1.3. Le festival, une ressource nécessaire en
matière de diffusion musicale
L'engouement pour les festivals ne se limite pas à
quelques grandes agglomérations, il se diffuse jusque dans les petites
villes et villages, et pas seulement touristiques. Certes, les festivals sont
des activités ponctuelles, mais ils peuvent mobiliser des acteurs
pendant toute l'année. On peut d'ailleurs citer le célèbre
festival de Marciac, le festival les Vieilles Charrues à Carhaix, mais
aussi un grand nombre de festivals plus modestes, qui, pour certains, ont
vocation à faire connaître et diffuser les cultures du monde en
milieu rural. Ils sont de plus en plus perçus comme un véritable
levier au développement local, impactant économiquement,
socialement et culturellement certains territoires. L'exemple de Jazz in
Marciac est révélateur de cette dynamique : alors que le village
de Marciac était menacé de désertification, le festival
dont le maire en est aussi le directeur artistique, a notamment permis
d'accroître son nombre d'habitants, de procéder à des
travaux de réaménagement de la commune (financé par la
région), d'attirer certains promoteurs et entreprises (Pierre et
Vacances y a installé un de ses complexes), et de créer une salle
de concert proposant une programmation annuelle.
Bien qu'aucun festival ne prétende aujourd'hui
être de l'envergure de Jazz in Marciac, il n'en demeure pas moins qu'ils
représentent sur le Gâtinais une source essentielle en
matière d'offre musicale. Tous les festivals identifiés sont
issus d'une initiative individuelle et collective. Bien que la moyenne
d'âge de ces festivals se soit considérablement rajeunie au vu de
l'arrivée récente de certains d'entre eux et la disparition de
plus anciens (La Betterave Musclée par exemple, et ses 15
éditions), c'est justement cette dynamique de création qui nous
interpelle. Elle
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est particulièrement révélatrice d'une
envie de plus en plus accrue de participer au développement d'une offre
sur le territoire. Aussi, l'on peut se demander si cette envie est
motivée par de vrais besoins, comme l'exposent certains organisateurs,
ou si c'est justement cette dynamique qui créée de nouveaux
besoins. En effet, il apparaît que pour au moins deux festivals (Au Bon
Coin festival et LaGrange festival), les organisateurs ont largement
fréquenté le festival Notown et se sont appuyés sur
l'association Musiqafon, en l'intégrant à leur projet. Que ce
soit parce qu'ils considéraient que le festival Notown s'essoufflait, ou
qu'au contraire celui-ci était un modèle à suivre,
l'influence d'un tel évènement est notable sur ces initiatives.
Il est alors possible d'identifier un cercle plus ou moins distinct
d'habitués à l'offre musicale locale, désireux de mettre
à profit cette expérience de spectateur, et bien souvent de
musiciens ayant déjà participé au Notown, au service de
leur propre projet. D'ailleurs, il n'est pas curieux de constater que les
artistes locaux programmés par Musiqafon, le sont aussi dans les
festivals Au Bon Coin et LaGrange, c'est le cas par exemple du collectif
Woulaï, spécialisé dans les sound-system (dubstep,
reggae/dub, musiques électroniques), que l'on retrouve
régulièrement à l'affiche de ses
évènements.
La saison des festivals dans le Gâtinais démarre
à partir de fin mai, pour se clôturer le premier week-end de
septembre. La majorité d'entre eux se concentre entre la fin du mois de
juin et le début du mois de juillet, ainsi que sur les deux
dernières semaines d'août. Excepté le Rainforest et la
Douve Blanche, particulièrement orientés vers un public jeune
(15-25 ans) et financièrement aisé (30€ l'entrée par
jour), l'ensemble des festivals est ouvert à tous les âges et tend
à être accessible au plus grand nombre à travers une
politique tarifaire adaptée (en moyenne 5€ l'entrée, maximum
de 12€). Le public accueilli est vraisemblablement local selon les
organisateurs et est constitué à la fois d'un public jeune et
d'un public familial. Difficile de connaître leur véritable profil
étant donné le manque de données quantitatives, toutefois
il est possible de dégager quelques traits et tendances. Hormis la
présence de quelques têtes d'affiche d'envergure nationale ou
internationale, qui motiveraient un public d'amateurs, le caractère
très local de la programmation nous suggère qu'il pourrait s'agir
à la fois : d'un public pour qui le festival représente une
animation locale, motivé par son caractère festif et une certaine
curiosité ; un public sensibilisé dont l'implantation d'un
festival leur fournit l'occasion d'un sortie culturelle et pour qui leurs
pratiques culturelles sont relativement développées ; un public
d'habitués qui se déplacent volontairement pour un festival
qu'ils ont déjà fréquenté, et dont ils souhaitent
rester fidèles ; un public de « fans » pour qui la
présence d'une ou plusieurs
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formations locales qu'ils connaissent ou soutiennent, souvent
par le biais de leur entourage (famille, amis, proches), est une source de
motivation. La programmation est relativement homogène entre les
festivals, excepté pour le festival Django Reinhardt, où domine
l'esthétique jazz. Ainsi, le rock, le métal, la chanson
française, le reggae, le rap ou encore le hip-hop sont
représentés dans les mêmes proportions dans la
quasi-totalité des festivals.
A l'instar des projets itinérants,
l'éphémère ou la forme festivalière apparaît
comme une caractéristique prégnante en milieu rural, il s'agirait
même d'une nouvelle tendance au regard des quatre nouveaux festivals
créés depuis à peine deux ans sur le territoire. Si cette
évolution peut traduire l'émergence d'une nouvelle dynamique,
elle s'appuie à la fois sur un maillage local de plus en plus investi
par une nouvelle génération d'acteurs ayant suivi et
bénéficié des initiatives des plus anciens, et à la
fois sur une tendance que l'on qualifierait de « néo-rurale »,
chargée d'une vision plus « urbaine » de l'offre, davantage
inspirée des codes et des modèles plus « institutionnels
» notamment en matière de communication (support répondant
à une charte graphique professionnelle, développement d'un site
internet, forte déclinaison des supports, plan de communication),
d'équipements (scènes et matériels professionnels) et
d'organisation (sas de sécurité, carte de paiement
prépayée).
Il transparaît qu'à travers cette
diversité d'initiatives, individuelles et collectives, marquée
par l'itinérance et l'éphémère, qu'une multitude de
dynamiques locales se développe. Toutefois celle-ci tend à
être largement temporaire et à ne pas bénéficier
tout au long de l'année, ni à la population locale, ni aux
formations locales. Pourtant, ces initiatives participent non seulement
à l'animation du territoire, mais recèlent aussi un
véritable intérêt social et local.
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II. L'utilité sociale et territoriale des projets
musiques
actuelles en milieu rural
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