III. Enjeux et perspectives pour le développement
des musiques actuelles en milieu rural
3.1. Pour le développement artistique et
économique des projets.
Il nous paraît indéniable d'associer le
rôle des acteurs musiques actuelles présents sur le territoire
à celui de véritables agents de développement culturel
local, et donc d'insister sur l'importance d'une prise en compte publique de
ces initiatives, notamment en terme de développement artistique.
Même si l'on peut constater de façon globale sur
les projets musiques actuelles en milieu rural, la contrainte des volumes
budgétaires dédiés entièrement ou en partie, qui
sont souvent peu élevés, il apparaît néanmoins que
ces structures jouent un rôle effectif dans le soutien aux artistes et
aux formations musicales en développement, en leur permettant notamment
d'accéder à leurs premières expériences
scéniques. Le sentiment d'avoir sa place, d'être soutenu et
reconnu par un acteur « légitime » du secteur des musiques
actuelles, apparaît comme un élément structurant pour les
groupes locaux, en mal de véritable interlocuteur sur leur
territoire.
De plus, s'instaurent également avec les musiciens et
les groupes locaux d'autres rapports que ceux tissés au sein des «
circuits habituels de diffusion », que l'on retrouverait
davantage en milieu urbain. L'itinérance et la proximité de
certains projets ont permis de générer une vie musicale locale,
un circuit de diffusion plus alternatif, plus modeste, mais tout aussi
dynamique en termes de circulation et de brassage d'une centaine de musiciens.
L'accueil, la convivialité, l'implication parfois personnelle des
musiciens dans les projets musiques actuelles montrent un certain attachement
à ce rapport davantage qualitatif avec les structures, rapport
peut-être encore trop peu pris en compte par l'environnement
professionnel (producteurs, tourneurs, manageurs, etc.) qui semblent être
les grands absents du développement des groupes en milieu rural.
Pourtant, ces structures peuvent représenter un intérêt
géographique dans la construction des tournées, en permettant une
halte entre deux
101
métropoles. Un constat que Philippe Berthelot au cours
d'un entretien a clairement exposé : si les artistes d'une certaine
renommée viennent bien moins en milieu rural étant donné
le faible apport en matière de communication, d'autres, plus «
volontaires », continuent de venir investir les équipements et
projets, sous la forme de résidence ou d'installation
régulière. Ils y trouvent de nouveaux types d'échanges
avec le public, des contacts humains facilités et une source
d'inspiration dans un cadre dépaysant. Toutefois, malgré ces
rares « volontaires » qui souhaitent toujours venir dans les
structures musiques actuelles en milieu rural, le fait est que celui-ci ne
réussit pas à véritablement capter des artistes de renom,
ni sembler particulièrement attirant, pour peu qu'on en ait
connaissance.
Un désinvestissement qui peut encore s'expliquer par le
manque de visibilité des structures, difficilement combler par un appui
public, peu sensibilisé à ce type de considérations.
Pourtant, il ne faut pas négliger l'économie globale que
représenterait l'articulation de tournées d'artistes en milieu
rural, au niveau national et plus local, via notamment la fonction de
développement artistique des lieux.
Bien que cette « plus-value » en termes de
développement artistique ne soit pas encore forcément mise en
avant dans les projets des structures, elle pose toutefois la question de la
rémunération artistique et du soutien public. Ce sujet doit
revêtir une prise en compte collective, avec l'ensemble des acteurs, afin
de concourir conjointement à un équilibrage territorial,
économique et artistique. Le besoin de solidarité, bien que
fortement partagé entre les acteurs, doit également s'appliquer
à l'échelle des autorités publiques. Il s'agit de donner
les moyens aux structures de s'impliquer véritablement dans
l'accompagnement des groupes en développement et le soutien à
l'émergence. La possibilité de rémunérer une
tête d'affiche par exemple, peut permettre à la fois de
diversifier et d'élargir les publics, d'assurer une meilleure
visibilité du projet, et de générer, de fait, une
économie qui peut impacter au-delà de la sphère de la
structure (restauration, hébergement, etc.). Ce type de dynamique peut
en effet donner lieu à un développement direct ou indirect de
projets extérieurs (le remplissage d'un camping avoisinant par exemple),
selon les besoins liés à l'activité d'une structure
musiques actuelles en milieu rural. Aussi, on peut envisager la conception d'un
schéma de développement qui pourrait concourir à la
création d'une dynamique territoriale en dehors du tourisme estival,
à l'image du festival les Vieilles Charrues. Afin de répondre
à un juste financement des projets culturels et artistiques, ceux-ci ont
nécessairement besoin de l'implication des élus dans la mise en
oeuvre globale de ce type de schéma, ils peuvent en effet être un
relais majeur dans la recherche d'autres sources de financements, dans
l'incitation au partenariat d'autres acteurs
102
issus du secteur commercial. En effet, ce qui se joue en
parallèle des projets culturels, relève du développement
économique global, et de l'apport de services sur le territoire.
Les enjeux de développement économique des
projets musiques actuelles sur le territoire rural du Gâtinais restent
encore à développer. Il s'agit d'affirmer la
nécessité de développer le modèle économique
des lieux en prenant en compte l'ensemble des mécanismes de
fonctionnement du secteur musical. La précarité croissante du
salariat associatif nécessite également de trouver des solutions
durables à travers une meilleure appréhension publique des
mécanismes de structuration. Si les retombées économiques
sur la vie locale sont toujours difficiles à évaluer, il ne faut
pas sous-estimer l'attractivité que peut générer un projet
culturel sur le territoire. Nombreux sont les exemples qui aujourd'hui
permettent d'envisager la culture comme vecteur de développement
territorial et économique. Il en va de l'attrait que peut
représenter un projet culturel territorialement ancré. Et c'est
ce à quoi nous souhaitons prolonger nos prochaines réflexions.
|