2.2. Les difficultés des collectivités
locales
En milieu rural, force est de constater que les politiques
culturelles sont quasi-inexistantes. Au regard des campagnes électorales
locales, les rares fois où la culture est abordée, elle l'est
souvent sous l'angle du tourisme, des loisirs, du scolaire ou dans une
dimension sociale. Bien qu'inscrite dans la constitution, rare sont les
occasions de rencontrer un candidat qui affiche la question culturelle dans son
programme électoral. C'est généralement par le biais de la
préservation du patrimoine, de la lecture publique ou encore de
l'enseignement musical que les politiques départementales,
régionales et de l'État se préoccupent de l'accès
à la culture en milieu rural. Quelle que soit l'étiquette
politique des élus, leur investissement dans le domaine culturel,
relève davantage d'une politique de communication que d'une
réelle politique culturelle121.
Les modalités d'élaboration des politiques
publiques sont complexes : liant à la fois les conceptions politiques
des élus locaux, leurs visions et le sens qu'ils donnent à leurs
actions, et les marges de manoeuvre dont ils disposent pour appliquer le
programme pour lequel ils ont été élus. De plus, il faut
ajouter la difficulté pour certains élus d'anticiper les
évolutions démographiques, les mutations sociales en cours,
notamment dans les zones rurales influencées par la ville, qui attirent
de nouveaux ménages.
Philippe Teillet et Emmanuel Négrier soulignent, en
évoquant les situations départementales en France, que «
si la forme est celle de la territorialisation, dans le fond il s'agit
plutôt d'une déterritorialisation des politiques culturelles
»122. Toute la difficulté pour les
collectivités territoriales réside dans la définition d'un
sens politique à donner à leur territoire. Difficulté qui
se traduit par un cantonnement à un soutien ou à la construction
d'équipements pour ressembler aux standards nationaux. Analysées
par Erhard Freidberg et Philippe Urfalino, il apparaît que les politiques
culturelles locales « bénéficie(nt) a priori d'une plus
grande indépendance vis-â-vis de l'État et de ses services
extérieurs »,123 traduisant une certaine forme
d'autonomie des municipalités en terme de choix culturels. À la
différence d'une politique culturelle menée à
l'échelle nationale, les rapports entre les élus locaux et les
acteurs culturels sont plus directs, mais demeurent marqués par un lien
essentiellement utilitaire. En effet, la
121 Philippe Sidre, « Les habitants des milieux ruraux
sont-ils exclus de la culture ? », Drôle d'époque,
05/2006, 18, p. 135
122 Négrier Emmanuel, Teille Philippe in Saez
Jean-Pierre (Sous la direction de ), Un lien â recomposer ,
Éditions de l'Attribut, 2008
123 Freidberg Erhard, Urfalino Philippe, Le jeu du
catalogue, les contraintes de l'action culturelle dans les villes, La
Documentation française, 1984
7'
politique culturelle locale se caractérise davantage
par une accumulation d'équipements et de domaines d'intervention, ce que
les auteurs nomment « le jeu de catalogue », plus que par une
réelle coopération, cohérente et réfléchie,
entre les différents secteurs et sans véritable attention
portée à leurs problématiques.
Selon Philippe Berthelot, les élus locaux
considèrent généralement que le développement des
musiques actuelles sur leur territoire est comme extérieur à eux,
principalement lié aux jeunes ruraux qui s'autogèrent. Certains
perçoivent d'ailleurs l'activité de ses acteurs musiques
actuelles comme relevant de l'exploitation commerciale, des lieux lucratifs qui
ne nécessitent pas d'investissement public. Peu associées dans
l'imaginaire collectif, et chez certains élus locaux, au monde rural,
les musiques actuelles seraient du ressort des villes et des pôles
urbains.
Ainsi, la culture et son développement territorial
seraient aux mains d'élus locaux dont les compétences en
matière de culture demeurent relatives, individuelles et peu
légitimes. Ceux-ci, nous l'avons vu, manquent de critères
objectifs dans leurs choix culturels. Ils se sont généralement
dotés d'équipements, des « services de base »
'24(bibliothèques, école de musique) mais dans un
contexte de rationalisation des dépenses, la création
d'équipements s'est ralentie, donnant davantage de place aux projets
moins pérennes aux aspects territoriaux et sociaux. Une évolution
qui s'explique en partie par les critères de financements établis
par les différents partenaires territoriaux (départements,
régions, intercommunalités, Union Européenne)
désormais indispensables à ces logiques de projets et de
coopérations impulsées par l'État.
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