2.2. La montée en
responsabilité : des missions d'adjoint au chef de bureau
chargé des sujets « mobilisation des ressources
intérieures et développement ».
2.2.1 Nature et contexte de la
mission
Les missions qui ont structuré le deuxième
semestre de mon apprentissage ont été l'occasion d'exercer des
attributions opérationnelles autour d'un portefeuille de sujets en lien
avec les priorités et l'actualité du Service des affaires
multilatérales. Ces missions de long-terme, en phase avec le rythme de
l'alternance, ont été comparables à celles que le chef de
bureau aurait pu confier à un adjoint titulaire. Les raisons qui ont
amené mon chef de bureau à me confier ces missions
élargies sont celles de son départ anticipé du
Trésor et des besoins du service quant aux sujets à traiter dans
le cadre de la préparation de la présidence française du
G7. De début février à fin juillet, j'ai donc
exercé les missions d'adjoint au chef de bureau chargé des sujets
« mobilisation des ressources intérieures et
développement ».
La mobilisation des ressources intérieures (MRI)
désigne la génération de recettes publiques à
partir de ressources nationales, provenant de sources fiscales ou non fiscales
(redevances, licences, prélèvements ou autres revenus). Ce
concept inclut également la capacité de mobilisation de
l'épargne domestique et son orientation vers le financement
d'investissements productifs. La mobilisation des ressources intérieures
est identifiée comme un des leviers du financement du
développement durable de l'Agenda 2030 de l'Organisation des Nations
Unies. Ses bénéfices potentiels pour les Etats en
développement sont majeurs : elle crée un espace
supplémentaire pour les dépenses budgétaires durables et
le financement des services publics, favorise la redevabilité publique
et réduit la dépendance des pays à l'aide
extérieure.
Des analyses préliminaires menées par le
estiment le déficit de financement pour la réalisation des
objectifs de développement durable pour les pays en développement
à environ 2 500 milliards de dollars. Cependant, les pays en
développement qui ont le plus besoin de revenus, comme les États
fragiles et les Etats touchés par des conflits, sont souvent ceux qui
disposent de faibles capacités de mobilisation des recettes et qui
souffrent de mauvaise gouvernance publique. Ils font donc face à de
grandes difficultés pour collecter des recettes et financer leurs
politiques publiques.
Cela est particulièrement vrai pour les Etats d'Afrique
subsaharienne, qui est la région d'intervention prioritaire de la
coopération française. La mobilisation des ressources
intérieures n'y constitue que 60% du financement du
développement, ce qui signifie qu'il existe un déficit de 40%,
généralement comblé par des prêts, un don (sous la
forme d'une aide budgétaire globale) ou d'autres formes de financement
public extérieur. Le taux de pression fiscale, qui désigne le
ratio « montant des recettes d'origine fiscale / produit
intérieur brut », est en moyenne inférieur de 8% pour
l'Afrique subsaharienne en comparaison de l'Asie du Sud-Est et
l'Amérique latine(figure 7).
Figure 7 - Cartes des
recettes fiscales en % du PIB - 2017
La question de la mobilisation des ressources
intérieures et celle de l'aide publique au développement sont
liées en ce que l'APD et l `assistance technique peuvent catalyser
les ressources propres des Etats fragiles à faible capacité et
leur permettre aÌ termes de financer leurs services sociaux de base.
L'approche de la France en la matière sur le plan bilatéral
repose sur la promotion de trois politiques prioritaires, portées par
l'AFD, l'opérateur technique Expertise France et la Direction
générale des finances publiques (DGFIP) :
l'élargissement de l'assiette fiscale, la réduction des
exonérations fiscales et la lutte contre les flux financiers illicites.
Pour ce qui relève des actions multilatérales, la France
contribue chaque année aux centres régionaux d'assistance
technique de l'Afrique de l'ouest et de l'Afrique centrale du Fonds
monétaire international (FMI). Ceux-ci ont pour rôle de fournir
une assistance technique aux Etats sub-sahariens pour renforcer les
capacités des administrations fiscales et douanières,
améliorer la gestion des finances publiques et l'efficacité des
dépenses.
La mobilisation des ressources intérieure est l'un des
volets majeurs de la politique française de coopération et de
développement. Une stratégie interministérielle sur cette
thématique avait été rédigée conjointement
par Bercy et le MEAE en 2011. Lors du CICD de 2015, il a été
décidé de réécrire une stratégie prenant en
compte le contexte de la conférence d'Addis-Abeba sur le financement du
développement et les nouvelles orientations impulsées par l'ONU
autour des objectifs de développement durable (ODD). Les travaux autour
de cette nouvelle stratégie ont débuté en 2017, sur la
base d'une consultation pilotée par le MEAE et la DG Trésor,
incluant l'AFD, Expertise France, les administrateurs représentant la
France dans les organisations multilatérales (FMI, Banque Mondiale,
OCDE), la représentation permanente de la France auprès de l'UE,
et la Fondation pour les études et recherches sur le
développement international (FERDI). Cette dernière a produit une
revue de littérature sur la mobilisation des ressources
intérieures afin d'orienter l'élaboration de la stratégie
française et de ses priorités sectorielles sur le sujet. Elle
définit le sujet de la mobilisation des ressources intérieures,
les actions menées par la France sur le sujet depuis le début des
années 2000, et identifie les problématiques auxquelles sont
confrontées les Etats en développement en matière de
fiscalité et de gestion de recettes. Le travail de rédaction de
la stratégie a été entamé par les adjoints en
charge du sujet en 2017 du côté du Trésor et des Affaires
étrangères.
Dans le cadre de l'élaboration de cette
stratégie, le relevé de conclusion du CICID de 2018
prévoit la rédaction d'un plan d'investissement
stratégique pour le développement sur la mobilisation des
ressources intérieures. Il s'agit d'une nouvelle approche
destinée à assurer une plus grande concentration de l'aide au
développement sur les secteurs et les zones géographiques
prioritaires décidés au niveau politique. Courts et
présentant une programmation d'actions et de financement pluriannuels,
ils ont vocation à améliorer la coordination des
différents moyens d'action et de les concentrer sur des priorités
clairement définies, d'effectuer des arbitrages entre différents
canaux d'acheminement de l'aide (multilatéral et bilatéral) et
d'assurer une prévisibilité à moyen-terme des actions de
la politique de coopération de la France.
Le thème de la mobilisation des ressources
intérieures est également l'une des lignes de force du programme
de travail de la préparation de la présidence française du
G7 de 2019. A ce titre, le service des affaires multilatérales est
chargé de préparer les papiers de position du Trésor sur
les grands enjeux économiques et de développement en plus de
veiller à l'organisation matérielle et logistique du sommet.
C'est dans ce contexte que j'ai été associé aux travaux
préparatoires des positions de la France sur le thème de la
fiscalité et des ressources internes en Afrique subsaharienne.
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