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Musiques actuelles en milieu rural - le cas du gà¢tinais sud seine-et-marnais


par Bilitis DELALANDRE
Université Paris-Est Marne-la-vallée - Département histoire - Master 2 Professionnel « Développement Culturel Territorial » 2016
  

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2.4. Les intercommunalités, une implication encore mitigée

Le mouvement de décentralisation des services de l'État dans les années 1980 a donné lieu à une série de réorganisations administratives sur le territoire, s'adaptant constamment aux nouvelles façons de vivre des citoyens. Après les communes, les départements et les régions, d'autres formes administratives de regroupement ont vu le jour. Créées en 1992 par la loi portant sur l'administration territoriale de la République125 (loi Joxe), les communautés de communes ont été systématisées par la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale126 (loi Chevènement), en 1999, qui instaure la création des EPCI127. Ces lois instaurent de nouvelles échelles, privilégiant l'échelon local, comme étant l'interlocuteur privilégié entre les citoyens et leur territoire. Longtemps parent pauvre de l'intercommunalité, la culture, alors incluse dans les compétences générales des collectivités, est devenue en 2015 avec la loi Notre (relative à la nouvelle organisation territoriale de la

125 Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République

126 Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale

127 Établissements Publics de Coopérations Intercommunales

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République), une responsabilité partagée (art.103). Désormais la culture fait l'objet d'une responsabilité exercée conjointement entre les collectivités territoriales (régions, départements, EPCI) et l'État. La responsabilité n'engage pas les collectivités de façon aussi évidente qu'une compétence obligatoire ou exclusive. Il s'agit principalement de mutualiser les moyens entre collectivités dans le cadre d'un projet culturel commun. Pour les communautés de communes, qui représentent plus de 80% des communes rurales, cette mesure tend à équilibrer les inégalités budgétaires entre collectivités et à impulser une dynamique de coopération pour des projets pensés de manière cohérente sur le territoire. Ce nouveau cadre tendrait à bénéficier au financement des projets culturels, dans la mesure où l'intercommunalité prendrait le relais compensant la faible surface budgétaire de certaines communes.

Toutefois, la prise ou non de cette responsabilité par les collectivités relève de leurs propres initiatives, en effet, elles peuvent décider de ne pas faire appel à cette responsabilité, qui n'a rien d'obligatoire. Selon Philippe Berthelot, des effets pervers peuvent également résulter de certaines dispositions de la loi Notre, entre autres, celle qui ouvre la possibilité d'une délégation de l'instruction et de l'octroi de subventions comporte un risque : la tentation peut être grande pour une collectivité locale de se défausser sur des collectivités plus importantes délégataires. Un élément qui selon Philippe Berthelot pourrait participer à la concentration des moyens sur une structure identifiée, jouant le rôle de pôle sur leur territoire (exemple d'une Scène de Musiques Actuelles qui serait perçue comme largement suffisante pour irriguer une intercommunalité). Une ouverture ambiguë des intercommunalités, qui peut amener à un rétrécissement des initiatives soutenues si les collectivités ne se sont pas mobilisées, le risque étant de voir se déplacer la posture de l'État à une nouvelle centralité sur ces nouveaux échelons territoriaux ou de constater l'absence d'initiative entre eux. Pierre Marie Cugny, ancien directeur des affaires culturelles du conseil départemental, soulignait déjà lors d'un débat organisé par le Pince Oreille en 2007 à propos du manque de dialogue entre les communautés de communes : « Le grand drame, c'est de voir que les territoires ne sont pas encore motivés pour se rassembler et mutualiser les moyens, pour prendre des décisions importantes. (...) Ce sont les mentalités qu'il faut faire évoluer. »128

Sur le Gâtinais, cela se traduit par un manque de visibilité des structures et un investissement financier axé sur les projets ponctuels, les festivals. La communauté de communes des Terres du Gâtinais par exemple, est impliquée de manière disparate dans les

128 Lors du débat organisé lors du 7ème festival Watts Up en 2006, « Les musiques actuelles et l'aménagement du territoire en Seine-et-Marne ».

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projets de son territoire. La Tête des Trains, alors qu'elle agit de manière permanente sur sa localité, n'a jamais reçu de soutien de cette intercommunalité alors que paradoxalement plusieurs de ses communes participent au financement du projet : « Oui m'enfin, Milly-la-Forêt donne quelque chose, Malesherbes aussi et y'a quand même 7 communes dans l'intercommunalité qui donnent des subventions. C'est à prendre en compte quand même ! ». À contrario, l'intercommunalité a contribué au financement du festival des Gâtifolies. D'ailleurs pour ce dernier, l'investissement est notable pour une première édition, de l'ordre de 5000€. Son organisatrice, Christine Amara, a témoigné de l'implication décisive du maire de Boissy-aux-Cailles, également président de la commission Culture et Patrimoine au sein de l'intercommunalité. L'influence de cet élu sur le financement de ce projet, interroge sur les modalités objectives de l'intervention intercommunale et des réelles capacités de cet échelon à s'investir dans la culture de manière cohérente et équitable. Au-delà du soutien très personnel de ce maire, il est aussi apparu que le projet s'inscrivait dans un contexte de stratégies politiques tout aussi décisif : « C'était une interco qui était assez jeune, qui avait pas eu un gros projet porteur culturel et tout, ils me l'on dit après, on apportait un truc sur un plateau d'argent, d'autant plus que je sais pas si vous connaissez l'histoire des intercos mais l'été dernier une loi a été votée et les communes, les intercos inférieures â 15 000 habitants n'ont plus de légalité donc elles sont obligées de se regrouper, donc l'interco de la Chapelle enfin du Gâtinais devait se regrouper donc pour eux il fallait qu'ils arrivent, enfin c'est comme un mariage avec au moins quelque chose pour pouvoir se montrer... donc on arrivait politiquement pile poil quoi ». Un témoignage particulièrement explicite sur l'instrumentalisation politique d'un projet culturel, destiné ici à servir d'outil de valorisation à une intercommunalité naissante. L'intérêt artistique, culturel et social semble bien loin des préoccupations de cette entité en recherche.

L'association Musiqafon déplore de son côté le peu d'implication des intercommunalités sur lesquelles elle inscrit certains de ses projets : « les demandes d'organisation proviennent des communes en direct, mais rarement des intercommunalités, lorsqu'elles existent, et qu'elles se préoccupent de la Culture (essentiellement Moret Seine et Loing pour 5 â 6 événements annuels). 129» La logique du financement ponctuel observée dans l'intercommunalité des Terres du Gâtinais, se retrouve également à l'échelle du Pays de Fontainebleau, qui soutient le festival Django Reinhardt et le Rainforest, et du Gâtinais Val de Loing, qui a soutenu le festival Lagrange. Faute de véritable projet de développement culturel, il semblerait que les intercommunalités s'appuient essentiellement sur les projets portés

129 Extrait du bilan 2013 de l'association Musiqafon.

ponctuellement par les acteurs musiques actuelles locaux. Toutefois, le caractère irrégulier de l'investissement de cet échelon est à relativiser au vu des définitions territoriales encore en cours. En effet, certaines communautés de communes peinent à atteindre le seuil de 15 000 habitants exigé par la loi NOtre au 1er janvier 2017. C'est le cas notamment des communautés de communes des Terres du Gâtinais (11 648 habitants en 2016) et du Bocage Gâtinais (5348 habitants en 2016)130.

Ainsi, nous avons pu constater que les formes d'implication des collectivités dans les projets musiques actuelles sont marquées par des disparités notables entre lieux et entre territoires. En effet, plus les lieux sont excentrés de la ville, plus les financements à l'échelle locale et intercommunale sont rares, voire inexistants. Seuls les évènements temporaires semblent bénéficier de leur soutien. Sans concertation entre les acteurs et sans réelles ambitions politiques, les élus tendraient à renforcer « l'effet vitrine » que peuvent jouer les festivals, et réduiraient la pratique musicale à une simple consommation. Notons que l'implication du département est essentielle pour les structures en milieu rural, qui se revendiquent être des lieux culturels de proximité. Certes les difficultés économiques rencontrées par les communes rurales sont prégnantes mais des difficultés similaires touchent aussi les communes urbaines. De plus, il ne faut pas négliger le poids des représentations dans les prises de décisions des élus, peu sensibilisés aux enjeux du secteur. Au-delà de ses relations plus ou moins complexes avec les collectivités, il convient de recentrer notre réflexion sur les difficultés que rencontrent les acteurs à l'échelle de leur projet et dans leur propre apport au développement des projets artistiques. L'enjeu est de saisir la manière dont les acteurs musiques actuelles interagissent avec leur environnement relationnel, professionnel et local ; et de savoir si ces conditions peuvent participer à l'émergence artistique.

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130 En annexe n° 9 la carte des EPCI en Seine-et-Marne au 1er janvier 2016.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle