2.2 Les efforts militaires de la
France au Sahel surpassent ses efforts de financement du
développement
De cette vision principalement sécuritaire de
l'intervention française découle un déséquilibre
entre les efforts en matière de sécurité de la France et
ceux engagés pour le financement du développement. En ce qui
concerne les dépenses militaires, au sein du budget du Ministère
des armées, les crédits alloués aux opérations
extérieures de la France sont votés selon les dépenses
mises en oeuvre l'année du vote du budget ainsi que des projets de
déploiement et/ou de retraits de troupes. La provision
budgétaire, inscrite dans la loi de finances initiale, est
destinée à financer les dépenses supplémentaires
qui sont liées à de nouvelles opérations
extérieures non-prévues. Il est ainsi fréquent que le
budget prévu et voté soit en inadéquation avec les
dépenses réelles effectuées en cours d'année.
Pour 2014, le gouvernement prévoyait une diminution du
coût des opérations extérieures avec le retrait des troupes
françaises d'Afghanistan et du Mali. Au final, la dégradation de
l'environnement sécuritaire malien au cours de l'année 2013 a
rendu nécessaire le maintien de l'armée française sur
place.
Figure 17- Provisions et
surcoûts des OPEX 2009- 2017
Source : projets de loi de finance (2009-2017)
Alors que la loi de programmation militaire prévoyait
un coût des OPEX de 450 millions d'euros sur la période 2014-2019,
les dépenses réelles effectuées au titre des OPEX ont
été de 1,11 milliards d'euros en 2014, 1,09 milliard en 2015 et
1,17 milliards en 2016. Cette hausse des dépenses provient de
l'accroissement des surcoûts liés aux opérations
françaises dans le Sahel : jusqu'en 2012, les OPEX
françaises dans la bande sahélo-saharienne ne
représentaient qu'une faible part des dépenses de l'Etat dans les
opérations extérieures, la France n'étant présente
dans la région qu'au travers des opérations Epervier et
EUFORTCHAD au Tchad. A partir de 2013, la France s'implique davantage dans la
bande sahélo-saharienne au travers de l'opération Serval et du
déploiement de la MINUSMA et de l'EUTM Mali, faisant du Sahel le
principal théâtre d'opération des forces françaises.
La figure ci-dessous met en évidence l'importance prise par le Sahel
dans les dépenses militaires françaises à partir de
2013.
Figure 18 - Dépenses
militaires françaises au Sahel 2009-2017
Source projet de loi de finances 2009-2017
L'opération Barkhane est ainsi la deuxième
intervention extérieure en termes d'effectifs et de budget,
derrière la MINUSMA (à laquelle la France contribue
financièrement à hauteur de 7%), et la première force
militaire unilatérale présente dans la bande
sahélo-saharienne. Selon les dernières données disponibles
dans les projets de loi de finances 2019, les dépenses militaires de la
France dans la bande sahélo-saharienne se sont élevées
à 689 millions d'euros en 2017, ce qui représente 50% du total
des dépenses militaires de la France pour cette même année.
En 2015, la France assumait par ailleurs 45% de l'effort militaire de
l'ensemble de la communauté internationale au Sahel, en incluant les
dépenses militaires des pays du G5 Sahel. Cela illustre la très
forte implication militaire de la France au Sahel ainsi que la dominance du
prisme sécuritaire dans la politique sahélo-saharienne de la
France par rapport aux autres acteurs internationaux.
Il est par ailleurs intéressant de comparer les
dépenses militaires de la France dans la bande sahélo-saharienne
avec les flux d'aide publique au développement qu'elle accorde aux pays
du G5 Sahel. Cela permet d'estimer l'importance accordée par la France
aux enjeux de développement dans la région et d'y mesurer ses
efforts réels en matière de stabilisation d'une zone en proie
à de nombreuses vulnérabilités de développement. La
stratégie sahélienne de la France repose, à l'instar de la
stratégie européenne, sur l'articulation entre les «
3D », à savoir, « Diplomate, Défense,
Développement ». Au delà des discours politiques, on
peut ainsi se demander quelle est l'importance accordée au Sahel dans la
politique d'aide au développement de la France, et si celle ci est en
adéquation avec son implication militaire dans la région.
Sur la période 2009-2017, au début de laquelle
la France est présente en OPEX au Sahel au Tchad, la France a
alloué 2,6 milliards de dollars d'aide publique programmable brute par
le canal bilatéral aux cinq pays de la bande sahélo-saharienne.
Dans le même temps, ses dépenses militaires dans le Sahel
s'élèvent à 4,1 milliards de dollars. Pour l'année
2017, les dépenses militaires françaises au Sahel se chiffrent
à 778 millions de dollars, pour une aide bilatérale programmable
de 360 millions de dollars.
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