Introduction
Selon les projections démographiques des Nations Unies,
il y aura une population de 1,5 milliard d'habitants pour le continent
africain, dont plus de 1,3 milliard pour l'Afrique subsaharienne à
l'horizon 2030. La répartition de la population va évoluer
profondément pendant cette période du fait du processus
d'urbanisation. Le taux d'urbanisation, qui était d'environ 30 % au
début de la décennie 1990, va passer à 50 % en 2030 selon
UN-HABITAT 20081. L'Afrique subsaharienne connaît le rythme de
croissance urbaine le plus élevé de la planète. Cette
forte urbanisation évoque parallèlement des enjeux plus urgents
à propos de la croissance des zones d'habitat précaire. En effet,
il y a 187 millions de personnes qui vivent dans les bidonvilles dans le monde.
Ce qui représente 61% des urbains au niveau mondial et 40% en Afrique de
l'Ouest avec des écarts importants en fonction des zones
géographiques et des pays.
Au Sénégal, la population urbaine est
passée de 23 % en 1960 à 40 % en 1988 et 45 % en 2013. Cette
croissance urbaine corrélée à une offre insuffisante de
logements, est responsable en grande partie de la prolifération de
quartiers spontanés et précaires aussi bien en zone urbaine
centrale que dans les fronts d'urbanisation. Le déficit de logements est
en partie satisfait par la construction d'habitat spontané estimé
à 30% des superficies habitées à Dakar. Lorsque les
pouvoirs publics ne mettent pas en place une planification efficace et une
politique de l'habitat, ce sont les populations elles même qui planifient
leur espace et définissent leur mode d'habiter. Le nombre d'habitats
spontanés n'a cessé de croître lorsqu'on connait le
potentiel l'attractivité économique de Dakar.
Des politiques de déguerpissements à l'oeuvre
dans les années 1950 jusqu'au début des années 1980, le
traitement des bidonvilles par l'Etat sénégalais a
été tout simplement de déplacer les résidents pour
y installer de nouveaux occupants dans un environnement planifiées car
l'Etat avait besoin de se constituer une classe moyenne émanant de son
administration. Ce qui en réalité ne faisait que différer
les problèmes des quartiers précaires au niveau des
périphéries urbaines. Périphéries qui se sont
retrouvées aujourd'hui au coeur du tissu urbain dakarois. A partir des
années 1980 sous la pression de partenaires internationaux, institutions
internationales et surtout avec la coopération allemandes, la question
des bidonvilles n'est plus perçue par les autorités comme de
l'habitat indigne tout simplement mais comme une
1 Paulais, financer les villes d'Afrique, l'enjeu de
l'investissement local, 2012
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situation née de l'absence planification
généralisée et de politique inefficace du logement. Les
habitants des bidonvilles ont finalement droit à la ville. Dans le cadre
de programmes de restructuration en oeuvre aujourd'hui, il s'agit de trouver
des statuts de propriété sécurisés pour que les
populations améliorent eux-mêmes leur quartier. Les
opérations sont menées de manière participative et la
caution solidaire des bénéficiaires est le garant de
l'opérationnalité des actions à entreprendre. Ainsi un
Programme d'amélioration des bidonvilles a été
lancé par ONU HABITAT (Organisation des Nations Unies pour les
Etablissements Humains) en 2008 et deux grands quartiers de Dakar ont
été choisis pour en bénéficier.
Dans le cadre de mon stage au sein d'ONU HABITAT, j'ai
participé à la mise en oeuvre stratégique et
opérationnelle du PPAB (Programme Participatif d'Amélioration de
Bidonvilles) au Sénégal
Lancé en 2008, le PPAB est destiné à
l'amélioration des conditions de vie des populations
défavorisées en milieu urbain conformément aux Objectif du
Millénaire pour le Développement, le point 7, notamment.
Le PPAB vise à renforcer la capacité de tous
les acteurs urbains y compris les agences gouvernementales nationales et
locales, la société civile et les habitants des bidonvilles
eux-mêmes à travailler ensemble pour améliorer les
conditions de vie dans les bidonvilles et la durabilité des villes
concernées, par le biais de l'analyse situationnelle des bidonvilles,
l'analyse des politiques, le développement de stratégies
d'amélioration des bidonvilles à l'échelle de la ville et
de mobilisation des ressources et la mise en oeuvre participative de projets
pilotes2.
Pour relever ces défis, le programme vise à
travailler avec les intervenants locaux et nationaux sur les principaux projets
d'amélioration des bidonvilles. Deux quartiers à Dakar, Arafat
dans la commune de Grand Yoff et Grand Médine dans la commune de Patte
d'Oie ont été ciblés pour accueillir la phase pilote du
programme de restructuration et de régularisation foncière. Je
suis intervenu plus particulièrement dans la phase de montage des
comités consultatifs de quartier, dans l'élaboration du plan de
restructuration avec les populations jusqu'à la validation des
étapes franchies depuis le début du programme. J'ai
intégré le comité technique de suivi du PPAB en tant que
représentant d'ONU HABITAT au sein d'une équipe composée
de représentants de la FDV (Fondation Droit à la Ville) qui est
maitre d'oeuvre du programme, de la DUA (Direction de l'Urbanisme et de
l'Architecture) et de la ville de Dakar. Ces différents acteurs
constituent le comité technique et se réunissent
2
www.monppab.org
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régulièrement afin de suivre l'état
d'avancement du projet et de prendre en compte les demandes formulées
lors des consultations avec les populations.
J'ai pris part aux rencontres entre les différents
acteurs du PPAB aussi bien dans la cadre de l'équipe pays élargie
à tous les acteurs institutionnels qu'au niveau du comité
technique restreint. Cela concerne également les rencontres avec les
populations bénéficiaires à travers les structures
qu'elles ont-elles même constituées.
J'ai mené des échanges et rédigé des
comptes-rendus que je transmettais au coordonateur du programme au sein d'ONU
HABITAT à Nairobi sous la supervision de mon maitre de stage. J'ai eu
à participer à la conception et à la formulation des
documents qui entrent dans le cadre de la mise en oeuvre du PPAB (note
conceptuelle, documents de projets, stratégie de communication).
L'apparition de l'habitat précaire en milieu urbain est
autant la résultante d'une incapacité physique de la ville
à accueillir et loger les nouveaux citadins, autant elle relève
d'une absence de planification économique et territoriale à long
terme et d'une politique de l'habitat inefficace et discriminante. Ces leviers
d'intervention à la main des autorités politiques sont
décisifs d'autant plus qu'il impulse le type de paysage urbain, la
qualité du cadre de vie et l'attractivité économique d'une
ville.
Dans un premier temps nous présenterons le cadre
législatif et l'état de la planification urbaine au
Sénégal, le contexte de la planification urbaine, le
système d'acteur, les documents de planification existant et notamment
celui en cours de conception qui concerne le PDU 2035. Dans un second temps il
sera question d'entrer plus en détail sur le déroulement du PPAB.
Autant sur l'organisation institutionnelle qui pilote sa mise en place, le
contexte urbain des quartiers cibles, la démarche participative et son
déroulement ainsi que le volet opérationnel de la restructuration
urbaine et la régularisation foncière. Enfin nous apporterons un
regard plus distant vis-à-vis des missions effectuées pour
soulever un certain nombre d'éléments qui entravent le bon
déroulement du programme. On apportera également des observations
sur l'organisation et le déroulement opérationnel du projet ainsi
que la pertinence du projet sur et son impact réel à long terme.
Par ailleurs nous évoquerons certains facteurs politiques et structurels
qui ont favorisé la naissance des quartiers spontanés au
Sénégal
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Structures d'accueil et missions principales du
stage
Vieille de 40 ans, ONU HABITAT est une organisation des
Nations Unies pour les Etablissements Humains qui aide les citadins pauvres en
transformant les villes pour en faire des lieux plus sûrs, plus sains et
plus verts offrant davantage d'opportunités et où chacun peut
vivre dans la dignité. ONU HABITAT collabore avec des organisations
à tous les niveaux, dans toutes les sphères gouvernementales, la
société civile et le secteur privé en vue de construire,
gérer, planifier et financer le développement urbain durable.
Aujourd'hui face à l'enjeu de taille d'une population
plus importante dans les agglomérations urbaines, son ambition est de
faire en sorte que les établissements humains dans les villes,
répondent à un minimum de standard en termes de cadre de vie, de
confort mais aussi en termes de besoin d'infrastructures et de services. Elle
veille à ce que ces établissements soient plus respectueux de
l'environnement et fassent recours à de l'énergie propre et moins
polluantes. ONU HABITAT s'inscrit dans une démarche de soutien aux
efforts que déploient les pouvoirs publics et la société
civile pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le
Développement en matière d'amélioration des services d'eau
et d'assainissement dans les zones urbaines et d'amélioration des
taudis.
Parallèlement à ma mission dans le cadre du
déroulement du PPAB, j'ai été associé au projet de
révision du Plan Directeur d'Urbanisme de Dakar et ses environs Horizon
2035. C'est un projet qui a démarré en Mai 2014 et qui est
menée par l'Agence Internationale de Coopération Japonaise (JICA)
puisque je travaillais au sein de la Direction de l'Urbanisme et de
l'Architecture, maitre d'ouvrage de ce projet
La DUA m'a associé au projet de révision du Plan
Directeur d'Urbanisme de Dakar horizon 2035 notamment dans le cadre du suivi
des restitutions hebdomadaires de l'équipe de la JICA.
La DUA est une direction ministérielle qui
dépend du Ministère du Renouveau urbain, de l'Habitat et du Cadre
de Vie. La mission du Ministère est ainsi définie :
«Préparer et mettre en oeuvre la politique définie par le
Chef de l'Etat dans les domaines de l'urbanisme, de la restructuration et de
rénovation urbaine, de l'habitat et de la construction». Le
Ministre est chargé de la planification urbaine sous réserve des
compétences dévolues aux collectivités locales, veille
à l'aménagement des villes et des agglomérations,
notamment par une action concertée avec le Ministère
chargé de l'Aménagement du Territoire et les Collectivités
Locales en matière d'espaces verts et de loisirs.
Il est chargé de la mise en oeuvre de la politique de
l'habitat. A ce titre, il veille à la qualité des habitations
construites au Sénégal, à leur adaptation au milieu dans
lequel elles sont réalisées ainsi qu'au respect des normes de
construction et d'architecture prédéfinies, en rapport avec les
maires.
Le ministère comporte plusieurs directions3:
> La Direction de l'Urbanisme et de l'Architecture ;
> La Direction de la Promotion de l'Habitat social ;
> La Direction du Cadre de Vie et des Espaces verts urbains
;
> La Direction de la Surveillance et du Contrôle de
l'Occupation du Sol ;
> La Direction de la Construction ;
> La Direction de l'Aménagement et de la
Restructuration des zones d'inondation ;
> La Direction de l'Administration générale et
de l'Equipement.
> Autres administrations rattachées au ministère
:
> l'Agence de Construction des Bâtiments et Edifices
publics ;
> La Fondation Droit à la Ville ;
> Le Projet de construction de logements sociaux et de lutte
contres les bidonvilles ;
> l'Office National de prévention des Inondations.
> La Direction de l'Urbanisme et de l'Architecture est
composée des divisions
suivantes :
> la Division Planification et Règlementation Urbaine ;
> la Division des Opérations d'Aménagement ;
> la division de la Cartographie et des Statistiques
Urbaines ; > la Division de l'Architecture.
Les services déconcentrés que sont les Divisions
Régionales de l'Urbanisme et de l'Habitat et les Services
Départementaux de l'Urbanisme sont placés sous la tutelle
technique de la Direction de l'Urbanisme et de l'Architecture.
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3 Extrait du Programme d'Appui au Renouveau Urbain du
Sénégal, PARUS
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