant un
avis défavorable sur l'immixtion d'éléments
biométriques inscrits sur la CNI22. La politique publique
d'une « rebiologisation » de la personne s'est déjà
inscrite sur certains documents d'identité, même si l'inscription
de l'état civil reste le point d'ancrage de l'identification et de la
différenciation des individus.
13. Définition du document d'identité.
La notion de document d'identité n'est ni
appréhendée par la sociologie, ni par le droit. En droit
prétorien, la notion la plus employée reste celle de papiers
d'identité, notion qui est souvent confrontée avec les droits
fondamentaux de la personne, comme « l'ingérence dans la vie
privée au sens de l'article 8 de la Convention EDH »23.
De nombreuses décisions de justice concernant les pièces
d'identité - CNI, passeport et permis de conduire - ont
été rendues sur le fondement de l'article 34 du CC. La notion de
pièces d'identité se rapproche de la notion de document
d'identité en ce sens que, usuellement, le vocable document est
défini comme « une pièce écrite servant d'information
ou de preuve » selon le dictionnaire Larousse. Or, en droit administratif,
commercial, fiscal et pénal, la pièce est aussi un écrit
servant à établir un droit, à prouver la
réalité d'un fait ou l'existence d'une chose,
22
http://www.cncdh.fr/sites/default/files/06
avis biometrie.pdf
23 CEDH sect.III, 24 juillet 2003, Smirnova c/Russie,
n° 46133/33 et n° 48183/99.
6
notamment une pièce
d'identité24. La frontière est donc
ténue entre la qualification de document et celle de pièce.
14. Sous un second angle, le terme document désigne un
« objet quelconque servant de preuve, de témoignage » selon le
dictionnaire Larousse. Dès lors, un document d'identité pourrait
être défini comme un objet contenant une pièce
écrite servant à inscrire les informations sur l'identité
d'une personne. Or, l'identité provient de règles
édictées par le Règlement et par la Loi. Le droit
appréhende donc l'existence d'une identité qui peut être
établie et contestée comme un moyen de preuve par les citoyens.
Le document d'identité regroupe l'ensemble de la pièce qui prouve
toutes les informations sur l'identité légale et
biométrique de l'individu.
15. Informations légales inscrites sur tous
les documents d'identité. Les informations inscrites sur les
documents d'identité se composent du nom, du/des prénom(s), du
sexe, de la date et du lieu de naissance, du domicile/de la résidence et
de la nationalité. L'étude des documents d'identité se
limitera aux éléments d'identification inscrites sur les
documents d'identité sans se préoccuper des conséquences
liées à la filiation. Le nom des parents se transmet de plano
jure aux descendants à l'inverse du nom d'usage qui ne sera
mentionné sur l'état civil qu'à la demande de
l'intéressé25. L'attribution du/des
prénom(s) a un caractère plus volontaire que légal, en
sachant que c'est l'officier d'état civil qui a la qualité pour
dresser immédiatement, sans observation, les prénoms qui lui sont
dictés par le déclarant au nom des
parents26.
16. La mention du sexe est obligatoire dans l'acte de
naissance selon l'article 57 alinéa 1er du CC, après
examen de l'enfant par un médecin accoucheur27. Par
principe, la mention du sexe du nouveau-né est inscrite pour toujours
dans les registres d'état civil et sur les documents d'identité.
Toutefois, la Cour de cassation, par deux arrêts rendus en
assemblée plénière le 11 décembre 1992, a
autorisé la modification du sexe dans les registres d'état civil.
Le droit prétorien a donc adapté l'apparence physique avec le
comportement social de l'individu. La date et le lieu de naissance doivent
être certifiés
24
http://www.cnrtl.fr/definition/pièce
25 CARBONNIER (J.), Droit civil, Introduction :
les personnes, la famille, l'enfant, le couple., op.cit., p.
422-424. Toutefois, depuis la loi du 23 décembre 1985, le nom
patronymique est devenu le nom parental, libre choix laissé aux
parents.
26 Ibid., 229, p. 437.
27 Ibid., 268, p. 497.
7
de manière certaine par l'officier d'état civil
pour que le maire puisse en établir un acte de naissance.
17. Le nouveau-né sera lié, durant toute sa
vie, à sa mairie du lieu de naissance28. Le
domicile et la résidence sont des localisations juridiques de la
personne. Mais la notion de résidence est venue concurrencer le
domicile, car elle suppose un rattachement plus concret et plus souple de
l'individu à un lieu29. Les deux notions se chevauchent sur
le passeport biométrique puisqu'il est mentionné le terme de
« résidence/domicile ». L'individu ne doit disposer que d'un
seul domicile. C'est le principe civiliste de l'unité du domicile. Le
premier domicile est établi par la loi, c'est le domicile légal
d'origine30. C'est le premier domicile qui sera inscrit sur les
documents d'identité. Cependant, le mineur émancipé ou la
personne majeure peut changer le domicile légal d'origine pour en
déterminer un autre qu'il aura choisi, c'est le domicile
volontaire31. En pratique, il pourra faire la demande du changement
de domicile en mairie pour que soit apposé sur sa nouvelle CNI le lieu
qu'il aura élu comme domicile.
18. Il existe aussi le domicile de dépendance,
domicile où une personne vit sous le toit d'une autre personne. Par
exemple, les domestiques employés de maison sont logés au
domicile de l'employeur, au regard de l'article 109 du CC. Enfin, le domicile
d'attache concerne « les bateliers et autres personnes vivant à
bord d'un bateau de navigation intérieure immatriculé en France
» selon l'article 102 alinéa 3 du CC.
19. La résidence de l'individu est plus
réaliste que le domicile et elle est beaucoup moins abstraite. C'est un
lieu où l'individu réside effectivement, pourvu que cette
résidence soit stable et habituelle32. La résidence
peut être choisie à défaut de domicile connu selon les
articles 43 et 655 du code de procédure civile (CPC). Cette tendance
réaliste de la résidence s'est inscrite dans la
législation en droit international privé pour déterminer
le domicile aux articles 287 dernier alinéa, 311-15 et 311-18 du CC et
à l'article 1070 du CPC en matière de divorce. Or, la preuve du
domicile ou de la résidence s'effectue par des certificats de domicile
ou de résidence délivrés par les mairies.
28 Ibid., p. 396.
29 Ibid., 243, p. 456. Le code de procédure
pénale (CPP) a réuni les deux notions aux articles 42 et
43 en disposant que la résidence ou le domicile peuvent se
définir comme le « lieu où demeure la personne ».
30 Ibid., 245, p. 459.
31 Ibid.
32 Ibid., 247, p. 464.
20.
8
Enfin, le droit de la nationalité est lié
au droit des étrangers et au contrôle de l'immigration33. La
question est donc non seulement juridique mais surtout politique, notamment en
matière de lutte contre les faux documents d'identité34. Le droit
français combine deux modes d'attribution de la nationalité : le
double jus soli35 et le jus sanguinis36. Or, « la
nationalité est un élément d'individualisation de la
personne et possède, en principe, davantage de stabilité que le
domicile »37. C'est pour cela qu'elle est aussi inscrite sur les documents
d'identité.
21. Informations biométriques inscrites
sur certains les documents d'identité. Certaines mentions
biométriques sont aussi inscrites sur les documents d'identité.
Les éléments portant sur le physique des personnes contenus dans
certains documents d'identité sont les suivants : la photographie
d'identité, la taille, la couleur des yeux et l'empreinte digitale. La
norme internationale ISO/IEC 19794-5 :200538 réglemente «
l'apposition des photographies d'identité sur les documents
d'identité et de voyage français, notamment les CNI et les
passeports, ainsi que sur les permis de conduire et les titres de séjour
pour étrangers »39. Des normes sont imposées sur le format,
la qualité, la luminosité, le fond de la photographie, le visage,
les yeux et la tête40.
33 BUFFELAN-LANORE (Y.), LARRIBAU-TERNEYRE (V.), Droit
civil : introduction, biens, personnes., Sirey Université, 2013, p.
448.
34 La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative
à la maîtrise de l'immigration, au séjour des
étrangers en France et à la nationalité, a repris des
mesures drastiques notamment pour lutter contre la production de documents
falsifiés et pour lutter contre les mariages « naturalisants
».
35 Le double droit du sol. Le droit français permet
d'acquérir la nationalité par le fait de naître sur le
territoire, d'une personne elle-même née sur ce territoire. Le
droit français combine ces deux modes d'attribution de la
nationalité.
36 Le droit du sang. Ce droit attribue à une personne
la nationalité de ses auteurs. La nationalité s'acquiert par la
filiation selon l'article 18-1 du CC : « est français l'enfant dont
l'un des parents au moins est français ».
37 MAZEAUD (P.), Rapport de l'assemblée
nationale, n° 125, p. 97.
38 ISO correspond au sigle « Organisation internationale
de normalisation ». « Les normes ISO sont élaborées par
des groupes d'experts venant du monde entier, qui forment des groupes plus
grands : les comités techniques ». V.
http://www.iso.org/fr/developing-standards.html
39 V. Ann., n°1.
40 Article 1er de l'arrêté du 5
février 2009 relatif à la production de photographies
d'identité dans le cadre de la délivrance du passeport.
V.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020246797&categorieLien=id
Article 1er de l'arrêté du 10 avril 2007 relatif
à l'apposition de photographies d'identité sur les documents
d'identité et de voyage, les permis de conduire et les titres de
séjour.
22.
9
Une circulaire du ministre de l'Intérieur à
l'attention des préfets et du préfet de police relative à
l'établissement et à la délivrance des CNI prévoit
que « la taille peut être dans certains cas un élément
d'identification important et elle doit être mentionnée avec
précision »41. Dès lors, l'exactitude de la
taille mentionnée par l'intéressé serait a priori
une condition essentielle pour obtenir la restitution d'une CNI. Or, la
taille de l'individu sera susceptible de varier dans les faits, entre la date
de la délivrance du document d'identité et la date d'expiration
de celui-ci, qui peut aller jusqu'à quinze ans pour les
majeurs42. Ainsi, la taille n'est qu'un élément
relatif de la preuve de l'identité d'un individu. Est aussi
mentionné la couleur des yeux. Elle n'est pas obligatoire sur les CNI.
En revanche, elle est imposée pour la délivrance de passeports
biométriques43.
23. Enfin, la prise d'empreinte digitale est
mentionnée sur certains documents de voyage, comme le passeport
biométrique44. Celle-ci est insérée dans une
puce électronique dans le but de faciliter la sûreté des
documents de voyage et les formalités de contrôles aux
frontières45 selon l'Organisation de l'avion civile et
internationale, agence spécialisée de l'organisation des
Nations-Unies. Tout ce processus de biologisation des documents
d'identité et de voyage des individus a été lancé
et incorporé automatiquement par le Conseil de l'Union européenne
dans la règlementation interne des Etats membres, en
200446.
24. Par conséquent, l'identité
biométrique des individus ne couvre pas tous les types de documents
d'identité puisqu'elle n'est inscrite que sur les passeports et les
documents de voyages.
41
http://www.ariege.gouv.fr/content/download/4228/24344/file/Circulaire%20minist%C3%A9rielle%
20relative%20%C3%A0%20l'%C3%A9tablissement%20et%20la%20d%C3%A9livrance%20des%20cart
es%20nationales%20d'identit%C3%A9.pdf, 52, p. 41.
42
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028347072&dateTexte&catego
rieLien=id : C'est l'article 2 du décret n° 2013-1188 du 18
décembre 2013 relatif à la durée de validité et aux
conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale
d'identité qui prévoit cette condition. A contrario, la
durée de validité de la CNI pour les mineurs est de 10 ans.
43
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=56168F3275242AF3F42F14BFB5EB94DD.tp
lgfr23s1?cidTexte=JORFTEXT000000268015&dateTexte=20111006 : La mention
de la couleur des yeux sur le passeport biométrique est imposée
par l'article 1er du décret n°2005-1726 du 30
décembre 2005 relatif aux passeports, modifié par l'article 2 du
décret n°2008-426 du 30 avril 2008.
44
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000018763666
: La prise d'empreinte digitale est imposée par l'article 6-1 du
décret n°2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux
passeports, modifié par l'article 21 du décret n°2016-1460
du 28 octobre 2016.
45
https://www.icao.int/Meetings/FAL12/Documents/fal12wp066fr.pdf
: §2.
46
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32004R2252&from=FR
: Règlement (CE) n° 2252/2004 du Conseil du 13 décembre
2004 établissant des normes pour les éléments de
sécurité et les éléments biométriques
intégrés dans les passeports et les documents de voyage
délivrés par les États membres.
25.
10
Corpus d'étude. Le choix du support
matériel de l'étude est déterminant pour cibler
précisément les caractéristiques du trafic international
de faux documents d'identité. Dans la continuité de la
délimitation opérée précédemment sur
l'identité légale et l'identité biométrique, le
choix du corpus s'analysera uniquement sur la délivrance et sur la
signature du document d'identité délivré par une
autorité administrative. Ces documents font partie de la
catégorie juridique des documents délivrés « par une
administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou
une qualité ou d'accorder une autorisation »47. Il
s'agit donc d'écarter du champ d'étude les documents
d'identité à caractère privé n'ayant pas une
incidence juridique.
26. Exemples d'administrations publiques qui constatent un
droit, une identité, une qualité ou qui accordent une
autorisation : les préfectures départementales et la
Préfecture de police de Paris qui délivrent et signent la CNI ou
le passeport, un Consulat étranger48 qui peut délivrer
un visa autorisant un voyage à l'étranger.
27. Ainsi, le corpus d'étude portera sur « les
documents d'identité et de voyage français »49 et
internationaux, dont « les CNI et les passeports ainsi que sur les permis
de conduire et titres de séjour pour étrangers
»50, car ils mêlent l'identité légale et
l'identité biométrique de l'individu conditionnées par des
normes européennes et internationales similaires quant à la
photographie d'identité. Les CNI sont des documents d'identité et
de voyage car elles permettent de circuler dans l'espace Schengen librement et
elles attestent l'identité et la nationalité des individus
faisant partie d'un Etat membre.
28. Les différents types de passeports51
sont des titres sécurisés à vocation internationale ayant
des conséquences juridiques aux fins de constater un droit et une
identité. En effet, les passeports ouvrent la possibilité aux
ressortissants français de prouver leur identité et leur
nationalité pour voyager dans le monde. Ce document est indispensable
à l'entrée des Etats ne faisant pas partie de l'espace Schengen
ou qui n'ont pas d'accords bilatéraux avec la France. Aujourd'hui, ce
document de voyage étroitement lié aux transports aériens
est régi par l'Organisation de l'aviation civile internationale. Le
47 Article 441-2 alinéa 1er du code
pénal (CP).
48 Cass. Crim., 9 octobre 1978, N° 76-92075 ; Gaz.
Pal. 1979, 2., Somm.354 ; RSC 1979. 829, Obs. Vitu. Le CP
protège la falsification des documents qui sont délivrés
par un consulat étranger.
49 V. Titre Ann., n°1.
50 Le terme « documents de voyage » englobe
le visa. V.
http://ants.gouv.fr/Les-titres/Visa
51 Passeport ordinaire, passeport grand voyageur, passeport
temporaire, passeport diplomatique, passeport diplomatique urgent, passeport de
mission, passeport de services. V.
http://www.ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports
11
Règlement communautaire du 22 décembre 2004 a
rendu le passeport biométrique obligatoire pour renforcer la
sécurité aux frontières européennes.
29. A l'inverse, le permis de conduire est un document
délivré par une administration publique n'ayant que des
conséquences juridiques sur la constatation d'un droit. En effet, il
permet d'établir la preuve juridique que l'individu a le droit de
conduire sur les axes routiers, en sachant qu'en France, le permis de conduire
n'est pas un élément de preuve de l'identité. Le permis de
conduire a été harmonisé par plusieurs directives
européennes pour faciliter la libre circulation des personnes conduisant
un véhicule dans l'espace communautaire. La directive 2006/126/CE du 20
décembre 2006 prévoit un format unique des conditions formelles
et substantielles du permis de conduire52.
30. Enfin, la règlementation des titres de
séjour étrangers est la plus complexe car ce sont des documents
délivrés par une administration publique aux fins de constater
une qualité ou d'accorder une autorisation de rester sur le territoire
à un étranger. Ainsi, ces documents officiels
délivrés par l'administration publique concernent uniquement les
personnes ayant la qualité de ressortissants étrangers afin
qu'ils puissent être autorisés à rester sur le territoire
de la République, en leur accordant une résidence. Or, cela entre
dans la définition du corpus qui traite des documents
délivrés « par une administration publique aux fins de
constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une
autorisation »53. Ici, un titre ou une carte de séjour
temporaire ou permanent constate la qualité de ressortissant
étranger et permet d'accorder une autorisation de résidence sur
le territoire.
31. Infraction de faux documents d'identité au
sein du trafic international de faux document d'identité.
L'infraction de faux documents d'identité
intégrée au trafic international de faux documents
d'identité n'existe pas en tant que telle. C'est une notion exploratoire
qui n'est ni prévue par le droit international, ni par le droit
européen, et ni par le droit interne.
52
http://www.ants.gouv.fr/Les-Titres/Permis-de-conduire
53 Article 441-2 alinéa 1 du CP.
32.
12
L'infraction de faux documents d'identité permet aux
acteurs du trafic de faire un bénéfice considérable. Ce
n'est pas tant le contenu de l'écrit qui fera l'objet d'une prise en
compte essentielle pour l'application du texte d'incrimination54
mais surtout le type de document utilisé par les faussaires. Le faux
n'est répréhensible que si le support falsifié « a
pour objet ou peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou
d'un fait ayant des conséquences juridiques »55. Cela
signifie que le document falsifié doit valoir titre, c'est-à-dire
que ce dernier doit avoir une « incidence juridique »56.
Or, les documents prouvant une identité civile par exemple ont une
incidence juridique. Le faux matériel touche à l'aspect physique
du document, c'est une falsification grossière, visible57. Il
résulte d'une manipulation matérielle et il sera en principe
aisément détecté par une expertise58. Les
faussaires manient des « techniques de grattage du papier, de lavage, de
découpage, de collage, l'astuce de la tâche d'encre pour masquer
quelque chose, l'imitation en écriture »59; ou encore la
fabrication totale du document60.
33. Détention de faux documents
d'identité élargie au trafic de faux documents d'identité.
Le législateur a élargi la répression à
une simple détention de faux documents pour lutter plus efficacement
contre les trafiquants de faux documents61, à l'article 441-3
du CP. L'auteur de l'infraction doit procurer, c'est-à-dire fournir,
remettre le document administratif à une personne62. Il est
ainsi possible de rapprocher ces dispositions avec les infractions d'obtention
indue de documents administratifs et les déclarations mensongères
faites à une autorité publique, régies à
54 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit
pénal des affaires, Dalloz, 2011, 94 p. 97.
55 Article 441-1 du CP. Ainsi, constituent des titres
falsifiés établissant la preuve d'un droit ou de faits ayants des
conséquences juridiques les bordereaux de cession de créances
(Cass. Crim., 30 mars 1992, bull. n° 132, RSC 1993.549, Obs.
Bouzat) ; le procès-verbal de l'assemblée générale
d'une société (Cass. Crim., 20 mars 2007, bull. n° 86 ;
RSC 2007. 536, Obs. C. Mascala ; Rev. soc. 2007, note B. Bouloc).
Toutefois, les déclarations unilatérales soumises à
vérification ne créent pas de droits, n'ont aucune valeur
probatoire et ne sont pas des titres : exemple du devis (Cass. Crim., 13
février 2002, N°00-85338, bull. n° 29).
56 BONFILS (P.), GALLARDO (E.), Droit pénal des
affaires, Collection Cours, LGDJ, 205, p. 112.
57 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit pénal des
affaires, op.cit., 96, p. 98.
58 AMBROISE-CASTEROT (C.), Droit pénal spécial
et des affaires, Gualino Lextenso, 2016, 432, p. 316-317.
59 Ibid.
60 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit pénal des
affaires, op. cit., 96, p. 98. En cas de « fabrication totale d'un
écrit par le faussaire », le faux sera répréhensible
sans qu'il soit nécessaire d'établir la fausseté des faits
ou des mentions contenus dans le support (Cass. Crim.,22 février 1995,
Dr. Pénal 1995, Comm.170). « La fabrication du document
peut être faite par montage à l'aide de photocopies de documents
authentiques, mais le document peut être aussi directement et
entièrement imprimé ou manuscrit », V. MALABAT (V.), «
Faux », Encyclopédie juridique Dalloz, Rép. pén.,
t. IV, 2013, 33 p. 8.
61 BONFILS (P.), GALLARDO (E.), Droit pénal des
affaires, op. cit., 216, p. 115.
62 MALABAT (V.), « Faux », préc., 102, p. 19.
13
l'article 441-6 du CP. L'objet de cette infraction porte sur
un document non falsifié63 tandis que
l'adjectif indument vise les moyens frauduleux utilisés pour
l'obtenir64.
34. Infraction d'usage de faux au sein du trafic
international de faux documents d'identité. L'usage de faux
suppose nécessairement que le faux soit constitué en tous ses
éléments, et l'usage impose une utilisation première du
faux65. Les infractions de faux et d'usage de faux peuvent
être commises par le même individu, ou par deux individus
différents : l'un qui réalise le faux document, et l'autre qui
l'utilise. Si un individu a fabriqué lui-même un faux et l'a
utilisé après, il pourra être condamné du chef des
deux infractions, qui sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000
euros d'amendes66. Quant aux conditions relatives à
l'usage du document falsifié, ce n'est rien d'autre que l'utilisation
par l'infracteur du document qu'il sait être un
faux67.
35. Le droit prétorien a défini l'usage comme
un acte quelconque qui amène au résultat que le faux document est
censé produire68. L'utilisation de la pièce
fausse nécessite un acte positif. L'usage de faux reste
répréhensible même si le faussaire est
inconnu69 ou si le faux est prescrit. S'il y a plusieurs
actes d'usages du document falsifié, chacun d'eux réitère
l'infraction de sorte que la prescription ne court qu'à compter de la
dernière utilisation du faux70.
36. Répression du fabricant, du
détenteur et de l'utilisateur. Il est utile d'étudier le
faux au sens large parce que le faux et l'usage de faux hébergent
souvent d'autres infractions, dont ils constituent un moyen pour les faussaires
ou les utilisateurs de faux de dissimuler le détournement
réalisé71. L'infraction de faux au sens
large, ainsi définie, permet de comprendre les procédés
utilisés par les faussaires : imitation, contrefaçon, fabrication
de faux documents d'identité.
63 Ibid., 103, p. 19.
64 Cass. Crim.,19 mai 1981, bull. n° 162, RSC,
1982. 607, Obs. A. Vitu.
65 MALABAT (V.), « Faux », préc., 208, p.
113.
66 AMBROISE-CASTEROT (C.), Droit pénal spécial
et des affaires, op. cit., 447, p. 323.
67 Ibid., 448 p. 323-324.
68 Cass. Crim., 15 juin 1939, bull. n° 130.
69 Cass. Crim., 8 août 1995, Dr. Pénal,
1995, Comm.279.
70 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit pénal des
affaires, op. cit., 102, p. 105.
71 BONFILS (P.), GALLARDO (E.), Droit pénal des
affaires, op. cit., 216, p. 115.
37.
14
En réponse, le droit pénal français
essaie de couvrir toutes les formes d'altération de la
vérité ainsi que les personnes concernées par le trafic de
faux documents : le fabriquant, le détenteur et l'utilisateur. Or, la
répression de l'infraction de faux et d'usage de faux doit s'effectuer
dans toute sa dimension internationale.
38. Dimension internationale du trafic de faux
document d'identité. Le sens originel du vocable «
international »72 signifie la relation entre deux nations
entres elles. Un problème pénal qui a une dimension
internationale entre nécessairement dans le champ du droit pénal
international. Le droit pénal international appréhende les
infractions ayant un élément d'extranéité,
c'est-à-dire qu'un des éléments constitutifs de
l'infraction ait un contact avec un ordre juridique
étranger73. Claude Lombois se montre plus précis sur
la notion d'élément d'extranéité. Il définit
cette notion comme un « facteur de singularisation de la situation
pénale »74. Un élément
d'extranéité serait finalement un critère de rattachement,
c'est-à-dire la nationalité étrangère ou le
domicile à l'étranger de l'auteur ou de la victime d'une
infraction commise en France, ou la commission à l'étranger d'une
infraction commise par un auteur français ou au préjudice d'une
victime française75. Or, la dimension internationale de
l'infraction de faux et d'usage de faux déprendra soit de la
nationalité de l'auteur, soit du domicile de l'infracteur, soit du lieu
de la commission de l'infraction.
39. Par là-même, les infractions comportant un
élément d'extranéité sont de plus en plus complexes
: « les difficultés économiques, sociales et politiques, les
guerres et le déplacement d'un tourisme de masse provoquent d'importants
déplacements de personnes à travers les frontières et la
découverte de nouvelles techniques de communication comme Internet
favorise les délits variés comme la contrefaçon ;
l'appât du gain pousse à la formation de groupements de
malfaiteurs internationaux »76.
72
http://www.cnrtl.fr/definition/International
73 HUET (A.), KOERING-JOULIN (R.), Droit pénal
international, Thémis, Droit privé, PUF, 2001, 2, p. 3.
74 LOMBOIS (C.), Droit pénal international,
Précis Dalloz, Dalloz, 1979, 15, p. 12.
75 HUET (A.), Renée KOERING-JOULIN (R.), Droit
pénal international, op. cit., 2, p. 3.
76 Ibid.
40.
15
En outre, le droit international est délimité
naturellement par des frontières77. Or, « la
frontière est une réalité consubstantielle du droit
international »78, c'est-à-dire qu'elle correspondrait
à la source de la construction du droit international. Plus
concrètement, le tracé d'une limite a permis de comprendre
comment fonctionne l'appropriation d'un territoire par des groupes de personnes
agissant dans un cadre étatique79. La frontière serait
donc un instrument de séparation entre deux souverainetés,
d'autant plus que le Dictionnaire de terminologie du droit international
la définit comme une « ligne déterminant où
commencent et où finissent les territoires relevant respectivement de
deux Etats voisins »80. « La frontière n'est pas un
phénomène simple à la signification unique
»81 car elle revêt une multitude de significations
largement liées à l'apparition de l'État. La
frontière se situe ainsi au point d'équilibre de trois
données sociologiques : le territoire, l'État, la
Nation82.
41. Traditionnellement, les frontières naturelles en
droit international sont au nombre de trois : les frontières terrestres,
les frontières maritimes et les frontières aériennes.
D'abord la frontière terrestre serait déterminée par des
faits historiques et politiques83. Ensuite, la frontière
maritime serait déterminée par des règles
uniformisées par la coutume et les conventions sur le droit de la
mer84. Plus précisément, à partir de 1958, il a
été admis que la souveraineté de l'Etat côtier va
au-delà de son territoire jusqu'à une zone contiguë
appelée mer territoriale obligeant le respect de certains
droits pour les Etats tiers comme le droit de passage inoffensif85.
La
77 SOREL, (J.-C), « Frontière »,
Rép. intern., juillet 2017, n° 3 : «
La frontière reste un phénomène complexe par son
ancrage historique, sa sensibilité et les multiples sens qui lui sont
donnés. Frontière ligne et frontière zone alimentent le
débat, alors que les sens donnés par d'autres États
varient. Ainsi, les anglo-saxons distinguent la Boundary
(frontière ligne) de la Frontier qui revêt plus le
sens d'une zone frontière entre la civilisation et le reste
(Wilderness) ».
78 SOREL (J.-F), « Frontière », préc.,
n° 1.
79 Ibid.
80 Ibid.
81 Ibid., n° 7.
82 BLUMANN (C.), Rapport général, dans La
Frontière, colloque SFDI de Poitiers, Paris, Pedone, 1980, p. 3 et
s.
83 SOREL (J.-F), « Frontière », préc.,
n° 21.
84 Ibid : V. les conventions de Genève de 1958 et
de Montégo-Bay (CMB) du 10 décembre 1982.
85 Ibid., n° 23-24. Le droit passage inoffensif
correspond à un libre passage en droit maritime. C'est le fait de «
traverser les eaux territoriales, soit pour entrer dans les eaux
intérieures, soit, sans entrer dans les eaux intérieures, pour se
rendre un autre point. L'article 25-2 de la CMB reconnaît cependant
à l'État côtier le droit de prendre toutes les mesures
nécessaires pour prévenir la violation de ses
réglementations, de même qu'en cas de passage offensif (CMB, art.
29 et 30). Le droit de passage inoffensif est un passage continu et rapide
où tout arrêt est en principe interdit sauf en cas d'incident
ordinaire de navigation ou de force majeure. Le navire en libre passage, qui
n'est pas assimilé à un navire en haute mer,
16
Convention de Montego-Bay est venue préciser la limite
maximale de cette zone contiguë jusqu'à 12 milles nautiques depuis
la ligne de base qui prend en compte le découpage de la côte et de
la laisse de basse mer. Les zones économiques exclusives
achèveront la délimitation en accordant des droits souverains
jusqu'à 24 et 200 milles nautiques de la ligne de base86.
Quant à la frontière aérienne, celle-ci est
découpée en fonction des règles appliquées à
la frontière terrestre et maritime87. Autrement dit, la
souveraineté aérienne de l'Etat s'opère pleinement dans
ses limites terrestres et maritimes. Cette délimitation aérienne
est réglementée par l'article 1er de la Convention de
Paris de 1919, confirmée par la Convention de Chicago de 1944. Le
régime juridique de la frontière aérienne est
différent du régime des deux frontières
précédentes parce que le droit de passage inoffensif n'est pas
reconnu à l'espace aérien qui domine les eaux
territoriales88.
42. L'importance d'avoir défini ce triptyque
frontalier permettra de comprendre les déplacements des acteurs du
trafic international de faux documents d'identité, transportant la
criminalité par-delà les frontières. Sont-ils susceptibles
de passer par des frontières qui ont un lien géographique sur
plusieurs territoires limitrophes, ou sont-ils susceptibles de voyager par des
frontières qui n'ont, par nature, aucune attache géographique ?
Ainsi, pour opérer une étude complète de la dimension
internationale du trafic, il faut nécessairement définir le
vocable transnational.
43. Le vocable transnational est relatif « aux relations
entre des Etats qui n'ont pas forcément des frontières en commun
»89. C'est l'Union européenne qui a encouragé une
politique d'ouverture des frontières nationales en instaurant une libre
circulation des individus, une libre circulation des capitaux et de la monnaie,
et une libre circulation des marchandises ou de prestations de
services90. De ce constat, l'Union européenne a eu la
volonté de créer un espace transnational grâce à des
relations transfrontalières. Or, comme l'étude du trafic de faux
documents d'identité concerne un déplacement physique de ces
acteurs, la notion transfrontière semble plus intéressante
à définir. Le vocable transfrontalier représente un
événement qui concerne deux Etats limitrophes,
doit respecter la réglementation de l'État
côtier en ce qui concerne la pollution, la sécurité de la
navigation ainsi que la pêche. V. en ce sens MONTAS (A.), «
Navigation maritime »,
Rép. com.,
novembre 2015, n° 24.
86 Ibid.
87 Ibid.
88 Ibid.
89
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/transfrontalier-transnational
90 Ibid.
17
séparés l'un de l'autre par une
frontière. Pris au sens strict, le terme transfrontalier désigne
« la traversée d'une frontière »91 qui
suppose l'existence d'une limite entre deux Etats. Dès lors, le vocable
transfrontalier introduit la notion de franchissement de deux espaces naturels
voisins alors que le terme transnational se réserverait plus aux
relations interétatiques.
44. Par conséquent, la dimension internationale du
trafic de faux documents d'identité est une notion complexe qui a trait
à plusieurs éléments. Or, il est possible de relier la
dimension internationale du trafic de faux documents d'identité avec la
citation suivante : « le milieu social est le bouillon de culture de la
criminalité ; le microbe, c'est le criminel, un élément
qui n'a d'importance que le jour où il trouve le bouillon qui le fait
fermenter »92.L'espace international se partage entre des
frontières terrestres, maritimes, et aériennes, qui sont
susceptibles de devenir attrayantes pour des réseaux criminels. Pour
faire bouillonner cet espace géographique, les acteurs du trafic de faux
documents d'identité vont essayer de trouver des failles dans l'espace
international. Leur déplacement pourra se faire entre deux ou plusieurs
frontières non contiguës ou entre deux ou plusieurs
frontières limitrophes. Il s'agira de voir comment les acteurs du trafic
de faux documents font fermenter leur criminalité, en essayant de
comprendre leur déplacement entre les frontières
internationales.
45. Après avoir délimité les dimensions
spatiales du trafic de faux documents d'identité, il convient d'en
définir le coeur nourrissant les veines de cette criminalité
internationale : le trafic.
46. Notion du trafic, commerce illicite clandestin.
Le vocable « trafic » peut être défini comme un
« commerce illicite, généralement clandestin
»93. Le support du trafic est une « marchandise
»94. Or, le commerce évoque l'idée de circulation
d'une marchandise entre différentes personnes, l'idée d'une
« activité qui consiste à échanger, ou à
vendre ou à acheter des marchandises, des produits, des valeurs
»95. Cette activité de vente devient illégale
lorsqu'elle s'opère dans la clandestinité, plus
concrètement dans le secret, à l'abri des regards de la loi.
91
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/transfrontalier
92 LACASSAGNE(A.), Les transformations du droit
pénal et les progrès de la médecine légale, de 1810
à 1912, Archives d'anthropologie criminelle, 1913, p. 364.
93
http://www.cnrtl.fr/definition/trafic
94 Ibid.
95
http://www.cnrtl.fr/definition/commerce
47.
18
Acteurs du trafic. Les acteurs du trafic sont
appelés communément les trafiquants : ce sont les individus qui
« se livrent à un commerce illicite ou malhonnête
»96. Ce sont ceux qui participent activement au sombre
commerce. Cette définition est appréhendée par la
criminologie. Le trafic fait partie d'un type d'organisations
criminelles97.
48. La qualification criminologique du trafic : une
organisation criminelle. « Le but principal d'une organisation
criminelle est le profit »98. Une organisation criminelle doit
comporter trois critères pour être qualifiée comme telle :
une activité préférentielle, un penchant pour
l'utilisation de la violence, et un mode de fonctionnement en
interne99.
49. Quid de l'application de ces critères pour le
trafic ? Observations sur le premier critère : les trafiquants se
focalisent essentiellement sur l'achat et la vente de « substances, de
produits ou de services dont au moins un aspect est frappé
d'illégalité »100. Observations sur le
deuxième critère : les trafiquants utilisent la violence pour
lutter contre la concurrence et dérouter les « tricheurs et les
délateurs »101. Observations sur le troisième
critère : les trafiquants coordonnent les opérations de ventes
transactionnelles en s'ajustant les uns par rapport aux autres en utilisant des
rapports marchands, comme « on fait agir l'autre en lui offrant un prix
intéressant de vente »102. Ainsi, « les lois du
marché assurent la coordination des opérations au sein des
réseaux de trafiquants : prix, offre et demande »103.
Autrement dit, le vendeur et l'acquéreur s'accordent sur un prix de
vente en rapport avec la marchandise, objet de la vente.
96
http://www.cnrtl.fr/definition/trafiquant
97 PRADEL (J.), DALLEST (J.), (dir.), La
Criminalité organisée, Droit français, droit international
et droit comparé, Droit et professionnels., LexisNexis, 2012, 4, p.
7.
98 Ibid.
99 Ibid., p. 9.
100 Ibid.
101 Ibid.
102 Ibid., p. 10.
103 Ibid.
19
50. Intérêt, un contexte actuel complexe.
La problématisation du sujet doit se faire
nécessairement avec le contexte actuel lié au déplacement
physique de nombreuses populations : « chaque année, plus de 200
millions de personnes quittent leur pays. C'est 3% de la population mondiale
qui se déplace, ainsi, fuyant les conflits, les persécutions, en
quête d'une vie meilleure »104. Ces déplacements
sont liés à des « situations d'urgence »105
supposant nécessairement un franchissement de frontières de
groupes d'individus vers des pays limitrophes. Ces flux migratoires ont surtout
causé des « traversées mortelles »106 aux
portes de l'Europe. Les migrants viennent d'Afrique pour accéder
à l'Europe. Il existe aujourd'hui trois routes principales migratoires
vers l'Europe : la route de la Méditerranée
orientale107, la route de la Méditerranée
centrale108, la route de la Méditerranée
occidentale109. Le constat est le suivant : les migrants empruntent
de plus en plus la route de la Méditerranée occidentale vers
l'Espagne depuis l'année 2018, même si la route la plus
convoitée reste la route de la Méditerranée centrale pour
rejoindre l'Italie, malgré une baisse significative du nombre de
disparus en 2018. Les causes des migrations sont complexes, mais les plus
criantes sont la pauvreté et les conflits comme les guerres civiles, en
sachant qu'il existe une fracture Nord-Sud en fonction des PIB110.
Ces déplacements de populations cachent aussi un « sombre commerce
»111 de trafic de migrants. Or, cette activité se montre
très
104 « Atlas des nouvelles routes », Courrier
international Hors-Série, septembre-octobre 2018, p. 30-31.
105 Ibid., p. 32-33 : « Ils cherchent à
échapper à une crise politique et économique, comme au
Venezuela, à la guerre, comme en Syrie, ou à l'oppression, comme
les Rohingyas en Birmanie. La première destination pour ces
réfugiés : les pays voisins. ». Exemples de pays en
situation d'urgence humanitaire provoquant le départ des
réfugiés vers les pays voisins : le Venezuela, le Nigéria,
la République Centrafricaine, le Soudan du Sud, la République
démocratique du Congo, le Burundi, la Birmanie, le Yémen, le
Syrie, au printemps 2018 d'après le Haut-commissariat des
réfugiés. Les deux principaux pays d'accueil européens
sont l'Espagne pour les réfugiés
Vénézuéliens et la Turquie pour les réfugiés
Syriens.
106 Ibid., p. 37 : « Les itinéraires de
migrants s'adaptent aux décisions des états européens :
sur les premiers mois de 2018, l'Italie a été peu à peu
délaissée au profit de l'Espagne ». Preuve en chiffre :
« 51 782 migrants ont rejoint les côtes européennes en
traversant la méditerranée entre le 1er janvier 2018
et le 18 juillet 2018 selon l'Organisation international pour les migrants.
C'est presque cinq fois moins qu'en 2016, sur la même période.
Mais face au durcissement des politiques européennes, les risques pris
par ceux qui tentent la traversée, eux, ne cessent de croître
».
107 Ibid. Nombre de disparus par la route de la
Méditerranée orientale aux portes de la Grèce : en 2016,
383 disparus ; en 2017, 37 disparus ; en 2018, 89 disparus, année en
cours.
108 Ibid. Nombre de disparus par la route de la
Méditerranée centrale aux portes de l'Italie, en Sicile : en
2016, 2567 disparus ; en 2017, 2221 disparus ; en 2018, 1109 disparus.
109 Ibid. Nombre de disparus par la route de la
Méditerranée occidentale aux portes de l'Espagne, Détroit
de Gibraltar : En 2016, 97 disparus ; en 2017, 124 disparus ; en 2018, 295
disparus.
110 Ibid :« Entre les pays subsahariens et ceux
d'Europe occidentale les chiffres varient facilement du simple au
décuple ».
111 Ibid., p. 38-39. Le 13 juin 2018, l'Office des
Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a publié sa
première étude mondiale sur le trafic de migrants. On y
découvre une activité mondialisée et très
lucrative. En ce sens V. Ann., n° 2.
20
lucrative : « 2,5 millions de migrants au moins sont
tombés entre les mains de passeurs en 2016. Une activité qui a
rapporté aux trafiquants 5 à 7 milliards de dollars
»112. Toutes ces indications permettraient de soutenir que ces
mouvements de populations sont nourris par des organisations criminelles
très lucratives, qui pourraient intégrer des trafiquants de faux
documents, motivés par l'argent facile.
51. En outre, les migrations contrecarrent
les deux piliers du système politique interne et international que sont
la souveraineté de l'Etat et la citoyenneté liée à
la nation113. Et l'immigration contrarie la souveraineté des
Etats emportant avec elle la remise en cause de la notion de frontière,
en privilégiant l'installation dans la mobilité comme mode de vie
par des pratiques diasporiques114. En effet, « la migration
défie la conception Wébérienne de l'Etat, car elle remet
en cause la relation entre population, territoire et monopole du pouvoir. La
migration est une déterritorialisation des populations, elle introduit
la fluidité du passage, l'hybridation des allégeances et les
identités multiples, l'intervention éventuelle d'Etats tiers
»115. En conséquence, l'Etat-nation n'est plus la
communauté fondatrice du système international
actuel116. Toutefois, les États forts maitrisent le droit
d'entrée et de séjour des ressortissants des Etats plus faibles,
qui sont les pays de départ, car « la peur d'un monde plus fluide
s'invite dans leurs univers. Nombre de gouvernements cherchent à
renforcer le contrôle de leurs frontières. Le processus migratoire
est souvent source d'anomie »117. Aussi, sur la scène
internationale, un nouvel élément est apparu : « le
changement de regard sur la migration »118. Cette politique
était abandonnée pendant de longues années, aujourd'hui
elle est devenue le coeur du droit international. « James Hollifieds
montre que le commerce international et les migrations obéissent
à des logiques inverses. Les Etats les plus pauvres poussent à
l'ouverture des frontières ; les Etats les plus riches veulent
contrôler les migrations et fermer les frontières tout en
souhaitant un élargissement du commerce international
»119. Or, « la sécurisation de l'immigration n'est
pas dépourvue
112 Ibid., p. 38.
113 WIHTOL DE WENDEN (C.), La question migratoire au XXIe
siècle : migrants, réfugiés et relations
internationales., SciencesPo les Presses, 2017, p. 7.
114 Ibid.
115 Ibid., p. 70.
116 Ibid., p. 7.
117 Ibid., p. 9.
118 Ibid., p. 29.
119 Ibid.
de danger car elle renforce des réseaux transnationaux
mafieux »120. Par ces problématiques actuelles
d'interconnexion entre les migrations et le transport de criminalités
à travers le franchissement des frontières transnationales et
internationales, il convient de situer le trafic de faux documents dans cette
recomposition du paysage mondial.
52. Idée générale. Le
constat de l'absence d'une appréhension juridique du trafic
international de faux documents d'identité est alarmant, il est donc
nécessaire de proposer des qualifications juridiques du
phénomène afin de prévoir et d'adapter des dispositifs
pénaux inédits à mettre en place en réaction
à cette menace internationale.
53. Annonce du plan. Afin de combler les
faiblesses juridiques actuelles en la matière, il s'avère
nécessaire de réaliser une analyse prospective des infractions de
faux et d'usage de faux documents d'identité intégrée
à une organisation criminelle internationale de trafiquants
(Titre I), avant de pouvoir proposer d'une surveillance
policière inédite au sein d'une organisation criminelle
internationale de trafiquants de faux documents d'identité
(Titre II).
21
120 Ibid., p. 51.
22
Titre I : Analyse prospective des infractions de faux
et d'usage de faux documents d'identité intégrée à
une organisation criminelle internationale de trafiquants
54. Plan prospectif. En droit pénal
général, on distingue traditionnellement « au titre des
éléments constitutifs de l'infraction quatre composantes :
l'élément légal, consistant dans la légalité
des incriminations, laquelle suppose a contrario qu'en l'absence de
détermination par le droit, il ne puisse y avoir de faute, ni, par
conséquent, de peine (nullumcrimen, nulle poena sine lege)
; l'élément matériel, consistant
dans la commission effective de l'infraction (qui interdit notamment
l'incrimination de la seule pensée coupable) ; l'élément
dit moral, selon lequel l'acte n'est incriminable que s'il émane d'une
personne humaine dotée de ses facultés mentales et ayant commis
une faute ; enfin, l'élément qualifié d' injuste,
consistant dans l'absence de fait justificatif de l'action incriminée
»121. Or, en utilisant l'idée d'une analyse prospective
en la matière, cela remettrait en cause le principe de
légalité criminelle prévu à l'article 111-3 du CP.
Aller à l'encontre de ce principe par un essai de qualification est
pourtant nécessaire avec l'idée de résorber une partie du
réseau de trafiquants de faux documents d'identité et
d'éviter son surdéveloppement. En effet, le trafic de faux
documents d'identité est un phénomène criminel existant
qui n'est ni reconnu comme un crime, ni comme un délit par le droit
pénal français, européen et international. Toutefois il
sera possible de s'appuyer sur des éléments légaux
existants pour proposer des éléments constitutifs
cohérents afin de lutter efficacement contre ce crime de faux impuni.
Ainsi deux éléments légaux seront construits
successivement : les éléments constitutifs de l'infraction de
faux documents d'identité (Chapitre I) et ceux de
l'infraction de l'usage de faux documents d'identité
intégrée à une organisation criminelle internationale de
trafiquants (Chapitre II). La construction de ces deux
éléments légaux révèlera la présence
de relations entre les infractions de faux et d'usages de faux au sein de ce
type d'organisation internationale (Chapitre III).
121 DUPUY (P.-M), « Infraction en droit international public
», Rép. intern., décembre 1998, n° 10.
23
Chapitre I : Analyse prospective de l'infraction de
faux documents d'identité intégrée à une
organisation criminelle internationale de trafiquants
55. Notion d'organisation criminelle.
L'infraction de faux documents d'identité est une infraction de
faux spécial. Il s'agit de confronter cette infraction spéciale
de faux documents au sein d'une organisation criminelle internationale de
trafiquants. Or, la notion d'organisation criminelle est complexe. Selon Jean
Pradel, une organisation criminelle peut se définir comme une
association durable d'individus motivés par le profit qui mènent
des actions illégales coordonnées et qui ont recours à
l'intimidation et à la violence122. Quatre raisons
principales expliquent la structure d'une organisation criminelle : profiter de
la force du nombre et de la réputation de leur bande pour mieux
intimider ou prendre le dessus sur un affrontement ; la division du travail
permet de réaliser à plusieurs ce qui serait impossible seul ;
lorsque les malfaiteurs sont associés, ils se défendent mieux
contre la répression ; la mise en réseau permet à
l'information de circuler pour donner des tuyaux aux fournisseurs par
exemple123.
56. Plan prospectif. Tout d'abord, il
s'agira de traiter des conditions préalables à l'infraction de
faux documents d'identité appliquée au sein de l'organisation
criminelle internationale de trafiquants (Section I), pour
ensuite vérifier l'élément matériel
(Section II) ainsi que l'élément moral
(Section III).
122 PRADEL (J.), DALLEST (J.), (dir.), La
Criminalité organisée, Droit français, droit international
et droit comparé ; Droit et professionnels., op.cit., 4, p. 7.
123 Ibid.
24
Section I. Les conditions préalables de
l'infraction de faux documents d'identité appliquées au sein de
l'organisation criminelle internationale de trafiquants
57. Plan. Les conditions préalables
à réunir ont affaire à deux branches traditionnellement
distinctes du droit pénal, la première concerne le droit
pénal spécial alors que la seconde concerne le droit pénal
des affaires : l'exigence préalable d'un document administratif officiel
ayant une incidence juridique (I) et la présence préalable d'une
organisation criminelle internationale de trafiquants (II).
I. L'exigence préalable d'un document administratif
officiel ayant une incidence juridique
58. L'élément légal de l'infraction de
faux documents d'identité (A) réunit plusieurs conditions
préalables : un document officiel (B), un document ayant une incidence
juridique (C), un document d'identité français et/ou
international valant titre (D).
A) Une condition liminaire : l'élément
légal de l'infraction de faux documents d'identité
59. Faux commis dans un document administratif.
L'article 441-2 alinéa 1er du CP incrimine le «
faux commis dans un document délivré par une administration
publique aux fins de constater un droit, une identité ou une
qualité ou d'accorder une autorisation ». Les supports
protégés par cet article sont larges : documents
d'identité, cartes grises, permis divers, extraits de registre du
commerce. Or, les documents d'identité entrent dans le champ
d'application de cet article. Dès lors, l'infraction de faux documents
d'identité serait un « faux commis dans un document administratif
»124, sur le fondement légal de l'article 441-2 du CP.
Pour que le faux soit réalisé, le document falsifié doit
au moins présenter l'apparence d'un document administratif. Le faux
commis dans un document administratif est puni de cinq ans d'emprisonnement et
de 75 000 euros d'amendes. Par ricochet, le faux document commis sur un
document d'identité est puni de la même peine.
124 MALABAT (V.), Droit pénal spécial,
Hypercours, Cours et travaux dirigés, Dalloz, 8ème
éd., 2018, 1005, p. 609.
60.
25
Présence implicite d'un intermédiaire
dans la réalisation du faux document d'identité. «
Les articles 441-3 et suivant du CP sanctionnent des infractions proches de
celle définie à l'article 441-2 du CP »125.
L'article 441-5 du CP réprime « le fait de procurer ou tenter de
procureur frauduleusement à autrui un document administratif », ce
qui signifie implicitement la présence d'un intermédiaire dans la
réalisation du faux document.
61. Participation d'une personne publique à
l'obtention indue du document d'identité. De plus, l'article
441-5 du CP réprime « le fait de se faire délivrer ou tenter
de se faire délivrer indûment un document administratif ou de
fournir sciemment une fausse déclaration ou une déclaration
incomplète en vue d'obtenir d'une personne publique, d'un organisme de
protection sociale ou d'un organisme chargé d'une mission de service
public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu ».
S'agissant d'un faux commis sur un document d'identité, l'article 441-5
du CP sera applicable à partir du moment où une personne publique
aura participé à l'obtention indue du document
d'identité.
62. Peines complémentaires. En
matière d'infraction de faux commis au sein d'un document administratif,
les personnes physiques encourent les peines complémentaires
prévues par les articles 441-10 et 441-11 du CP126, notamment
l'interdiction de séjourner sur le territoire français. Or, il en
sera de même concernant les faux commis sur les documents
d'identité.
B) Un document d'identité délivré par
une administration publique : un document officiel
63. Typologie des administrations publiques
délivrant des documents officiels. Au regard de la
définition du document d'identité, le champ des supports
protégés par le droit pénal concerne « un document
délivré par une administration publique », selon l'article
441-2 alinéa 1er du CP. Le juge français a rendu une
affaire concernant « la falsification de documents d'identité
délivrés par un consulat étranger »127.
Pour les autres types d'administrations publiques, le juge français
reste
125 Ibid., 1008, p. 609.
126 Ibid., 1009, p. 610.
127 Cass. Crim., 9 oct.1978, Gaz. Pal., 1979., 2.,
Somm.354; RSC 1979, Obs. A. Vitu.
silencieux. Toutefois, en pratique les préfectures
départementales et la préfecture de Police de Paris
délivrent la CNI et le passeport pour un citoyen français ; les
ambassades et les consulats étrangers peuvent délivrer un visa
autorisant un voyage dans un pays étranger.
64. Statuts des agents administratifs. Par
définition, le préfet est un haut fonctionnaire chargé
principalement de représenter l'État à l'échelon
territorial dont les attributions ont été précisé
par la loi du 6 février 1992 relative à l'administration
territoriale de la République, ainsi que par le décret du 29
avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, modifié par le
décret du 16 février 2010. C'est donc un agent public dont les
attributions sont prévues par la Constitution à l'article 72. Par
essence, « les diplomates et consuls sont protégés par la
Convention de Vienne du 18 avril 1961, relative aux relations diplomatiques
(art. 31, § 1er, et 38, § 1er). Les consuls, quant à eux, sont
protégés grâce à la Convention de Vienne du 24 avril
1963 sur les relations consulaires (art. 41 et 43, § 1er). Ces personnes
ne peuvent donc jamais être arrêtées pour les crimes ou
délits qu'elles commettraient sur le territoire de la République.
Cette protection est absolue et sa violation conduit
irrémédiablement à une nullité d'ordre public
»128. Cette immunité diplomatique s'applique aussi bien
aux ambassadeurs qu'aux consuls. En revanche, cette protection des agents
diplomatiques ne s'appliquera pas lorsque les actes officiels ont
été accomplis en dehors de l'exercice de leurs fonctions, et
notamment lorsqu'il s'agit d'une aide à la réalisation d'un faux
document d'identité. C'est en ce sens que les juges du fond en 1978
avaient sanctionné la falsification de documents d'identité
délivrés par un consulat étranger. En plus de son
authenticité, le document d'identité doit avoir une incidence
juridique particulière.
26
128 AMBROISE-CASTEROT (C.), « Arrestation »,
Rép. pén., septembre 2014, n° 105.
27
C) Un document d'identité ayant une incidence
juridique : la constatation d'un droit, d'une identité ou une
qualité ou accorder une autorisation
65. Prospective sur les incidences juridiques d'un
faux document d'identité. Le faux document d'identité
doit constater un droit, une identité ou une qualité ou accorder
une autorisation129 selon l'article 441-2 alinéa
1er du CP, c'est-à-dire qu'il doit avoir un effet
juridique.
66. Constatation d'un droit. La constatation
d'un droit correspond à la délivrance d'un permis de conduire. Le
permis de conduire constate le droit pour l'intéressé de conduire
sur les axes routiers, ou encore sur les axes maritimes130. Que ce
soit pour le permis de conduire sur axes routiers ou pour le permis bateau sur
les axes maritimes, il est délivré par le préfet du
département en vertu de l'article 4 du décret du 2 août
2007 relatif au permis bateau et de l'arrêté du 20 avril 2012
fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de
validité du permis de conduire. Toutefois, le permis de conduire ne
constitue pas une preuve d'identité en cas de contrôle de
police.
67. Constatation d'une identité. La
constatation d'une identité regroupe tous les documents
d'identité ayant une force probante en cas de contrôle policier.
Par exemple, la CNI et le passeport sont deux titres ayant l'incidence
juridique de prouver l'identité légale et biométrique du
citoyen français et européen : ces documents d'identité
permettent de valider le droit pour le citoyen français et
européen de pouvoir circuler librement dans l'espace Schengen,
marché unique datant de 1985, institutionnalisé par le
traité d'Amsterdam le 2 octobre 1997, regroupant vingt-six Etats
membres, dont la France. En ce sens, le contrôle d'identité «
Schengen »131 permet « [l'] établissement de
l'identité des personnes »132, rejoignant la condition
de la constatation de l'identité sur le fondement de l'article 441-2
alinéa 2 du CP.
129 SEGONDS (M.), « Faux », J.-Cl., fasc.20,
mai 2015, n° 69.
130 Décret n° 2007-1167 du 2 août 2007
relatif au permis de conduire et à la formation à la conduite des
bateaux de plaisance à moteur.
131 VLAMYNCK (H.), Droit de la police,
5ème éd., Vuibert, 2015, 262, p. 285.
132 Ibid., p. 279.
28
68. Constatation d'une qualité ou d'une
autorisation. Enfin, la constatation d'une qualité ou de
l'accord d'une autorisation ne concerne que les étrangers. Ils doivent
présenter les différents types de titres de séjour,
temporaires ou permanent, aux officiers de police judiciaire (OPJ). «
L'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile dispose que, en dehors de tout
contrôle d'identité, les personnes de nationalité
étrangère doivent être en mesure de présenter les
pièces ou documents sous couvert desquels elles sont autorisées
à circuler ou à séjourner en France à toute
réquisition des OPJ »133. On retrouve dans cet article
la nécessaire qualité d'étranger avec celle de
l'autorisation de circulation et de séjour accordée par la
préfecture pendant un temps déterminé, qui est l'incidence
juridique du contrôle opéré par les OPJ. En outre, de
nombreuses dispositions protègent les documents d'identité
français et internationaux valant titre.
D) Les supports protégés : les documents
d'identité français et internationaux valant
titre
69. Norme internationale ISO/IEC 19794-5 :
2005. Les documents qui entrent dans le champ d'application de
l'infraction de faux documents d'identité sont ceux qui sont
régis par la norme internationale ISO/IEC 19794-5 : 2005 qui
règlemente des méthodes de photographie d'identité
particulière sur les documents d'identité et de voyage
français - CNI et passeports - sur le permis de conduire et sur les
titres de séjour étrangers. Cette règlementation permet
d'établir le type de supports utilisés par les trafiquants. Il en
ressort des types de documents précis qui font partie de l'infraction de
faux documents d'identité. D'abord, traditionnellement la CNI et les
permis de conduire français, européens et internationaux entrent
dans le champ d'application de l'étude. Ensuite, tous les types de
passeports sont à envisager. Il existe sept familles de passeports selon
l'agence centrale des titres sécurisés.
70. Arsenal juridique de protection des passeports.
Le passeport ordinaire est voué à disparaitre car le
Règlement du 13 décembre 2004 impose à la France de
délivrer au plus tard à compter du 28 juin 2009 le passeport
biométrique sur l'ensemble du territoire ; ce passeport est
délivré par la mairie à la personne concernée.
133 Ibid., 264, p. 288. Cela correspond au «
contrôle de la situation des étrangers sur le sol français
».
71.
29
Le passeport « grand voyageur » concernent les
personnes qui se déplacent régulièrement en dehors de
l'espace Schengen, et qui seront amenées à devoir demander le
renouvellement anticipé de leur passeport lorsque toutes les pages
auront été tamponnées par des visas et des cachets
d'entrée ou de sortie du territoire. Or, la décision de
délivrer ce type de passeport relève de la préfecture et
la délivrance peut être refusée si la demande ne
paraît pas justifiée. Ce passeport peut aussi être
délivré à l'étranger auprès d'un consulat ou
d'une ambassade de France134. Le format du passeport « grand
voyageur » est sensiblement le même que le passeport
biométrique, il diffère sur deux points : il contient
quarante-huit pages au lieu de trente-deux pages dans un passeport
biométrique classique ; l'image de fond de pages diffère de celle
du passeport biométrique135. Les pièces justificatives
exigées pour un passeport classique le sont également pour ce
passeport « grand voyageur »136. Il est demandé de
fournir en plus une demande motivée rédigée sur papier
libre137. Les modalités de délivrance sont toutefois
identiques.
72. Le passeport temporaire ou le passeport temporaire
d'urgence sera délivré en cas d'urgence médicale,
humanitaire ou professionnelle138. Il peut être fourni par les
services préfectoraux en cas de maladie grave ou de décès
d'un membre de la famille, en cas de départ imprévu ne pouvant
pas être différé dans le cadre du travail139. La
demande de ce type de passeport se fait auprès de la préfecture,
de la sous-préfecture ou de la mairie. L'ancien passeport devra
être restitué. S'il comportait un visa, il pourra être
conservé pendant la durée de validité de ce visa.
Exception en la matière : le passeport d'urgence ne permet pas de
voyager aux Etats-Unis sans visa. Ce passeport ne comporte pas de puce, il est
électronique à lecture optique, il a une durée de
validité d'un an, et le montant du timbre fiscal est de trente euros, ce
qui est beaucoup moins cher que le timbre fiscal de 86 euros pour le passeport
biométrique.
134
https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-grand-voyageur
135 Ibid.
136 Ibid.
137 Ibid.
138
https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-temporaire
139 Ibid.
73.
30
Le passeport diplomatique est un document
délivré par le ministère des affaires
étrangères, et ce ministre fixe par arrêté la liste
des bénéficiaires d'un tel passeport140. C'est un
document qui permet de faciliter les déplacements de leur titulaire pour
aller dans certains Etat et pour y exercer leur mission141. La
durée de validité de ce type de passeport est de dix ans au
maximum ; il ne peut être utilisé qu'aux fins définies par
le ministère des affaires142. A l'expiration de sa
durée de validité ou lorsque son utilisation n'est plus couverte
par le ministère des affaires étrangères, il devra
être restitué. Tout comme le passeport biométrique, le
passeport diplomatique certifie l'identité et la nationalité du
titulaire. Sur la forme, le passeport diplomatique contient les informations
suivantes : le nom, les prénoms, la date et le lieu de naissance, le
sexe et, si l'intéressé le demande, le nom d'usage ; la couleur
des yeux, la taille ; la nationalité ; la date de délivrance et
la date d'expiration du document ; le numéro du passeport ; la signature
et l'image numérisées de son titulaire143. Afin de
faciliter l'authentification du titulaire de ce document, une puce sans contact
contient les données mentionnées ci-dessus à l'exception
de la signature ainsi que l'image numérisée des empreintes
digitales de deux de ses doigts ; et une zone de lecture optique comportant les
mentions suivantes : le nom de famille, le ou les prénoms, le sexe, la
date de naissance et la nationalité du titulaire, le type de document,
l'Etat émetteur, le numéro du titre et sa date
d'expiration144.
74. Le passeport diplomatique urgent répond aux
mêmes conditions de formes que le passeport diplomatique classique, sous
réserve que ce document sera demandé à titre exceptionnel
et pour des motifs de nécessité impérieuse ou
d'urgence145. Il est délivré pour une durée
maximale d'un an. Afin de faciliter la livraison expresse du passeport, ce
titre ne comporte pas de puce électronique146.
140
https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-diplomatique
141 Ibid.
142 Ibid.
143 Ibid.
144 Ibid.
145
https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-diplomatique-urgent
146 Ibid.
75.
31
Le passeport de mission est délivré aux agents
civils et militaires de l'Etat qui doivent se rendre en mission à
l'étranger ou qui sont affectés à
l'étranger147. La détention du passeport de mission
n'exclut pas la possibilité de l'obtention d'un visa pour se rendre dans
certains pays148. Il est valable cinq ans en sachant qu'il est
délivré gratuitement. Il comporte une particularité en
plus des autres passeports : la commune de rattachement de
l'intéressé ou l'adresse de l'organisme d'accueil auprès
duquel il est domicilié149.
76. Le passeport de service est un document
délivré aux ressortissants du pays émetteur qui, n'ayant
pas droit au passeport diplomatique, accomplissent des missions ou sont
affectés à l'étranger pour le compte du
gouvernement150. Il peut être délivré à
des agents civils ou militaires de l'État, à leurs conjoints
s'ils n'exercent aucune activité rémunérée et
à leurs enfants mineurs. La durée de validité de ce
document est de 5 ans151. La restitution du document est obligatoire
à l'expiration de la validité et si l'utilisation n'est plus
justifiée152.
77. Régime juridique de protection des visas.
Sur les différents types de passeports, un visa peut être
apposé. Par définition, « le visa est un document
délivré par les autorités compétentes d'un pays,
qu'une personne doit présenter lors de son entrée dans un pays
dont il n'est pas ressortissant »153. C'est une vignette
sécurisée apposée sur un passeport et qui atteste que le
titulaire a le droit d'entrée par l'Etat qui l'a
autorisé154. Toutefois, un français voyageant dans
l'espace économique européen est dispensé de
visa155.
78. En Europe, le « visa » est plus
précisément défini comme toute autorisation
délivrée ou toute décision prise par un État membre
qui est exigée pour l'entrée sur son territoire en vu d'un
séjour envisagé dans cet État membre ou dans plusieurs
États membres, pour une période dont la durée totale
n'excède pas trois mois, d'un transit à
147
https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-de-mission
148 Ibid.
149 Ibid.
150
https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-de-service
151 Ibid.
152 Ibid.
153
http://ants.gouv.fr/Les-titres/Visa
154 Ibid.
155 Ibid.
32
travers le territoire ou la zone de transit
aéroportuaire de cet État membre ou de plusieurs États
membres156.
79. Le modèle du visa est établi par un
Règlement du 29 mai 1995 qui a été modifié 18
février 2002157. Il se présente sous la forme d'un
tampon ou d'une vignette autocollante, qui est apposé sur le passeport
en cours de validité. Pour les autres pays, le visa est parfois
exigé. Pour savoir si le pays de destination exige un visa, il convient
de consulter les fiches pays du site du ministère des affaires
étrangères. La validité du visa varie selon les lois du
pays d'accueil, et selon la loi du pays mentionnée sur le visa
lui-même. Il existe d'autres formes de visa tels que les tampons
touristiques158.
80. Multitude de titres de séjour.
Enfin, les supports relevant des titres de séjour rentrent dans
le champ d'application de l'infraction de faux documents d'identité. En
effet, les titres de séjour étrangers appréhendés
par le droit français englobent la carte de séjour
temporaire/annuelle d'un à quatre ans159, la carte de
séjour pluriannuelle160, certificat de résidence pour
un Algérien161, le visa pour les étudiants ou
156 Ibid.
157 Ibid : Règlement (CE) n° 1683/95 du
Conseil du 29 mai 1995 établissant un modèle type de visa
modifié par le Règlement (CE) n°334/2002 du Conseil du 18
février 2002.
158 Ibid.
159 Dans cette catégorie, il y a le visa long
séjour valant titre de séjour qui permet à certains
étrangers de séjourner de quatre mois à un an sans avoir
à demander tout de suite un titre de séjour.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F39
; la carte vie privée et familiale si l'intéressé
à des attaches en France, elle permet de travailler, elle est valable un
an, renouvelable quand elle est délivrée comme premier document
de séjour. Elle est valable quatre ans quand elle délivrée
en
renouvellement d'un premier document de séjour.
https://www.service-
public.fr/particuliers/vosdroits/F2209
; la carte séjour salarié/travailleur temporaire, cette
carte est valable un an renouvelable.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15898
; la carte de séjour visiteur : elle oblige à
l'étranger à rester inactif pendant plus de trois mois et venant
exercer des fonctions religieuses en France. Elle est valable un an
reconductible une fois.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F302
160 Cette catégorie englobe la carte de séjour
pluriannuelle -passeport talent applicable que pour les
étrangers hautement qualifiés, souhaitant investir en France par
exemple, ou valable pour les artistes. Elle est valable quatre ans maximum
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F16922
; carte de séjour pluriannuelle travailleur saisonnier, elle
est valable trois ans maximum et renouvelable.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F21516
; carte de séjour pluriannuelle salarié détaché
ICT concernant les cadres et experts, elle est valable trois ans au
maximum.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33952
; carte de séjour étranger retraité ou conjoint
étranger retraité, elle est valable 10 ans, renouvelable
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2710
161 Cette catégorie englobe le certificat de
résidence d'un an pour Algérien si l'étranger est
majeur et qu'il détient un titre pour séjourner en France, le
préfet délivre soit automatiquement un certificat de
résidence d'1 an vie privée et familiale, soit à
titre discrétionnaire un certificat d'un an portant une autre mention
(salarié, étudiant, etc.). ;
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2215
le certificat de résidence de 10 ans pour Algérien si
l'intéressé a des attaches en France et réside
légalement sur le territoire depuis plusieurs années, le
certificat peut être remis comme un premier titre de séjour ou
après l'attribution d'un ou plusieurs certificats de résidence d'
un an. Il est renouvelable
https://www.service-
33
stagiaires étrangers162, le document de
circulation pour un étranger mineur163, la carte de
résident d'une durée de dix ans164, les autorisations
provisoires de séjour d'un, trois ou six mois165, et enfin la
carte de séjour européen166.
81. Evolution législative récente des
titres de séjour. Très récemment, la loi du 10
septembre 2018 pour une immigration maitrisée, un droit d'asile effectif
et une
public.fr/particuliers/vosdroits/F2257
; le certificat de résidence pour Algérien /conjoint
algérien retraité, il faut avoir vécu en France.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F3137
162 Cette catégorie contient le visa ou carte de
séjour étudiant après avoir demandé un visa de long
séjour valant titre de séjour mention étudiant
(valable 4 mois à 1 an). Après un an l'intéresse peut
demander une carte de séjour temporaire étudiant
(valable 1 an). Si l'intéressé continue ses études,
il pourra demander une carte de séjour pluriannuelle étudiant
sous conditions de ressources suffisantes.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2231
; une autorisation provisoire de séjour étudiant si
l'intéressé a été récemment
diplômé de l'enseignement supérieur et qu'il souhaite
travailler en France.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17319
; visa ou carte de séjour stagiaire impose à
l'intéressé de venir en France plus de trois mois pour suivre une
formation en entreprise ou à l'hôpital. Si le stage est
prolongé, l'intéressé doit demander une carte de
séjour en préfecture.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17312
; Stagiaire aide au pair si l'intéressé est accueilli
temporairement dans une famille en France et fait des études.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15813
163 Cette catégorie intègre le document de
circulation pour étranger mineur qui autorise le séjour en France
du mineur sans obligation d'avoir un titre de séjour, ce document est
utile pour tout déplacement hors de France. La personne qui exerce
l'autorité parentale sur l'enfant doit en faire la demande en
préfecture ou en sous-préfecture en fournissant certains
justificatifs. Le document est valable cinq ans et renouvelable.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2718
; Le titre républicain pour mineur étranger né en
France permet à un individu « de prouver son identité et
d'être dispensé de visa lors de son retour en France après
un voyage à l'étranger. La personne qui exerce l'autorité
parentale sur l'enfant doit en faire la demande en préfecture ou en
sous-préfecture en fournissant certains justificatifs.
Le document est valable 5 ans et renouvelable ».
https://www.service-
public.fr/particuliers/vosdroits/F297
164 Carte de résident de 10 ans pour un étranger
: « Cette carte peut vous être remise en 1er titre de
séjour ou à l'issue d'une carte de séjour temporaire ou
pluriannuelle, notamment en raison de vos attaches familiales en France, des
services que vous avez rendus à la France ou de la protection qui vous a
été accordée »
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2208;
Carte de résident longue durée-UE valable 10 ans si
l'intéressé à une Carte bleue européenne et qu'il a
vécu cinq ans en France sans interruption.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17359;
Carte de résident permanent à l'expiration d'une carte de
résident de 10 ans ou d'une carte de résident longue
durée-UE
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F11201
165 Elle concerne le parent étranger ayant un enfant
malade en France
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17336
; un étranger souhaitant faire une mission de volontariat en France
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17335
166 Cette catégorie comprend la carte de séjour
pour citoyen UE/EEE/Suisse qui ne peut pas excéder cinq ans
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F16003
; la carte de séjour citoyen UE/EEE/Suisse - séjour
permanent après cinq de travail et de séjour en France
ininterrompu, elle est valable 10 ans renouvelable
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F22116
; la carte de séjour famille d'un européen si
l'intéressé est rejoint en France par sa famille proche d'une
validité de cinq ans, elle est renouvelable
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F19315,
le carte de séjour famille d'un européen - Séjour
permanent, après cinq ans de séjour ininterrompu en France,
les membres de la famille peuvent obtenir un séjour permanent, elle est
valable 10 ans renouvelable
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F22117;
la perte de la carte de séjour par un Européen ou un membre de sa
famille ;
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F847
; le vol de la carte de séjour d'un Européen ou d'un membre de sa
famille.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F22118
34
intégration réussie, a créé de
nouveaux titres de séjour pour les bénéficiaires d'une
protection subsidiaire, du statut d'apatride, des étudiants et des
« jeunes au pair »167.
82. Nouveau modèle de carte de séjour.
Déjà en 2011, un nouveau modèle de carte de
séjour a été mis en place pour lutter contre les fraudes,
avec non seulement l'intégration d'un composant électronique muni
d'une photographie de face du titulaire de la carte à
l'intérieur, puis surtout avec une numérotation plus
sophistiquée de la carte168.
83. Transition. Une deuxième
condition préalable indispensable doit être vérifiée
en plus des supports spéciaux entrant dans le champ d'application de
l'infraction de faux documents d'identité, celle de l'existence
préalable d'une organisation criminelle internationale de
trafiquants.
|