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Le trafic international de faux documents d'identité


par Jean-Michel HAZIZA
Université de Pau et des Pays de l'Adour - M2 Police et sécurité intérieure  2019
  

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Conclusion générale.

INTRODUCTION

1. Citation. « Le regard criminologique se déplace de l'étude de la délinquance individuelle vers l'observation et l'analyse de nouvelles formes de criminalité, que sont le crime organisé, le terrorisme, les trafics divers, ainsi que des menaces qu'elles constituent pour la sécurité des personnes, des biens et de la vie sociale en général »1.

2. Enjeux. Le trafic international de faux documents d'identité est mis entre parenthèse par la matière juridique puisqu'il n'existe, à l'heure actuelle, aucune convention internationale réprimant ce phénomène criminel. Ce trafic permet d'alimenter des organisations criminelles d'envergure, comme le trafic illicite de migrants et la filière de la prostitution. L'achat et l'emploi de faux documents d'identité entre les mains des trafiquants de filières internationales permettent aux victimes - les migrants ou les prostituées - d'entrer sur un territoire, de se maintenir sur ce dernier, de transiter vers un autre lieu. La vente de faux documents d'identité serait un moyen très lucratif servant aux organisations criminelles internationales.

3. Historique. L'Etat français a pourtant lutté contre la fraude documentaire en mettant en place une surveillance accrue de l'identité des personnes séjournant sur le territoire de la République. L'ère postrévolutionnaire a été marquée par l'inscription des premiers éléments d'identité sur les documents de circulation pour faciliter les contrôles policiers2.

4. D'ailleurs, deux décrets de février 1792 ont exigé la délivrance de passeport intérieur par les officiers municipaux : document utilisable pour passer les frontières françaises et pour circuler à l'intérieur du territoire français3. Sous le règne de Napoléon 1er, le passeport intérieur est resté une nécessité pour la sûreté de l'Empire et de la sécurité intérieure4. Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle qu'apparait la carte d'identité nationale (CNI), en Algérie, avant d'être officialisée par les décrets du 22 et 26 septembre 1955. Ainsi, de nombreux documents administratifs ont été mis en

1 GASSIN (R.), « Criminologie et « savoir » sur la sécurité intérieure », Rev.pén.,2010, p. 485 et s.

2 THIREAU (J.-L), « L'identité des personnes : perspectives historiques », L'institution, PUF, publ. curapp-revues, 1981, p. 158.

3 BONNAFOUX (P.), Des passeports. Etude historique et critique, Thèse Droit, Toulouse, 1927, p. 32-36.

4 ROUGIER (R.), « Des faux commis en matière de pièces d'identité », Mélanges, Revue de droit international et de législation comparée, 1906, p. 5.

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circulation sur le territoire français prouvant le contrôle de l'administration et de la police sur l'identité des individus.

5. Institution d'une police civile sur l'individu. Selon Planiol, « une institution de police civile »5 s'exerça uniquement sur le nom de chaque citoyen au cours de l'histoire française pour des nécessités sécuritaires, notamment pour assurer une plus grande surveillance de l'Etat sur la fraude à l'identité et pour mieux contrôler l'accès aux frontières au moyen de la délivrance de passeports intérieurs6. Or, la délivrance du passeport intérieur et de la CNI ne dépend pas du domaine de la loi, prévu à l'article 34 de la Constitution. En effet, ces deux documents proviennent d'un acte exécutoire pris par le pouvoir exécutif : le décret. Ce sont les autorités départementales qui disposent de ce pouvoir réglementaire, notamment les préfectures, pour imposer des éléments d'identification des individus, qui sont apposés sur les documents d'identité. En utilisant la voie décrétale et non pas la voie législative, l'Etat de droit s'est transformé en un Etat policier en prétextant la défense de la sûreté publique afin de mieux surveiller l'identité civile des individus.

6. Définition polysémique de l'identité. Selon Lévi-Strauss, « le terme de l'identité se situe non pas seulement à un carrefour, mais à plusieurs »7, notamment au sein du droit. Le droit ne s'intéresse pas à l'être humain dans son état de nature mais dans son état de culture, en lui imposant des règles. Gérard Cornu affirme que l'identité permet de reconnaitre et de distinguer les individus les uns des autres8. Le droit impose aux individus une « identité stable »9 pour faciliter la reconnaissance et la distinction de chaque individu. Or, l'identité stable se trouve dans l'état de la personne. L'état de la personne peut se définir comme « l'ensemble des caractères biologiques et sociaux permettant d'individualiser une personne dans la société dans laquelle elle vit »10. Or, la mesure des caractères biologiques et sociaux varie en fonction des pays. Par exemple, en Allemagne, la religion fait partie des renseignements que l'individu doit fournir à l'administration fiscale ; aux Etats-Unis, l'origine ethnique se trouve mentionnée dans

5 Ibid.

6 Ibid., p. 8.

7 BAUDRYDU (R.), JUCHS (J.-Ph), « Définir l'identité », Hypothèses travaux de l'école doctorale d'histoire, Sorbonne, 2007.

8 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, « Identité », PUF, 2014.

9 ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé, Thémis droit, PUF, 2013, n° 15, p. 38.

10 ZENATI-CASTAING (F.), REVET (T.), Manuel de droit des personnes, PUF, 2006, 33, p. 48.

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l'état civil des individus, ce qui n'est pas le cas en France11. Le droit civil français appréhende les critères biologiques et sociaux de l'état des personnes dans l'état civil. En effet, le code civil (CC) accorde aux personnes une identité légale car il régit les « actes de l'état civil »12.

7. Identité juridique. C'est l'article 34 du CC qui impose les éléments d'identification légaux de chaque personne : le nom, la profession, le domicile, les dates et lieu de naissance. Le sexe de l'individu n'est mentionné que plus loin, à l'article 57 alinéa 1er du CC, dans le chapitre consacré « aux actes de naissances ». Les actes de l'état civil représentent des écrits au sein desquels l'autorité publique constate, de manière authentique, les principaux événements de la vie d'un individu : l'acte de naissance, l'acte de mariage, et l'acte de décès13. Tous ces actes d'état civil sont conservés par une institution municipale - la mairie - par l'intermédiaire de l'officier d'état civil14. Or, le législateur a placé la nationalité de l'individu en dehors des actes de l'état civil, puisqu'elle se trouve dans le Titre 1 Bis « De la nationalité française ».

8. Vision publiciste de l'identité. De ce constat formel découle une autre idée : la vision civiliste de l'identité de la personne doit être confrontée à une vision publiciste de cette dernière fondée sur une « police civile »15 mettant en place des normes strictes d'identification. C'est l'idée que le législateur a développé un ordre public civil s'imposant sur l'individu, sans lui laisser la moindre autonomie de la volonté.

9. Par exemple, l'état de nature a imposé à l'individu un sexe, élément d'identité qui est vu comme un caractère immuable par l'Etat16. Par ce raisonnement il est ainsi possible d'expliquer pourquoi le sexe de l'individu, codifié à l'article 57 alinéa 1er du CC, se trouve séparé des actes de l'état civil inscrivant les modifications de la vie de l'individu. De plus, la police civile s'intéresse plus particulièrement aux vagabonds et aux clandestins17. Ces individus n'ont aucun statut juridique reconnu par l'Etat du fait de l'absence de la remise d'une copie de l'état civil à leur égard, d'autant plus qu'ils n'ont

11 ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé, op.cit., n° 15, p. 38.

12 Livre premier, Titre II, « Des actes d'état civil ».

13 CARBONNIER (J.), Droit civil, Introduction : les personnes, la famille, l'enfant, le couple., PUF, Vol. 1,1996, p. 471.

14Ibid.

15 Selon LEMOYEUR (A.-M), les critères de l'identification relèvent de la « police civile », ou plus exactement de l'ordre public (V. ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé, op.cit., n° 17, p. 40).

16 ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé, op.cit., n° 18, p. 41.

17 Ibid.

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pas la permission de rester sur le territoire. Or, la police civile se fonde sur le critère de la nationalité de l'individu pour décider de donner la permission ou non de rester sur le territoire. Ainsi, le refus administratif d'obtenir une permission de l'Etat vient du principe de l'indisponibilité. En conséquence, deux impératifs publics principaux pèsent sur l'autonomie de la volonté de chacun des individus : l'immutabilité et l'indisponibilité18. Partant, il existe une imbrication entre l'ordre public de la police civile et les actes de l'état civil qui forment l'identité légale de l'individu.

10. Apparition de nouvelles formes d'identités. Toutefois, l'essor d'une société moderne individualiste a causé l'apparition de nouvelles formes d'identités qui réduisent ou enflent le noyau dur de l'identité légale de l'individu, exigée et construite par l'Etat. En réponse à cela, le droit civil est venu protéger l'identité numérique, identité conçue de toute pièce par l'individu sur Internet, s'émancipant de son identité légale19.

11. La Convention européenne des droits de l'homme a été la première à protéger « des personnes à l'égard des traitements automatisées de données à caractère personnel »20 en complément de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « informatiques et libertés ». La loi de 1978 a créé la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL), autorité administrative indépendante jouant un rôle primordial sur le contrôle de la liberté informatique des individus. Face au développement des nouvelles technologies, les politiques publiques surveillent une autre identité apposée à celle de l'identité légale, celle d'une identité biologique, fondée sur la biométrie dans le but de « renforcer la sécurité de l'Etat face à la mondialisation »21.

18 Ibid.

19 Ibid., n° 33, p. 67.

20 La Convention européenne des droits de l'homme pour la protection à l'égard des traitements automatisées de données à caractère personnel du 28 janvier 1981, entrée en vigueur en France en 1985. Plusieurs directives ont suivi cette protection : les directives 95/46/CE du 24 octobre 1995, 2002/58/CE du 12 juillet 2002 et 2009/136/CE du 25 novembre 2009. La protection de l'identité numérique est inscrite aussi dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à l'article 8.

21 http://www.larousse.fr/encyclopédie/divers/biom%C3%A9trie/27110 : Le domaine de la biométrie est celui de l'anthropométrie, qui vient du grec antropos, et métron « mesure ». La biométrie serait donc littéralement la mesure de la vie de l'homme.

12.

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Présence de l'identité légale et de l'identité biométrique sur les documents des individus. L'identité légale de l'individu est concurrencée par un besoin de retour à une sécurité publique fondée sur les éléments biologiques des individus. Par exemple, la taille d'une personne mentionnée sur la CNI relève du pouvoir de la mairie, qui impose à cette dernière de la mentionner lors d'une demande de délivrance ou de renouvellement de la CNI. De plus, le passeport biométrique établit l'identité légale de l'individu en reprenant les éléments traditionnels de l'état des personnes, et ce document est complété par des données biologiques comme la couleur des yeux et l'empreinte digitale de l'intéressé, insérées dans une puce électronique installée dans le support. Le noyau de la pression de l'Etat sur l'individu s'accroit par le passeport biométrique car il réduit l'individu à son simple patrimoine génétique et biologique. Or, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le 1er juin 2006, a contrecarré cette politique publique sécuritaire en rendant un avis défavorable sur l'immixtion d'éléments biométriques inscrits sur la CNI22. La politique publique d'une « rebiologisation » de la personne s'est déjà inscrite sur certains documents d'identité, même si l'inscription de l'état civil reste le point d'ancrage de l'identification et de la différenciation des individus.

13. Définition du document d'identité. La notion de document d'identité n'est ni appréhendée par la sociologie, ni par le droit. En droit prétorien, la notion la plus employée reste celle de papiers d'identité, notion qui est souvent confrontée avec les droits fondamentaux de la personne, comme « l'ingérence dans la vie privée au sens de l'article 8 de la Convention EDH »23. De nombreuses décisions de justice concernant les pièces d'identité - CNI, passeport et permis de conduire - ont été rendues sur le fondement de l'article 34 du CC. La notion de pièces d'identité se rapproche de la notion de document d'identité en ce sens que, usuellement, le vocable document est défini comme « une pièce écrite servant d'information ou de preuve » selon le dictionnaire Larousse. Or, en droit administratif, commercial, fiscal et pénal, la pièce est aussi un écrit servant à établir un droit, à prouver la réalité d'un fait ou l'existence d'une chose,

22 http://www.cncdh.fr/sites/default/files/06 avis biometrie.pdf

23 CEDH sect.III, 24 juillet 2003, Smirnova c/Russie, n° 46133/33 et n° 48183/99.

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notamment une pièce d'identité24. La frontière est donc ténue entre la qualification de document et celle de pièce.

14. Sous un second angle, le terme document désigne un « objet quelconque servant de preuve, de témoignage » selon le dictionnaire Larousse. Dès lors, un document d'identité pourrait être défini comme un objet contenant une pièce écrite servant à inscrire les informations sur l'identité d'une personne. Or, l'identité provient de règles édictées par le Règlement et par la Loi. Le droit appréhende donc l'existence d'une identité qui peut être établie et contestée comme un moyen de preuve par les citoyens. Le document d'identité regroupe l'ensemble de la pièce qui prouve toutes les informations sur l'identité légale et biométrique de l'individu.

15. Informations légales inscrites sur tous les documents d'identité. Les informations inscrites sur les documents d'identité se composent du nom, du/des prénom(s), du sexe, de la date et du lieu de naissance, du domicile/de la résidence et de la nationalité. L'étude des documents d'identité se limitera aux éléments d'identification inscrites sur les documents d'identité sans se préoccuper des conséquences liées à la filiation. Le nom des parents se transmet de plano jure aux descendants à l'inverse du nom d'usage qui ne sera mentionné sur l'état civil qu'à la demande de l'intéressé25. L'attribution du/des prénom(s) a un caractère plus volontaire que légal, en sachant que c'est l'officier d'état civil qui a la qualité pour dresser immédiatement, sans observation, les prénoms qui lui sont dictés par le déclarant au nom des parents26.

16. La mention du sexe est obligatoire dans l'acte de naissance selon l'article 57 alinéa 1er du CC, après examen de l'enfant par un médecin accoucheur27. Par principe, la mention du sexe du nouveau-né est inscrite pour toujours dans les registres d'état civil et sur les documents d'identité. Toutefois, la Cour de cassation, par deux arrêts rendus en assemblée plénière le 11 décembre 1992, a autorisé la modification du sexe dans les registres d'état civil. Le droit prétorien a donc adapté l'apparence physique avec le comportement social de l'individu. La date et le lieu de naissance doivent être certifiés

24 http://www.cnrtl.fr/definition/pièce

25 CARBONNIER (J.), Droit civil, Introduction : les personnes, la famille, l'enfant, le couple., op.cit., p. 422-424. Toutefois, depuis la loi du 23 décembre 1985, le nom patronymique est devenu le nom parental, libre choix laissé aux parents.

26 Ibid., 229, p. 437.

27 Ibid., 268, p. 497.

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de manière certaine par l'officier d'état civil pour que le maire puisse en établir un acte de naissance.

17. Le nouveau-né sera lié, durant toute sa vie, à sa mairie du lieu de naissance28. Le domicile et la résidence sont des localisations juridiques de la personne. Mais la notion de résidence est venue concurrencer le domicile, car elle suppose un rattachement plus concret et plus souple de l'individu à un lieu29. Les deux notions se chevauchent sur le passeport biométrique puisqu'il est mentionné le terme de « résidence/domicile ». L'individu ne doit disposer que d'un seul domicile. C'est le principe civiliste de l'unité du domicile. Le premier domicile est établi par la loi, c'est le domicile légal d'origine30. C'est le premier domicile qui sera inscrit sur les documents d'identité. Cependant, le mineur émancipé ou la personne majeure peut changer le domicile légal d'origine pour en déterminer un autre qu'il aura choisi, c'est le domicile volontaire31. En pratique, il pourra faire la demande du changement de domicile en mairie pour que soit apposé sur sa nouvelle CNI le lieu qu'il aura élu comme domicile.

18. Il existe aussi le domicile de dépendance, domicile où une personne vit sous le toit d'une autre personne. Par exemple, les domestiques employés de maison sont logés au domicile de l'employeur, au regard de l'article 109 du CC. Enfin, le domicile d'attache concerne « les bateliers et autres personnes vivant à bord d'un bateau de navigation intérieure immatriculé en France » selon l'article 102 alinéa 3 du CC.

19. La résidence de l'individu est plus réaliste que le domicile et elle est beaucoup moins abstraite. C'est un lieu où l'individu réside effectivement, pourvu que cette résidence soit stable et habituelle32. La résidence peut être choisie à défaut de domicile connu selon les articles 43 et 655 du code de procédure civile (CPC). Cette tendance réaliste de la résidence s'est inscrite dans la législation en droit international privé pour déterminer le domicile aux articles 287 dernier alinéa, 311-15 et 311-18 du CC et à l'article 1070 du CPC en matière de divorce. Or, la preuve du domicile ou de la résidence s'effectue par des certificats de domicile ou de résidence délivrés par les mairies.

28 Ibid., p. 396.

29 Ibid., 243, p. 456. Le code de procédure pénale (CPP) a réuni les deux notions aux articles 42 et 43 en disposant que la résidence ou le domicile peuvent se définir comme le « lieu où demeure la personne ».

30 Ibid., 245, p. 459.

31 Ibid.

32 Ibid., 247, p. 464.

20.

8

Enfin, le droit de la nationalité est lié au droit des étrangers et au contrôle de l'immigration33. La question est donc non seulement juridique mais surtout politique, notamment en matière de lutte contre les faux documents d'identité34. Le droit français combine deux modes d'attribution de la nationalité : le double jus soli35 et le jus sanguinis36. Or, « la nationalité est un élément d'individualisation de la personne et possède, en principe, davantage de stabilité que le domicile »37. C'est pour cela qu'elle est aussi inscrite sur les documents d'identité.

21. Informations biométriques inscrites sur certains les documents d'identité. Certaines mentions biométriques sont aussi inscrites sur les documents d'identité. Les éléments portant sur le physique des personnes contenus dans certains documents d'identité sont les suivants : la photographie d'identité, la taille, la couleur des yeux et l'empreinte digitale. La norme internationale ISO/IEC 19794-5 :200538 réglemente « l'apposition des photographies d'identité sur les documents d'identité et de voyage français, notamment les CNI et les passeports, ainsi que sur les permis de conduire et les titres de séjour pour étrangers »39. Des normes sont imposées sur le format, la qualité, la luminosité, le fond de la photographie, le visage, les yeux et la tête40.

33 BUFFELAN-LANORE (Y.), LARRIBAU-TERNEYRE (V.), Droit civil : introduction, biens, personnes., Sirey Université, 2013, p. 448.

34 La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, a repris des mesures drastiques notamment pour lutter contre la production de documents falsifiés et pour lutter contre les mariages « naturalisants ».

35 Le double droit du sol. Le droit français permet d'acquérir la nationalité par le fait de naître sur le territoire, d'une personne elle-même née sur ce territoire. Le droit français combine ces deux modes d'attribution de la nationalité.

36 Le droit du sang. Ce droit attribue à une personne la nationalité de ses auteurs. La nationalité s'acquiert par la filiation selon l'article 18-1 du CC : « est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ».

37 MAZEAUD (P.), Rapport de l'assemblée nationale, n° 125, p. 97.

38 ISO correspond au sigle « Organisation internationale de normalisation ». « Les normes ISO sont élaborées par des groupes d'experts venant du monde entier, qui forment des groupes plus grands : les comités techniques ». V. http://www.iso.org/fr/developing-standards.html

39 V. Ann., n°1.

40 Article 1er de l'arrêté du 5 février 2009 relatif à la production de photographies d'identité dans le cadre de la délivrance du passeport.

V. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020246797&categorieLien=id Article 1er de l'arrêté du 10 avril 2007 relatif à l'apposition de photographies d'identité sur les documents d'identité et de voyage, les permis de conduire et les titres de séjour.

V. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006056182

22.

9

Une circulaire du ministre de l'Intérieur à l'attention des préfets et du préfet de police relative à l'établissement et à la délivrance des CNI prévoit que « la taille peut être dans certains cas un élément d'identification important et elle doit être mentionnée avec précision »41. Dès lors, l'exactitude de la taille mentionnée par l'intéressé serait a priori une condition essentielle pour obtenir la restitution d'une CNI. Or, la taille de l'individu sera susceptible de varier dans les faits, entre la date de la délivrance du document d'identité et la date d'expiration de celui-ci, qui peut aller jusqu'à quinze ans pour les majeurs42. Ainsi, la taille n'est qu'un élément relatif de la preuve de l'identité d'un individu. Est aussi mentionné la couleur des yeux. Elle n'est pas obligatoire sur les CNI. En revanche, elle est imposée pour la délivrance de passeports biométriques43.

23. Enfin, la prise d'empreinte digitale est mentionnée sur certains documents de voyage, comme le passeport biométrique44. Celle-ci est insérée dans une puce électronique dans le but de faciliter la sûreté des documents de voyage et les formalités de contrôles aux frontières45 selon l'Organisation de l'avion civile et internationale, agence spécialisée de l'organisation des Nations-Unies. Tout ce processus de biologisation des documents d'identité et de voyage des individus a été lancé et incorporé automatiquement par le Conseil de l'Union européenne dans la règlementation interne des Etats membres, en 200446.

24. Par conséquent, l'identité biométrique des individus ne couvre pas tous les types de documents d'identité puisqu'elle n'est inscrite que sur les passeports et les documents de voyages.

41 http://www.ariege.gouv.fr/content/download/4228/24344/file/Circulaire%20minist%C3%A9rielle% 20relative%20%C3%A0%20l'%C3%A9tablissement%20et%20la%20d%C3%A9livrance%20des%20cart es%20nationales%20d'identit%C3%A9.pdf, 52, p. 41.

42 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028347072&dateTexte&catego rieLien=id : C'est l'article 2 du décret n° 2013-1188 du 18 décembre 2013 relatif à la durée de validité et aux conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité qui prévoit cette condition. A contrario, la durée de validité de la CNI pour les mineurs est de 10 ans.

43 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=56168F3275242AF3F42F14BFB5EB94DD.tp lgfr23s1?cidTexte=JORFTEXT000000268015&dateTexte=20111006 : La mention de la couleur des yeux sur le passeport biométrique est imposée par l'article 1er du décret n°2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports, modifié par l'article 2 du décret n°2008-426 du 30 avril 2008.

44 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000018763666 : La prise
d'empreinte digitale est imposée par l'article 6-1 du décret n°2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports, modifié par l'article 21 du décret n°2016-1460 du 28 octobre 2016.

45 https://www.icao.int/Meetings/FAL12/Documents/fal12wp066fr.pdf : §2.

46 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32004R2252&from=FR : Règlement (CE) n° 2252/2004 du Conseil du 13 décembre 2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres.

25.

10

Corpus d'étude. Le choix du support matériel de l'étude est déterminant pour cibler précisément les caractéristiques du trafic international de faux documents d'identité. Dans la continuité de la délimitation opérée précédemment sur l'identité légale et l'identité biométrique, le choix du corpus s'analysera uniquement sur la délivrance et sur la signature du document d'identité délivré par une autorité administrative. Ces documents font partie de la catégorie juridique des documents délivrés « par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation »47. Il s'agit donc d'écarter du champ d'étude les documents d'identité à caractère privé n'ayant pas une incidence juridique.

26. Exemples d'administrations publiques qui constatent un droit, une identité, une qualité ou qui accordent une autorisation : les préfectures départementales et la Préfecture de police de Paris qui délivrent et signent la CNI ou le passeport, un Consulat étranger48 qui peut délivrer un visa autorisant un voyage à l'étranger.

27. Ainsi, le corpus d'étude portera sur « les documents d'identité et de voyage français »49 et internationaux, dont « les CNI et les passeports ainsi que sur les permis de conduire et titres de séjour pour étrangers »50, car ils mêlent l'identité légale et l'identité biométrique de l'individu conditionnées par des normes européennes et internationales similaires quant à la photographie d'identité. Les CNI sont des documents d'identité et de voyage car elles permettent de circuler dans l'espace Schengen librement et elles attestent l'identité et la nationalité des individus faisant partie d'un Etat membre.

28. Les différents types de passeports51 sont des titres sécurisés à vocation internationale ayant des conséquences juridiques aux fins de constater un droit et une identité. En effet, les passeports ouvrent la possibilité aux ressortissants français de prouver leur identité et leur nationalité pour voyager dans le monde. Ce document est indispensable à l'entrée des Etats ne faisant pas partie de l'espace Schengen ou qui n'ont pas d'accords bilatéraux avec la France. Aujourd'hui, ce document de voyage étroitement lié aux transports aériens est régi par l'Organisation de l'aviation civile internationale. Le

47 Article 441-2 alinéa 1er du code pénal (CP).

48 Cass. Crim., 9 octobre 1978, N° 76-92075 ; Gaz. Pal. 1979, 2., Somm.354 ; RSC 1979. 829, Obs. Vitu. Le CP protège la falsification des documents qui sont délivrés par un consulat étranger.

49 V. Titre Ann., n°1.

50 Le terme « documents de voyage » englobe le visa. V. http://ants.gouv.fr/Les-titres/Visa

51 Passeport ordinaire, passeport grand voyageur, passeport temporaire, passeport diplomatique, passeport diplomatique urgent, passeport de mission, passeport de services. V. http://www.ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports

11

Règlement communautaire du 22 décembre 2004 a rendu le passeport biométrique obligatoire pour renforcer la sécurité aux frontières européennes.

29. A l'inverse, le permis de conduire est un document délivré par une administration publique n'ayant que des conséquences juridiques sur la constatation d'un droit. En effet, il permet d'établir la preuve juridique que l'individu a le droit de conduire sur les axes routiers, en sachant qu'en France, le permis de conduire n'est pas un élément de preuve de l'identité. Le permis de conduire a été harmonisé par plusieurs directives européennes pour faciliter la libre circulation des personnes conduisant un véhicule dans l'espace communautaire. La directive 2006/126/CE du 20 décembre 2006 prévoit un format unique des conditions formelles et substantielles du permis de conduire52.

30. Enfin, la règlementation des titres de séjour étrangers est la plus complexe car ce sont des documents délivrés par une administration publique aux fins de constater une qualité ou d'accorder une autorisation de rester sur le territoire à un étranger. Ainsi, ces documents officiels délivrés par l'administration publique concernent uniquement les personnes ayant la qualité de ressortissants étrangers afin qu'ils puissent être autorisés à rester sur le territoire de la République, en leur accordant une résidence. Or, cela entre dans la définition du corpus qui traite des documents délivrés « par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation »53. Ici, un titre ou une carte de séjour temporaire ou permanent constate la qualité de ressortissant étranger et permet d'accorder une autorisation de résidence sur le territoire.

31. Infraction de faux documents d'identité au sein du trafic international de faux document d'identité. L'infraction de faux documents d'identité intégrée au trafic international de faux documents d'identité n'existe pas en tant que telle. C'est une notion exploratoire qui n'est ni prévue par le droit international, ni par le droit européen, et ni par le droit interne.

52 http://www.ants.gouv.fr/Les-Titres/Permis-de-conduire

53 Article 441-2 alinéa 1 du CP.

32.

12

L'infraction de faux documents d'identité permet aux acteurs du trafic de faire un bénéfice considérable. Ce n'est pas tant le contenu de l'écrit qui fera l'objet d'une prise en compte essentielle pour l'application du texte d'incrimination54 mais surtout le type de document utilisé par les faussaires. Le faux n'est répréhensible que si le support falsifié « a pour objet ou peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques »55. Cela signifie que le document falsifié doit valoir titre, c'est-à-dire que ce dernier doit avoir une « incidence juridique »56. Or, les documents prouvant une identité civile par exemple ont une incidence juridique. Le faux matériel touche à l'aspect physique du document, c'est une falsification grossière, visible57. Il résulte d'une manipulation matérielle et il sera en principe aisément détecté par une expertise58. Les faussaires manient des « techniques de grattage du papier, de lavage, de découpage, de collage, l'astuce de la tâche d'encre pour masquer quelque chose, l'imitation en écriture »59; ou encore la fabrication totale du document60.

33. Détention de faux documents d'identité élargie au trafic de faux documents d'identité. Le législateur a élargi la répression à une simple détention de faux documents pour lutter plus efficacement contre les trafiquants de faux documents61, à l'article 441-3 du CP. L'auteur de l'infraction doit procurer, c'est-à-dire fournir, remettre le document administratif à une personne62. Il est ainsi possible de rapprocher ces dispositions avec les infractions d'obtention indue de documents administratifs et les déclarations mensongères faites à une autorité publique, régies à

54 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit pénal des affaires, Dalloz, 2011, 94 p. 97.

55 Article 441-1 du CP. Ainsi, constituent des titres falsifiés établissant la preuve d'un droit ou de faits ayants des conséquences juridiques les bordereaux de cession de créances (Cass. Crim., 30 mars 1992, bull. n° 132, RSC 1993.549, Obs. Bouzat) ; le procès-verbal de l'assemblée générale d'une société (Cass. Crim., 20 mars 2007, bull. n° 86 ; RSC 2007. 536, Obs. C. Mascala ; Rev. soc. 2007, note B. Bouloc). Toutefois, les déclarations unilatérales soumises à vérification ne créent pas de droits, n'ont aucune valeur probatoire et ne sont pas des titres : exemple du devis (Cass. Crim., 13 février 2002, N°00-85338, bull. n° 29).

56 BONFILS (P.), GALLARDO (E.), Droit pénal des affaires, Collection Cours, LGDJ, 205, p. 112.

57 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit pénal des affaires, op.cit., 96, p. 98.

58 AMBROISE-CASTEROT (C.), Droit pénal spécial et des affaires, Gualino Lextenso, 2016, 432, p. 316-317.

59 Ibid.

60 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit pénal des affaires, op. cit., 96, p. 98. En cas de « fabrication totale d'un écrit par le faussaire », le faux sera répréhensible sans qu'il soit nécessaire d'établir la fausseté des faits ou des mentions contenus dans le support (Cass. Crim.,22 février 1995, Dr. Pénal 1995, Comm.170). « La fabrication du document peut être faite par montage à l'aide de photocopies de documents authentiques, mais le document peut être aussi directement et entièrement imprimé ou manuscrit », V. MALABAT (V.), « Faux », Encyclopédie juridique Dalloz, Rép. pén., t. IV, 2013, 33 p. 8.

61 BONFILS (P.), GALLARDO (E.), Droit pénal des affaires, op. cit., 216, p. 115.

62 MALABAT (V.), « Faux », préc., 102, p. 19.

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l'article 441-6 du CP. L'objet de cette infraction porte sur un document non falsifié63 tandis que l'adjectif indument vise les moyens frauduleux utilisés pour l'obtenir64.

34. Infraction d'usage de faux au sein du trafic international de faux documents d'identité. L'usage de faux suppose nécessairement que le faux soit constitué en tous ses éléments, et l'usage impose une utilisation première du faux65. Les infractions de faux et d'usage de faux peuvent être commises par le même individu, ou par deux individus différents : l'un qui réalise le faux document, et l'autre qui l'utilise. Si un individu a fabriqué lui-même un faux et l'a utilisé après, il pourra être condamné du chef des deux infractions, qui sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amendes66. Quant aux conditions relatives à l'usage du document falsifié, ce n'est rien d'autre que l'utilisation par l'infracteur du document qu'il sait être un faux67.

35. Le droit prétorien a défini l'usage comme un acte quelconque qui amène au résultat que le faux document est censé produire68. L'utilisation de la pièce fausse nécessite un acte positif. L'usage de faux reste répréhensible même si le faussaire est inconnu69 ou si le faux est prescrit. S'il y a plusieurs actes d'usages du document falsifié, chacun d'eux réitère l'infraction de sorte que la prescription ne court qu'à compter de la dernière utilisation du faux70.

36. Répression du fabricant, du détenteur et de l'utilisateur. Il est utile d'étudier le faux au sens large parce que le faux et l'usage de faux hébergent souvent d'autres infractions, dont ils constituent un moyen pour les faussaires ou les utilisateurs de faux de dissimuler le détournement réalisé71. L'infraction de faux au sens large, ainsi définie, permet de comprendre les procédés utilisés par les faussaires : imitation, contrefaçon, fabrication de faux documents d'identité.

63 Ibid., 103, p. 19.

64 Cass. Crim.,19 mai 1981, bull. n° 162, RSC, 1982. 607, Obs. A. Vitu.

65 MALABAT (V.), « Faux », préc., 208, p. 113.

66 AMBROISE-CASTEROT (C.), Droit pénal spécial et des affaires, op. cit., 447, p. 323.

67 Ibid., 448 p. 323-324.

68 Cass. Crim., 15 juin 1939, bull. n° 130.

69 Cass. Crim., 8 août 1995, Dr. Pénal, 1995, Comm.279.

70 VERON (M.), Cours Dalloz M1 M2, Droit pénal des affaires, op. cit., 102, p. 105.

71 BONFILS (P.), GALLARDO (E.), Droit pénal des affaires, op. cit., 216, p. 115.

37.

14

En réponse, le droit pénal français essaie de couvrir toutes les formes d'altération de la vérité ainsi que les personnes concernées par le trafic de faux documents : le fabriquant, le détenteur et l'utilisateur. Or, la répression de l'infraction de faux et d'usage de faux doit s'effectuer dans toute sa dimension internationale.

38. Dimension internationale du trafic de faux document d'identité. Le sens originel du vocable « international »72 signifie la relation entre deux nations entres elles. Un problème pénal qui a une dimension internationale entre nécessairement dans le champ du droit pénal international. Le droit pénal international appréhende les infractions ayant un élément d'extranéité, c'est-à-dire qu'un des éléments constitutifs de l'infraction ait un contact avec un ordre juridique étranger73. Claude Lombois se montre plus précis sur la notion d'élément d'extranéité. Il définit cette notion comme un « facteur de singularisation de la situation pénale »74. Un élément d'extranéité serait finalement un critère de rattachement, c'est-à-dire la nationalité étrangère ou le domicile à l'étranger de l'auteur ou de la victime d'une infraction commise en France, ou la commission à l'étranger d'une infraction commise par un auteur français ou au préjudice d'une victime française75. Or, la dimension internationale de l'infraction de faux et d'usage de faux déprendra soit de la nationalité de l'auteur, soit du domicile de l'infracteur, soit du lieu de la commission de l'infraction.

39. Par là-même, les infractions comportant un élément d'extranéité sont de plus en plus complexes : « les difficultés économiques, sociales et politiques, les guerres et le déplacement d'un tourisme de masse provoquent d'importants déplacements de personnes à travers les frontières et la découverte de nouvelles techniques de communication comme Internet favorise les délits variés comme la contrefaçon ; l'appât du gain pousse à la formation de groupements de malfaiteurs internationaux »76.

72 http://www.cnrtl.fr/definition/International

73 HUET (A.), KOERING-JOULIN (R.), Droit pénal international, Thémis, Droit privé, PUF, 2001, 2, p. 3.

74 LOMBOIS (C.), Droit pénal international, Précis Dalloz, Dalloz, 1979, 15, p. 12.

75 HUET (A.), Renée KOERING-JOULIN (R.), Droit pénal international, op. cit., 2, p. 3.

76 Ibid.

40.

15

En outre, le droit international est délimité naturellement par des frontières77. Or, « la frontière est une réalité consubstantielle du droit international »78, c'est-à-dire qu'elle correspondrait à la source de la construction du droit international. Plus concrètement, le tracé d'une limite a permis de comprendre comment fonctionne l'appropriation d'un territoire par des groupes de personnes agissant dans un cadre étatique79. La frontière serait donc un instrument de séparation entre deux souverainetés, d'autant plus que le Dictionnaire de terminologie du droit international la définit comme une « ligne déterminant où commencent et où finissent les territoires relevant respectivement de deux Etats voisins »80. « La frontière n'est pas un phénomène simple à la signification unique »81 car elle revêt une multitude de significations largement liées à l'apparition de l'État. La frontière se situe ainsi au point d'équilibre de trois données sociologiques : le territoire, l'État, la Nation82.

41. Traditionnellement, les frontières naturelles en droit international sont au nombre de trois : les frontières terrestres, les frontières maritimes et les frontières aériennes. D'abord la frontière terrestre serait déterminée par des faits historiques et politiques83. Ensuite, la frontière maritime serait déterminée par des règles uniformisées par la coutume et les conventions sur le droit de la mer84. Plus précisément, à partir de 1958, il a été admis que la souveraineté de l'Etat côtier va au-delà de son territoire jusqu'à une zone contiguë appelée mer territoriale obligeant le respect de certains droits pour les Etats tiers comme le droit de passage inoffensif85. La

77 SOREL, (J.-C), « Frontière », Rép. intern., juillet 2017, n° 3 : « La frontière reste un phénomène complexe par son ancrage historique, sa sensibilité et les multiples sens qui lui sont donnés. Frontière ligne et frontière zone alimentent le débat, alors que les sens donnés par d'autres États varient. Ainsi, les anglo-saxons distinguent la Boundary (frontière ligne) de la Frontier qui revêt plus le sens d'une zone frontière entre la civilisation et le reste (Wilderness) ».

78 SOREL (J.-F), « Frontière », préc., n° 1.

79 Ibid.

80 Ibid.

81 Ibid., n° 7.

82 BLUMANN (C.), Rapport général, dans La Frontière, colloque SFDI de Poitiers, Paris, Pedone, 1980, p. 3 et s.

83 SOREL (J.-F), « Frontière », préc., n° 21.

84 Ibid : V. les conventions de Genève de 1958 et de Montégo-Bay (CMB) du 10 décembre 1982.

85 Ibid., n° 23-24. Le droit passage inoffensif correspond à un libre passage en droit maritime. C'est le fait de « traverser les eaux territoriales, soit pour entrer dans les eaux intérieures, soit, sans entrer dans les eaux intérieures, pour se rendre un autre point. L'article 25-2 de la CMB reconnaît cependant à l'État côtier le droit de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir la violation de ses réglementations, de même qu'en cas de passage offensif (CMB, art. 29 et 30). Le droit de passage inoffensif est un passage continu et rapide où tout arrêt est en principe interdit sauf en cas d'incident ordinaire de navigation ou de force majeure. Le navire en libre passage, qui n'est pas assimilé à un navire en haute mer,

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Convention de Montego-Bay est venue préciser la limite maximale de cette zone contiguë jusqu'à 12 milles nautiques depuis la ligne de base qui prend en compte le découpage de la côte et de la laisse de basse mer. Les zones économiques exclusives achèveront la délimitation en accordant des droits souverains jusqu'à 24 et 200 milles nautiques de la ligne de base86. Quant à la frontière aérienne, celle-ci est découpée en fonction des règles appliquées à la frontière terrestre et maritime87. Autrement dit, la souveraineté aérienne de l'Etat s'opère pleinement dans ses limites terrestres et maritimes. Cette délimitation aérienne est réglementée par l'article 1er de la Convention de Paris de 1919, confirmée par la Convention de Chicago de 1944. Le régime juridique de la frontière aérienne est différent du régime des deux frontières précédentes parce que le droit de passage inoffensif n'est pas reconnu à l'espace aérien qui domine les eaux territoriales88.

42. L'importance d'avoir défini ce triptyque frontalier permettra de comprendre les déplacements des acteurs du trafic international de faux documents d'identité, transportant la criminalité par-delà les frontières. Sont-ils susceptibles de passer par des frontières qui ont un lien géographique sur plusieurs territoires limitrophes, ou sont-ils susceptibles de voyager par des frontières qui n'ont, par nature, aucune attache géographique ? Ainsi, pour opérer une étude complète de la dimension internationale du trafic, il faut nécessairement définir le vocable transnational.

43. Le vocable transnational est relatif « aux relations entre des Etats qui n'ont pas forcément des frontières en commun »89. C'est l'Union européenne qui a encouragé une politique d'ouverture des frontières nationales en instaurant une libre circulation des individus, une libre circulation des capitaux et de la monnaie, et une libre circulation des marchandises ou de prestations de services90. De ce constat, l'Union européenne a eu la volonté de créer un espace transnational grâce à des relations transfrontalières. Or, comme l'étude du trafic de faux documents d'identité concerne un déplacement physique de ces acteurs, la notion transfrontière semble plus intéressante à définir. Le vocable transfrontalier représente un événement qui concerne deux Etats limitrophes,

doit respecter la réglementation de l'État côtier en ce qui concerne la pollution, la sécurité de la navigation ainsi que la pêche. V. en ce sens MONTAS (A.), « Navigation maritime », Rép. com., novembre 2015, n° 24.

86 Ibid.

87 Ibid.

88 Ibid.

89 http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/transfrontalier-transnational

90 Ibid.

17

séparés l'un de l'autre par une frontière. Pris au sens strict, le terme transfrontalier désigne « la traversée d'une frontière »91 qui suppose l'existence d'une limite entre deux Etats. Dès lors, le vocable transfrontalier introduit la notion de franchissement de deux espaces naturels voisins alors que le terme transnational se réserverait plus aux relations interétatiques.

44. Par conséquent, la dimension internationale du trafic de faux documents d'identité est une notion complexe qui a trait à plusieurs éléments. Or, il est possible de relier la dimension internationale du trafic de faux documents d'identité avec la citation suivante : « le milieu social est le bouillon de culture de la criminalité ; le microbe, c'est le criminel, un élément qui n'a d'importance que le jour où il trouve le bouillon qui le fait fermenter »92.L'espace international se partage entre des frontières terrestres, maritimes, et aériennes, qui sont susceptibles de devenir attrayantes pour des réseaux criminels. Pour faire bouillonner cet espace géographique, les acteurs du trafic de faux documents d'identité vont essayer de trouver des failles dans l'espace international. Leur déplacement pourra se faire entre deux ou plusieurs frontières non contiguës ou entre deux ou plusieurs frontières limitrophes. Il s'agira de voir comment les acteurs du trafic de faux documents font fermenter leur criminalité, en essayant de comprendre leur déplacement entre les frontières internationales.

45. Après avoir délimité les dimensions spatiales du trafic de faux documents d'identité, il convient d'en définir le coeur nourrissant les veines de cette criminalité internationale : le trafic.

46. Notion du trafic, commerce illicite clandestin. Le vocable « trafic » peut être défini comme un « commerce illicite, généralement clandestin »93. Le support du trafic est une « marchandise »94. Or, le commerce évoque l'idée de circulation d'une marchandise entre différentes personnes, l'idée d'une « activité qui consiste à échanger, ou à vendre ou à acheter des marchandises, des produits, des valeurs »95. Cette activité de vente devient illégale lorsqu'elle s'opère dans la clandestinité, plus concrètement dans le secret, à l'abri des regards de la loi.

91 http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/transfrontalier

92 LACASSAGNE(A.), Les transformations du droit pénal et les progrès de la médecine légale, de 1810 à 1912, Archives d'anthropologie criminelle, 1913, p. 364.

93 http://www.cnrtl.fr/definition/trafic

94 Ibid.

95 http://www.cnrtl.fr/definition/commerce

47.

18

Acteurs du trafic. Les acteurs du trafic sont appelés communément les trafiquants : ce sont les individus qui « se livrent à un commerce illicite ou malhonnête »96. Ce sont ceux qui participent activement au sombre commerce. Cette définition est appréhendée par la criminologie. Le trafic fait partie d'un type d'organisations criminelles97.

48. La qualification criminologique du trafic : une organisation criminelle. « Le but principal d'une organisation criminelle est le profit »98. Une organisation criminelle doit comporter trois critères pour être qualifiée comme telle : une activité préférentielle, un penchant pour l'utilisation de la violence, et un mode de fonctionnement en interne99.

49. Quid de l'application de ces critères pour le trafic ? Observations sur le premier critère : les trafiquants se focalisent essentiellement sur l'achat et la vente de « substances, de produits ou de services dont au moins un aspect est frappé d'illégalité »100. Observations sur le deuxième critère : les trafiquants utilisent la violence pour lutter contre la concurrence et dérouter les « tricheurs et les délateurs »101. Observations sur le troisième critère : les trafiquants coordonnent les opérations de ventes transactionnelles en s'ajustant les uns par rapport aux autres en utilisant des rapports marchands, comme « on fait agir l'autre en lui offrant un prix intéressant de vente »102. Ainsi, « les lois du marché assurent la coordination des opérations au sein des réseaux de trafiquants : prix, offre et demande »103. Autrement dit, le vendeur et l'acquéreur s'accordent sur un prix de vente en rapport avec la marchandise, objet de la vente.

96 http://www.cnrtl.fr/definition/trafiquant

97 PRADEL (J.), DALLEST (J.), (dir.), La Criminalité organisée, Droit français, droit international et droit comparé, Droit et professionnels., LexisNexis, 2012, 4, p. 7.

98 Ibid.

99 Ibid., p. 9.

100 Ibid.

101 Ibid.

102 Ibid., p. 10.

103 Ibid.

19

50. Intérêt, un contexte actuel complexe. La problématisation du sujet doit se faire nécessairement avec le contexte actuel lié au déplacement physique de nombreuses populations : « chaque année, plus de 200 millions de personnes quittent leur pays. C'est 3% de la population mondiale qui se déplace, ainsi, fuyant les conflits, les persécutions, en quête d'une vie meilleure »104. Ces déplacements sont liés à des « situations d'urgence »105 supposant nécessairement un franchissement de frontières de groupes d'individus vers des pays limitrophes. Ces flux migratoires ont surtout causé des « traversées mortelles »106 aux portes de l'Europe. Les migrants viennent d'Afrique pour accéder à l'Europe. Il existe aujourd'hui trois routes principales migratoires vers l'Europe : la route de la Méditerranée orientale107, la route de la Méditerranée centrale108, la route de la Méditerranée occidentale109. Le constat est le suivant : les migrants empruntent de plus en plus la route de la Méditerranée occidentale vers l'Espagne depuis l'année 2018, même si la route la plus convoitée reste la route de la Méditerranée centrale pour rejoindre l'Italie, malgré une baisse significative du nombre de disparus en 2018. Les causes des migrations sont complexes, mais les plus criantes sont la pauvreté et les conflits comme les guerres civiles, en sachant qu'il existe une fracture Nord-Sud en fonction des PIB110. Ces déplacements de populations cachent aussi un « sombre commerce »111 de trafic de migrants. Or, cette activité se montre très

104 « Atlas des nouvelles routes », Courrier international Hors-Série, septembre-octobre 2018, p. 30-31.

105 Ibid., p. 32-33 : « Ils cherchent à échapper à une crise politique et économique, comme au Venezuela, à la guerre, comme en Syrie, ou à l'oppression, comme les Rohingyas en Birmanie. La première destination pour ces réfugiés : les pays voisins. ». Exemples de pays en situation d'urgence humanitaire provoquant le départ des réfugiés vers les pays voisins : le Venezuela, le Nigéria, la République Centrafricaine, le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo, le Burundi, la Birmanie, le Yémen, le Syrie, au printemps 2018 d'après le Haut-commissariat des réfugiés. Les deux principaux pays d'accueil européens sont l'Espagne pour les réfugiés Vénézuéliens et la Turquie pour les réfugiés Syriens.

106 Ibid., p. 37 : « Les itinéraires de migrants s'adaptent aux décisions des états européens : sur les premiers mois de 2018, l'Italie a été peu à peu délaissée au profit de l'Espagne ». Preuve en chiffre : « 51 782 migrants ont rejoint les côtes européennes en traversant la méditerranée entre le 1er janvier 2018 et le 18 juillet 2018 selon l'Organisation international pour les migrants. C'est presque cinq fois moins qu'en 2016, sur la même période. Mais face au durcissement des politiques européennes, les risques pris par ceux qui tentent la traversée, eux, ne cessent de croître ».

107 Ibid. Nombre de disparus par la route de la Méditerranée orientale aux portes de la Grèce : en 2016, 383 disparus ; en 2017, 37 disparus ; en 2018, 89 disparus, année en cours.

108 Ibid. Nombre de disparus par la route de la Méditerranée centrale aux portes de l'Italie, en Sicile : en 2016, 2567 disparus ; en 2017, 2221 disparus ; en 2018, 1109 disparus.

109 Ibid. Nombre de disparus par la route de la Méditerranée occidentale aux portes de l'Espagne, Détroit de Gibraltar : En 2016, 97 disparus ; en 2017, 124 disparus ; en 2018, 295 disparus.

110 Ibid :« Entre les pays subsahariens et ceux d'Europe occidentale les chiffres varient facilement du simple au décuple ».

111 Ibid., p. 38-39. Le 13 juin 2018, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a publié sa première étude mondiale sur le trafic de migrants. On y découvre une activité mondialisée et très lucrative. En ce sens V. Ann., n° 2.

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lucrative : « 2,5 millions de migrants au moins sont tombés entre les mains de passeurs en 2016. Une activité qui a rapporté aux trafiquants 5 à 7 milliards de dollars »112. Toutes ces indications permettraient de soutenir que ces mouvements de populations sont nourris par des organisations criminelles très lucratives, qui pourraient intégrer des trafiquants de faux documents, motivés par l'argent facile.

51. En outre, les migrations contrecarrent les deux piliers du système politique interne et international que sont la souveraineté de l'Etat et la citoyenneté liée à la nation113. Et l'immigration contrarie la souveraineté des Etats emportant avec elle la remise en cause de la notion de frontière, en privilégiant l'installation dans la mobilité comme mode de vie par des pratiques diasporiques114. En effet, « la migration défie la conception Wébérienne de l'Etat, car elle remet en cause la relation entre population, territoire et monopole du pouvoir. La migration est une déterritorialisation des populations, elle introduit la fluidité du passage, l'hybridation des allégeances et les identités multiples, l'intervention éventuelle d'Etats tiers »115. En conséquence, l'Etat-nation n'est plus la communauté fondatrice du système international actuel116. Toutefois, les États forts maitrisent le droit d'entrée et de séjour des ressortissants des Etats plus faibles, qui sont les pays de départ, car « la peur d'un monde plus fluide s'invite dans leurs univers. Nombre de gouvernements cherchent à renforcer le contrôle de leurs frontières. Le processus migratoire est souvent source d'anomie »117. Aussi, sur la scène internationale, un nouvel élément est apparu : « le changement de regard sur la migration »118. Cette politique était abandonnée pendant de longues années, aujourd'hui elle est devenue le coeur du droit international. « James Hollifieds montre que le commerce international et les migrations obéissent à des logiques inverses. Les Etats les plus pauvres poussent à l'ouverture des frontières ; les Etats les plus riches veulent contrôler les migrations et fermer les frontières tout en souhaitant un élargissement du commerce international »119. Or, « la sécurisation de l'immigration n'est pas dépourvue

112 Ibid., p. 38.

113 WIHTOL DE WENDEN (C.), La question migratoire au XXIe siècle : migrants, réfugiés et relations internationales., SciencesPo les Presses, 2017, p. 7.

114 Ibid.

115 Ibid., p. 70.

116 Ibid., p. 7.

117 Ibid., p. 9.

118 Ibid., p. 29.

119 Ibid.

de danger car elle renforce des réseaux transnationaux mafieux »120. Par ces problématiques actuelles d'interconnexion entre les migrations et le transport de criminalités à travers le franchissement des frontières transnationales et internationales, il convient de situer le trafic de faux documents dans cette recomposition du paysage mondial.

52. Idée générale. Le constat de l'absence d'une appréhension juridique du trafic international de faux documents d'identité est alarmant, il est donc nécessaire de proposer des qualifications juridiques du phénomène afin de prévoir et d'adapter des dispositifs pénaux inédits à mettre en place en réaction à cette menace internationale.

53. Annonce du plan. Afin de combler les faiblesses juridiques actuelles en la matière, il s'avère nécessaire de réaliser une analyse prospective des infractions de faux et d'usage de faux documents d'identité intégrée à une organisation criminelle internationale de trafiquants (Titre I), avant de pouvoir proposer d'une surveillance policière inédite au sein d'une organisation criminelle internationale de trafiquants de faux documents d'identité (Titre II).

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120 Ibid., p. 51.

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Titre I : Analyse prospective des infractions de faux et d'usage de faux documents d'identité intégrée à une organisation criminelle internationale de trafiquants

54. Plan prospectif. En droit pénal général, on distingue traditionnellement « au titre des éléments constitutifs de l'infraction quatre composantes : l'élément légal, consistant dans la légalité des incriminations, laquelle suppose a contrario qu'en l'absence de détermination par le droit, il ne puisse y avoir de faute, ni, par conséquent, de peine (nullumcrimen, nulle poena sine lege) ; l'élément matériel, consistant dans la commission effective de l'infraction (qui interdit notamment l'incrimination de la seule pensée coupable) ; l'élément dit moral, selon lequel l'acte n'est incriminable que s'il émane d'une personne humaine dotée de ses facultés mentales et ayant commis une faute ; enfin, l'élément qualifié d' injuste, consistant dans l'absence de fait justificatif de l'action incriminée »121. Or, en utilisant l'idée d'une analyse prospective en la matière, cela remettrait en cause le principe de légalité criminelle prévu à l'article 111-3 du CP. Aller à l'encontre de ce principe par un essai de qualification est pourtant nécessaire avec l'idée de résorber une partie du réseau de trafiquants de faux documents d'identité et d'éviter son surdéveloppement. En effet, le trafic de faux documents d'identité est un phénomène criminel existant qui n'est ni reconnu comme un crime, ni comme un délit par le droit pénal français, européen et international. Toutefois il sera possible de s'appuyer sur des éléments légaux existants pour proposer des éléments constitutifs cohérents afin de lutter efficacement contre ce crime de faux impuni. Ainsi deux éléments légaux seront construits successivement : les éléments constitutifs de l'infraction de faux documents d'identité (Chapitre I) et ceux de l'infraction de l'usage de faux documents d'identité intégrée à une organisation criminelle internationale de trafiquants (Chapitre II). La construction de ces deux éléments légaux révèlera la présence de relations entre les infractions de faux et d'usages de faux au sein de ce type d'organisation internationale (Chapitre III).

121 DUPUY (P.-M), « Infraction en droit international public », Rép. intern., décembre 1998, n° 10.

23

Chapitre I : Analyse prospective de l'infraction de faux documents d'identité intégrée à une organisation criminelle internationale de trafiquants

55. Notion d'organisation criminelle. L'infraction de faux documents d'identité est une infraction de faux spécial. Il s'agit de confronter cette infraction spéciale de faux documents au sein d'une organisation criminelle internationale de trafiquants. Or, la notion d'organisation criminelle est complexe. Selon Jean Pradel, une organisation criminelle peut se définir comme une association durable d'individus motivés par le profit qui mènent des actions illégales coordonnées et qui ont recours à l'intimidation et à la violence122. Quatre raisons principales expliquent la structure d'une organisation criminelle : profiter de la force du nombre et de la réputation de leur bande pour mieux intimider ou prendre le dessus sur un affrontement ; la division du travail permet de réaliser à plusieurs ce qui serait impossible seul ; lorsque les malfaiteurs sont associés, ils se défendent mieux contre la répression ; la mise en réseau permet à l'information de circuler pour donner des tuyaux aux fournisseurs par exemple123.

56. Plan prospectif. Tout d'abord, il s'agira de traiter des conditions préalables à l'infraction de faux documents d'identité appliquée au sein de l'organisation criminelle internationale de trafiquants (Section I), pour ensuite vérifier l'élément matériel (Section II) ainsi que l'élément moral (Section III).

122 PRADEL (J.), DALLEST (J.), (dir.), La Criminalité organisée, Droit français, droit international et droit comparé ; Droit et professionnels., op.cit., 4, p. 7.

123 Ibid.

24

Section I. Les conditions préalables de l'infraction de faux documents d'identité appliquées au sein de l'organisation criminelle internationale de trafiquants

57. Plan. Les conditions préalables à réunir ont affaire à deux branches traditionnellement distinctes du droit pénal, la première concerne le droit pénal spécial alors que la seconde concerne le droit pénal des affaires : l'exigence préalable d'un document administratif officiel ayant une incidence juridique (I) et la présence préalable d'une organisation criminelle internationale de trafiquants (II).

I. L'exigence préalable d'un document administratif officiel ayant une incidence juridique

58. L'élément légal de l'infraction de faux documents d'identité (A) réunit plusieurs conditions préalables : un document officiel (B), un document ayant une incidence juridique (C), un document d'identité français et/ou international valant titre (D).

A) Une condition liminaire : l'élément légal de l'infraction de faux documents d'identité

59. Faux commis dans un document administratif. L'article 441-2 alinéa 1er du CP incrimine le « faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation ». Les supports protégés par cet article sont larges : documents d'identité, cartes grises, permis divers, extraits de registre du commerce. Or, les documents d'identité entrent dans le champ d'application de cet article. Dès lors, l'infraction de faux documents d'identité serait un « faux commis dans un document administratif »124, sur le fondement légal de l'article 441-2 du CP. Pour que le faux soit réalisé, le document falsifié doit au moins présenter l'apparence d'un document administratif. Le faux commis dans un document administratif est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amendes. Par ricochet, le faux document commis sur un document d'identité est puni de la même peine.

124 MALABAT (V.), Droit pénal spécial, Hypercours, Cours et travaux dirigés, Dalloz, 8ème éd., 2018, 1005, p. 609.

60.

25

Présence implicite d'un intermédiaire dans la réalisation du faux document d'identité. « Les articles 441-3 et suivant du CP sanctionnent des infractions proches de celle définie à l'article 441-2 du CP »125. L'article 441-5 du CP réprime « le fait de procurer ou tenter de procureur frauduleusement à autrui un document administratif », ce qui signifie implicitement la présence d'un intermédiaire dans la réalisation du faux document.

61. Participation d'une personne publique à l'obtention indue du document d'identité. De plus, l'article 441-5 du CP réprime « le fait de se faire délivrer ou tenter de se faire délivrer indûment un document administratif ou de fournir sciemment une fausse déclaration ou une déclaration incomplète en vue d'obtenir d'une personne publique, d'un organisme de protection sociale ou d'un organisme chargé d'une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu ». S'agissant d'un faux commis sur un document d'identité, l'article 441-5 du CP sera applicable à partir du moment où une personne publique aura participé à l'obtention indue du document d'identité.

62. Peines complémentaires. En matière d'infraction de faux commis au sein d'un document administratif, les personnes physiques encourent les peines complémentaires prévues par les articles 441-10 et 441-11 du CP126, notamment l'interdiction de séjourner sur le territoire français. Or, il en sera de même concernant les faux commis sur les documents d'identité.

B) Un document d'identité délivré par une administration publique : un document officiel

63. Typologie des administrations publiques délivrant des documents officiels. Au regard de la définition du document d'identité, le champ des supports protégés par le droit pénal concerne « un document délivré par une administration publique », selon l'article 441-2 alinéa 1er du CP. Le juge français a rendu une affaire concernant « la falsification de documents d'identité délivrés par un consulat étranger »127. Pour les autres types d'administrations publiques, le juge français reste

125 Ibid., 1008, p. 609.

126 Ibid., 1009, p. 610.

127 Cass. Crim., 9 oct.1978, Gaz. Pal., 1979., 2., Somm.354; RSC 1979, Obs. A. Vitu.

silencieux. Toutefois, en pratique les préfectures départementales et la préfecture de Police de Paris délivrent la CNI et le passeport pour un citoyen français ; les ambassades et les consulats étrangers peuvent délivrer un visa autorisant un voyage dans un pays étranger.

64. Statuts des agents administratifs. Par définition, le préfet est un haut fonctionnaire chargé principalement de représenter l'État à l'échelon territorial dont les attributions ont été précisé par la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, ainsi que par le décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, modifié par le décret du 16 février 2010. C'est donc un agent public dont les attributions sont prévues par la Constitution à l'article 72. Par essence, « les diplomates et consuls sont protégés par la Convention de Vienne du 18 avril 1961, relative aux relations diplomatiques (art. 31, § 1er, et 38, § 1er). Les consuls, quant à eux, sont protégés grâce à la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires (art. 41 et 43, § 1er). Ces personnes ne peuvent donc jamais être arrêtées pour les crimes ou délits qu'elles commettraient sur le territoire de la République. Cette protection est absolue et sa violation conduit irrémédiablement à une nullité d'ordre public »128. Cette immunité diplomatique s'applique aussi bien aux ambassadeurs qu'aux consuls. En revanche, cette protection des agents diplomatiques ne s'appliquera pas lorsque les actes officiels ont été accomplis en dehors de l'exercice de leurs fonctions, et notamment lorsqu'il s'agit d'une aide à la réalisation d'un faux document d'identité. C'est en ce sens que les juges du fond en 1978 avaient sanctionné la falsification de documents d'identité délivrés par un consulat étranger. En plus de son authenticité, le document d'identité doit avoir une incidence juridique particulière.

26

128 AMBROISE-CASTEROT (C.), « Arrestation », Rép. pén., septembre 2014, n° 105.

27

C) Un document d'identité ayant une incidence juridique : la constatation d'un droit, d'une identité ou une qualité ou accorder une autorisation

65. Prospective sur les incidences juridiques d'un faux document d'identité. Le faux document d'identité doit constater un droit, une identité ou une qualité ou accorder une autorisation129 selon l'article 441-2 alinéa 1er du CP, c'est-à-dire qu'il doit avoir un effet juridique.

66. Constatation d'un droit. La constatation d'un droit correspond à la délivrance d'un permis de conduire. Le permis de conduire constate le droit pour l'intéressé de conduire sur les axes routiers, ou encore sur les axes maritimes130. Que ce soit pour le permis de conduire sur axes routiers ou pour le permis bateau sur les axes maritimes, il est délivré par le préfet du département en vertu de l'article 4 du décret du 2 août 2007 relatif au permis bateau et de l'arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire. Toutefois, le permis de conduire ne constitue pas une preuve d'identité en cas de contrôle de police.

67. Constatation d'une identité. La constatation d'une identité regroupe tous les documents d'identité ayant une force probante en cas de contrôle policier. Par exemple, la CNI et le passeport sont deux titres ayant l'incidence juridique de prouver l'identité légale et biométrique du citoyen français et européen : ces documents d'identité permettent de valider le droit pour le citoyen français et européen de pouvoir circuler librement dans l'espace Schengen, marché unique datant de 1985, institutionnalisé par le traité d'Amsterdam le 2 octobre 1997, regroupant vingt-six Etats membres, dont la France. En ce sens, le contrôle d'identité « Schengen »131 permet « [l'] établissement de l'identité des personnes »132, rejoignant la condition de la constatation de l'identité sur le fondement de l'article 441-2 alinéa 2 du CP.

129 SEGONDS (M.), « Faux », J.-Cl., fasc.20, mai 2015, n° 69.

130 Décret n° 2007-1167 du 2 août 2007 relatif au permis de conduire et à la formation à la conduite des bateaux de plaisance à moteur.

131 VLAMYNCK (H.), Droit de la police, me éd., Vuibert, 2015, 262, p. 285.

132 Ibid., p. 279.

28

68. Constatation d'une qualité ou d'une autorisation. Enfin, la constatation d'une qualité ou de l'accord d'une autorisation ne concerne que les étrangers. Ils doivent présenter les différents types de titres de séjour, temporaires ou permanent, aux officiers de police judiciaire (OPJ). « L'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que, en dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des OPJ »133. On retrouve dans cet article la nécessaire qualité d'étranger avec celle de l'autorisation de circulation et de séjour accordée par la préfecture pendant un temps déterminé, qui est l'incidence juridique du contrôle opéré par les OPJ. En outre, de nombreuses dispositions protègent les documents d'identité français et internationaux valant titre.

D) Les supports protégés : les documents d'identité français et internationaux valant

titre

69. Norme internationale ISO/IEC 19794-5 : 2005. Les documents qui entrent dans le champ d'application de l'infraction de faux documents d'identité sont ceux qui sont régis par la norme internationale ISO/IEC 19794-5 : 2005 qui règlemente des méthodes de photographie d'identité particulière sur les documents d'identité et de voyage français - CNI et passeports - sur le permis de conduire et sur les titres de séjour étrangers. Cette règlementation permet d'établir le type de supports utilisés par les trafiquants. Il en ressort des types de documents précis qui font partie de l'infraction de faux documents d'identité. D'abord, traditionnellement la CNI et les permis de conduire français, européens et internationaux entrent dans le champ d'application de l'étude. Ensuite, tous les types de passeports sont à envisager. Il existe sept familles de passeports selon l'agence centrale des titres sécurisés.

70. Arsenal juridique de protection des passeports. Le passeport ordinaire est voué à disparaitre car le Règlement du 13 décembre 2004 impose à la France de délivrer au plus tard à compter du 28 juin 2009 le passeport biométrique sur l'ensemble du territoire ; ce passeport est délivré par la mairie à la personne concernée.

133 Ibid., 264, p. 288. Cela correspond au « contrôle de la situation des étrangers sur le sol français ».

71.

29

Le passeport « grand voyageur » concernent les personnes qui se déplacent régulièrement en dehors de l'espace Schengen, et qui seront amenées à devoir demander le renouvellement anticipé de leur passeport lorsque toutes les pages auront été tamponnées par des visas et des cachets d'entrée ou de sortie du territoire. Or, la décision de délivrer ce type de passeport relève de la préfecture et la délivrance peut être refusée si la demande ne paraît pas justifiée. Ce passeport peut aussi être délivré à l'étranger auprès d'un consulat ou d'une ambassade de France134. Le format du passeport « grand voyageur » est sensiblement le même que le passeport biométrique, il diffère sur deux points : il contient quarante-huit pages au lieu de trente-deux pages dans un passeport biométrique classique ; l'image de fond de pages diffère de celle du passeport biométrique135. Les pièces justificatives exigées pour un passeport classique le sont également pour ce passeport « grand voyageur »136. Il est demandé de fournir en plus une demande motivée rédigée sur papier libre137. Les modalités de délivrance sont toutefois identiques.

72. Le passeport temporaire ou le passeport temporaire d'urgence sera délivré en cas d'urgence médicale, humanitaire ou professionnelle138. Il peut être fourni par les services préfectoraux en cas de maladie grave ou de décès d'un membre de la famille, en cas de départ imprévu ne pouvant pas être différé dans le cadre du travail139. La demande de ce type de passeport se fait auprès de la préfecture, de la sous-préfecture ou de la mairie. L'ancien passeport devra être restitué. S'il comportait un visa, il pourra être conservé pendant la durée de validité de ce visa. Exception en la matière : le passeport d'urgence ne permet pas de voyager aux Etats-Unis sans visa. Ce passeport ne comporte pas de puce, il est électronique à lecture optique, il a une durée de validité d'un an, et le montant du timbre fiscal est de trente euros, ce qui est beaucoup moins cher que le timbre fiscal de 86 euros pour le passeport biométrique.

134 https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-grand-voyageur

135 Ibid.

136 Ibid.

137 Ibid.

138 https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-temporaire

139 Ibid.

73.

30

Le passeport diplomatique est un document délivré par le ministère des affaires étrangères, et ce ministre fixe par arrêté la liste des bénéficiaires d'un tel passeport140. C'est un document qui permet de faciliter les déplacements de leur titulaire pour aller dans certains Etat et pour y exercer leur mission141. La durée de validité de ce type de passeport est de dix ans au maximum ; il ne peut être utilisé qu'aux fins définies par le ministère des affaires142. A l'expiration de sa durée de validité ou lorsque son utilisation n'est plus couverte par le ministère des affaires étrangères, il devra être restitué. Tout comme le passeport biométrique, le passeport diplomatique certifie l'identité et la nationalité du titulaire. Sur la forme, le passeport diplomatique contient les informations suivantes : le nom, les prénoms, la date et le lieu de naissance, le sexe et, si l'intéressé le demande, le nom d'usage ; la couleur des yeux, la taille ; la nationalité ; la date de délivrance et la date d'expiration du document ; le numéro du passeport ; la signature et l'image numérisées de son titulaire143. Afin de faciliter l'authentification du titulaire de ce document, une puce sans contact contient les données mentionnées ci-dessus à l'exception de la signature ainsi que l'image numérisée des empreintes digitales de deux de ses doigts ; et une zone de lecture optique comportant les mentions suivantes : le nom de famille, le ou les prénoms, le sexe, la date de naissance et la nationalité du titulaire, le type de document, l'Etat émetteur, le numéro du titre et sa date d'expiration144.

74. Le passeport diplomatique urgent répond aux mêmes conditions de formes que le passeport diplomatique classique, sous réserve que ce document sera demandé à titre exceptionnel et pour des motifs de nécessité impérieuse ou d'urgence145. Il est délivré pour une durée maximale d'un an. Afin de faciliter la livraison expresse du passeport, ce titre ne comporte pas de puce électronique146.

140 https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-diplomatique

141 Ibid.

142 Ibid.

143 Ibid.

144 Ibid.

145 https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-diplomatique-urgent

146 Ibid.

75.

31

Le passeport de mission est délivré aux agents civils et militaires de l'Etat qui doivent se rendre en mission à l'étranger ou qui sont affectés à l'étranger147. La détention du passeport de mission n'exclut pas la possibilité de l'obtention d'un visa pour se rendre dans certains pays148. Il est valable cinq ans en sachant qu'il est délivré gratuitement. Il comporte une particularité en plus des autres passeports : la commune de rattachement de l'intéressé ou l'adresse de l'organisme d'accueil auprès duquel il est domicilié149.

76. Le passeport de service est un document délivré aux ressortissants du pays émetteur qui, n'ayant pas droit au passeport diplomatique, accomplissent des missions ou sont affectés à l'étranger pour le compte du gouvernement150. Il peut être délivré à des agents civils ou militaires de l'État, à leurs conjoints s'ils n'exercent aucune activité rémunérée et à leurs enfants mineurs. La durée de validité de ce document est de 5 ans151. La restitution du document est obligatoire à l'expiration de la validité et si l'utilisation n'est plus justifiée152.

77. Régime juridique de protection des visas. Sur les différents types de passeports, un visa peut être apposé. Par définition, « le visa est un document délivré par les autorités compétentes d'un pays, qu'une personne doit présenter lors de son entrée dans un pays dont il n'est pas ressortissant »153. C'est une vignette sécurisée apposée sur un passeport et qui atteste que le titulaire a le droit d'entrée par l'Etat qui l'a autorisé154. Toutefois, un français voyageant dans l'espace économique européen est dispensé de visa155.

78. En Europe, le « visa » est plus précisément défini comme toute autorisation délivrée ou toute décision prise par un État membre qui est exigée pour l'entrée sur son territoire en vu d'un séjour envisagé dans cet État membre ou dans plusieurs États membres, pour une période dont la durée totale n'excède pas trois mois, d'un transit à

147 https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-de-mission

148 Ibid.

149 Ibid.

150 https://ants.gouv.fr/Les-titres/Passeports/Passeport-de-service

151 Ibid.

152 Ibid.

153 http://ants.gouv.fr/Les-titres/Visa

154 Ibid.

155 Ibid.

32

travers le territoire ou la zone de transit aéroportuaire de cet État membre ou de plusieurs États membres156.

79. Le modèle du visa est établi par un Règlement du 29 mai 1995 qui a été modifié 18 février 2002157. Il se présente sous la forme d'un tampon ou d'une vignette autocollante, qui est apposé sur le passeport en cours de validité. Pour les autres pays, le visa est parfois exigé. Pour savoir si le pays de destination exige un visa, il convient de consulter les fiches pays du site du ministère des affaires étrangères. La validité du visa varie selon les lois du pays d'accueil, et selon la loi du pays mentionnée sur le visa lui-même. Il existe d'autres formes de visa tels que les tampons touristiques158.

80. Multitude de titres de séjour. Enfin, les supports relevant des titres de séjour rentrent dans le champ d'application de l'infraction de faux documents d'identité. En effet, les titres de séjour étrangers appréhendés par le droit français englobent la carte de séjour temporaire/annuelle d'un à quatre ans159, la carte de séjour pluriannuelle160, certificat de résidence pour un Algérien161, le visa pour les étudiants ou

156 Ibid.

157 Ibid : Règlement (CE) n° 1683/95 du Conseil du 29 mai 1995 établissant un modèle type de visa modifié par le Règlement (CE) n°334/2002 du Conseil du 18 février 2002.

158 Ibid.

159 Dans cette catégorie, il y a le visa long séjour valant titre de séjour qui permet à certains étrangers de séjourner de quatre mois à un an sans avoir à demander tout de suite un titre de séjour. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F39 ; la carte vie privée et familiale si l'intéressé à des attaches en France, elle permet de travailler, elle est valable un an, renouvelable quand elle est délivrée comme premier document de séjour. Elle est valable quatre ans quand elle délivrée en

renouvellement d'un premier document de séjour. https://www.service-
public.fr/particuliers/vosdroits/F2209 ; la carte séjour salarié/travailleur temporaire, cette carte est valable un an renouvelable. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15898 ; la carte de séjour visiteur : elle oblige à l'étranger à rester inactif pendant plus de trois mois et venant exercer des fonctions religieuses en France. Elle est valable un an reconductible une fois. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F302

160 Cette catégorie englobe la carte de séjour pluriannuelle -passeport talent applicable que pour les étrangers hautement qualifiés, souhaitant investir en France par exemple, ou valable pour les artistes. Elle est valable quatre ans maximum https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F16922 ; carte de séjour pluriannuelle travailleur saisonnier, elle est valable trois ans maximum et renouvelable. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F21516 ; carte de séjour pluriannuelle salarié détaché ICT concernant les cadres et experts, elle est valable trois ans au maximum. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33952 ; carte de séjour étranger retraité ou conjoint étranger retraité, elle est valable 10 ans, renouvelable https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2710

161 Cette catégorie englobe le certificat de résidence d'un an pour Algérien si l'étranger est majeur et qu'il détient un titre pour séjourner en France, le préfet délivre soit automatiquement un certificat de résidence d'1 an vie privée et familiale, soit à titre discrétionnaire un certificat d'un an portant une autre mention (salarié, étudiant, etc.). ; https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2215 le certificat de résidence de 10 ans pour Algérien si l'intéressé a des attaches en France et réside légalement sur le territoire depuis plusieurs années, le certificat peut être remis comme un premier titre de séjour ou après l'attribution d'un ou plusieurs certificats de résidence d' un an. Il est renouvelable https://www.service-

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stagiaires étrangers162, le document de circulation pour un étranger mineur163, la carte de résident d'une durée de dix ans164, les autorisations provisoires de séjour d'un, trois ou six mois165, et enfin la carte de séjour européen166.

81. Evolution législative récente des titres de séjour. Très récemment, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maitrisée, un droit d'asile effectif et une

public.fr/particuliers/vosdroits/F2257 ; le certificat de résidence pour Algérien /conjoint algérien retraité, il faut avoir vécu en France. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F3137

162 Cette catégorie contient le visa ou carte de séjour étudiant après avoir demandé un visa de long séjour valant titre de séjour mention étudiant (valable 4 mois à 1 an). Après un an l'intéresse peut demander une carte de séjour temporaire étudiant (valable 1 an). Si l'intéressé continue ses études, il pourra demander une carte de séjour pluriannuelle étudiant sous conditions de ressources suffisantes. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2231 ; une autorisation provisoire de séjour étudiant si l'intéressé a été récemment diplômé de l'enseignement supérieur et qu'il souhaite travailler en France. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17319 ; visa ou carte de séjour stagiaire impose à l'intéressé de venir en France plus de trois mois pour suivre une formation en entreprise ou à l'hôpital. Si le stage est prolongé, l'intéressé doit demander une carte de séjour en préfecture. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17312 ; Stagiaire aide au pair si l'intéressé est accueilli temporairement dans une famille en France et fait des études. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15813

163 Cette catégorie intègre le document de circulation pour étranger mineur qui autorise le séjour en France du mineur sans obligation d'avoir un titre de séjour, ce document est utile pour tout déplacement hors de France. La personne qui exerce l'autorité parentale sur l'enfant doit en faire la demande en préfecture ou en sous-préfecture en fournissant certains justificatifs. Le document est valable cinq ans et renouvelable. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2718 ; Le titre républicain pour mineur étranger né en France permet à un individu « de prouver son identité et d'être dispensé de visa lors de son retour en France après un voyage à l'étranger. La personne qui exerce l'autorité parentale sur l'enfant doit en faire la demande en préfecture ou en sous-préfecture en fournissant certains justificatifs.

Le document est valable 5 ans et renouvelable ». https://www.service-
public.fr/particuliers/vosdroits/F297

164 Carte de résident de 10 ans pour un étranger : « Cette carte peut vous être remise en 1er titre de séjour ou à l'issue d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle, notamment en raison de vos attaches familiales en France, des services que vous avez rendus à la France ou de la protection qui vous a été accordée » https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2208; Carte de résident longue durée-UE valable 10 ans si l'intéressé à une Carte bleue européenne et qu'il a vécu cinq ans en France sans interruption. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17359; Carte de résident permanent à l'expiration d'une carte de résident de 10 ans ou d'une carte de résident longue durée-UE https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F11201

165 Elle concerne le parent étranger ayant un enfant malade en France https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17336 ; un étranger souhaitant faire une mission de volontariat en France https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17335

166 Cette catégorie comprend la carte de séjour pour citoyen UE/EEE/Suisse qui ne peut pas excéder cinq ans https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F16003 ; la carte de séjour citoyen UE/EEE/Suisse - séjour permanent après cinq de travail et de séjour en France ininterrompu, elle est valable 10 ans renouvelable https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F22116 ; la carte de séjour famille d'un européen si l'intéressé est rejoint en France par sa famille proche d'une validité de cinq ans, elle est renouvelable https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F19315, le carte de séjour famille d'un européen - Séjour permanent, après cinq ans de séjour ininterrompu en France, les membres de la famille peuvent obtenir un séjour permanent, elle est valable 10 ans renouvelable https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F22117; la perte de la carte de séjour par un Européen ou un membre de sa famille ; https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F847 ; le vol de la carte de séjour d'un Européen ou d'un membre de sa famille. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F22118

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intégration réussie, a créé de nouveaux titres de séjour pour les bénéficiaires d'une protection subsidiaire, du statut d'apatride, des étudiants et des « jeunes au pair »167.

82. Nouveau modèle de carte de séjour. Déjà en 2011, un nouveau modèle de carte de séjour a été mis en place pour lutter contre les fraudes, avec non seulement l'intégration d'un composant électronique muni d'une photographie de face du titulaire de la carte à l'intérieur, puis surtout avec une numérotation plus sophistiquée de la carte168.

83. Transition. Une deuxième condition préalable indispensable doit être vérifiée en plus des supports spéciaux entrant dans le champ d'application de l'infraction de faux documents d'identité, celle de l'existence préalable d'une organisation criminelle internationale de trafiquants.

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