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Existe-t-il une stratégie géopolitique de l'aide publique au développement de la France au Sahel ?


par François De Block
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Ecole Normale Supérieure - Master 2 Géopolitique 2019
  

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Figure 30 - Comparaison des dix premiers bénéficiaires de prêts et des dix premiers bénéficiaires de dons bilatéraux sur de l'aide-projet en 2017 (en millions de dollars)

Source des données : OCDE

La prépondérance des prêts et l'insuffisance des dons ont par ailleurs des conséquences sur la capacité de la France à peser dans les orientations des institutions multilatérales de développement. La faiblesse des dotations en dons et en subventions ne permet pas à la France d'orienter les projets des organisations internationales vers les pays prioritaires, qui exigent des co-financements subventionnés (où il suffirait d'apporter 15% du financement total pour être en mesure de l'orienter). Au contraire, les Britanniques, par exemple, sont habiles à se servir de l'effet de levier de subventions plus importantes et sont ainsi capables de mobiliser des sommes importantes dans les pays qu'ils considèrent comme prioritaires en bilatéral comme en multilatéral44(*) (voir figure ci-dessous)

Figure 31- Comparaison des montant en dons sur de l'aide projet entre la France et le Royaume-Uni - 10 premiers bénéficiaires respectifs (en millions de dollars)

Source des données : OCDE

De par la préférence budgétaire accrue accordée au canal multilatéral d'une part, et la prévalence des prêts concessionnels par rapport aux dons-projets sur le volet bilatéral d'autre part, la politique d'aide au développement française a été «  dé-géopolitisée » Elle s'est retrouvée ainsi démunie pour faire face aux besoins des Etats sahéliens au début de la crise de 2013. Sur le plan géographique, l'aide française s'est mondialisée en allant cibler des pays hors du champ d'influence traditionnel de la France, dont des pays émergents et des pays à revenu intermédiaire auxquels la France pouvait accorder des prêts. Sur le plan sectoriel, conséquence de sa multilatéralisation accrue, elle s'est alignée sur le financement des biens publics mondiaux promus par l'UE et les institutions multilatérales, au détriment du financement de certains secteurs-clés pour les Etats sahéliens comme le développement rural. L'insuffisance de ses ressources en dons pour alimenter de l'aide-projet bilatérale et des co-financements multilatéraux a amoindri l'importance de son soutien aux états fragiles et diminue l'effet de levier de son aide publique au développement.

Ces caractéristiques de l'aide française rendaient celle-ci inadaptée au contexte et aux besoins des Etats de la bande sahélo-saharienne. Considérés comme des pays prioritaires de l'aide, Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso et Tchad sont dans les faits marginalisés par une politique d'aide au développement française conditionnée par des choix politiques anciens et discutables.

Malgré ces fortes contraintes l'AFD est parvenue depuis quelques années à recentrer une partie de ses efforts sur l'Afrique et sur le Sahel, en compensant l'insuffisance de ressources en dons en prêtant à des pays dont la soutenabilité de la dette est cependant incertaine, et en négociant des délégations de gestion de fonds de l'Union Européenne, de l'Allemagne et de la Grande Bretagne, parfois au prix d'une complexification administrative et d'un manque de rapidité dans les décaissements.

Ainsi, à l'heure ou le Sahel est devenu un théâtre d'opération militaire dont l'importance géostratégique s'est réaffirmée pour la France, l'aide publique au développement française n'a été pas réellement orientée pour prendre en compte ses intérêts géopolitiques dans la région. Il existe donc bien un déséquilibre dans l'approche des « 3 D », avec une faiblesse et une inadéquation du volet développement par rapport au volet défense et aux intérêts diplomatiques et stratégiques de la France au Sahel. Cela risque de porter atteinte à la présence française dans la région, perçue de plus en plus par certaines franges de la population commune une force d'occupation, et qui forme un terreau favorable à la persistance de la violence et des conflits dans la bande sahélienne. Le modèle de coopération français est aujourd'hui un modèle parmi d'autres au Sahel, concurrencé par les financements de l'UE et de ses Etats membres, l'émergence du bailleur américain dans la région depuis les années 2000 et la récente diplomatie du développement et des prêts de la Chine.

* 44 Site du Sénat - De Raincourt, Conway-Mouret «  Repenser l'aide publique au développement » Rapport d'information n° 728 (2015-2016) fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ( 9 juin 2016).

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